Comme unique ouvrage lyrique du « Nouveau (?) Festival Radio France Montpellier Occitanie« , le public des festivaliers n’a pas eu droit à un titre rare ou oublié du répertoire, marque de fabrique de “l’ancien” festival, mais à un pasticcio autour du mythe de Médée, figure tragique s’il en est, ici parodié et abordé sous la facette de la comédie, selon une pratique courante à l’époque baroque. C’est tout cet esprit de théâtre de tréteaux que Pierre Lebon (qui signe les décors et les costumes) recrée ainsi avec… de vrais tréteaux de théâtre, auxquels il a ajouté l’épave du navire Argo et quelques colonnes du palais de Créon. Les costumes sont aussi hétéroclites et bigarrés, à l’instar de Médée, grimée ici en quelque toréador gothique ! La dizaine d’instrumentistes n’est pas en reste, costumé en marins tout de rouge vêtus, chapeaux compris. Ces derniers entre-coupent des airs et danses baroques de pièces plus farfelues, telle la valse de la “Symphonie fantastique” de Berlioz puis un air de Bossa Nova !
Médée et Jason à Montpellier
Pochade échevelée mais inaboutie
C’est dans cet esprit foutraque que l’équipe de comédiens-chanteurs se démène pour faire vivre le spectacle, à commencer par les deux principaux héros incarnés par Lucile Richardot (Médée) et Flannan Obé (Jason). La première s’illustre par son jeu toujours très percutant et sa voix profonde, même si la durée et la nature des airs retenus ne permettent pas d’y goûter pleinement, ce qui fait naître quelque sentiment de frustration chez nous…
Plus acteur que chanteur, Flannan Obé ne dispose pas moins d’une jolie voix de ténor, aussi claire que bien projetée. Très maniéré et féminin, comme on en a souvent l’image de l’aristocratie masculine des XVIIe et XVIIIe siècles, il est impayable dans ses nombreuses mimiques et facéties. Matthieu Lécroart (Créon) apparaît lui en vieillard cacochyme tandis que sa fille Créuse, incarnée par Ingrid Perruche, est une vraie tête à claques, secondé par la vieille Cléone (Eugénie Lefebvre) dont le personnage fait penser à une sorcière (avec son balai qu’elle ne quitte pas !).
Même si le théâtre l’emporte de loin ici sur la musique, le chef baroque Louis-Noël Bestion de Camboulas – à la tête de son ensemble Les Surprises – n’en dirige pas moins avec brio (depuis son clavecin) une fine équipe pleinement impliquée dans l’action théâtrale, jouant ainsi parfois tout en étant en mouvement et en interagissant avec les chanteurs, ce qui n’est pas la moindre fantaisie de cette pochade échevelée qui distille néanmoins un certain sentiment d’inaboutissement…
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CRITIQUE, concert. MONTPELLIER, Opéra Comédie, le 20 juillet 2023. MÉDÉE et JASON (pastiche créé à partir d’ouvrages de Rameau, Charpentier, Destouches, Lully, Campra, Marais…). L. Richardot, F. Obé, I. Perruche… P. Lebon / L. N. Bestion de Camboulas. Photo © Marc Ginot
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