Etranges fêtes de Pâques où le monde chrétien a à la fois célébré la Résurrection du Christ… et pleuré la mort du Pape ! Lundi soir, à la fin d’une longue journée de deuil, les fanfares de l’Oratorio de Pâques de Jean-Sébastien Bach ont répandu leur joie dans le grand Auditorium de la Philharmonie de Paris et obtenu un immense succès. Divins contrastes d’un jour historique au bout duquel triomphe l’espérance !
Christophe Rousset dirigeait ses Talens lyriques et le Chœur de chambre de Namur. Le programme comportait outre l’Oratorio de Pâques deux autres Cantates pascales de Bach, les BWV 66 et 134. Bach, sublime de la première à la dernière note ! La première cantate était traversée à la fois par les sentiments de crainte et des expressions d’espérance. La seconde se présentait sous forme d’un dialogue d’actions de grâce entre l’alto et le ténor. « Auf, auf ! » chantait le ténor pour inviter les croyants à glorifier Dieu.
L’Oratorio de Pâques, qui fait triompher l’éclat de ses Alleluia, évoque aussi la désolation des femmes à l’annonce de la mort du Christ. Un poignant lamento de hautbois monte de l’orchestre. Puis un duo sublime entre la soprano et la flûte, simplement accompagné par le continuo du violoncelle. Une simple voix et deux instruments sans orchestre pour tenir en respect le grand Auditorium Boulez ! Là, d’habitude, explosent les grands orchestres dans les passages monumentaux des Symphonies de Brahms ou de Mahler. On a ainsi la preuve qu’en musique – comme en toute chose d’ailleurs – la qualité ne doit pas être confondue avec la quantité !
Dirigé par Christophe Rousset, Les Talens lyriques ont tissé de la dentelle tout au long de la soirée. Les interventions de la violoniste et du violoncelle solistes firent notre régal. Les bois, rivalisant de délicatesse avec les cordes, faisaient de la broderie, tandis que, de leur côté, trois trompettes « naturelles » (sans pistons, comme à l’époque de Bach), apportaient l’éclat des dorures du baroque flamboyant.
Le quatuor vocal fut dominé par les deux femmes, la soprano russe Anna El-Kashem et la mezzo norvégienne Mari Askvik. Le ténor britannique Nick Pritchard, au beau timbre et au phrasé élégant, manquait cependant de graves, tandis que le baryton norvégien Halvor Festervoll Melien (pour Edwin Crossley-Mercer initialement annoncé), à la voix peu timbrée, assura néanmoins sa partie avec autorité. Enfin, malgré des attaques parfois dures, le Chœur de chambre de Namur a donné tout l’éclat voulu à ses interventions.
Tous ont fait triompher Bach à Pâques dans l’apogée de cette journée dont on se souviendra !…
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CRITIQUE, concert. PARIS, Philharmonie, le 21 avril 2025. BACH : Cantates et Oratorio de Pâques. Choeur de chambre de Namur, Les Talens lyriques, Christophe Rousset (direction). Crédit photographique © André Peyrègne