samedi 12 octobre 2024

CRITIQUE, opéra. SALZBOURG, le 13 août 2023. MARTINU : the Greek Passion / La Passion grecque. Maxime Pascal / Simon Stone

A lire aussi

Salzbourg 2023 a eu le nez fin et la vision juste pour choisir d’exhumer ainsi l’ultime opéra de Martinu (création posthume à Zurich en 1961) : « La Passion grecque » (d’après le roman de Níkos Kazantzákis, fameux pour Zorba le Grec) est une rareté absolue dont l’acuité dramatique, les sujets, les thèmes sous jacents font écho à notre actualité migratoire (que le metteur en scène Simon Stone exploite habilement). Musicalement, les Wiener Philharmoniker sous la direction de Maxime Pascal s’avèrent percutants. 

 

Les villageois de l’Attique profonde se préparent pour la Semaine Sainte : dirigés par le pope Grigoris, chacun doit tenir un rôle dans le Mystère de la Résurrection qui sera représenté … mais des réfugiés guidés par le prêtre Fotis, se présentent chassés de Turquie ; le pope inflexible ordonne qu’on les chasse car ils pourraient transmettre le choléra !

A travers le personnage qu’il doit incarner, confronté à une situation dramatique et tragique, chacun se dévoile : la veuve Katerina qui joue Marie-Madeleine soignent les opprimés (somptueuse Sara Jakubiak douée d’une présence sensuelle intense), comme surtout Manolios (solaire et très engagé Sebastian Kholhepp) qui incarnant Jésus et secourant les migrants, sera tué par Panais (lequel velléitaire au début avait refusé de jouer Judas : Julian Hubbard tout aussi crédible).  Saluons aussi l’impeccable Yannakos de Charles Workman (précis, articulé, très juste) ; 

Sur scène, le Mystère se réalise au delà du prétexte initial. La force du drame de Martinu joue des registres simultanés, dans l’action : strates dramatiques qui renforcent et exacerbent puis libèrent aspirations et natures ; dans l’écriture musicale, chants orthodoxes, et motifs tchèques portés par une prosodie précise et souple. Le geste clair, affûté du chef français rétablit l’originalité et la violence du sujet comme les accents très subtils d’une musique nerveuse et contrastée. Les chœurs (des réfugiés et des villageois / Choeurs de l’Opéra de Vienne et Maîtrise du Festival) attisent la charge fraternelle et sociétale des situations. 

On aurait imaginé exploitation plus évidente et générale du Manège des rochers, ses galeries à arcades si graphiques et suggestives : seul un niveau est utilisé pour les migrants écartés, exilés, tenus à distance. Mais Simon Stone, maître des mouvement de foules, sait exprimer la complexité du sujet des migrants, particulièrement aigu aujourd’hui : l’inscription « refugees out », puis le sang maculant le sol en fin d’action en disent assez sur la tragédie contemporaine qui est loin de s’amenuiser. L’approche intelligente, épurée, débarrassée des fatras confus habituels sert idéalement la justesse du sujet. De quoi réhabiliter une partition méconnue de Martinu. Mémorable. 

 

 

_______________________________

CRITIQUE, opéra. SALZBOURG, Felsenreitschule (Manège des rochers), le 18 août 2023. MARTINU : La Passion grecque. Maxime Pascal, direction / Simon Stone, mise en scène. 

Opéra en 4 actes (création 1961)

Libretto de Bohuslav Martinů d’après le Roman « La Passion du Christ » de Nikos Kazantzakis / Crédit photo : SF/Monika Rittershaus – à l’affiche du Festival de Salzbourg 2023 du 13 au 27 août 2023 : dernière, le 27 août 2023 – PLUS D’INFOS, teaser sur le site du Festival de Salzbourg 2023 : https://www.salzburgerfestspiele.at/p/the-greek-passion-2023

 

_______________________________

- Sponsorisé -
- Sponsorisé -
Derniers articles

GRAND-THÉÂTRE DE LUXEMBOURG. La Tendresse de Julie Berès, les 22, 23, 24 et 25 octobre 2024.

Lors du TalentLAB 2019, le public avait découvert le travail engagé de Julie Berès dans son spectacle "Désobéir", qui...
- Espace publicitaire -spot_img

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img