Ce concert proposé par Les Grands Interprètes permet au public toulousain ce soir de se pencher sur un pan de l’histoire assez fascinant. La grande histoire d’abord où une Reine de France, au destin tragique, a toujours voulu être une musicienne voire une artiste. Le théâtre de la Reine à Versailles, construit pour Marie-Antoinette en est la preuve. L’histoire de la musique ensuite car la querelle des bouffons opposant les partisans de l’opéra italien et français fait rage à cette époque. Ce soir c’est la musique française qui gagne.
William Christie honore la musique française depuis plus de 40 ans. Il est le plus à même de guider Sonya Yoncheva dans ce répertoire péri révolutionnaire. Le résultat est fascinant car cette musique est difficile vocalement et stylistiquement. L’association de leurs talents en donne une interprétation à la fois informée et vocalement parfaite.
Si Sonya Yoncheva n’a pas vraiment un tempérament de tragédienne, elle arrive à rendre ses accents touchants et l’émotion naît de la plastique vocale et de sa diction. La soprano qui aborde actuellement les rôles spinto les plus lourds a encore la possibilité d’alléger sa voix pour ce répertoire. La beauté des phrasés qui répondent à ceux de l’orchestre, la subtilité des nuances, la grande beauté des graves et du medium offrent un panorama vocal fascinant. La seule petite scorie vocale concerne un vibrato un peu large dans les aigus. Une grande part de la séduction de « La » Yoncheva est sa superbe diction de la langue française, qu’elle parle parfaitement.
Les pages orchestrales sont également somptueuses. Avec fougue, William Christie impulse une belle énergie à ses Arts Florissants, tout en gardant une élégance aristocratique. Les musiciens sont tous de superbes virtuoses, la harpe remplace le clavecin ce qui apporte un supplément d’élégance au continuo. Les cors naturels sont magiques, les cordes ont un son plein et des phrasés de rêve. La flûte dans le solo des “Ombres heureuses” apporte sa part de magie. Les Arts Florissants sont un des plus beaux orchestres de musique ancienne. La “Danse des furies” est même encore plus impressionnante que lors du double ballets Gluck présenté quelques jours plus tôt au Théâtre du Capitole, dirigé par Jordi Savall et son Concert des Nations. Il faut dire que l’acoustique de la Halle au Grains permet au son de mieux se développer que dans la fosse du Capitole. C’est une chance sur une pièce si emblématique à quelques jours d’intervalle d’entendre ces deux versions superlatives.
La société de concerts “Les Grands Interprètes” ont offert une belle soirée dans laquelle l’entente entre le chef et la soliste semblait parfaite. Le jeu de séduction dans la deuxième partie entre Yoncheva/Marie Antoinette et le maestro dépasse la simple convenance théâtrale, une profonde estime teintée de tendresse existe entre la diva et le vieux Maestro. Ils se connaissent depuis leur rencontre pour le Jardin des Voix en 2006.
Le public a obtenu trois bis tant il a applaudi les artistes, les musiciens de l’orchestre y compris.
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CRITIQUE, concert. Toulouse, Halle aux Grains (« Les Grands Interprètes »), le 5 novembre 2024. MOZART / GLUCK. Sonya YONCHEVA / Les Arts Florissants / W. CHRISTIE. Crédit photographique (c) Pedro-Octavio Diaz.
VIDEO : Audition de Sonya Yoncheva par William Christie pour « Le Jardin des Voix » en 2006