Après le succès rencontré par son concert d’ouverture (le 1er octobre dernier), dans cette même salle du Théâtre Municipal de Bragance, la 4ème édition du Festival International de Musique de Bragance (Bragança ClassicFest) s’est achevée (le 12 octobre) par un autre retentissant triomphe – et c’est une salle archi-remplie qui s’est levée comme un seul homme à l’issue du concert donné par les fameux “I Solisti Veneti”, pour une soirée entièrement consacrée au “Prete rosso”, alias Antonio Vivaldi !
Crédit photographique © Andreia Carvalho
Fondée en 1959 par Claudio Scimone (décédé en 2019), la phalange vénitienne a été reprise par le chef véronais Giuliano Carella, qui est bien sûr à leur tête ce soir, avec les fidèles Luciano Dugani comme violon solo et Giuseppe Barrutti comme violoncelliste solo (ils auront droit chacun à un concerto dédié à leur instrument dans la vaste littérature vivaldienne pour violon et violoncelle…).
Le concert débute cependant par un Concerto rassemblant tout l’orchestre (pour cordes sans solistes..), le fameux “Alla rustica” (RV 151), nommé ainsi en raison de son côté quelque peu “râpeux” et “terrien”, dans lequel la phalange vénitienne montre toute l’étendue de sa profondeur et virtuosité. Deux qualités que l’on peut aisément goûter également dans les deux Ouvertures d’opéra qui sont interprétées ce soir, celle de “L’Olimpiade” et de “Arsilda, Regina di Ponto”, qui ravissent par leur entrain ou la générosité de ses sons, mais également une profonde musicalité due à la sensibilité à fleur de peau que l’on connaît de la part de Maestro Carella.
Les deux solistes ont de leur côté l’occasion de briller ou d’émouvoir dans les deux concertos qui leur sont dévolus, le RV 419 pour le violoncelliste et le RV 208 – dit “Grosso Mogul” – pour le violoniste ; un surnom qui reste encore un peu mystérieux même s’il semble qu’on l’ait ainsi désigné pour rendre hommage à sa brillance, pareille à celle du diamant “Il Grosso Mogul”, découvert au XVIIe siècle et qui pesait, paraît-il, 280 carats (et dont le grand J.S Bach n’oubliera pas d’en faire une somptueuse transcription pour l’orgue : le Concerto BWV 594) ! Il y a quelque chose de magique dans cette œuvre où le soliste (Luciano Dugani) doit se montrer héroïque, en affrontant mille et une difficultés d’exécution au service d’une complète liberté et d’une fantaisie complètement assumée. Le mouvement central en forme de récitatif nous porte loin dans des tonalités éloignées et des élans proches de la musique tzigane. Le long finale n’en finit pas d’offrir des multitudes de guirlandes printanières et crépitantes. Quant à son collègue Giuseppe Barrutti, au violoncelle, il rend bien les contrastes du concerto qui lui est dévolu, c’est-à-dire éblouissant dans les passages virtuoses dont il semble se jouer, mais aussi capable d’une grande retenue dans les passages plus lents ou expressifs. Il a un vrai sens de la danse, si important dans les ouvrages de Vivaldi, et du dialogue avec l’ensemble musical. On a souvent l’impression que la musique sort de lui pour passer directement dans son instrument, et cela séduit grandement le public lusitanien qui manifeste, comme nous l’avons déjà écrit, avec beaucoup de ferveur son enthousiasme… récompensé par 3 bis : La Fugue en Ré mineur de Corelli, un autre mouvement des multiples concertos de Vivaldi, et enfin une superbe Fugue due à la plume du très vénitien Tomaso Albinoni !
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CRITIQUE, festival. 4ème Festival International de Musique de BRAGANCE, Théâtre municipal, le 12 octobre 2024. VIVALDI : Concertos et Ouvertures. I Solisti Veneti / Giuliano CARELLA (direction). Photos © Andreia Carvalho
VIDEO : Giuliano Carella dirige « I Solisti Veniti » (en concert à Padoue)