Pour transformer le monde grâce à l’art, à quoi donc pensait l’apôtre Wagner ? Quels sujets l’occupaient particulièrement ? De 1865 à 1882, Richard Wagner (1813 – 1882) écrit ses impressions sur quantité de sujets liés à son quotidien. La période est d’autant plus riche qu’elle correspond à la maturité, de la création de Tristan en 1865 à Parsifal en 1882, année de sa mort…
Au départ Cosima l’amante éperdue offre un carnet en cuir brun (avec reliure agrémentée de pierreries) à celui qu’elle adore mais auquel elle doit renoncer sur l’ordre de son père Franz Liszt, car c’est une femme mariée, l’épouse du chef Hans Von Bülow. Dans ce carnet de déploration (conservé au Musée de Bayreuth), l’amant couche d’abord son désespoir, puis après que Cosima ait divorcé de Bulow, qu’elle se soit mariée avec Richard, ce dernier poursuit dans son cahier, une rédaction régulière, constituant ce qui est devenu un journal intime … A partir de 1868 quand le couple qu’il forme à présent avec Cosima s’établit à Tribschen, Wagner confesse ainsi ses pensées personnelles pendant presque 15 années, et au cours de ses nombreux déplacements à Vienne, Genève, Munich, en France et en Italie.
Première traduction française du Carnet Brun
Dans l’intimité de Wagner
Y consignant des esquisses multiples, l’amorce de projets musicaux et poétiques souvent de première importance : poèmes, sujets, notes et réflexions d’un penseur de l’art, toujours curieux, exigeant, en quête. C’est le miroir d’un créateur unique, d’un génie, artisan du théâtre total ; chant, théâtre, musique sont abordés sans filtre, pour lui-même… on y relève des annotation sur ses relations avec son principal mécène : financeur de tous ses opéras à compter de Tristan und Isolde (1965), Louis II de Bavière, le cousin de Sissi et que Richard appelle son « Parzival » ; ses opinions sur le chant et les « bons chanteurs » (dont surtout le Helden tenor, créateur de Tristan, Ludwig Schnorr) ; les faits d’actualité, la politique, les sciences, sur les compositeurs dont Beethoven… Quantités de projets ou de premières versions sont ainsi dévoilés : au départ Parsifal dans l’opéra qui porte son nom devait rencontrer Tristan … pour en somme un tableau de chevaliers en recherche d’idéal.
Tout génie a un orgueil démultiplié à tort ou à raison : dans le cas de Wagner, il est décuplé car l’auteur du Ring se nomme « l’esprit allemand », conscient comme peu de sa propre germanité ; obsédé par le destin des héros germaniques par excellence Siegfrid et Tristan
Cosima, seule lectrice du journal de son époux, donne l’opus à sa fille Eva en 1908, laquelle en fait don aux archives de Bayreuth en 1931. Le texte n’est publié qu’en 1975 (en allemand). C’est la première édition française (traduit de l’allemand par Nicolas Crapanne), enrichie d’un dispositif critique (introduction, notes, biographies des personnalités citées par Wagner dans son texte…). Incontournable. CLIC de CLASSIQUENEWS
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CRITIQUE LIVRE événement.« Le Carnet brun / Journal intime, suivi du Portefeuille rouge » (Das braune Buch / Die rote Brieftasche), de Richard Wagner. Traducteur : Nicolas Crapanne, avec Marie-Bernadette Fantin-Epstein, Eva Perrier et Solange Roubert, Jean-François Candoni (préface), éditions Gallimard, 384 pages – parution : mars 2023
PLUS D’INFOS sur le site de l’éditeur Gallimard : https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782072943331-le-carnet-brun-journal-intime-1865-1882-richard-wagner/