Pari gagné : c’est un public très nombreux qui est venu fêter l’ouverture des 45 ans du Festival Piano aux Jacobins (Toujours placé sous la direction de Catherine d’Argoubet et Paul‑Arnaud Péjouan), une ouverture – comme une édition générale – qui se fait sur le thème de la jeunesse. Car la pianiste américaine Rachel Breen, qui a l’honneur d’ouvrir le bal, n’a que 26 ans ! Auréolée de nombreux prix, elle est venue se présenter au public toulousain avec un programme éclectique, mêlant classicisme, romantisme et XXème siècle, en regroupant des ouvrages de Mozart, Beethoven, Berio, Schoenberg, Moussorgski et Chopin !
45ème Festival Piano aux Jacobins : une ouverture en fanfare !
Le concert a débuté avec la Sonate N°10 du divin Amadeus, et l’on sent d’emblée que la pianiste vit dans l’intimité de W. A. Mozart qu’elle joue avec un respect et une affection émouvante. Son interprétation de l’opus mozartien – qui relève le défi de ce grand voyage dans la profondeur de l’âme mozartienne – est toute en finesse, en élégance et en fraîcheur. Avec un très beau sens des nuances et un jeu d’une grande clarté, elle retrouve la pureté mélodique de l’œuvre, sa brillance et sa virtuosité, en toute simplicité. Son piano est lumineux et chantant. Le ravissant thème de l’Andante cantabile du deuxième mouvement était un régal de phrasé, de finesse et de beauté, tandis que l’Allegretto conclusif révèle sa virtuosité discrète et élégante. C’est étonnement sans prendre la moindre pause ou respiration qu’elle enchaîne les 4 Impromptus de Frédéric Chopin, dans lesquels elle intercale en outre (et sans heurt aucun…) des pièces de Berio (Wasserklavier) ou Schoenberg (Fragment) ! Dans les quatre pièces de Chopin, Rachel Breen se montre aussi à l’aise dans les passages retenus joués avec grandeur que dans les passages vifs à la ligne musicale toujours claire, et elle impressionne par sa compréhension profonde de cette musique qui, sous ses doigts, devient évidence pure et surtout reste de la grande musique, là où d’autres peuvent céder au plaisir narcissique de l’effet de manche ou de la virtuosité de façade. Rien de tout cela avec elle : c’est sobre, droit, sans fioriture, respectueux de la lettre comme de l’esprit de la musique !
Après avoir enchaîné les 7 premières pièces, elle s’accorde une minute de pause, puis revient devant son Steinway pour interpréter l’un des himalayas du piano : la dernière Sonate (la 32ème) du grand Ludwig van Beethoven ! Puis, la Sonate n° 32 en ut mineur op. 111 débute par un Maestoso assombri par la pédale et le doigté fortement marqué de la pianiste, avant un déluge d’arpèges, vite coupé dans son élan, pour être relancé encore plus rapidement. Le traitement des variations du second mouvement achève avec une intelligence rare ce concert, auquel s’ajoute l’inévitable bis de J. S. Bach, ici la fameuse “Aria” extraite des Variations Golberg.
Jusqu’au 30 septembre, ce sont en tout pas moins de 15 pianistes de renommée internationale qui viendront faire sonner le Steinway du festival, sous les voûtes gothiques de la magnifique salle capitulaire du cloître du Couvent des Jacobins – dont les attachants Mao Fujita (le 11/9), Arielle Beck (le 12/9) ou encore Nathanaël Gouin (le 13)… pour ne citer que ces trois-là !
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CRITIQUE, festival. TOULOUSE, 45ème Festival « Piano aux Jacobins », le 5 septembre 2024. Rachel Breen (piano). Photo (c) Alexandre Ollier.
VIDEO : Rachel Breen interprète la 3ème « Bagatelle » de Ludwig van Beethoven