On connaissait l’engagement de Liszt pour Wagner, de D’Indy pour Franck… L’admiration que porte Poulenc dans ce texte de 1961 pour Emmanuel Chabrier (1841-1894) est tout autant éloquente, réparant un nombre important de préjugés et fausses idées sur l’auteur du Roi Malgré lui, de Gwendoline ou d’España…
L’autodidacte bon enfant, l’amateur jovial gagne ainsi par son confrère plus qu’enthousiaste, une réévaluation décisive dont la biographie ainsi rééditée et complétée, confirme la pertinence. L’éditeur Jean-Philippe Biojout apporte la valeur de ce qui manquait dans le texte originel : la présentation richement argumentée des oeuvres maîtresses du catalogue, L’étoile (1877), Une éducation manquée (1879), España (1883), Gwendoline (1886), Le roi malgré lui (1887), Joyeuse marche (1890), Briséïs (1897), …. autant d’œuvres importantes qui assurent à l’auteur, une carrure essentielle sous la IIIè et IVè Républiques, affirmant un tempérament unique et singulier, alliant génie de la mélodie, raffinement de l’orchestration, surtout délire fantasque et poétique servant une somptueuse originalité.
Poulenc affûte sa plume entre précision et humour, égratignant au passage certains « totems » (dont Saint-Saëns à l’endroit de Franck …). Plus qu’une biographie, le texte témoigne aussi du goût personnel de Poulenc dont l’affectation et la tendresse pour Chabrier se révèle à chaque page.
Les compléments au texte initial concernent aussi le profil du poète « décadent » Catulle Mendès (époux ardent de la belle Judith Gaultier, fille du poète) qui écrivit le livret de Gwendoline ; surtout un dernier chapitre tout aussi argumenté sur l’impressionnisme de Chabrier, c’est à dire moins son esthétique que sa proximité avec les peintres dont Degas (que le représente dans son portrait de l’orchestre de l’Opéra), Sysley, Renoir, mais aussi John Sargent et Monet… surtout Manet qui fut un proche de la première heure et dont le compositeur posséda plusieurs toiles majeures (Un bar aux Folies-Bergères, désormais à Londres, Institut Courtaud). Un sentiment viscéral pour la nature et ses miroitements infinis les unit, comme le rappelle très justement JP Biojout qui cite Chabrier lui-même, en véritable poète panthéiste, défenseur de sa mer « chérie »: « Cette immensité me fait faire mille réflexions, ces levers de soleil, ces couchers avec tous ces tons déorés, violets, ces petites barques au loin…(…) cette mer qui a tous les tons de la palette,du plus clair au plus sombre avec des diaphanéités inouïes… ».
On ne saurait disposer d’un texte biographique plus convaincant, actualisé pour la meilleure compréhension des œuvres concernées.
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CRITIQUE LIVRE événement. Francis Poulenc, Jean-Philippe BIOJOUT : Emmanuel Chabrier – Bleu Nuit éditeur – collection Horizons n°100 – parution : septembre 2023. CLIC de CLASSIQUENEWS – En lire plus sur le site de l’éditeur BLEU NUIT : https://bne.fr/page239.html
Présentation de l’ouvrage par l’éditeur :
… » Cette biographie sur celui qui influença des générations de compositeurs (notamment Debussy, Ravel et Poulenc) se complète de nombreuses illustrations et exemples musicaux, dans une édition révisée et augmentée.
Célèbre compositeur français, Francis Poulenc (1899–1963) a longtemps revendiqué une filliation de certaines de ses œuvres (particulièrement Les mamelles de Tirésias) avec celles de Chabrier. C’est pourquoi il écrivit tout naturellement une biographie sur son prédécesseur en 1961, ici complétée. Le lecteur pourra retrouver sa vie et son œuvre dans le volume que lui a consacré Isabelle Werck (n°35 de cette collection).
Chanteur lyrique français, Jean-Philippe Biojout se passionne pour le XIXe siècle musical français. Il est déjà l’auteur de biographies sur Jacques Offenbach (n°66) et Léo Delibes (n°85) dans cette collection. ».
