Pour son CENTENAIRE en 2024, Fauré méritait bien un ouvrage récent qui a toutes les qualités d’une référence. Élève studieux et charmant de Saint Saëns, Fauré est très vite adopté par les personnalités artistiques influentes du Paris d’alors, – comme Pauline Viardot, le couple de Camille et Marie Clerc,
… sans omettre la confidente et l’amie, Winona Singer, pas encore comtesse de Polignac mais mélomane et protectrice qui sera d’une fidélité à toute épreuve [Fauré en pinçait pour elle]… Paraît aussi Robert de Montesquiou, cousin des Greffulhe, lequel devient son mentor en littérature… personnalité incontournable du milieu artistique (inspirant à Proust le baron Charlus et à Huysmans, Des Esseintes).
Déjà trentenaire, Fauré participe activement, au sortir du conflit franco-prussien et après la Commune, au renouveau de la musique française avec son mentor Saint-Saëns qui créée la SNM / Société Nationale de Musique [1871]. Ils incarnent tous deux l’essor artistique sous la III ème République.
Mélodies, musique de Chambre, orgue… affirment chez Fauré, la sensibilité d’un raffinement exquis. Ce que manifeste en particulier la sonate de 1877, en une période heureuse (Il est alors nommé maître de chapelle à la Madeleine soutenu par Gounod et Saint-Saëns] mais fugace où Gabriel parvient à se fiancer avec Marianne Viardot laquelle se reprend et décline bientôt, créant un drame dont le compositeur ébranlé, aura du mal à se remettre [sa mélodie « Après un rêve » en témoigne].
En outre le texte révèle un wagnérisme assumé en avril 1879 quand il fait le voyage jusqu’à Cologne pour y entendre deux volets majeurs de la Tétralogie, L’or du Rhin et La Walkyrie.
Auteur de la pudeur comme de l’émotivité ciselée, Fauré inspire ici plusieurs chapitres exhaustifs dédiés à ses recueils de mélodies [inspirés entre autres de Verlaine, preuve d’un discernement rare en matière de poésie), ceux symbolistes [dont Le don silencieux, Mirages, ou Chanson opus 94 cette dernière d’ après Henri de Régnier], ses opus chambristes ; les étapes d’une vie bourgeoisie et aimante comme mondaine, n’en déplaise à la jeune épousée, sont évoquées : instants féconds et partagés qu’inspire son mariage avec Marie Fremiet, fille du célèbre sculpteur [1883] ; comme l’approbation de Tchaikovsky rencontré en 1886 à Paris, à propos de son Quatuor avec piano n°15 ; admiration d’autant plus exceptionnelle que le Russe détestait la musique de Debussy.
Un chapitre entier est dédié au REQUIEM [1887] partition sacrée majeure de la période dont la séduction et la profondeur du Libera me comme du Pie Jesu, respectivement pour baryton et soprano, demeurent les pièces emblématiques d’une partition immédiatement célébrée et jouée partout dans le monde. L’ex élève de l’école Niedermeyer connaît la liturgie et le sens des textes sacrés comme peu.
Passionnant est le chapitre [V] dévoilant toutes les musiques de scène d’un Fauré, qui comme Franck, fut particulièrement inspiré par le théâtre et la scène… Caligula, Shylock, Le Bourgeois Gentilhomme, Dolly, Pelléa et Mélisande, Prométhée [créé aux Arènes de Bézier en 1901], sans omettre Le voile du bonheur (musique de scène pour la pièce de Georges Clémenceau, également créé en 1901], sans omettre MASQUES ET BERGAMASQUES, ballet onirique de 1920… en témoignent aujourd’hui, rendant caduque la soi disante inspiration d’un Fauré intimiste uniquement faiseur de mélodies et d’opus chambristes. D’ailleurs opportunément, un chapitre entier est consacré à son unique opéra, Pénélope créé par la ‘wagnérienne Lucienne Bréval en mars 1913 à Monte Carlo.
Le texte admirablement documenté et synthétique, œuvre à rétablir l’évolution musicale et la carrière de Fauré dans son siècle, lui qui occupa progressivement chaque jalon de l’Administration vers une reconnaissance totale, jusqu’à sa nomination comme directeur du Conservatoire (à la succession de Dubois démissionnaire en 1905, après le scandale Ravel lors du Prix de Rome). L’indépendance du discret Fauré alors sexagénaire, non empêtré dans aucune coterie partisane, s’imposait alors d’elle même. L’honnêteté et l’impartialité étant ses qualités cardinales. De fait, le nouveau directeur réforma l’institution parisienne en recrutant de nouveaux professeurs dont Debussy, D’Indy, Dukas, Messager, Cortot et Marguerite Long… Un dernier chapitre referme cette excellente évocation d’un Fauré, génie du charme le plus exquis, maître du clair obscur, régénéré par le goût du mystère et de l’ineffable, qui fusionne le fluide à l’imprévu. Et devient une sorte de génie tutélaire, un modèle inclassable et indémodable pour tous : l’incarnation du bon goût. Incontournable et d’autant plus recommandé avant l’année 2024 qui marquera le Centenaire de la mort [1924].
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CRITIQUE, livre événement. Éric Lebrun : Gabriel Fauré [Bleu Nuit éditeur] collection Horizons n°101 – CLIC de CLASSIQUENEWS automne 2023. Plus d’infos sur le site de l’éditeur Bleu Nuit : https://www.bne.fr/page266.html