Nous avions quitté Nikolaj Szeps-Znaider à la tête de l’Orchestre National de Lyon (dont il est le directeur musical depuis 2020) avec une étreignante 9ème Symphonie de Mahler, en mars dernier, pour mieux le retrouver diriger une bouleversante 6ème Symphonie (dite “Pathétique”) de Piotr Illitch Tchaïkovsky, toujours dans l’écrin de bois clair de l’Auditorium Maurice Ravel de Lyon, avec les deux fois ce même long silence après les dernières mesures (déchirantes) des deux ouvrages, respectées par un public lyonnais attentif, sensible et connaisseur.
La soirée débute par l’habituel tour de chauffe de l’orchestre – et si l’Orchestre Symphonique de Porto avait choisi l’Ouverture du Freischütz quelques jours plus tôt à la Casa da Musica de Porto -, c’est ici celle d’Oberon, du même Carl Maria von Weber qui a été ici retenue. Une mise en bouche qui permet de goûter au son rutilant de la phalange rhône-alpine, et de l’excellente santé de ses différents pupitres. Puis c’est au tour du pianiste new-yorkais Garrick Olssohn (né en 1948), Lauréat du fameux Concours international de piano Chopin en 1970, de faire son entrée sur le vaste plateau de la salle de concert, pour interpréter le très romantique Concerto pour piano et orchestre en La mineur op. 54 de Robert Schumann. Le pianiste étasunien y déploie un jeu très concentré, avec de bien belles couleurs, bien fondues, à l’unisson d’un orchestre très attentif. On l’a compris : voici un beau Schumann, plus équilibré que flamboyant, d’un romantisme tempéré, avec quelques menus décalages et un manque d’ardeur liés à l’âge de l’artiste, mais que compensent une musicalité et une séduction de jeu acquis grâce aux années. En bis, il offre la célèbre Valse en ut dièse mineur (opus 64 n° 2) de Chopin, d’un superbe raffinement.
Après la pause, place à la grandiose et terrifiante 6ème Symphonie de Tchaïkovski, dans laquelle le chef danois donne le meilleur de lui-même, avec une autorité et une ardeur peu communes qui distille à sa phalange un éclat et une puissance exceptionnels. Il offre ici en effet une interprétation poussée “aux limites”, avec toute l’intensité et la présence dont sont capables les instrumentistes de l’ONL. S’il fallait qualifier d’un mot cette Pathétique, nous dirions qu’elle est d’un rayonnement exemplaire. Sacrément élégante, aux tempi généralement vifs, aux phrasés toujours expressifs sans pathos excessif, aux couleurs aussi diversifiées que les différents climats qui parcourent l’œuvre l’exigent, avec un beau soin apporté aux lignes musicales. Bref, une ultime symphonie de Tchaïkovski qui conclut la soirée en beauté, et qui laisse entrevoir de beaux lendemains entre le chef et son orchestre, surtout après l’annonce, le jour même, de l’incroyable Nouvelle saison 24/25 proposée par L’Auditorium-Orchestre National de Lyon, et ses quelques 160 concerts, dont pas moins de 20 seront dirigés par Nikolaj Szeps-Znaider !
Mais osons un hommage en guise de conclusion, car c’est le chef britannique Sir Andrew Davis, chef régulièrement invité par l’ONL et qui devait diriger ce concert, mais le destin en aura voulu autrement, et le grand chef d’orchestre est parti rejoindre les Anges musiciens le mois dernier…
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CRITIQUE, concert. LYON, Auditorium Maurice Ravel, les 15 & 16 mai 2024. WEBER / SCHUMANN / TCHAÏKOVSKY. Orchestre National de Lyon / Garrick Ohlsson (piano), Nikolaj Szeps-Znaider (direction). Photos (c) Emmanuel Andrieu.
VIDEO : Niolaj Szeps-Znaider dirige l’Orchestre National de Lyon dans la 3ème Symphonie (dite « Héroïque ») de Ludwig van Beethoven