vendredi 23 mai 2025

CRITIQUE, concert. PERPIGNAN, Eglise des Dominicains, le 17 avril 2025. Festival de Musique sacrée (concert de clôture). Tallis, Byrd, Allegri, McMillan…Tenebrae Choir, Nigel Short.

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Pour sa dernière journée, le Festival de musique sacrée de Perpignan propose une soirée réjouissante dont le déroulement dans l’ample vaisseau des Dominicains, entre parfaitement dans son thème : vertiges et séductions choraux s’invitent dans un rituel émaillé de textes sur le thème du Miserere ; le programme dense et progressif, associant divers compositeurs anglais, de la Renaissance à nos jours, tisse un superbe cheminement introspectif.

 

 

De quoi prolonger la haute tenue du programme Telemann, Graupner, Bach par Les Arts Florissants réalisé 2 jours auparavant au Théâtre l’Archipel (LIRE ici notre critique du programme JS BACH / La grande audition de Leipzig, le 15 avril 2025: https://www.classiquenews.com/critique-concert-perpignan-larchipel-le-15-avril-2025-la-grande-audition-de-leipzig-les-arts-florissants-paul-agnew-direction/ )

La ligne et la tenue artistique des 14 solistes composant le Tenebrae Choir est claire, sans faille, du début à la fin : précision et clarté, intensité et profondeur. L’intonation est juste et immédiate ; la cohésion du son magistrale, permettant une palette de nuances et de dynamiques, souvent saisissante. Le chef Nigel Short prolonge ainsi les qualités des King’s Singers dont il fut membre jusqu’à la fondation en 2001 de son propre ensemble : Tenebrae.

Contrairement à son titre, le collectif cultive essentiellement la transparence d’un son pur, dépouillé, lumineux, pilier et matière d’une architecture chorale où la fusion sonore des voix permet cependant la perception des individualités à l’œuvre. Il en découle une passionnante cathédrale sonore qui déploie en cours de soirée, ses volumes et ses formes de plus en plus suspendues.
Le geste est d’autant plus sûr et maîtrisé dans sa propre recherche sonore que la main ultime qui accompagne chaque accord final, reste suspendue plusieurs secondes, creusant d’autant la résonance dernière…. dans un silence riche et actif, bientôt rompu lui aussi par les applaudissements nourris d’un public venu nombreux et immédiatement convaincu par la concentration collective du fabuleux chœur.

 

 

 

Concert de clôture du 39è Festival de Musique Sacrée de Perpignan

vertiges choraux
aux Dominicains de Perpignan

 

 

Le parcours choral relève de la très haute voltige ; il est d’autant plus passionnant à suivre qu’aux déjà écoutés et bien connus Philippe de Rore, surtout Thomas Tallis et William Byrd, les chanteurs ajoutent deux pièces contemporaines de James Mc Millan, compositeur né en 1959 dont le jeu très habile citant les anciens, s’autorise une diversité de séquences superbement caractérisées et expressives, aux contrastes harmoniques alternés, jusqu’à une conclusion lumineuse, en particulier dans la seconde et dernière pièce Miserere (créé au Flanders Festival 2009). Elle s’inscrit avec d’autant plus d’intensité qu’elle forme comme un écho au Miserere d’Allegri, réalisé en fin de première partie. Réservée aux seuls auditeurs de la Chapelle Sixtine au Vatican, [jusqu’à ce que Mozart ne la retranscrive de mémoire], la partition du Miserere d’Allegri, véritable mythe musical et Everest choral en particulier pour les plus grandes chorales anglaises, envoûte ce soir et transporte avec d’autant plus de conviction que NIGEL SHORT en orfèvre des effets sonores, ose une mise en scène spatialisée, avec un 2e chœur au fond de l’église qui exploite à son maximum et de façon idéale, la réverbération permise par l’architecture et le volume des Dominicains. Magistrale proposition, idéalement adaptée à l’écrin des Dominicains. Rendez-vous est pris pour l’édition 2026, d’autant plus attendue que le Festival Perpignanais, qui fait l’honneur de la capitale catalane, fêtera ses 40 ans.

 

 

 

VIDÉO
Miserere de James McMillan par le Tenebrae Choir
(Londres, concert at St John’s Smith Square, avril 2023)

 

 

 

 

CRITIQUE, concert. PERPIGNAN, le 17 avril 2025, Festival de Musique sacrée, concert de clôture. Tallis, Byrd, Allegri, McMillan…Tenebrae Choir, Nigel Short. Photo : © classiquenews

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AUPARAVANT, à 18h30, sur la même scène, le festival accueillait un concert de musique de chambre, intitulé « Incandescence », volet de son partenariat avec le Festival de Prades. Les 4 instrumentistes du Quatuor Vivancos, proposé ainsi par Pierre Bleuse, directeur du Festival de Prades, ont réalisé non sans brio et intériorité, un beau programme Beethoven puis Debussy. Le 11è Quatuor de Ludwig est l’un de ses plus courts, d’un déroulement concis et contrasté ; dans son premier Allegro (con brio), le son très fin du violon I met l’accent sur l’identité double de la séquence : le caractère du rêve contrarié par une réalité abrupte; un miroir des amours contrariés qui plongent le compositeur dans les affres de la passion éprouvante entre désillusion et ardente aspiration ; c’est le temps de la séparation obligée d’avec Thérèse Malfatti … mais aussi la rencontre avec la belle Bettina Brentano, nouvelle adorée. Les quatre musiciens expriment le bouillonnement contrarié et antagoniste des sentiments mêlés, en particulier dans le mouvement lent (« Allegretto ma non troppo », à la fois lunaire, et halluciné) ; puis dans cette forge finale, amère et passionnelle du Finale (« Larghetto expressivo ») où Beethoven, grave et sombre, se dévoile sans filtre.
Même fusion des timbres et intensité sonore dans les audaces harmoniques étonnantes du (seul) Quatuor de Debussy (1893) : les instrumentistes s’ingénient avec autorité à exprimer toutes les nuances expressives et intimes d’une partition qui saisit par sa langueur mystérieuse, ses accents d’une ivresse comme envoûtée. Après les effets de guitare du 2è mouvement (et ses pizz géniaux), les musiciens réussissent tout autant le climat suspendu du 3è (« andantino doucement expressif »), à la fois franckiste et même ravélien dans ses profondeurs allusives ; enfin, la liberté du « Très modéré » final, affirme la justesse de l’approche, la séduction d’une activité incessante dans un cadre idéalement construit qui de façon cyclique, ré expose le thème du premier mouvement…
Enfin, expression de leur maîtrise dans l’audace la plus radicale, les 4 musiciens jouent une pièce extrêmiste et facétieuse signée du compositeur dont il porte le nom (et qui fut leur professeur au Conservatoire de Barcelone) : Bernat Vivancos (né en1973) lequel est présent dans l’auditoire : « Sacrilège » est une pièce aussi courte que provocatrice réalisant dans une sorte de bruitage sonore décuplé, éruptif, frottements, râclements, hurlements râpeux en éprouvant archets et instruments à la limite de l’audible et du fortissimo, en tapant aussi au sol pour surprendre encore l’auditeur. Du point de vue d’un acte musical « sacrilège » (et des plus sonores), le but recherché est indiscutablement atteint.

 

 

 

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