CD événement, annonce. DANIEL LOZAKOVICH, violon : NONE BUT THE LONELY HEART (1 CD NONE BUT THE LONELY HEART)

daniel LOZAKOVICH tchaikovsky none but the lonely heart cd annonce critique review cd classiquenews critique cd classiquenews 4836086CD événement, annonce. DANIEL LOZAKOVICH, violon : NONE BUT THE LONELY HEART (1 CD NONE BUT THE LONELY HEART). DG 2… Legato fluide et aérien, sonorité solaire et pourtant investie, miracle d’articulation et d’élégance stylistique… c’est peu dire que ce déjà second album du violoniste suédois, véritable prodige du violon, DANIEL LOZAKOVICH né en suède en 2001 confirme les qualités que nous relevions alors dans son recueil JS BACH (Partitas) édité chez DG en juin 2018. La maturité lui va à ravir dans le choix judicieux, naturel du pourtant très délicat Concerto de Tchaikovski, l’opus 35 en ré majeur, où en 1878 Piotr Illiytch se reconstruit en Suisse après la berezina de son mariage avec Antonina Milukova : le compositeur a probablement eu la révélation définitive de son homosexualité au moment de ses noces malheureuses… Le ton élégiaque et tragique alternent constamment dans cette lecture investie, pudique, profonde, d’une musicalité inouïe, que l’on avait pas écouté ainsi avec autant de sensibilité et de naturel depuis… Vadim Repin (son prédécesseur chez DG). Mais Lozakovich montre que ses allures de Petit Prince ne sont pas usurpés : un miel de pure poésie habite de jeune homme et colore de façon spécifique son jeu d’une absolue sensibilité. L’interprète ajoute un surcroît de fragilité et d’incisive blessure cependant jamais extravertie (exprimée suggérée sur le souffle et sur une ligne toujours filigranée et suspendue), qui imprime à sa juvénilité incarnée, une sincérité bouleversante, en particulier dans le jeu dialogué avec les bois et la clarinette, où l’on atteint un très haut degré de douceur poétique, à tirer les larmes… ce que réalise Daniel Lozakovich tien du miracle dans un concerto que l’on aborde souvent sous le seul angle de la virtuosité.

CLIC D'OR macaron 200Le jeune suédois apporte et cultive cette soie de l’âme qui chante et qui touche au cœur : portant au ciel sa mélodie si vocal en sol mineur (Canzonetta). Autant de profondeur et de richesse intérieure ne se peuvent comprendre qu’en les reliant avec le drame intime du compositeur. En complément, le soliste joue plusieurs transcriptions et mélodies dont celle nostalgique, détachée, et qui donne son titre au programme : Rien sinon le coeur solitaire / None but the lonely heart. Le jeune virtuose doué d’une rare intensité expressive, profonde et grave serait-il ici particulièrement inspiré, sous la direction de son mentor Vladimir Spivakov ?
Parution annoncĂ©e le 18 octobre 2019 – 1 CD Deutsche Grammophon. Critique dĂ©veloppĂ©e le jour de la sortie de l’album NONE BUT THE LONELY HEART / TCHAIKOVSKY / Daniel Lozakovich (1 CD DG Deutsche Grammophon)

________________________________________________________________________________________________

PLUS D’INFOS sur le site de Deutsche Grammophon :
https://www.deutschegrammophon.com/fr/artist/lozakovich/

________________________________________________________________________________________________

 

LIRE aussi la critique du prĂ©cĂ©dent cd de DANIEL LOZAKOVICH chez Deutsche Grammophon : JS BACH – CLIC de CLASSIQUENEWS

http://www.classiquenews.com/cd-critique-js-bach-daniel-lozakovich-violon-concertos-bwv-1042-1041-partita-n2-bwv-1004-dg-deutsche-grammophon-4799372/

 
 

 

daniel lozakovich seul violon e5dbdf6021e955c1d910b9b9fb6a39ae

 
 

daniel lozakovich classiquenews et partitions et vilon inspiration c561686d842730059a80b67c37410112

 
 

ea215f67b56962c130dcd2da139abc66daniel lozakovich et vladimir spivakov violon

 
 

Crédit photographique : © Johan Sandberg
Deutsche Grammophon 2019

 
 

 
 

COMPTE-RENDU, opéra. Paris, Garnier, le 13 mai 2019. Tchaïkovski : Iolanta / Casse-Noisette. Hanus / Tcherniakov.

Compte-rendu, opéra. Paris, Palais Garnier, le 13 mai 2019. Tchaïkovski : Iolanta / Casse-Noisette. Tomáš Hanus / Dmitri Tcherniakov. On connait l’histoire : composés par Tchaïkovski pour être donnés en une seule et même soirée, son ultime ballet Casse-Noisette et son dernier opéra Iolanta ont rapidement vu leurs trajectoires se séparer, et ce compte tenu des critiques plus favorables émises pour le ballet dès la création en 1892. Voilà trois ans (http://www.classiquenews.com/compte-rendu-opera-paris-palais-garnier14-mars-2016-tchaikovski-iolanta-casse-noisette-sonia-yoncheva-dmitri-tcherniakov), l’Opéra de Paris a choisi de réunir les deux ouvrages pour la première fois ici, ce qui permet dans le même temps à Iolanta de faire son entrée au répertoire de la grande maison : un regain d’intérêt confirmé pour cet ouvrage concis (1h30 environ), souvent couplé avec un autre du même calibre (récemment encore avec Mozart et Salieri à Tours http://www.classiquenews.com/iolanta-a-lopera-de-tours/ ou avec Aleko à Nantes http://www.classiquenews.com/compte-rendu-opera-angers-nantes-opera-le-7-octobre-2018-aleko-iolanta-bolshoi-minsk/).

 
 
 

Iolanta / Marie
et la … METEORITE DE FIN DU MONDE

 
  

 06

 

 

Confiée aux bons soins de l’imprévisible trublion Dmitri Tcherniakov, la mise en scène a la bonne idée de lier les deux ouvrages en donnant tout d’abord une lecture assez fidèle de Iolanta, dont l’action est transposée dans un intérieur bourgeois cossu typique des obsessions du metteur en scène russe – observateur critique des moindres petitesses d’esprit des possédants, comme ont pu le constater les parisiens dès 2008 (https://www.classiquenews.com/piotr-illyitch-tchakovski-eugne-onguine-mauvais-texte). La seule modification apportée au livret consiste à ajouter d’emblée le personnage muet de Marie, qui obtient pour cadeau d’anniversaire la représentation scénique de Iolanta. Dès lors, on comprend très vite que la jeune fille sera le personnage principal du ballet Casse-Noisette, dont l’histoire a été entièrement réécrite par Tcherniakov pour prolonger le conte initiatique à l’œuvre dans Iolanta.

A la peur du monde adulte symbolisée par l’aveuglement de Iolanta succède ainsi trois tableaux admirablement différenciés, qui nous permettent de plonger au cœur des craintes et désirs de l’adolescente, entre fantasme onirique et réalité déformée. On se régale des joutes mondaines qui dynamitent le début de Casse-Noisette en un ballet virevoltant, tout en rendant hommage aux jeux bon enfant d’antan, le tout chorégraphié par un Arthur Pita inspiré : à minuit passé, la même jeunesse dorée revient hanter Marie avec des mouvements saccadés inquiétants, avant qu’elle ne découvre la mort de son cher Vaudémont.

Tcherniakov mêle avec finesse la crainte de la perte de l’être aimé, l’expérience de la solitude dans une forêt sinistre, puis la révélation de la misère humaine et de ses inégalités. Il revient cette fois à Edouard Lock et Sidi Larbi Cherkaoui de chorégraphier ces parties saisissantes de réalisme, qui s’enchainent à un rythme sans temps mort. Faut-il expliquer le délire de Marie par sa capacité à pressentir la fin du monde proche ? C’est ce que semble suggérer la météorite qui envahit tout l’écran en arrière-scène peu avant la fin, rappelant en cela le propos de l’excellent film Melancholia (2011) de Lars von Trier.

Au regard de cette richesse d’invention qui semble inĂ©puisable, qui peut encore douter du gĂ©nie de Tcherniakov ? On conclura en mentionnant la parfaite rĂ©alisation au niveau visuel qui donne un Ă©crin millimĂ©trĂ© aux protagonistes, et ce dans les diffĂ©rents univers dĂ©voilĂ©s. Si les deux danseurs principaux, Marine Ganio (Marie) et JĂ©rĂ©my-Loup Quer (VaudĂ©mont), brillent d’une grâce vivement applaudie par le public en fin de reprĂ©sentation, le plateau vocal de Iolanta (entièrement revu depuis 2016, Ă  l’exception des rĂ´les de Bertrand et Marthe) se montre d’un bon niveau, sans Ă©blouir pour autant. Le chant bien conduit et articulĂ© de Krzysztof BÄ…czyk (RenĂ©) lui permet de s’épanouir dans un rĂ´le de caractère, en phase avec ses qualitĂ©s dramatiques, tandis que la petite voix de Valentina NaforniĹŁÄ donne Ă  Iolanta la fragilitĂ© attendue pour son rĂ´le, le tout en une Ă©mission ronde et souple. Dmytro Popov (VaudĂ©mont) rencontre les mĂŞmes difficultĂ©s de projection, essentiellement dans le mĂ©dium, ce qui est d’autant plus regrettable que le timbre est sĂ©duisant dans toute la tessiture. Deux petits rĂ´les se distinguent admirablement par leur Ă©clat et leur ligne de chant d’une noblesse Ă©loquente, les superlatifs Robert d’Artur RuciĹ„ski et Bertrand de Gennady Bezzubenkov.

Enfin, le geste équilibré de Tomáš Hanus, ancien élève du regretté Jiři Bělohlávek, n’en oublie jamais l’élan nécessaire à la narration d’ensemble, tout en demandant à ses pupitres des interventions bien différenciées. On a là une direction solide et sûre, très fidèle à l’esprit des deux ouvrages. A l’affiche de l’Opéra de Paris jusqu’au 24 mai 2019.

 
 
 
 

07

___________________________________

Compte-rendu, opĂ©ra. Paris, Palais Garnier, le 13 mai 2019. TchaĂŻkovski : Iolanta / Casse-Noisette. Iolanta : Krzysztof BÄ…czyk (RenĂ©), Valentina NaforniĹŁÄ (Iolanta), Dmytro Popov (VaudĂ©mont), Artur RuciĹ„ski (Robert), Johannes Martin Kränzle (Ibn Hakia), Vasily Efimov (AlmĂ©ric), Gennady Bezzubenkov (Bertrand), Elena Zaremba (Marthe), Adriana Gonzalez (Brigitte), Emanuela Pascu (Laure), Casse-Noisette : Marine Ganio (Marie), JĂ©rĂ©my-Loup Quer (VaudĂ©mont), Émilie Cozette (La Mère), Samuel Murez (Le Père), Francesco Vantaggio (Drosselmeyer), Jean-Baptiste Chavignier (Robert), Jennifer Visocchi (La SĹ“ur), Les Etoiles, les Premiers Danseurs et le Corps de Ballet de l’OpĂ©ra national de Paris, ChĹ“urs de l’OpĂ©ra national de Paris, MaĂ®trise des Hauts-de-Seine/ChĹ“ur d’enfants de l’OpĂ©ra national de Paris, Alessandro Di Stefano (chef des chĹ“urs), Orchestre de l’OpĂ©ra national de Paris, Tomáš Hanus, direction musicale / mise en scène Dmitri Tcherniakov. A l’affiche de l’OpĂ©ra de Paris jusqu’au 24 mai 2019. Photos : Julien Benhamou – OnP

Iolanta au Palais Garnier

France Musique, le 26 mars 2016, 19h30. Iolanta de Tchaikovski. Production Ă  l’affiche du Palais Garnier Ă  Paris, jusqu’au 1er avril et en couplage avec dans la mĂŞme soirĂ©e : Casse-Noisette. Le dernier opĂ©ra de Tchaikovski occupe l’affiche de l’OpĂ©ra de Paris, entrĂ©e au rĂ©pertoire qui permet aux parisiens de mesurer le gĂ©nie et la modernitĂ© du dernier Tchaikovski. Le Théâtre parisien restitue l’ouvrage tel qu’il fut créé au Mariisnky, couplĂ© avec le ballet Casse-Noisette.

tchaikovski piotr-Tchaikovsky-530-855Pour la saison 1891-1892, les Théâtres ImpĂ©riaux commandent 2 nouvelles Ĺ“uvres Ă  TchaĂŻkovski : un opĂ©ra, qui est son 10ème et dernier ouvrage lyrique, Iolanta et le lĂ©gendaire ballet, Casse-Noisette. Les deux partitions portant la marque du dernier TchaĂŻkovski : un sentiment irrĂ©pressiblement tragique s’accompagne d’une orchestration particulièrement raffinĂ©e. Iolanta mĂŞle histoire et fĂ©erie : le compositeur aborde comme un conte de fĂ©e l’histoire mĂ©diĂ©vale française (Ă  la Cour du Roi RenĂ© de Provence) oĂą Iolanta est une princesse aveugle qui apprend l’amour. L’HĂ©roĂŻne rĂ©alise sa propre Ă©mancipation en osant se dĂ©tacher symboliquement du père (qui la tient enfermĂ©e et entretient sa cĂ©citĂ©). L’action suit la lente renaissance d’une âme qui dĂ©couvre enfin la vraie vie ; c’est Ă  dire comment elle rĂ©ussit son passage de l’enfance Ă  la maturitĂ© d’une adulte. De fille sĂ©questrĂ©e, infantilisĂ©e, elle devient femme dĂ©sirable et conquise… A la suite de Tatiana d’Eugène OnĂ©guine, Iolanta doit d’abord prendre conscience de sa cĂ©citĂ© avant de trouver son identitĂ©, diriger son destin, devenir elle-mĂŞme. Des tĂ©nèbres de l’aveuglement Ă  la lumière … de la connaissance et de l’amour.

Tuer le père, suivre la lumière. La qualité et la richesse des mélodies qui se succèdent intensifient le drame, conçu en un seul acte sur le livret du frère de Piotr Illiych, Modeste. L’ouverture et la mise en avant des instruments à vents (chant plaintif et vénéneux, presque énigmatique du hautbois et du cor anglais, accompagné par les bassons et les cors…), cette aspiration échevelée aux couleurs et résonances de l’étrange réalisant une immersion dans un monde féerique et fantastique mais intensément psychologique  (l’ouverture a été très critiquée par Rimsky), la figure du docteur maure Ebn Hakia (baryton), rare incursion d’un orientalisme concédé (beaucoup plus flamboyant chez les autres compositeurs russes comme Rimsky), la concentration de la musique sur la vie intérieure des protagonistes, l’absence des chœurs, tout l’itinéraire de la jeune fille aux résonances psychanalytiques, des ténèbres à l’éblouissement positif final-, fondent l’originalité du dernier opéra de Tchaïkovski : comme l’expérience d’un passage, de l’enfance aveugle à l’âge adulte (pleinement conscient), Iolanta est un huis-clos où s’exprime le mouvement de la psyché d’une jeune femme à l’esprit ardent, tenue (par son père le roi René) à l’écart du monde.
Après la mort de TchaĂŻkovski (1893), Mahler assure la crĂ©ation allemande de Iolanta (Hambourg). L’oeuvre plus applaudie que Casse-Noisette Ă  sa crĂ©ation russe (Saint-PĂ©tersbourg en 1892), traverse l’oublie jusqu’en 1940 quand la cantatrice russe Galina VichnievskaĂŻa, affirme et la figure captivante du personnage d’Iolanta, et la magie symphonique d’un opĂ©ra Ă  redĂ©couvrir. Car tout TchaĂŻkovski et le meilleur de son inspiration se concentrent dans Iolanta, vĂ©ritable miniature psychologique. Et fait rare chez le compositeur de la Symphonie « tragique », le drame se finit bien. RĂ©cemment c’est l’ardente et suave Anna Netrebko qui incarnait une Iolanta touchĂ©e par la grâce de la rĂ©demption (Metropolitan de New York en janvier 2015, puis cd Ă©ditĂ© par Deutsche Grammophon dans la foulĂ©e)

L’INTRIGUE de Iolanta. L’Opéra Iolanta est en un acte et 9 tableaux. Alors que le Roi René tient à l’écart du monde, sa propre fille Iolanta, aveugle, absente à sa propre infirmité, le médecin maure Ebn Hakia (baryton) annonce que la jeune princesse doit prendre conscience de son handicap pour s’en détacher et peut-être en guérir…le Roi trop possessif demeure indécis mais le comte Vaudémont (ténor), tombé amoureux de Iolanta, lui apprend la lumière et l’amour : Iolanta, consciente désormais de ce qu’elle est, peut découvrir le monde et vivre sa vie. La jeune femme tenue cloîtrée, fait l’expérience de la maturité : en se détachant du joug paternel, elle s’émancipe enfin.

VISITER la page de Iolanta sur le site de l’OpĂ©ra national de Paris

LIRE aussi la critique complète du spectacle Iolanta au Palais Garnier à paris, avec Sonia Yoncheva dans la mise en scène de Dmitri Tcherniakov

Doublé Tchaikovski : Iolanta et Casse-Noisette à Paris

tchaikovski piotr-Tchaikovsky-530-855Paris, OpĂ©ra Garnier, jusqu’au 1er avril 2016. DoublĂ© Tchaikovski : Casse noisette et Yolanta. Le dernier opus lyrique de Piotr Illiytch, Iolantha occupe l’affiche de l’OpĂ©ra de Paris, nouvelle production signĂ©e Dmitri Tcherniakov – provocateur qui sait cependant sonder et exprimer les passions de l’âme-, et nouveau jalon d’un ouvrage passionnant qui se dĂ©roule dans la France mĂ©diĂ©vale di Bon Roi RenĂ©. On se souvient avec quelle finesse angĂ©lique et ardente la soprano vedette Anna Netrebko avait enregistrĂ© ce rĂ´le : jeune aveugle sĂ©questrĂ©e, trop attachĂ©e Ă  son père, Iolantha / Iolanta gagnait une incarnation Ă©blouissante de justesse et d’ardeur, projetant enfin le dĂ©sir vers la lumière… Sur les planches parisiennes, c’est une autre soprano voluptueuse, – autre Traviata fameuse, la bulgare Sonya Yoncheva (qui chantera l’hĂ©roĂŻne verdienne Ă  Bastille Ă  partir du 20 mai prochain) , laquelle relève les dĂ©fis multiples d’un personnage moins creux et compassĂ© qu’il n’y paraĂ®t. Sensible, affĂ»tĂ©, Tchaikovski sait portraiturer une jeune femme attachante, Ă©prise d’absolu comme d’Ă©mancipation… et qui doit dĂ©finitivement couper le cordon avec la figure paternelle. Pour l’aider un mĂ©decin arabe (le maure Ebn Hakia, baryton) , Ă©rudit humaniste et complice habile, l’aide Ă  trouver la voie de la guĂ©rison morale et physique. Attention chef d’oeuvre irrĂ©sistible.

yoncheva_sonya_recital_parisCouplĂ© Ă  cet opĂ©ra court, le ballet Casse-Noisette en un doublĂ© qui fut historiquement prĂ©sentĂ© tel quel et validĂ© par le compositeur Ă  la crĂ©ation de l’opĂ©ra au Mariinski de Saint-PĂ©tersbourg, en dĂ©cembre 1892. La maison parisienne entend aussi souligner avec force, la dualitĂ© artistiquement fĂ©conde, de l’opĂ©ra et du ballet, deux orientations magiciennes qui avec la saison musicale – chambrsite et symphonique, cultive le feu musical Ă  Garnier et Ă  Bastille. Le metteur en scène Tcherniakov en terres natales d’Ă©lection, entend rĂ©aliser l’unitĂ© et la cohĂ©rence entre les deux productions : un mĂŞme cadre, et un glissement riche en continuitĂ© entre les deux volets ainsi prĂ©sentĂ©s la mĂŞme soirĂ©e. Comme Capriccio de Strauss, sublime ouverture de chambre, sans ampleur ou dĂ©bordement des cordes, l’ouverture de Iolanta commence par une non moins irrĂ©sistible entrĂ©e des vents et bois, harmonie prodigieusement moderne, portant toute l’expressivitĂ© lyrique d’un Tchaikovski au crĂ©puscule/sommet de sa carrière. Les divas ne sont pas rancunières… “La Yoncheva” avait quittĂ© Aix en Provence oĂą elle devait chanter Elvira dans Don Giovanni de Mozart parce qu’elle ne s’entendait pas avec le truculent et dĂ©lirant Tcherniakov, c’Ă©tait en 2013. Trois ans plus tard, l’eau a coulĂ©, les tensions aussi et la soprano a acceptĂ© de travailler avec l’homme de théâtre pour cette Iolanta de 2016 Ă  Paris…

Paris, OpĂ©ra Garnier. Tchaikovski : Iolantha, Casse-Noisette. Jusqu’au 1er avril 2016

LIRE aussi notre dossier spécial Anna netrebko chante Iolanta de Tchaikovski

Tchaikovski, Massenet… Concert Symphonique Ă  Tours

ossonce jean yves osrct symphonique toursTours. Concert Tchaikovski, Massenet, Falla. Les 7 et 8 novembre 2015.  AffinitĂ©s tchaikovskiennes… On se souvient d’une exceptionnelle Symphonie n°6 de Tchaikovski par Jean-Yves Ossonce et l’Orchestre tourangeau : sur le plan interprĂ©tatif : profondeur, gravitĂ©, tendresse et introspection. Sur le plan artistique, complicitĂ©, entente, Ă©coute rĂ©ciproque. Un accomplissement rĂ©alisĂ© en novembre 2014 et qui pourrait se renouveler un an après… les 7 et 8 novembre prochains, pour le concert d’ouverture de la nouvelle saison symphonique Ă  l’OpĂ©ra de Tours, tant chefs et instrumentistes s’entendent visiblement dans l’expression de la sensibilitĂ© tchaikovskienne. Le Concerto pour violon, sommet de la sensibilitĂ© romantique version russe est l’affiche du programme de l’OpĂ©ra de tours, constituant sa pièce maĂ®tresse oĂą la violoniste Sarah Nemtanu assure la partie solistique. LIRE notre compte rendu critique du concert 6ème Symphonie de Tchaikovski par Jean-Yves Ossonce et l’Orchestre symphonique RĂ©gion Centre Tours.

 

 

 

Tchaikovski romantique, Massenet nostalgique

 

Temps fort et séance inaugurale de la saison symphonique de l'Opéra de Tours avec par Jean-Yves Ossonce, la 6ème "Pathétique" de Tchaikovski : les 15 et 16 novembre 2014

Temps fort et sĂ©ance inaugurale de la saison symphonique de l’OpĂ©ra de Tours avec par Jean-Yves Ossonce, le Concerto pour violon de Tchaikovski : les 7 et 8 novembre 2015

Concerto pour violon de Tchaikovski : Clarens, 1878. Après son mariage raté et la séparation qui en découle, avec Antonina Milukova, Tchaïkovski, dépressif, se retire en Suisse, à Clarens, en 1878. A 38 ans, le compositeur se recentre sur une nouvelle oeuvre, probablement inspirée par la Symphonie espagnole d’Edouard Lalo.
Le compositeur pensait dédier son Concerto au violoniste Leopold Auer qui refusa cet honneur, trouvant l’oeuvre inexécutable! Adolf Brodsky, qui le joua et oeuvra pour sa notoriété auprès du public, en devint le dédicataire. Dans l’Allegro moderato, la virtuosité du violon solo conduit le développement mélodique. La Canzonetta fait entendre une nouvelle ampleur mélodique, autour d’un thème nostalgique, très vocal, dans le ton de sol mineur. Le dernier mouvement, Allegro vivacissimo impose un début tzigane bondissant, puis se succèdent motif nerveux et brillant à la Mendelssohn, et éléments de danse populaire, au caractère affirmé.

Massenet jules cherubin Jules_Massenet_portraitEgalement Ă  l’affiche de ce programme Ă©clectique, d’autant plus captivant, les pages mĂ©connues du Massenet symphoniste : Scènes Alsaciennes dont le sujet pourrait bien contester de façon nostalgique et pacifiste, l’annexion de l’Alsace Ă  l’Empire germanique depuis 1870. Au moment de la crĂ©ation d’HĂ©rodiade Ă  Bruxelles en 1881, Massenet a l’idĂ©e de composer son ultime cycle de musique symphonique pure : les Scènes Alsaciennes créées en 1882 : suivant la trame romanesque du texte de Daudet (Contes du lundi : “Alsace, Alsace”), le compositeur cĂ©lèbre avec vivacitĂ© l’acuitĂ© sensible de l’âme alsacienne : appel de la clarinette et de la flĂ»te un dimanche matin au moment de la messe (Ă©pisode serein), gaietĂ© franche et contrastĂ©e dans Au cabaret au rythme tripartite, volontairement rustique ; tendresse de Sous les tilleuls oĂą se prĂ©cise l’Ă©vocation d’un couple amoureux ; enfin l’entrain de la dernière scène, Dimanche soir, associe folklore et fanfare militaire pour une cĂ©lĂ©bration expressive elle aussi criante de vĂ©ritĂ©.

 

 

 

George Butterworth
English Idyll n°1
La saison symphonique s’ouvre sur la diversité de la musique européenne et de ses sources populaires, tout autant que sur le poids de l’histoire. George Butterworth, compositeur anglais, engagé volontaire dès 1914, fut tué pendant la bataille de la Somme le 5 août 1916. Nous lui rendons hommage avec cette English Idyll, qui plonge ses racines dans sa terre natale. Une stèle a été élevée à sa mémoire à Pozières, et son corps ne fut jamais retrouvé.

Piotr Ilitch TchaĂŻkovski
Concerto pour violon et orchestre en ré majeur, op. 35
Concentré d’âme slave, le Concerto de Tchaïkovski sera interprété par Sarah Nemtanu, plus jeune violon solo jamais nommé à l’Orchestre National de France, qui l’a enregistré pour le film Le Concert et avec son orchestre dirigé par le grand Kurt Masur. À noter que la saison lyrique sera l’occasion de redécouvrir Eugène Onéguine, autre chef d’oeuvre de la même période.

Jules Massenet
Scènes alsaciennes, Suite pour orchestre n°7
Rareté que les Scènes Alsaciennes, où Massenet mêle son sens mélodique et orchestral à des effluves patriotiques (l’Alsace était alors depuis la guerre de 1870 occupée par l’Allemagne).

Manuel de Falla
Le Tricorne, Suite n°2
Les Danses du Tricorne, symbole de la musique espagnole dans son acception la plus authentique, conclueront ce programme dĂ©diĂ© Ă  l’histoire et Ă  la culture europĂ©ennes “de l’Atlantique Ă  l’Oural”.

 

 

 

Sarah Nemtanu, violon
Jean-Yves Ossonce, direction

Orchestre Symphonique Région Centre-Val de Loire / Tours

boutonreservationSamedi 7 novembre – 20h
Dimanche 8 novembre – 17h
Conférence : présentation aux œuvres, les 7 novembre à 19h, 8 novembre à 16h
Grand théâtre, Salle Jean Vilar, entrée gratuite

 

 

Compte rendu, opéra. Angers, Le Quai, mardi 16 juin 2015. Tchaikovski : Eugène Onéguine. Gelena Gaskarova (Titiana), Charles Rice (Onéguine), Suren Maksutov (Lenski), Claudia Huckle (Olga)… Orchestre national des Pays de la Loire. Chœur d’Angers Nantes Opéra. Lukasz Borowicz, direction. Alain Garichot, mise en scène.

Compte rendu, opĂ©ra. Angers, Le Quai, mardi 16 juin 2015. Tchaikovski : Eugène OnĂ©guine. Gelena Gaskarova (Titiana), Charles Rice (OnĂ©guine), Suren Maksutov (Lenski), Claudia Huckle  (Olga)… Orchestre national des Pays de la Loire. ChĹ“ur d’Angers Nantes OpĂ©ra. Lukasz Borowicz, direction. Alain Garichot, mise en scène. Fin de saison pleinement rĂ©ussie pour Angers Nantes OpĂ©ra en cette mi juin 2015… preuve est encore offerte sur les planches du mariage rĂ©jouissant entre théâtre et musique.

 

 

tchaikovski-eugene-oneguine-tatiana-oneguine-dernier-duo-angers-juin-2015

 

 

La production de cet Eugène Oneguine n’est pas seulement cohĂ©rente sur le plan vocal mais mais elle est aussi somptueusement dirigĂ©e  (effet “dernière” probablement devant une salle du Quai  Ă  Angers, comble et rĂ©solument enthousiaste votre trĂ©pignante pour les saluts). C’est aussi confirmant le talent reconnu et rĂ©compensĂ© du metteur en scène Alain Garichot, un moment de théâtre Ă©purĂ© et clair qui s’avère en cours d’action très efficace : des scènes sans accessoires inutiles, des tableaux sobres et visuellement forts dont certaines transitions vĂ©ritablement “cinĂ©matographiques” nous ont parues subtilement dosĂ©e, comme l’enchaĂ®nement de l’air de la lettre de Tatiana et celle du choeur de femmes qui suit dans la continuitĂ© est assurĂ©e / rĂ©solue par l’ample drapĂ© blanc d’abord suspendu, puis tombant des cintres (très Ă©lĂ©gamment), qui devient ample pièce Ă  repriser pour la foule des lavandières ou des servantes soudainement sur scène. C’est aussi la dernière scène, fastueuse et sociale, plus solennelle aussi, chez le prince et la princesse GrĂ©mine (Tatiana devenue femme de pouvoir et Ă©pouse admirable) avec en fond de scène un immense globe terrestre phosphorescent, comme une lune irradiante qui exprime le recul qui se fait vertige dans l’esprit d’Oneguine ; le sĂ©ducteur cĂ©libataire, amer et dĂ©sabusĂ© avant l’âge, jette un regard amer voire panique sur une vie passĂ©e / gâchĂ©e, il n’a que 26 ans ; il prend conscience qu’il n’a jamais cessĂ© d’aimer Tatiana, celle lĂ -mĂŞme qu’il a, quelques annĂ©es auparavant, humiliĂ©e en repoussant ses avances. La dernière scène Tatiana / Oneguine est Ă  cet Ă©gard saisissante dans sa sobriĂ©tĂ© calculĂ©e, oĂą le duo terrassĂ© par ce retournement, se dĂ©tache parfaitement dans une chambre noire, lieu dĂ©nudĂ©, sublimateur de leur ultime confrontation.

 

 

 

Angers Nantes OpĂ©ra reprend la mise en scène d’Alain Garichot créée en 1997 Ă  Nancy

Théâtre de l’Ă©pure et du drame intĂ©rieur

 

Du reste, ce jeu d’acteurs, dĂ©pouillĂ©, cite continĂ»ment par la place qu’il prĂ©serve Ă  la vĂ©ritĂ© des gestes, des regards aussi, sous un Ă©clairage souvent Ă©blouissant et froid, le théâtre de Tchekov, auquel la mĂ©lancolie d’un Tchaikovski lui-mĂŞme terrassĂ© (au moment de la composition de son opĂ©ra) par une catastrophe intime, apporte un Ă©cho fraternel. De l’un Ă  l’autre s’écoule une mĂŞme sensibilitĂ© inouĂŻe pour la vie intĂ©rieure de chaque personnage : une vision pudique et tragique qu’Alain Garichot respecte Ă  la lettre dans une rĂ©alisation millimĂ©trĂ©e … La tragĂ©die amoureuse qui se noue devant nous, entre deux coeurs sacrifiĂ©s, dĂ©calĂ©s, gagne une puissance et une grandeur romantique intensifiĂ©es par l’intelligence dans le traitement des situations.

tchaikovski-eugene-oneguine-angers-nantes-opera-premiere-scene-Larina-Olga-Tatiana-Philppievna-juin-2016D’une succession de scènes parfaitement exposĂ©es,  on retient les plus rĂ©ussies esthĂ©tiquement et dramatiquement : le quatuor des femmes au lever de rideau : superbe exposĂ© des solitudes / gĂ©nĂ©rations juxtaposĂ©es mais nĂ©anmoins  exceptionnellement exprimĂ©e où  jaillit aussi la force tendre / amère de la nostalgie. Sur ce point les seconds rĂ´les sont tout autant admirables de profondeur, de gravitĂ©, de sincĂ©rité  (la nourrice Philippievna : très juste Stefania Tocczyska-, la mère de Tatiana : admirable Larina de Diana Montague …), sans omettre le choeur maison qui rĂ©ussit ici comme souvent un très beau travail dans l’expression de la foule si sollicitĂ©e pourtant, comme un contrepoint au drame intimiste (le premier choeur des serfs cĂ©lĂ©brant la maĂ®tresse du domaine agricole et qui vient aussi toucher salaire;  le bal ou paraĂ®t le français vieux style de Monsieur Triquet et dont Garichot  fait avec beaucoup de justesse l’anniversaire de Tatiana. …) : ici et lĂ  le tissu humain, la rĂ©sonance Ă©motionnelle de chaque situation est parfaitement restituĂ©e. On y retrouve Ă  la fois Ă©purĂ© et très expressif le dĂ©voilement des passions les plus intimes soudainement affleurantes comme les signes d’un cataclysme intĂ©rieure qui transfigurent les ĂŞtres. Une mĂŞme approche avait dĂ©jĂ  frappĂ© les spectateurs de Titus et BĂ©rĂ©nice de Magnard, prĂ©sentĂ© Ă  l’OpĂ©ra de Tours la saison dernière, production Ă©vĂ©nement rĂ©compensĂ©e par le Prix du syndicat de la critique 2014, et surtout sujet d’un reportage vidĂ©o complet par les Ă©quipes de CLASSIQUENEWS.COM.

tatiana-gelena-Gaskarova-tatiana-eugene-oneguine-angers-nantes-opera-alain-garichot-juin-2015

Dans ce théâtre opĂ©ra, le jeu tout en pudeur et en intĂ©rioritĂ© fĂ©line de la soprano russe Gelena Gaskarova fait merveille ; on peut regretter ici et lĂ  certains aigus tenus sans ĂŞtre projetĂ©s comme a su le faire une Freni en son temps, mĂ©tal incandescent qui s’embrasait au moment du duo final, mais l’intensitĂ© du style, le souci du texte (qui rĂ©tablit Ă©videmment le théâtre), la sincĂ©ritĂ© pleine et continue du personnage Ă©blouissent littĂ©ralement, rendant ce portrait de femme, adolescente romantique… devenue femme de loyautĂ© malgrĂ© sa passion ancienne, totalement convaincante. HĂ©las, l’OnĂ©guine de Charles Rice nous paraĂ®t moins abouti, moins subtilement poli ; le baryton franco-britannique n’est rĂ©ellement juste et naturel … qu’à la fin de la soirĂ©e, en cynique terrassĂ© par l’amour et pourtant d’une impuissance bouleversante. A leurs cĂ´tĂ©s, tout en nuances et prĂ©cision, le tĂ©nor Suren Maksutov imprime au caractère gĂ©nĂ©reux mais trahi de Lenski, une force tendre non moins troublante ; enfin renforçant davantage l’attrait du quatuor vocal, l’Olga de la britannique Claudia Huckle enchante par la caresse de son timbre grave somptueux, superbe incarnation de la soeur de Tatiana, elle aussi frappĂ©e par le destin. Créée Ă  Nancy en avril 1997, la production conserve toujours sa force allusive, sa vĂ©ritĂ© Ă©purĂ©e. Une relecture théâtralement ciselĂ©e d’autant mieux servie ce soir par une distribution particulièrement convaincante et un orchestre capable sous la direction de Lukasz Borowicz, de finesse sans pathos.

 

 

angers nantes operaAinsi s’achève superbement, la saison lyrique d’Angers Nantes OpĂ©ra 2014-2015. La prochaine saison promet d’ĂŞtre riche voire tout autant saisissante, accordant comme rarement ailleurs, théâtre et musique. C’est aussi une nouvelle programmation particulièrement engagĂ©e, fidèle au souci moral et humaniste dĂ©fendu depuis ses dĂ©buts dans la place par le directeur des lieux, Jean-Paul Davois. DĂ©couvrez la nouvelle saison lyrique 2015-2016 d’Angers Nantes OpĂ©ra. VOIR notre dernier reportage vidĂ©o ANGERS NANTES OPERA dĂ©diĂ© Ă  la sensibilisation Ă  l’opĂ©ra des collĂ©giens et lycĂ©ens, autour de La Ville Morte de Korngold (mars 2015).

 

 

 

D’autres reportages opĂ©ra dĂ©diĂ©s Ă  ANGERS NANTES OPERA ? Les voici :

La Ville Morte de Korngold, mise en scène par Philippe Himmelmann

Pelléas et Mélisande, mise en scène d’Emmanuelle Bastet

Prochain spectacle prĂ©sentĂ© par ANGERS NANTES OPERA Ă  partir de la rentrĂ©e 2015 : L’Heure espagnole de Ravel, Ă  partir du 9 septembre 2015 au Théâtre Graslin de Nantes. 

Compte rendu, opéra. Angers, Le Quai, mardi 16 juin 2015. Tchaikovski : Eugène Onéguine. Gelena Gaskarova (Titiana), Charles Rice (Onéguine), Suren Maksutov (Lenski), Claudia Huckle  (Olga)… Orchestre national des Pays de la Loire. Chœur d’Angers Nantes Opéra. Lukasz Borowicz, direction. Alain Garichot, mise en scène.

 

 

Illustrations : © Jeff Rabillon 2015 / Angers Nantes Opéra, juin 2015 :
- Onéguine et Tatiana dans le duo final,
- la première scène (quatuor vocal féminin)
- Tatiana écrivant sa déclaration à Onéguine

 

 

Angers Nantes Opéra. Eugène Onéguine de Tchaikovski

tchaikovski Pyotr+Ilyich+Tchaikovsky-1Angers Nantes OpĂ©ra. TchaĂŻkovski : Eugène OnĂ©guine. 19 mai-16 juin 2015. 7 reprĂ©sentations. Erreurs de jeunesse… Tatiana, jeune âme romantique s’Ă©prend d’un cynique dĂ©sabusĂ© Eugène, qui par orgueil tue en duel son meilleur ami, le plus loyal, Lenski, pourtant promis Ă  la belle Olga. EcartĂ©e Tatiana devient princesse GrĂ©mine et quand elle retrouve en fin d’action OnĂ©guine, enfin conscient et rĂ©ceptif Ă  son amour, il est trop tard : Tatiana ne quittera pas son Ă©poux pour le dandy lĂ©ger. L’amertume et les remords d’OnĂ©guine, la constance de Tatiana, en un contraste saisissant ferment ce chapitre de l’Ă©cole amoureuse, initialement conçue par Pouchkine en 1830.

 

 

 

reprise attendue d’OnĂ©guine Ă  Angers et Ă  Nantes

Tchaikovski : exprimer Pouchkine

 

Subtil orchestrateur, gĂ©nial mĂ©lodiste, dramaturge nĂ© aussi, Tchaikovski peint en 1877, l’univers poli voire hypocrite de la bonne sociĂ©tĂ© russe de la fin XIXè, puritaine, faussement croyante, barbare, superficielle. Sa facultĂ© Ă  exprimer les sentiments nobles et purs (l’air de la lettre de Tatiana qu’elle adresse Ă  OnĂ©guine), la dĂ©sespĂ©rance et la solitude maudite aussi (l’air de Lenski : l’un des plus beaux de toute la littĂ©rature lyrique russe) affirment le talent du compositeur habile narrateur, fin psychologue. Finalement il n’est que OnĂ©guine qui ne chante pas vraiment d’air mais sa prĂ©sence quasi continuelle, conduit l’Ĺ“uvre, dĂ©voile le sombre ressentiment d’un cĹ“ur dĂ©truit qui finalement s’ouvre Ă  l’amour, sans ĂŞtre vraiment sauvĂ© ; l’errance et la rĂ©signation sont ses lots intimes.

Tchaikovski porte Ă  la scène la langue puissante et directe de Pouchkine, l’inventeur de la langue russe au théâtre. Le compositeur adapte 3 fois ses pièces et drames : Mazeppa en 1884, La Dame de Pique en 1890 et donc Eugène OnĂ©guine en 1877, première approche pouchkinienne, la plus dense, la plus introspective aussi, dans laquelle il projeta certainement ses propres sentiments. La force d’Eugène OnĂ©guine n’est pas spectaculaire mais psychologique et Ă©motionnelle, dĂ©voilant deux dĂ©calĂ©es, inadaptĂ©es au monde : Eugène par son cynisme et ses blessures, comme Tatiana dans son rĂŞve de Cendrillon. En dĂ©finitive, TchaĂŻkovski de dĂ©crit pas les vers de Pouchkine : il les exprime. Angers Nantes Opera reprend la production d’Eugène OnĂ©guine, créé en Lorraine en 1997.

 

 

 

boutonreservationNantes / Théâtre Graslin
mardi 19, jeudi 21, dimanche 24, 
mardi 26, jeudi 28 mai 2015

Angers / Le Quai
dimanche 14, mardi 16 juin 2015

 

 

 

Eugène Onéguine de Tchaikovski à Angers Nantes Opéra
Scènes lyriques – en trois actes et sept tableaux.
Livret de Piotr Ilitch Tchaïkovski et Constantin Chilovski d’après Eugène Onéguine, roman en vers de Alexandre Pouchkine.
Créé au Théâtre Maly de Moscou, le 29 mars 1879.
Direction musicale: Lukasz Borowicz
Mise en scène: Alain Garichot

avec

Charles Rice, Eugène Onéguine

Gelena Gaskarova, Tatiana

Claudia Huckle, Olga

Suren Maksutov, Lenski

Oleg Tsibulko, Le Prince Grémine

Diana Montague, Madame Larina

Stefania Toczyska, Filipievna

Éric Vignau, Monsieur Triquet

Éric Vrain, Un Capitaine et Zaretski

 

 

Choeur d’Angers Nantes Opéra
Direction Xavier Ribes
Orchestre National des Pays de la Loire

Production de l’Opéra de Nancy et de Lorraine,
créée à Nancy le 19 avril 1997.
[Opéra en russe avec surtitres en français]

 

 

Eugène Onéguine à Munich

tchaikovski piotr-Tchaikovsky-530-855Munich, Opéra de Bavière. Tchaikovski : Eugène Onéguine. 2<13 mai 2015. 19h. L’opéra de Bavière à Munich reprend la production provocante désabusée signée Warlikowski, abordant la tragédie noire d’Onéguine. Scènes lyriques en trois actes et sept tableaux, Eugène Onéguine puise son sujet du roman éponyme de Pouchkine que Tchaïkovski avec la collaboration de Constantin Chilovski, adapte pour la scène lyrique. Se poursuivant entre mai 1877 et janvier 1878, la composition de la partition est assez chahutée. La matière dramatique de l’ouvrage trouve une résonance particulièrement tragique dans la vie personnelle du compositeur. C’est que son écriture est contemporaine de son mariage avec Antonina Milukova, célébré le 6 juillet 1877, lequel s’avère en définitive catastrophique en raison de l’identité homosexuelle du musicien. Au tragique de la relation avortée, correspond le traumastisme d’un scandale inévité et le profond désarroi d’un homme terrassé par une effroyable vérité.
Au centre de l’action, Eugène Onéguine recueille ainsi la terrifiante crise solitaire d’un homme en échec, dans l’obligation de faire face à lui-même et de résoudre, tout au moins trouver l’apaisement de son être le plus intime. L’opéra, marqué par ce trauma, et la nécessité du refoulement, est achevé pendant un voyage en Italie. Tchaïkovski, âgé de 37 ans, suit le portrait que donne Pouchkine des trois personnages principaux: Tatiana, Onéguine et Lenski. Trois solitudes, celles de cœurs déchirés, empêchés, décalés… Tatiana s’ouvre à l’amour que lui refuse Onéguine quand Lenski en un duel imbécile disparaît le premier. Histoire d’une passion malheureuse, tragique jamais dite et vécue pour elle-même, Onéguine peint le désarroi des êtres impuissants, blessés, incapables, décalés. Les seuls registres qui leur sont propres, sont le remord, l’oubli et l’amertume. Cynique et fier, Onéguine cache en lui-même une blessure, la plaie béante d’une âme écorchée. C’est pourquoi, il ne semble pas connaître de sérénité mais un tourment continu.
Jamais extérieur ni exhibitionniste, encore moins descriptif, Tchaïkovski reste proche de l’esprit de Pouchkine. L’opéra est l’une des oeuvres les plus intimes jamais écrites. La musique exprime l’intériorité des êtres dont le chant masque le tourment venimeux qui empoisonne leur esprit. Malgré les critiques émises lors de sa création, en dépit des détracteurs qui trouvaient l’oeuvre “non scénique” et peu représentable, en raison justement de son caractère psychologique, Eugène Onéguine s’est imposé sur toutes les scènes tant son expressionnisme intérieur incarne un âge d’or du romantisme russe. L’opéra est créé à Moscou, le 29 mars 1879 par les élèves du Collège Impérial de musique, puis repris à l’Opéra Impérial (Théâtre du Bolchoï), le 23 janvier 1881… quelques jours avant que ne soit créé à l’Opéra-Comique, Les contes d’Hoffmann de Jacques Offenbach (le 10 février 1881).

boutonreservation
EUGENE ONEGUINE, de P.I. Tchaikovsky à l’Opéra de Bavière, Munich
Les 2,5,9,13 mai puis 26 et 29 juillet 2015

Dan Ettinger, direction musicale
Krzysztof Warlikowski, mise en scène

Heike Grötzinger, Madame Larine
Kristine Opolais, Tatiana
Alisa Kolosova, Olga
Elena Zilio, Filipjewna
Michael Nagy, Eugène Oneguine
Alexey Dolgov, Lenski
Günther Groissböck, Prince Grémine / Zaretzki
Alexander Kaimbacher, Monsieur Triquet

Le metteur en scène Krzysztof Warlikowski  aborde la comĂ©die amère et tragique de TchaĂŻkovsky : le metteur en scène provocateur et dĂ©lirant transpose l’action russe aux Etats Unis dans les annĂ©es 70 : les âmes dĂ©calĂ©es, dĂ©sespĂ©rĂ©es d’Eugène et de Tatiana, pattes d’Eph et rouflaquettes, sans omettre les bonnes lunettes rondes profilĂ©es or exposent leur spleen malĂ©fique, finalement respectueusement au fatalisme noir de Pouchkine. Production créée au Bayrische Staatsoper en 2007. LIRE la page Eugène OnĂ©guine sur le site de l’OpĂ©ra de Munich

Compte rendu, danse. Paris. OpĂ©ra Bastille, le 12 fĂ©vrier 2015. Piotr Illiytch Tchaikovsky / Rudolf Noureev : Le Lac des Cygnes. Mathias Heymann, Karl Paquette, Ludmila Pagliero… Ballet de l’OpĂ©ra de Paris, Orchestre de l’OpĂ©ra de Paris. Kevin Rhodes, direction musicale.

Heymann-Paquette-Le-Lac-des-cygnesLe Lac des Cygnes, ballet romantique par excellence, est l’œuvre mythique incontournable de la danse classique. Il a des origines mystĂ©rieuses et une histoire interprĂ©tative très complexe. La crĂ©ation Ă  Moscou en 1877 fut un dĂ©sastre, entre autres Ă  cause de la chorĂ©graphie peu imaginative du maĂ®tre de ballet du Théâtre ImpĂ©rial BolchoĂŻ Julius Reisinger. C’est en 1895 qu’il est ressuscitĂ© Ă  Saint Petersbourg par Petipa et Ivanov, maĂ®tres de ballet du Théâtre ImpĂ©rial Mariinsky, en collaboration avec le compositeur et chef d’orchestre Riccardo Drigo, sous l’approbation de Modest TchaĂŻkovsky, frère cadet de Piotr Illich, dĂ©cĂ©dĂ© en 1893. L’OpĂ©ra Bastille nous accueille pour la première du ballet dans la version de Rudolf Noureev, qui privilĂ©gie l’aspect psychologique et psychanalytique de l’histoire, et la danse masculine. Ici, l’ancien directeur du Ballet de l’OpĂ©ra National de Paris, met sa formation acadĂ©mique et son esprit russe au service de son imagination dans la mise en scène de ce grand ballet classique. La distribution programmĂ©e originellement pour la première se voit changĂ©e en dernière minute, Ă  cause d’une blessure de StĂ©phane Bullion pendant la rĂ©pĂ©tition gĂ©nĂ©rale la veille. Attendu avec Emilie Cozette (dont la première reprĂ©sentait un retour sur scène), ils sont remplacĂ©s par Mathias Heymann et Ludmila Pagliero. Le nouveau couple rayonne grâce Ă  l’intensitĂ© Ă©motionnelle de Heymann et Ă  la technique superbe de la Pagliero.

 

 

 

L’intensitĂ© qui captive et qui dĂ©range

Peut-ĂŞtre la mise en scène la moins somptueuse des grands ballets classiques de la plume de Noureev, l’Ă©conomie des tableaux en ce qui concerne les dĂ©cors permettent-ils Ă  l’auditoire de se concentrer sur les aspects plus profonds de l’œuvre. L’Ă©clat plastique qu’on attend et qu’on aime du Russe se trouve toujours dans les costumes riches et aux couleurs attenuĂ©es de Franca Squarciapino et surtout dans la danse elle-mĂŞme, enrichie des petites batteries, d’entrechats six, d’un travail du bas-de-jambe poussĂ© et des enchaĂ®nements particuliers. Une danse redoutable et virtuose qui devrait en principe permettre aux danseurs du Ballet de l’OpĂ©ra de dĂ©montrer toutes les qualitĂ©s de leurs talents. C’est aussi une opportunitĂ© pour les solistes de s’exprimer autrement, notamment devant la nouvelle omniprĂ©sence des ballets nĂ©o-classiques et contemporains.

Le Prince Siegfried n’est pas qu’un partenaire dans la version Noureev, comme c’est souvent le cas, y compris dans les versions du XXe siècle d’un Bourmeister ou d’une Makarova. Ici il s’agĂ®t du vĂ©ritable protagoniste. Il n’est pas tout simplement amoureux d’un cygne. C’est un Prince introspectif et rĂŞveur, qui couvre son homosexualitĂ© latente sous le mirage sublime d’un amour inatteignable, en l’occurrence celui de la Princesse de ses rĂŞves transfigurĂ©e en cygne. Le cygne « Odette/Odile », devient en l’occurrence moins lyrique mais gagne en caractère. Puisque toute sa tragĂ©die peut ĂŞtre interprĂ©tĂ©e comme le songe d’un Prince solitaire, le personnage avec sa duplicitĂ© innĂ©e devient plus intĂ©ressant. Le grand ajout de Noureev est la revalorisation du sorcier Rothbart, qui devient aussi Wolfgang, le tuteur du Prince. Une figure masculine mystĂ©rieuse et magnĂ©tique plus qu’ouvertement malĂ©fique (Noureev a de fait interprĂ©tĂ© ce rĂ´le Ă  plusieurs reprises vers la fin des annĂ©es 80). Les Etoiles dans cette première imprĂ©vue brillent sans doute d’une lumière intense. Ludmila Pagliero est une Odette/Odile technicienne Ă  souhait, elle campe ses 28 fouettĂ©s en tournant avec facilitĂ© ; elle a des qualitĂ©s d’actrice, mĂŞme si ce soir elle paraĂ®t davantage concentrĂ©e sur ses mouvements. Mathias Heymann doit ĂŞtre le Prince le plus touchant qu’on ait pu voir Ă  l’OpĂ©ra de Paris. Jeune virtuose impressionnant, il rayonne plus par la vĂ©racitĂ© Ă©motionnelle de son interprĂ©tation que par une allure princière stĂ©rĂ©otypĂ©e. Et c’est tant mieux. Il paraĂ®t ĂŞtre le seul homme de la distribution a pouvoir faire des entrechats impeccables et distinguĂ©s, comme le veut toujours Noureev. Si sa variation lente en fin du premier acte est un moment de grande beautĂ© et de grande tension, c’est lors de sa danse avec Rothbart/Wolfgang (ou encore en trio avec Odette/Odile) qu’il inspire les plus grands frissons. Le Rothbart/Wolfgang de Karl Paquette est gĂ©nial. S’il est vivement rĂ©compensĂ© par l’auditoire lors de son seul solo, ses Ă©changes avec Heymann sont habitĂ©s d’une tension brĂ»lante de grand impact. Une certaine distance Ă©motionnelle de sa part créée un effet paradoxal chez le Prince, puisque cela contraste avec l’attirance quelque peu fatale du dernier vers son maĂ®tre. Sans aucun doute, il s’agĂ®t du partenariat le plus rĂ©ussi et le plus saisissant de la soirĂ©e.

Nous avons plus de rĂ©serves vis-a-vis au corps de ballet et demi-solistes. Si la danse toujours dynamique d’un Emmanuel Thibault ou d’un Alessio Carbone se distingue dans les danses nationales du IIIe acte, et la performance, imparfaite mais rĂ©ussie des Cygnets au deuxième, la synchronicitĂ© a Ă©tĂ© moins Ă©vidente chez le corps au Ier. Pourtant l’œil est gavĂ© de tableaux chorĂ©graphiques impressionnants, avec un pas de trois redoutable solidement interprĂ©tĂ© par Valentina Colasante, Eve Grinsztajn et François Alu. Si leur prestation est satisfaisante, une sorte de tension sur scène est apparente (et ceci n’est pas aussi valorisant pour eux que pour les protagonistes), peut-ĂŞtre sont-ils victimes du stress qu’impliquent la rigueur et l’exigence de tout ballet classique ? Matière Ă  la rĂ©flexion.

 

 

Comme d’habitude pour la maison, la musique fantastique, complexe et hautement Ă©motionnelle de Tchaikovsky est honorĂ©e par la performance irrĂ©prochable de l’orchestre sous la baguette du chef Kevin Rhodes. Les solos des bois et du violon sont interprĂ©tĂ©s avec brio et avec sentiment. La partition est responsable en grand partie des palpitations et des frissons ; elle impulse nos beaux danseurs Ă  un paroxysme de beautĂ© et d’intensitĂ©, et ensorcelle l’auditoire Ă  un tel point qu’on oublie les quelques rĂ©serves et rĂ©ticences exprimĂ©s sur la danse. A voir et revoir sans modĂ©ration encore les 14, 16, 17, 19, 23, 24, 27 et 30 mars ainsi que le 1er, 2, 6, 8 et 9 avril 2015 Ă  l’OpĂ©ra Bastille Ă  Paris.

 

 

La Iolanta d’Anna Netrebko (scène, cd, cinĂ©ma)

netrebkoNew York, MET. Tchaikovski : Anna Netrebko chante Iolanta. Qu’on le veuille ou non, le marketing des stars d’aujourd’hui est remarquablement planifiĂ© : au moment oĂą DG publie en cd sa Iolanta captĂ©e sur le vif en 2014, Anna Netrebko reprend le rĂ´le sur les planches new yorkaises en janvier et fĂ©vrier (avec une retransmisision dans les salles de cinĂ©ma annoncĂ©e le 14 fĂ©vrier 2015)… Remarquable incarnation pour la diva qui ne cesse de remporter ses nouveaux paris sur la scène lyrique…   Pour la saison 1891-1892, les Théâtres ImpĂ©riaux commandent 2 nouvelles Ĺ“uvres Ă  TchaĂŻkovski : un opĂ©ra, qui est son 10ème et dernier ouvrage lyrique, Iolanta et le lĂ©gendaire ballet, Casse-Noisette. Les deux partitions portant la marque du dernier TchaĂŻkovski : un sentiment irrĂ©pressiblement tragique s’accompagne d’une orchestration particulièrement raffinĂ©e. Iolanta mĂŞle histoire et fĂ©erie : le compositeur aborde comme un conte de fĂ©e l’histoire mĂ©diĂ©vale française (Ă  la Cour du Roi RenĂ© de Provence) oĂą Iolanta est une princesse aveugle qui apprend l’amour.

 

 

 

De l’enfance à l’âge adulte : une renaissance

 

tchaikovski piotr-Tchaikovsky-530-855L’héroïne réalise sa propre émancipation en osant se détacher symboliquement du père (qui la tient enfermée et entretient sa cécité). L’action suit la lente renaissance d’une âme qui découvre enfin la vraie vie ; c’est à dire comment elle réussit son passage de l’enfance à la maturité d’une adulte. De fille séquestrée, infantilisée, elle devient femme désirable et conquise… A la suite de Tatiana d’Eugène Onéguine, Iolanta doit d’abord prendre conscience de sa cécité avant de trouver son identité, diriger son destin, devenir elle-même. La qualité et la richesse des mélodies qui se succèdent intensifient le drame, conçu en un seul acte sur le livret du frère de Piotr Illiych, Modeste. L’ouverture et la mise en avant des instruments à vents (chant plaintif et vénéneux, presque énigmatique du hautbois et du cor anglais, accompagné par les bassons et les cors…), cette aspiration échevelée aux couleurs et résonances de l’étrange réalisant une immersion dans un monde féerique et fantastique mais intensément psychologique  (l’ouverture a été très critiquée par Rimsky), la figure du docteur maure Ebn Hakia (baryton), rare incursion d’un orientalisme concédé (beaucoup plus flamboyant chez les autres compositeurs russes comme Rimsky), la concentration de la musique sur la vie intérieure des protagonistes, l’absence des chœurs, tout l’itinéraire de la jeune fille aux résonances psychanalytiques, des ténèbres à l’éblouissement positif final-, fondent l’originalité du dernier opéra de Tchaïkovski : comme l’expérience d’un passage, de l’enfance aveugle à l’âge adulte (pleinement conscient), Iolanta est un huis clos où s’exprime le mouvement de la psyché d’une jeune femme à l’esprit ardent, tenue (par son père le roi René) à l’écart du monde.

Après la mort de Tchaïkovski (1893), Mahler assure la création allemande de Iolanta (Hambourg). L’oeuvre plus applaudie que Casse Noisette à sa création russe (Saint-Pétersbourg en 1892), traverse l’oublie jusqu’en 1940 quand la cantatrice russe Galina Vichnievskaïa, affirme et la figure captivante du personnage d’Iolanta, et la magie symphonique d’un opéra à redécouvrir. Car tout Tchaïkovski et le meilleur de son inspiration se concentrent dans Iolanta, véritable miniature psychologique. Et fait rare chez le compositeur de la Symphonie « tragique », le drame se finit bien.

L’INTRIGUE de Iolanta. L’OpĂ©ra Iolanta est en un acte et 9 tableaux. Alors que le Roi RenĂ© tient Ă  l’écart du monde, sa propre fille Iolanta, aveugle, absente Ă  sa propre infirmitĂ©, le mĂ©decin maure Ebn Hakia (baryton) annonce que la jeune princesse doit prendre conscience de son handicap pour s’en dĂ©tacher et peut-ĂŞtre en guĂ©rir…le Roi trop possessif demeure indĂ©cis mais le comte VaudĂ©mont (tĂ©nor), tombĂ© amoureux de Iolanta, lui apprend la lumière et l’amour : Iolanta, consciente dĂ©sormais de ce qu’elle est, peut dĂ©couvrir le monde et vivre sa vie. La jeune femme tenue cloĂ®trĂ©e, fait l’expĂ©rience de la maturitĂ© : en se dĂ©tachant du joug paternel, elle s’émancipe enfin.

 

 

synopsis de l’acte acte unique

1. Dans le verger du Palais où elle est tenue à l’écart du monde et des hommes, la fille du Roi René,Iolanta, se désespère s’interroge : sa nourrice Martha dissimule une terrible vérité : elle est aveugle mais ne doit pas comprendre la nature de son handicap. Pourtant Iolanta a le sentiment que pour vivre il faut souffrir. Ses compagnes lui chantent une berceuse pour la rassurer.

2. Survient le Roi René et le médecin maure Ebn Hakia : son diagnostic est clair : pour que Iolanta dépasse sa cécité, il faut qu’elle en prenne conscience afin de vouloir en guérir. Le Roi, coupable, hésite.

3. Le duc Robert de Bourgogne et le chevalier Vaudémont arrivent dans le parc du Palais. Vaudémont tombe immédiatement amoureux de la princesse Iolanta quand il la voit. Il lui demande par deux fois une rose rouge mais elle lui tend une rose blanche…il comprend qu’elle est aveugle. Vaudémont parle alors à Iolanta de lumière et l’invite à découvrir le monde à ses côtés…

4. Pour stimuler sa fille sur la voie de la guérison, le Roi René annonce qu’il exécutera Vaudémont si le traitement du médecin Ebn Hakia échoue. Iolanta, pour sauver son fiancé, se déclare prête à tout : elle suit le docteur maure.

5. Quand Ebn Hakia ôte la bandeau qui protégeait les yeux de Iolanta, la princesse peut désormais voir toutes les merveilles du monde et vivre son amour. Le Roi bénit l’union de Iolanta et de Vaudémont : tous chantent la gloire divine qui a permis un tel prodige.

 

 

 

La Iolanta d’Anna Netrebko

scène, cinéma, cd

 

Netrebko iolanta, tchaikovski metropolitanopera new york opera monte carlo metoperaiolanta1900x506Anna Netrebko chante en janvier 2015, Iolanta de Tchaikovski sur les planches du Metropolitan Opera de New York : 26, 29 janvier puis 3,7,10,14,18, 21 février 2015, 20h. Sous la direction de avec Piotr Beczala (Vaudémont)… Oeuvre couplée avec Le Chateau de Barbe Bleue de Bartok (avec Nadja Michael). Les deux opéras sont mis en scène par Mariusz Trelinski, sous la direction musicale de Valery Gergiev.

 

 

CINEMA. Iolanta et Le Château de Barbe-Bleue. Retransmission dans les salles de cinéma, le 14 février 2015, en direct du Metropolitan Opera de New York

 

 

Anna Netrebko reprend le rôle d’Iolanta à l’Opéra de Monte-Carlo, en version de concert, dimanche 21 juin 2015, 11h, également sous la direction d’Emmanuel Villaume. LIRE la critique complète de l’opéra Iolanta par Anna Netrebko ci dessous.

 

 

 

 

iolanta anna netrebko tchaikovski cd deutesche grammophon clic de classiquenews janvier 2015CD. Simultanément à ses représentations new yorkaises (janvier et février 2015), Deutsche Grammophon publie l’opéra où rayonne le timbre embrasé, charnel et angélique d’Anna Netrebko, assurément avantagée par une langue qu’elle parle depuis l’enfance. Nuances, richesse dynamique, finesse de l’articulation, intonation juste et intérieure, celle d’une jeune âme ardente et implorante, pourtant pleine de détermination et passionnée, la diva austro-russe marque évidement l’interprétation du rôle de Iolanta : elle exprime chaque facette psychologique d’un personnage d’une constante sensibilité. De quoi favoriser la nouvelle estimation d’un opéra, le dernier de Tchaïkovski, trop rarement joué.  En jouant sur l’imbrication très raffinée de la voix de la soliste et des instruments surtout bois et vents (clarinette, hautbois, basson) et vents (cors), Tchaïkovski excelle dans l’expression profondes  des aspirations secrètes d’une âme sensible, fragile, déterminée : un profil d’héroïne idéal, qui répond totalement au caractère radical du compositeur. Toute la musique de Tchaïkovski (52 ans) exprime la volonté de se défaire d’un secret, de rompre une malédiction… La voix corsée, intensément colorée de la soprano, la richesse de ses harmoniques offrent l’épaisseur au rôle-titre, ses aspirations désirantes : un personnage conçu pour elle. Voilà qui renoue avec la réussite pleine et entière de ses récentes prises de rôles verdiennes (Leonora du trouvère, Lady Macbeth) et fait oublier son erreur straussienne (Quatre derniers lieder de Richard Strauss).

netrebko anna iolantaSaluons dans cette lecture captée en direct en version de concert, l’aimantation progressive des deux âmes qui se rencontrent (Iolanta  / Vaudémont), se reconnaissent, se parlent sans mensonge : romance d’Iolanta (cd1 plage 15) à laquelle succède en un entrelac flamboyant, la réponse amoureuse, comme envoûté de Vaudémont prêt à la sauver d’elle même (surtout du joug paternel qui l’enferme). Cordes et harpes affirment le vœu et le serment qui les unissent désormais. En un duo qui s’avérait impossible dans le déroulement d’Eugène Onéguine, malgré la confession courageuse (dans sa lettre enflammée) de Tatiana, ici triomphent à l’inverse, deux amours retrouvés, deux énergies qui s’exaltent l’une l’autre en un chant double triomphant d’une ivresse éperdue. Quand on sait le poison et le poids du secret comme de la malédiction si tenace dans les autres ouvrages de Piotr Illiytch, le déroulement dramatique de Iolanta fait exception : la jeune femme réussit sa traversée, son rite, son passage symbolique, des ténèbres infantiles à la maturité lumineuse.

CLIC D'OR macaron 200CĂ´tĂ© orchestre, rien Ă  dire au travail d’Emmanuel Villaume : le superbe prĂ©lude oĂą rayonne le lugubre Ă©chevelĂ© des bois protagonistes Ă©tonnament cuivrĂ©s : cor anglais, hautbois, bassons en une ronde mordante et inquiĂ©tantes, propre au TchaIkovski le mieux efficace dramatiquement, s’impose. Puis c’est l’Ă©blouissement, la mĂ©tamorphose comme dans ThaĂŻs de Massenet, Ă  l’identique du sens de la fameuse MĂ©ditation pour le violon solo, ici la harpe et les cordes disent soudainement l’enchantement après la vision recouvrĂ©e de l’hĂ©roĂŻne.  L’enfant aveugle et cloĂ®trĂ© est devenu femme amoureuse, dĂ©sirante et curieuse. C’est dĂ©pouillĂ© et intense Ă  la fois, soulignant comme une scène théâtrale le relief incandescent du verbe : la jeune femme aveugle, ardente et curieuse exprime un dĂ©sir et une langueur indĂ©finissable. Le velours du timbre d’Anna Netrebko Ă©blouit dès le dĂ©but : ce rĂ´le lui va comme un gant. Le chant n’est pas que sensuel et hallucinĂ© : il exprime une personnalitĂ© que Tchaikovski a ciselĂ© comme sa Tatiana d’Eugène OnĂ©guine. Mais Ă  la diffĂ©rence de Tatiana qui demeure toujours dans la frustration et le contrĂ´le absolu, Iolanta offre une course diffĂ©rente, la figure d’un dĂ©voilement progressif, un accomplissement de nature miraculeuse. Netrebko incarne chaque facette de la personnalitĂ© de Iolanta avec une sensibilitĂ© irrĂ©sistible.

Iolanta : le nouveau dĂ©fi lyrique d'Anna Netrebko !L’interprĂ©tation de la diva convainc de bout en bout… D’abord  dans le tableau fĂ©minin, d’ouverture, celui de Iolanta et de sa suite : la langueur dĂ©munie, rĂŞveuse mais insatisfaite d’âmes cloĂ®trĂ©es se prĂ©cise. Puis, introduit par une fanfare de cor noble vagement cynĂ©gĂ©tique, paraissent les hommes ; ainsi s’accomplit la rencontre de Iolanta avec celui qui va la sauver VaudĂ©mont (Sergey Skorokhodov), grâce auquel la princesse aveugle osant affronter le risque et l’inconnu, se dĂ©fait seule de l’aveuglement qui la contraint depuis sa naissance… Le rĂ´le du mĂ©decin est lui aussi parfaitement tenu. Aucune faute de distribution en gĂ©nĂ©ral sauf pour la basse Vitalij Kowaljow qui fait un Roi RenĂ© un rien droit, placide et Ă©pais sans guère de trouble… quand le reste de la distribution exprime l’exaltation de chaque tempĂ©rament brossĂ© par Tchaikovski. Le nerf de l’orchestre, une Netrebko plus ardente et fĂ©minine que jamais font la rĂ©ussite de cette superbe lecture du dernier opus lyrique de Tchaikovsky.

CD, compte rendu critique. Tchaikovsky : Iolanta.  Anna Netrebko, Sergey Skorokhodov, Alexey Markov, Vitalij Kowaljow. Slovenian Chamber Choir, Slovenian Philharmonic Orchestra. Emmanuel Villaume, direction.  2 cd DG Deutsche Grammophon
0289 479 3969 6. Enregistrement. Le disque est publié le 27 janvier 2015.

 

 

Anna Netrebko chante Iolanta

netrebko anna-anna_netrebko_dario_acostaOpéra. Janvier, juin 2015. Tchaikovski : Anna Netrebko chante Iolanta. Pour la saison 1891-1892, les Théâtres Impérieux commandent 2 nouvelles œuvres à Tchaïkovski : un opéra son 10ème et dernier, Iolanta et le légendaire ballet, Casse-Noisette. Les deux partitions portant la marque du dernier Tchaïkovski : un sentiment irrépressiblement tragique s’accompagne d’une orchestration particulièrement raffinée. Iolanta mêle histoire et féerie : le compositeur aborde comme un conte de fée l’histoire médiévale française (à la Cour du Roi René de Provence) où Iolanta est une princesse aveugle qui apprend l’amour. A la suite de Tatiana d’Eugène Onéguine, Iolanta doit d’abord prendre conscience de sa cécité avant de trouver son identité, diriger son destin, devenir elle-même. La qualité et la richesse des mélodies qui se succèdent intensifient le drame, conçu en un seul acte sur le livret du frère de Piotr Illiych, Modeste. L’ouverture et la mise en avant des instruments à vents (chant plaintif et vénéneux, presque énigmatique du hautbois, accompagné par les bassons et les cors…), cette aspiration échevelée aux couleurs et résonances de l’étrange réalisant une immersion dans un monde féerique et fantastique (l’ouverture a été très critiquée par Rimsky), la figure du docteur maure Ebn Hakia (baryton), rare incursion d’un orientalisme concédé (beaucoup plus flamboyant chez les autres compositeurs russes comme Rimsky), la concentration de la musique sur la vie intérieure des protagonistes, l’absence des chœurs, tout l’itinéraire aux résonances psychanalytiques de la jeune fille, des ténèbres à l’éblouissement positif final-, fondent l’originalité du dernier opéra de Tchaïkovski : huit clos où s’exprime le mouvement de la psyché d’une jeune femme à l’esprit ardent, tenue (par son père le roi René) à l’écart du monde. Après la mort de Tchaïkovski (1893), Mahler assure la création allemande de Iolanta (Hambourg). L’oeuvre plus applaudie que Casse Noisette à sa création russe (Saint-Pétersbourg en 1892), traverse l’oublie jusqu’en 1940 quand la cantatrice russe Galina Vichnievskaïa, affirme et la figure captivante du personnage d’Iolanta, et la magie symphonique d’un opéra à redécouvrir. Car tout Tchaïkovski et le meilleur de son inspiration se concentrent dans Iolanta.

Résumé

tchaikovski Pyotr+Ilyich+Tchaikovsky-1L’Opéra Iolantha est en un acte et 9 tableaux. Alors que le Roi René tient à l’écart du monde, sa propre fille Iolanta, aveugle, absente à sa propre infirmité, le médecin maure Ebn Hakia (baryton) annonce que la jeune princesse doit prendre conscience de son handicap pour s’en détacher et peut-être en guérir…le Roi trop possessif demeure indécis mais le comte Vaudémont (ténor), tombé amoureux de Iolanta, lui apprend la lumière et l’amour : Iolanta, consciente désormais ce qu’elle est, peut découvrir le monde et vivre sa vie. La jeune femme tenue cloîtrée, fait l’expérience de la maturité : en se détachant du joug paternel, elle s’émancipe enfin.

synopsis de l’acte acte unique

1. Dans le verger du Palais où elle est tenue à l’écart du monde et des hommes, la fille du Roi René,Iolanta, se désespère s’interroge : sa nourrice Martha dissimule une terrible vérité : elle est aveugle mais ne doit pas comprendre la nature de son handicap. Pourtant Iolanta a le sentiment que pour vivre il faut souffrir. Ses compagnes lui chantent une berceuse pour la rassurer.

2. Survient le Roi René et le médecin maure Ebn Hakia : son diagnostic est clair : pour que Iolanta dépasse sa cécité, il faut qu’elle en prenne conscience afin de vouloir en guérir. Le Roi, coupable, hésite.

3. Le duc Robert de Bourgogne et le chevalier Vaudémont arrivent dans le parc du Palais. Vaudémont tombe immédiatement amoureux de la princesse Iolanta quand il la voit. Il lui demande par deux fois une rose rouge mais elle lui tend une rose blanche…il comprend qu’elle est aveugle. Vaudémont parle alors à Iolanta de lumière et l’invite à découvrir le monde à ses côtés…

4. Pour stimuler sa fille sur la voie de la guérison, le Roi René annonce qu’il exécutera Vaudémont si le traitement du médecin Ebn Hakia échoue. Iolanta, pour sauver son fiancé, se déclare prête à tout : elle suit le docteur maure.

5. Quand Ebn Hakia ôte la bandeau qui protégeait les yeux de Iolanta, la princesse peut désormais voir toutes les merveilles du monde et vivre son amour. Le Roi bénit l’union de Iolanta et de Vaudémont : tous chantent la gloire divine qui a permis un tel prodige.

netrebko anna-anna_netrebko_dario_acostaCD, Opéra… En 2015, Anna Netrebko chante Iolanta de Tchaïkovski. La soprano austro russe révélée par Gergiev, égérie des festivals de Baden Baden et de Salzbourg (entre autres), continue ses prises de rôles ; après Leonora du Trouvère, Lady Macbeth chez Verdi en 2013 et 2014, la soprano vedette enregistre et chante Iolanta, 10ème et ultime opéra de Tchaikovski (1892). Intimiste, aux résonances psychanalytiques, l’ouvrage est d’une beauté austère, un drame resserré comme une pièce de théâtre ou un mélodrame (un acte seul) qui simultanément au ballet Casse-Noisette (créé la même année et au cours de la même soirée), affirme le génie d’orchestrateur de Piotr Illiytch. Le disque est publié le 5 janvier 2015 par Deutsche Grammophon (sous la direction d’Emmanuel Villaume). Côté scène, Anna Netrebko chante Iolanta sur les planches du Metropolitan Opera de New York du 26 janvier au 21 février 2015 sous la direction de Valéry Gergiev. L’opéra en un acte raconte l’émancipation d’une jeune princesse française tenue à l’égard du monde et des hommes par son père le Roi Réne de Provence : l’action du maure (Ibn-Hakia) lui dévoile le vrai monde, celui qu’elle peut d’abord imaginer, puis voir et vivre pleinement, après avoir pris conscience de sa cécité, et exprimé le désir d’en guérir. Iolanta, surprotégée par son père, parviendra-t-elle à s’émanciper et vivre sa propre vie ?

Anna Netrebko reprend le rôle d’Iolanta à l’Opéra de Monte-Carlo, en version de concert, dimanche 21 juin 2015, 11h, également sous la direction d’Emmanuel Villaume. Prochaine critique complète de l’opéra Iolanta par Anna Netrebko dans le mag cd dvd livres de classiquenews, le 5 janvier 2015.

Netrebko iolanta, tchaikovski metropolitanopera new york opera monte carlo metoperaiolanta1900x506Anna Netrebko au Metropolitan Opera de New York. Anna Netrebko chante en janvier 2015, Iolanta de Tchaikovski sur les planches du Metropolitan Opera de New York : 26, 29 janvier puis 3,7,10,14,18, 21 février 2015, 20h. Sous la direction de avec Piotr Beczala (Vaudémont)… Oeuvre couplée avec Le Chateau de Barbe Bleue de Bartok (avec Nadja Michael). Les deux opéras sont mis en scène par Mariusz Trelinski, sous la direction musicale de Valery Gergiev.

iolanta anna netrebko tchaikovski cd deutsche grammophonSimultanément à ses représentations new yorkaises, Deutsche Grammophon publie l’opéra où rayonne le timbre embrasé, charnel et angélique d’Anna Netrebko, assurément avantagée par une langue qu’elle parle depuis l’enfance. Nuances, richesse dynamique, finesse de l’articulation, intonation juste et intérieure, celle d’une jeune âme ardente et implorante, pourtant pleine de détermination et passionnée, la diva austro-russe marque évidement l’interprétation du rôle. De quoi favoriser la nouvelle estimation d’un opéra, le dernier de Tchaïkovski, trop rarement joué.  En jouant sur l’imbrication très raffinée de la voix de la soliste et des instruments surtout bois et vents (clarinette, hautbois, basson) et vents (cors), Tchaïkovski s’entend à merveille à exprimer les aspirations profondes d’une âme sensible, fragile, déterminée : un profil d’héroïne idéal, qui répond totalement au caractère radical du compositeur. Toute la musique de Tchaïkovski (52 ans) exprime la volonté de se défaire d’un secret, de rompre une malédiction… La voix corsé, intensément colorée de la soprano, la richesse de ses harmoniques offrent l’épaisseur au rôle-titre, ses aspirations désirantes : un personnage conçu pour elle. Voilà qui renoue avec la réussite pleine et entière de ses récentes prises de rôles verdiennes (Leonora du trouvère, Lady Macbeth) et fait oublier son erreur straussienne (Quatre derniers lieder de Richard Strauss).

 Iolanta au cinéma

Iolanta et Le Château de Barbe-Bleue. Retransmission dans les salles de cinéma, le 14 février 2015

CD, opéra. En 2015, Anna Netrebko chante Iolanta de Tchaïkovski

netrebko anna-anna_netrebko_dario_acosta

 

iolanta anna netrebko tchaikovski cd deutsche grammophonCD, Opéra… En 2015, Anna Netrebko chante Iolanta de Tchaïkovski. La soprano austro russe révélée par Gergiev, égérie des festivals de Baden Baden et de Salzbourg (entre autres), continue ses prises de rôles ; après Leonora du Trouvère, Lady Macbeth chez Verdi en 2013 et 2014, la soprano vedette enregistre et chante Iolanta, 10ème et ultime opéra de Tchaikovski (1892). Intimiste, aux résonances psychanalytiques, l’ouvrage est d’une beauté austère, un drame resserré comme une pièce de théâtre ou un mélodrame (un acte seul) qui simultanément au ballet Casse-Noisette (créé la même année et au cours de la même soirée), affirme le génie d’orchestrateur de Piotr Illiytch. Le disque est publié le 5 janvier 2015 par Deutsche Grammophon (sous la direction d’Emmanuel Villaume). Côté scène, Anna Netrebko chante Iolanta sur les planches du Metropolitan Opera de New York du 26 janvier au 21 février 2015 sous la direction de Valéry Gergiev. L’opéra en un acte raconte l’émancipation d’une jeune princesse française tenue à l’égard du monde et des hommes par son père le Roi Réne de Provence : l’action du maure (Ibn-Hakia) lui dévoile le vrai monde, celui qu’elle peut d’abord imaginer, puis voir et vivre pleinement, après avoir pris conscience de sa cécité, et exprimé le désir d’en guérir. Iolanta, surprotégée par son père, parviendra-t-elle à s’émanciper et vivre sa propre vie ?

Anna Netrebko reprend le rôle d’Iolanta à l’Opéra de Monte-Carlo, en version de concert, dimanche 21 juin 2015, 11h, également sous la direction d’Emmanuel Villaume.

 

 

Prochaine critique complète de l’opéra Iolanta par Anna Netrebko dans le mag cd dvd livres de classiquenews, le 5 janvier 2015.

 

 

Casse-Noisette Ă  Baden Baden

Baden Baden Casse noisette - Mariinski ballet nussknacker-c-v-baranovsky-949x466Baden Baden, Festpielhaus. Tchaikovski: Casse-noisette. Les 25,26 décembre 2014. Pour les fêtes de fin d’année, la station thermale qui est aussi une ville touristiquement à la pointe offre une saison musicale étonnamment riche et prestigieuse comptant par exemple de nombreuses stars internationales invitées du Festpielhauss, la salle de concerts et d’opéras (en novembre et décembre, le festival d’automne de Baden Baden invite Hélène Grimaud, Yannick Nézet-Séguin, Elina Garança, Simone Kermes et Vivica Genaux, le Philharmonique de Vienne, Pierre-Laurent Aimard, et donc plusieurs ballets dont  Raymonda, Le lac des cygnes et Casse-Noisette pour le temps de Noël, suivent un gamma de la danse le 27 décembre et la gala de la Saint-Sylvestre le 31 décembre, avec entre autres la soprano Angela Gheorghiu… En décembre partez à Baden Baden, visiter la ville et ses services, sans manquez cette années les 3 représentations du ballet de Tchaikovski Casse noisette, chef d’oeuvre chorégraphique et symphonique du romantisme enflammé, enivrant de Piotr Illyitch, une opportunité surtout pour y (re)découvrir la grâce collective du Ballet du Théâtre Mariinski, détenteur depuis longtemps d’une maîtrise indiscutée dans ce répertoire.

 

 

baden bande festspielhaus festival concerts operas Baden-Baden_0Baden Baden, Festpielhaus. Tchaikovski: Casse-noisette. Les 25 (18h), 26 14h, 20h) décembre 2014. Spectacle familial idéal pour Noël 2014. Billets de 40 à 130 euros. S’immerger dans les tableaux enchanteurs de Casse-noisette, dans la version du Ballet Mariinski de Saint-Petersbourg, qui historiquement a créé le ballet, reste une expérience marquante pour toute la famille, en particulier les enfants, toujours saisi par le tableau de la première scène : la décoration du sapin de Noël par Clara et Fritz dans une ambiance idéale, celle d’une maison qui verse très vite dans la féerie dramatique et onirique…

Vasily Vainonen, chorégraphie et livret
Simon Virsaladze, décors
Mariinsky-Ballett
Mariinsky Orchester

 

 

 

Prochain festival Ă  baden Baden … En mars 2015, le festival de Pâques de Baden Baden invite le philharmonique de Berlin, Anna Prohaska, Bernard Haitink et Isabelle Faust… :

 

 

 

piotr ilitch-Tchaikovsky-530-851Production dĂ©signĂ©e pour cĂ©lĂ©brer les fĂŞtes de NoĂ«l en famille, le ballet Casse-Noisette de Piotr Illiyitch TchaĂŻkovski (1840-1893) est son dernier ballet composĂ© entre 1891 et 1892. Il est créé avec un succès assez froid en dĂ©cembre 1892 au théâtre Mariinski de Saint Petersbourg sur la chorĂ©graphie de Lev Ivanov. Pourtant la magie de ses pas, les tableaux collectifs, surtout le beautĂ© enivrante de la musique en font toujours aujourd’hui le fleuron des ballets romantiques russes, et aussi, le sommet de l’inspiration chorĂ©graphique de TchaĂŻkovski : le compositeur y rĂ©ussit une immersion fĂ©erique dans le monde de l’enfance, n’hĂ©sitant pas Ă  oser une orchestration somptueusement scintillante (le cĂ©lesta dans le tableau de la Danse de la fĂ©e DragĂ©e). Le cĂ©lesta est d’ailleurs souvent assimilĂ© au personnage clĂ© de Clara.

Au pays des rêves…

Acte I. L’intrigue, inspirĂ© du livret d’Ivan Vsevolojski et Marius Petipa s’inspire de l’adaptation qu’a fait Alexandre Dumas d’un conte d’ETA Hoffmann : Casse-noisette et le roi des souris. Il met d’abord en avant une fĂŞte de NoĂ«l qui place les enfants (Clara, son frère Fritz) au devant de la scène dans une sĂ©rie de divertissements rĂ©glĂ©s par l’oncle Drosselmeyer (oĂą paraissent des parents en Incroyables, des jouets – poupĂ©es et soldats-, grandeur nature aux gestes saccadĂ©s…) : la magie voisine dĂ©jĂ  avec le cauchemar et l’inspiration verse souvent dans le fantastique, propre Ă  l’univers d’ETA Hoffmann ; Clara reçoit enfin son cadeau de NoĂ«l, un casse-noisette. Mais jaloux, Fritz brise le jouet de sa soeur… Les enfants vont se coucher et le silence règne dans la maison. Comme dans Le Lac des cygnes, Casse-noisette exprime le passage de l’enfance Ă  l’adolescence : une prise de conscience de la fĂ©erie Ă  la rĂ©alitĂ© par l’expĂ©rience du mal et des Ă©preuves Ă  surmonter (les forces hostiles du Roi et de la Reine des souris…).

Clara revient dans le salon, inquiète du sort de son jouet fétiche. Un enchantement se réalise et pendant la nuit, au pied du sapin, les jouets s’animent, Casse-noisette devient un jeune homme conquérant… un prince idéal. Il défend Clara contre le roi des souris, le tue grâce à la complicité de la jeune fille : l’on comprend alors que Hans-Peter a été l’objet d’un sortilège jeté par le roi des souris, il a été changé en casse-noisette malgré lui. Grâce au truchement du divertissement imaginé par l’oncle démiurge Drosselmeyer, grâce à la volonté de Clara, le jeune homme a retrouvé figure humaine. Clara et hans-Peter peuvent à présent quitter la maison et voyager : d’abord au pays des neiges, tableau enchanteur qui clôt le premier acte.

Acte II. Hans-Peter emmène ensuite Clara au pays des rêves enfin au pays de Confiturembourg, palais des délices ; puis, Drosselmeyer les introduit auprès de la Fée Dragée et du Prince Orgeat. Hans-Peter raconte à tous comment il a combattu le roi des souris et comment Clara l’a aidé dans cette bataille… La Fée Dragée sert un repas somptueux et raffiné puis un nouveau spectacle se réalise. C’est dans l’esprit des divertissements baroques (opéras de Campra et de Rameau), une nouvelle série de danses collectives aux caractères divers et contrastés : danses espagnole (chocolat), arabe (café),  chinoise (thé), le Trépak, danse russe frénétique … ; la partition regorge de séquences mélodieusement inoubliables servies chacune par une orchestration à la fois puissante et très caractérisée, révélant le génie de Tchaikovski dans l’instrumentation : danse des mirlitons (3 flûtes, cor anglais et cuivres), valse des fleurs (cors), le point conclusif palpitant et entraînant de l’oeuvre, qui intègre aussi un pas de deux entre la Fée Dragée et le prince Orgeat. Rêve d’une petite fille ou libération du jeune Hans Peter, le livret peut être lu en différentes lectures. C’est une rêverie puissante et souvent irrésistible où Tchaikovski retrouve l’innocence de l’enfance en lui donnant un cycle de mélodies inégalées.

Compte rendu, concert symphonique. Tours. Opéra, le 15 novembre 2014. Magnard, Tchaikovski (6ème Symphonie). OSRCT Orchestre Symphonique Région Centre Tours. Jean-Yves Ossonce, direction.

ossonce jean yves osrct symphonique toursTrilogie originale que celle inaugurant la nouvelle saison symphonique 2014-2015 de l’OpĂ©ra de Tours. Leonore III de Beethoven permet aux musiciens et au chef de mesurer leur capacitĂ© dans l’exposition d’une ouverture passionnĂ©e offrant toute l’exaltation de l’idĂ©al fraternel et humaniste dĂ©fendu et dĂ©veloppĂ© dans l’opĂ©ra qui suit, Fidelio. La rage et la dĂ©termination ouvertement tournĂ©es vers la lumière composent le plus bel hymne Ă  la fidĂ©litĂ© amoureuse, Ă  la loyautĂ© qui fait la grandeur humaine, autant d’idĂ©aux que Beethoven inscrit en lettres d’or sur le fronton de la scène.  L’âpretĂ© motorique des premiers violons, le chant aĂ©rien de la flĂ»te, la tendresse hĂ©roĂŻque du hautbois entre autres, lancent le formidable chant de victoire qui transforme peu Ă  peu la violence du drame en ferveur exaltĂ©e, une transe instrumentale que Jean-Yves Ossonce conduit sans sourciller ni sans faiblir jusqu’Ă  sa libĂ©ration finale. C’est ce mĂŞme orchestre qui porte tout au long de l’annĂ©e l’une des programmations lyriques les plus intĂ©ressantes de l’Hexagone : leur expĂ©rience et leur engagement comme orchestre lyrique, s’entendent nettement ici.

ORCHESTRE TOURS CHATELETMĂŞme tension fraternelle et vive opposition de deux thèmes contrastĂ©s dans la seconde partition plutĂ´t rare ailleurs, mais emblème d’une curiositĂ© propre Ă  Tours Ă  prĂ©sent car les Ĺ“uvres d’AlbĂ©ric Magnard (mort en 1914) y sont rĂ©gulièrement jouĂ©es grâce Ă  la curiositĂ© du chef : il y a quelques mois (avril 2014), rĂ©sonnait avec une vivacitĂ© envoĂ»tante, ce wagnĂ©risme français parfaitement maĂ®trisĂ© dans l’opĂ©ra BĂ©rĂ©nice (voir notre reportage vidĂ©o sur l’opĂ©ra BĂ©rĂ©nice de Magnard Ă  l’OpĂ©ra de Tours), rĂ©vĂ©lation totale oĂą l’ouvrage dĂ©ploie un symphonisme particulièrement texturĂ©, des audaces harmoniques qui suivent très scrupuleusement la mĂ©tamorphose psychique des protagonistes (ici BĂ©rĂ©nice, phare moral pourtant rĂ©pudiĂ©e, et l’empereur Titus qui Ă  son contact vit un bouleversement personnel d’une dignitĂ© tragique rare). D’une architecture parfaitement Ă©laborĂ©e, l’Hymne Ă  la justice créé en 1902 est l’acte de dĂ©nonciation qui est l’Ă©quivalent musical du ” J’accuse ” de Zola, en pleine affaire Dreyfus. A la violence qui s’y dĂ©gage dans l’Ă©noncĂ© de la barbarie humaine rĂ©pond le scintillement lumineux du thème de la justice avec l’utilisation de la harpe dont Franck dans sa fameuse Symphonie en rĂ© fait un usage tout aussi rĂ©flĂ©chi au moment le plus spirituellement clĂ©. DouĂ© d’une grande motricitĂ© expressive, l’orchestre conduit le flux expressif tout en rĂ©vĂ©lant la plĂ©nitude rayonnante des timbres solistes (flĂ»te, basson, clarinette…). L’Ă©quilibre des rĂ©ponses entre les pupitres, la clartĂ© de la progression dramatique, la fluiditĂ© vive de la direction de Jean-Yves Ossonce au service d’une Ĺ“uvre rare, magnifiquement Ă©crite, dĂ©fendent avec une passion constante, la redĂ©couverte de Magnard.

 

tchaikovski-583-597Le clou de la soirĂ©e est dans sa seconde partie, la 6ème Symphonie de TchaĂŻkovski (créée en 1893). Pièce maĂ®tresse de l’orchestre symphonique russe Ă  son sommet romantique, dont les sĂ©quences sont autant de traversĂ©es sombres mais Ă©purĂ©es de l’autre cĂ´tĂ© du miroir. Voici assurĂ©ment l’une des Symphonies les plus intimes, sombres, graves jamais Ă©crites : un miroir noir pourtant fascinant par ses failles et ses Ă©lans instrumentalement ciselĂ©s. La conclusion (IV. Allegro lamentoso) d’un lugubre grave d’une totale poĂ©sie, Ă©tend son voile pianissimo jusqu’Ă  l’infime souffle de vie : il s’agit de la dernière partition de Tchaikovski dont Jean-Yves Ossonce aura peu Ă  peu abordĂ© l’intĂ©grale des Symphonies au cours des dernières saisons de l’Orchestre Symphonique RĂ©gion Centre Tours (OSRCT). Chef et instrumentistes ont rĂ©vĂ©lĂ© une Ă©nergie maĂ®trisĂ©e, jouant lĂ  encore sur les dĂ©licats Ă©quilibres entre les pupitres, l’Ă©loquence amère et voluptueuse des timbres (dont Ă©videmment les pointes grimaçantes et sardoniques des cors bouchĂ©s en fin d’expĂ©rience : le chef fait battre la cadence d’un cĹ“ur condamnĂ© dès les première notes.
Dans ce sublime parcours funèbre, le second mouvement allegro (con grazia) prend des allures de remise en ordre, de discipline reconquise, aux Ă©lans Ă©perdus mais qui ne peuvent au final empĂŞcher le lent effondrement progressif jusqu’Ă  l’anĂ©antissement des dernières mesures du cycle. La dĂ©sespĂ©rance, la dĂ©pression, le dĂ©lire et la transe s’expriment dans une langue raffinĂ©e dont les interprètes soulignent la richesse des combinaisons, les effluves remarquablement orchestrĂ©s d’une lente et inĂ©luctable agonie. Le martèlement obsessionnel puis allĂ©gĂ© jusqu’Ă  l’innocence du second mouvement, la valse du troisième embrumĂ©e et voilĂ©e elle aussi de profonds ressentiments,  la chute finale et les dernières saccades d’un cĹ“ur mis Ă  mort, font le mĂ©rite d’une lecture tendue et fruitĂ©e qui n’a pu se dĂ©ployer ce soir sans une rĂ©elle complicitĂ© entre le chef et ses musiciens. Une entente capable de dĂ©passements en concert que l’on aime suivre pas Ă  pas, et demain peut-ĂŞtre dans de nouveaux champs d’exploration, de recherche, d’ajustement comme les 6 et 7 dĂ©cembre, ce Walton inconnu, ou nous l’espĂ©rons chez Sibelius, ou Mahler… sans omettre les symphonistes français mĂ©connues : Bizet, Franck, D’Indy, Lalo, Dukas, et tant d’autres dont nous ne doutons pas que Jean-Yves Ossonce, en symphoniste affĂ»tĂ©, rĂ©vĂ©lera bientĂ´t les qualitĂ©s oubliĂ©es.

Compte rendu, concert symphonique. Tours. Opéra, le 15 novembre 2014. Magnard, Tchaikovski (6ème Symphonie). OSRCT Orchestre Symphonique Région Centre Tours. Jean-Yves Ossonce, direction.

Prochain concert symphonique de l’OSRCT Ă  l’OpĂ©ra de Tours : les 6 et 7 dĂ©cembre 2014. Mozart (Ouverture des Noces de Figaro, Concerto pour piano n°25), Walton (Symphonie n°1) : OSRCT. Igor Tchetuev, piano. Emmanuel Joel-Hornak, direction

Prochain opĂ©ra Ă  l’affiche du Grand Théâtre de Tours : la sublime Chauve Souris de Johann Strauss fils qui associe dĂ©lire théâtral et orchestration Ă©lĂ©gantissime : un Ă©vĂ©nement pour les fĂŞtes et une nouvelle production sous la baguette de l’excellent Jean-Yves Osonce : 4 reprĂ©sentations pour la fin de l’annĂ©e et l’avènement de 2015. Les 27, 28, 30 et 31 dĂ©cembre 2014. Jacques Duparc, mise en scène. Avec Mireille Delunsch (Rosalinde), Vannina Santoni (Adèle), Didier Henry (Eisenstein), Aude Extremo (Orlovsky), Jacques Duparc (Frosch)… Nouvelle production

 

 

Illustrations : © GĂ©rard Proust 2014. Jean-Yves Ossonce et l’OSRCT, Orchestre Symphonique RĂ©gion Centre Tours

Tours. Concert Tchaikovski:6ème Symphonie. OSRCT, JY Osonce, les 15,16 novembre 2014

tchaikovski Pyotr+Ilyich+Tchaikovsky-1Tours, concert. Magnard, Tchaikovski : OSRCT, Ossonce, les 15,16 novembre 2014. Pour lancer sa saison symphonique 2014 – 2015, l’OpĂ©ra de Tours propose pour son premier concert, les 15 et 16 novembre prochains, un programme passionnant couplant Magnard (une spĂ©cialitĂ© locale dĂ©fendue depuis de nombreuses annĂ©es par le chef Jean-Yves Ossonce), Beethoven et surtout TchaĂŻkovski – autre compositeur favori (6ème Symphonie, “PathĂ©tique”)… Concert Ă©vĂ©nement. Depuis plusieurs annĂ©es dĂ©jĂ , les concerts symphoniques Ă  l’OpĂ©ra de Tours sont devenus des Ă©vĂ©nements incontournables tant par l’originalitĂ© des programmes prĂ©sentĂ©s souvent très ambitieux, et toujours remarquablement Ă©quilibrĂ©s, que l’engagement des musiciens en prĂ©sence, canalisĂ©s par la direction vive et affĂ»tĂ©e de Jean-Yves Ossonce.  Pour son premier concert de la saison symphonique 2014-2015, l’OSRCT, Orchestre symphonique RĂ©gion Centre Tours propose un programme rugissant, lyrique et pathĂ©tique : les facettes expressives des Ĺ“uvres ainsi enchaĂ®nĂ©es offrent un panel impressionnant de climats Ă  rĂ©ussir : Leonore III est plus qu’une ouverture ; outre sa parure et sa construction très Ă©laborĂ©es qui sont l’aboutissement de plusieurs réécritures de la part de Beethoven : composĂ©e en 1806, il s’agit après moult essais, d’un rĂ©sumĂ© redoutablement efficace du drame qui en prolonge les dĂ©clarations multiples : hymne Ă  l’amour souverain, contestation de la tyrannie, sur le ton et dans une Ă©toffe orchestrale des plus raffinĂ©s. LIRE notre prĂ©sentation complète du concert inaugural de la saison symphonique 2014-2015…

 

La 6ème de Tchaikovsky ouvre la saison symphonique de l’OpĂ©ra de Tours

tchaikovski-583-597

 

 

Tours,OpĂ©ra. Magnard, Tchaikovski : OSRCT, Ossonce, les 15,16 novembre 2014. Depuis plusieurs annĂ©es dĂ©jĂ , les concerts symphoniques Ă  l’OpĂ©ra de Tours sont devenus des Ă©vĂ©nements incontournables tant par l’originalitĂ© des programmes prĂ©sentĂ©s souvent très ambitieux, et toujours remarquablement Ă©quilibrĂ©s, que l’engagement des musiciens en prĂ©sence, canalisĂ©s par la direction vive et affĂ»tĂ©e de Jean-Yves Ossonce.  Pour son premier concert de la saison symphonique 2014-2015, l’OSRCT, Orchestre symphonique RĂ©gion Centre Tours propose un programme rugissant, lyrique et pathĂ©tique : les facettes expressives des Ĺ“uvres ainsi enchaĂ®nĂ©es offrent un panel impressionnant de climats Ă  rĂ©ussir : Leonore III est plus qu’une ouverture ; outre sa parure et sa construction très Ă©laborĂ©es qui sont l’aboutissement de plusieurs réécritures de la part de Beethoven : composĂ©e en 1806, il s’agit après moult essais, d’un rĂ©sumĂ© redoutablement efficace du drame qui en prolonge les dĂ©clarations multiples : hymne Ă  l’amour souverain, contestation de la tyrannie, sur le ton et dans une Ă©toffe orchestrale des plus raffinĂ©s.

Prolongement des rĂ©cents concerts donnĂ©s par l’Orchestre au cours des trois dernières annĂ©es (LIRE entre autres notre prĂ©sentation de la Symphonie n°4 jouĂ©e en janvier et fĂ©vrier 2012), la Symphonie ultime de Tchaikovski, PathĂ©tique, accomplit tout un cycle orchestral d’une rare et exceptionnelle introspection : comme les opus de Mahler, les Ĺ“uvres de Tchaikovski ont un fort contenu autobiographique. Comme une prĂ©monition de sa mort prochaine, le compositeur russe y peint une sĂ©rie de paysage crĂ©pusculaire, marquĂ©s par l’anĂ©antissement des forces vitales, Piotr Illyitch, marquĂ© par un terrible secret (celui de son homosexualitĂ©) ayant toujours Ă©tĂ© enclin Ă  la dĂ©pression et Ă  la solitude. La richesse et le raffinement de l’orchestration, l’architecture globale de l’opus 74 laissent l’impression d’une traversĂ©e sans retour, une plongĂ©e âpre et enivrĂ©e de l’autre cĂ´tĂ© du miroir. Entre la première sous la direction de l’auteur (Saint-PĂ©tersbourg le 16 octobre 1893), accueillie froidement (la baguette de TchaĂŻkovski n’a jamais Ă©tĂ© très convaincante) et sa reprise sous la direction toute autre de Napravnik, qui apporte le succès, TchaĂŻkovski s’éteint probablement sous la pression d’un scandale liĂ© Ă  sa vie intime. Suicide ou empoisonnement, nul ne le saura peut-ĂŞtre jamais mais cette 6 ème dite ” PathĂ©tique ” est davantage, un Requiem symphonique composĂ©e dans les affres et les vertiges paniques d’une dĂ©route personnelle. S’y dĂ©verse tel un flot Ă©ruptif d’une solennitĂ© toute martiale et pleine de panache la rĂ©sistance aussi d’un homme atteint, viscĂ©ralement inscrit dans le dĂ©sespoir. L’opus 74 est dĂ©diĂ© Ă  son neveu Vladimir Davydov, sa bouĂ©e de sauvetage dans l’une des pĂ©riodes les plus tourmentĂ©es et difficile de sa vie.

 

Beethoven : Leonore, ouverture III opus 72c
Magnard : Hymne Ă  la justice opus 14
Tchaikovski : Symphonie n°6 “PathĂ©tique”

Tours, Grand Théâtre Opéra
Samedi 15 novembre – 20h
Dimanche 16 novembre – 17h
Réservez votre place

DĂ©couvrir la saison symphonique 2014 – 2015 sur le site de l’OpĂ©ra de Tours

Conférence sur le programme du concert des 15 et 16 novembre 2014
Samedi 15 novembre – 19h00
Dimanche 16 novembre – 16h00
Grand Théâtre – Salle Jean Vilar
Entrée gratuite

 

 

Tours, Opéra. Concert Tchaikovski:6ème Symphonie. OSRCT, JY Osonce, les 15,16 novembre 2014

tchaikovski Pyotr+Ilyich+Tchaikovsky-1Tours,OpĂ©ra. Magnard, Tchaikovski : OSRCT, Ossonce, les 15,16 novembre 2014. Depuis plusieurs annĂ©es dĂ©jĂ , les concerts symphoniques Ă  l’OpĂ©ra de Tours sont devenus des Ă©vĂ©nements incontournables tant par l’originalitĂ© des programmes prĂ©sentĂ©s souvent très ambitieux, et toujours remarquablement Ă©quilibrĂ©s, que l’engagement des musiciens en prĂ©sence, canalisĂ©s par la direction vive et affĂ»tĂ©e de Jean-Yves Ossonce.  Pour son premier concert de la saison symphonique 2014-2015, l’OSRCT, Orchestre symphonique RĂ©gion Centre Tours propose un programme rugissant, lyrique et pathĂ©tique : les facettes expressives des Ĺ“uvres ainsi enchaĂ®nĂ©es offrent un panel impressionnant de climats Ă  rĂ©ussir : Leonore III est plus qu’une ouverture ; outre sa parure et sa construction très Ă©laborĂ©es qui sont l’aboutissement de plusieurs réécritures de la part de Beethoven : composĂ©e en 1806, il s’agit après moult essais, d’un rĂ©sumĂ© redoutablement efficace du drame qui en prolonge les dĂ©clarations multiples : hymne Ă  l’amour souverain, contestation de la tyrannie, sur le ton et dans une Ă©toffe orchestrale des plus raffinĂ©s.

 

 

Tours_ossonce_Tomasi_trompette_franck_symphonie_re_concert_570Jean-Yves Ossonce connaĂ®t bien Magnard pour en avoir dĂ©voiler le premier la puissante audace d’Ă©criture. A la complexitĂ© de la conception rĂ©pond surtout l’engagement du sujet : en 1902, Magnard Ă©crit son hymne Ă  la justice en rĂ©action au procès partial du capitaine Dreyfus. C’est devenu une partition emblĂ©matique dans l’Hexagone depuis qu’elle fut au lendemain de la seconde guerre, jouĂ© par l’Orchestre national de la Radio (actuel Orchestre national de France) poru son premier concert après la LibĂ©ration.
Prolongement des rĂ©cents concerts donnĂ©s par l’Orchestre au cours des trois dernières annĂ©es (LIRE entre autres notre prĂ©sentation de la Symphonie n°4 jouĂ©e en janvier et fĂ©vrier 2012), la Symphonie ultime de Tchaikovski, PathĂ©tique, accomplit tout un cycle orchestral d’une rare et exceptionnelle introspection : comme les opus de Mahler, les Ĺ“uvres de Tchaikovski ont un fort contenu autobiographique. Comme une prĂ©monition de sa mort prochaine, le compositeur russe y peint une sĂ©rie de paysage crĂ©pusculaire, marquĂ©s par l’anĂ©antissement des forces vitales, Piotr Illyitch, marquĂ© par un terrible secret (celui de son homosexualitĂ©) ayant toujours Ă©tĂ© enclin Ă  la dĂ©pression et Ă  la solitude. La richesse et le raffinement de l’orchestration, l’architecture globale de l’opus 74 laissent l’impression d’une traversĂ©e sans retour, une plongĂ©e âpre et enivrĂ©e de l’autre cĂ´tĂ© du miroir. Entre la première sous la direction de l’auteur (Saint-PĂ©tersbourg le 16 octobre 1893), accueillie froidement (la baguette de TchaĂŻkovski n’a jamais Ă©tĂ© très convaincante) et sa reprise sous la direction toute autre de Napravnik, qui apporte le succès, TchaĂŻkovski s’éteint probablement sous la pression d’un scandale liĂ© Ă  sa vie intime. Suicide ou empoisonnement, nul ne le saura peut-ĂŞtre jamais mais cette 6 ème dite ” PathĂ©tique ” est davantage, un Requiem symphonique composĂ©e dans les affres et les vertiges paniques d’une dĂ©route personnelle. S’y dĂ©verse tel un flot Ă©ruptif d’une solennitĂ© toute martiale et pleine de panache la rĂ©sistance aussi d’un homme atteint, viscĂ©ralement inscrit dans le dĂ©sespoir. L’opus 74 est dĂ©diĂ© Ă  son neveu Vladimir Davydov, sa bouĂ©e de sauvetage dans l’une des pĂ©riodes les plus tourmentĂ©es et difficile de sa vie.

 

 

 

Beethoven : Leonore, ouverture III opus 72c
Magnard : Hymne Ă  la justice opus 14
Tchaikovski : Symphonie n°6 “PathĂ©tique”

Tours, Grand Théâtre Opéra
Samedi 15 novembre – 20h
Dimanche 16 novembre – 17h
Réservez votre place

DĂ©couvrir la saison symphonique 2014 – 2015 sur le site de l’OpĂ©ra de Tours

Conférence sur le programme du concert des 15 et 16 novembre 2014
Samedi 15 novembre – 19h00
Dimanche 16 novembre – 16h00
Grand Théâtre – Salle Jean Vilar
Entrée gratuite

 

 

LIRE aussi le notre dossier portrait de Piotr Illyitch TchaĂŻkovski

Compte rendu, concert. Toulouse.Halle-aux-grains, le 4 juin 2014 ; Dimitri Chostakovitch (1906-1975): Katerina Ismaïlova,suite,op.114a; Piotr Illich Tchaïkovski (1840-1893) : Variations sur un thème rococo pour violoncelle et orchestre, op.33; Symphonie n°6 en si bémol mineur, op.74 « Pathétique »; Narek Hakhnazaryan, violoncelle; Orchestre National du Capitole de Toulouse; Direction:Tugan Sokhiev.

TchaikovskiAvant dernier concert de la saison toulousaine 2014 pour Tugan Sokhiev ; il a Ă©galement Ă©tĂ© programmĂ© Ă  la Salle Pleyel Ă  Paris, le lendemain. Belle audace parisienne car câ€est peut ĂŞtre le plus beau concert de la saison Toulousaine, pourtant riche en moments forts. Dès les premières mesures sombres au basson, l â€auditeur est saisi par la puissance d’évocation des interludes du Chostakovitch magnifique orchestrateur. Ces très courts interludes de l â€opĂ©ra lady Macbeth de Mzensk rebaptisĂ© Katerina IsmaĂŻlova sous les coups de la censure, mis en suite par le compositeur lui-mĂŞme dans deux versions, font un effet particulièrement puissant. Le sens du grotesque, l’ Ă©coeurement et le dĂ©gout de l’hĂ©roĂŻne deviennent troublants. HumiliĂ©e et obligĂ©e de se venger pour survivre, l â€hĂ©roĂŻne qui a tant dĂ©plu Ă  Staline a une existence qui ressemble Ă  tant de vies communes…

Le troisième interlude le plus long et le plus sombre rend palpable cette montĂ©e du dĂ©gout et de la haine nourrie dans la conscience aiguĂ« du grotesque de l â€existence. L â€Orchestre du Capitole est Ă  prĂ©sent rompu au style de Chostakovitch et les très courts moments solos permettent a chacun de briller. La prĂ©cision rythmique, les nuances terriblement dĂ©veloppĂ©es et la richesse de l â€orchestration exigent beaucoup de l â€orchestre qui est impeccable. La direction de Tugan Sokhiev privilĂ©gie l â€Ă©nergie forcĂ©e et la puissance d’un grotesque faussement festif. Riches couleurs, nuances extrĂŞmes et rythme prĂ©cis claquent au visage et saisissent chacun.

Entre musiciens au sommet

Quel contraste ensuite lorsque l â€orchestre s’allège dans une formation classique et accueille le violoncelliste soliste. Son nom, mĂŞme s’il est quasi imprononçable mĂ©rite d’ ĂŞtre retenu. De tous le jeunes talents qui gagent avec des doigts d’ or les plus prestigieux prix, Narek Hakhnazaryan n â€a rien Ă  envier avec sa victoire au XIV° concours international TchaĂŻkovski. Il a une technique inouĂŻe mais surtout une musicalitĂ© rare. Les variations rococo sont un chef d â€oeuvre de TchaĂŻkovski qui rend hommage Ă  Mozart, comme dans la pastorale de la Dame de Pique, avec beaucoup d â€esprit.
Lâ€orchestration est lĂ©gère et variĂ©e. L â€Ă©quilibre entre le soliste et l â€orchestre a Ă©tĂ© parfaitement mis en place par le chef. Dans cet Ă©crin de toute sĂ©curitĂ©, la voix du violoncelliste Narek Hakhnazaryan peut donc s’épanouir sereinement en se jouant des difficultĂ©s techniques totalement maĂ®trisĂ©es. En Ă©veil constant et dĂ©gustant les dialogues avec l â€orchestre, le jeune violoncelliste devient parfait chambriste. Les dialogues avec la subtile flĂ»te de Sandrine Tilly sont dĂ©lectables tout particulièrement. La communion entre le soliste, le chef et les musiciens est parfaite. Le public se rĂ©gale de ces variations qui se succèdent avec art dans lâ€arrangement maintenant habituel du crĂ©ateur Fitzenhagen.

Narek-Hakhnazaryan-cello2-Armenia tchaikovski competition prix  2011-1Le charme du jeune Narek Hakhnazaryan est irradiant. Il joue avec son instrument semblant en faire ce quâ€il veut. Les couleurs, les nuances, la dĂ©licatesse des phrasĂ©s sont admirables. L â€instrument dont il joue, un Techler de 1698, lui permet de garder sur tous les registres la mĂŞme qualitĂ© de son. Le grave est aussi plein que l â€aigu ; il n’y a pas de diffĂ©rence de registre. Une belle solution de continuitĂ© dans les harmoniques sur toute la tessiture offre un son toujours magnifiquement timbrĂ©, soyeux et doux. Cela fait merveille dans les dialogue sur-aigus aĂ©riens avec la flĂ»te. Les doubles et triples cordes sonnent faciles et belles. Une telle gĂ©nĂ©rositĂ© en musicalitĂ© est remarquable chez un si jeune artiste. La connivence avec Tugan Sokhiev est totale, les Ă©changes de regards complices sont incessants. Le succès est tonitruant et le violoncelliste ArmĂ©nien offre deux bis a son public conquis. Le premier dĂ©concerte autant qu’il charme et Ă©meut. La voix chantĂ©e du soliste se mĂŞle Ă  des doubles cordes semblant venir de lâ€ancĂŞtre de l â€instrument, la viole de gambe, comme des origines orientales de la musique classique. Lâ€Ă©motion qui nait plonge donc dans les racines de l’humanitĂ©, puis le style se modernise, devient plus violent et va mĂŞme jusqu’à Ă©voquer le tango. Il s’agit non dâ€une vraie improvisation mais d’une composition d’un Italien nĂ© en 1962 Giovanni Sollima,intitulĂ©e Lamentatio. Narek Hakhnazaryan en fait un moment de pur plaisir du coeur dansant. Pour terminer sur une ambiance plus apaisĂ©e, le choix d’une sarabande pour violoncelle seul de Bach avec des ineffables doubles cordes, un son de rĂŞve et une souplesse envoĂ»tante… Tout ceci promet un jour une intĂ©grale Ă©mouvante des suites de Bach et une carrière Ă©blouissante Ă  suivre sans faute.

2ème Symphonie de Tchaïkovski
Destin certes, mais pas de soumission sans danser ni vivre

En deuxième partie de concert la très cĂ©lèbre sixième symphonie de TchaĂŻkovski confirme la comprĂ©hension quasi mystique qu’a Tugan Sokhiev de son compatriote. Quand si souvent cette symphonie est Ă©crasĂ©e sous un Fatum monolithique, Tugan Sokhiev va très loin dans la douleur mais garde des moments de tendresse et de danse se souvenant du bonheur. Dès les premières mesures, pianissimo dans les abysses du basson (extraordinaire Estelle Richard) et des cordes graves lâ€Ă©motion est poignante.L’ Adagio est tout habitĂ© de silences tristes et l’angoisse se dĂ©roule Ă©voluant lentement vers l’Allegro non troppo. Le tempo mesurĂ© du chef permet une lisibilitĂ© de tous les dĂ©tails mais c’est la vision dâ€ensemble qui est remarquable. Chaque mouvement avance et s’inscrit dans un tout . La rigueur du tempo permet Ă  cette partition d â€Ă©viter tout laissĂ© aller et l’entrĂ©e du thème sentimental des violons a beaucoup d’allure. Les reprises et dĂ©veloppements permettent aux couleurs magnifiques de l â€orchestre de chatoyer. Les fortissimi sont spectaculaires et les nuances pianissimo de la Clarinette de David Minetti sont très belles et porteuses d â€Ă©motion. Après ce dĂ©but marquĂ© par une angoisse envahissante le mouvement se termine par une terrible course Ă  l †abĂ®me toute pleine de prĂ©cision instrumentale. Les cuivres graves particulièrement prĂ©sents, sont magnifiques.Les deux mouvements suivants, dans les choix de Tugan Sokhiev, vont convoquer la danse et d â€avantage de bonheur. AllĂ©geant le Fatum, il suggère que chaque destin n’est pas uniquement soumission. L’allegretto con grazia est une valse qui permet de rĂŞver au bonheur enfui près avoir Ă©tĂ© tenu. Certes sous cette lĂ©gèretĂ© le rythme incessant de la timbale dans la partie centrale signe l â€Ă©loignement du bonheur mais son retour comme une rĂ©miniscence est pleine de douceur. L’ Allegro molto vivace est plein d’ esprit comme dans les ballets de TchaĂŻkovski et l â€avancĂ©e inexorable de ce scherzo vers une sorte de marche a aussi quelque chose de plaisant dans son enthousiasme. La lĂ©gèretĂ© de structure des cordes, l â€Ă©lasticitĂ© des pizzicati apportent de l â€air aux moments plus denses. Ce mouvement animĂ© se termine sur un fortissimo qui autorise certains spectateurs Ă  applaudir ruinant l â€effet voulu par le compositeur qui termine sa symphonie sur un adagio lamentoso. Car si le centre de la symphonie a permis aux mouvements de danse de s’inviter et au bonheur d’exister le final semble encore plus dĂ©chirant. Tugan Sokhiev Ă©tire le tempo et remplit les silences de sombres pensĂ©es. TchaĂŻkovski qui trouvait dans sa symphonie des allures de Requiem refusant d’en composer un, a en effet construit ce long mouvement final comme un adieu dĂ©chirant. Le pianissimo dans le grave des cordes et le basson refermant la symphonie comme elle avait Ă©tĂ© ouverte. Les contrebasses ont Ă©tĂ© tout du long admirables et mĂ©ritent une mention spĂ©ciale (chef de pupitre Bernard Cazauran).
Cette interprétation très personnelle est très bien construite et la lisibilité de la structure générale s’appuie sur des phrasés pensés et comme insérés dans un tout. En évitant le monolithe dramatique, le destin devient plus humain et la vie des deux mouvements centraux rend le final encore plus écrasant. Tugan Sokhiev et ses musiciens admirables toute la soirée, ont offert une vibrante interprétation de la sixième symphonie de Tchaïkovski en en révélant toutes les richesses.

Ce concert a été diffusé en direct sur le net et peut être encore visionné. N’hésitez pas à vous faire votre idée car il a été en plus magnifiquement filmé sur Arte concert.

CD.Tchaikovski : Symphonie Manfred, opus 58 (Pletnev, 2013)

tchaikovski_pentatone-pletnev-manfred cdCD.Tchaikovski : Symphonie Manfred (Pletnev, 2013). Pletnev, chef pianiste, Ă  la tĂŞte de son orchestre (Symphonique russe) convainc immĂ©diatement par son intelligence de l’écriture tchaĂŻkovskienne : fine, mesurĂ©e, dĂ©taillĂ©e mais intensĂ©ment dramatique aussi, la lecture est superlative. Dans cette Manfred Symphonie de 1886, c’est un TchaĂŻkovski profond, humain, jamais Ă©pais ni emplomblĂ© par un pathĂ©tisme outrancier… Soulignons d’emblĂ©e la superbe activitĂ© des cordes qui impriment partout, en axe structurant, un climat de vitalitĂ© nerveuse parfois inquiète.  Dès la première sĂ©quence (premier mouvement lui-mĂŞme structurĂ© en trois volets :  lento lugubre, moderato con moto, andante), la puissance du fatum,  poigne de fer inexpugnable accable le hĂ©ros par sa coupe terrifiante, trompettes, trombones et hautbois mordants, sardoniques bataillent sur une face quand flĂ»tes et vagues de la harpe prĂ©servent de l’autre, l’Ă©lan d’une irrĂ©pressible plĂ©nitude lyrique. Tout cela est parfaitement caractĂ©risĂ©,  dĂ©voilant les visages multiples du compositeur, les tiraillements incessants d’une âme soumis Ă  la houle de sa propre agitation. Le dĂ©sĂ©quilibre psychique menace et cette prĂ©sence pulsionnelle vacillante Ă©chevelĂ©e confère Ă  la lecture sa vĂ©ritĂ©,  sa justesse irrĂ©pressible et irrĂ©sistible… car derrière la figure de Manfred , c’est bien le destin de Tchaikovski qui semble vivre un Ă©pisode propre, un nouvel avatar, Ă©prouvant et les morsures du destin et les aspirations supĂ©rieures d’une âme torturĂ©e : cette assimilation du hĂ©ros et du compositeur ne peut ĂŞtre Ă©cartĂ©e pour une juste comprĂ©hension de la partition. Piotr-Manfred se dĂ©voilent ici. La valeur de la prĂ©sente lecture est bien dans la hauteur d’un geste remarquablement sĂ»r et mĂ»r capable d’exprimer une vision terriblement incarnĂ©e et pourtant dans sa rĂ©alisation orchestrale saisissante par sa finesse et sa transparence.

CLIC_macaron_20dec13Car le chef relève les dĂ©fis expressifs du vaste poème symphonique, vĂ©ritable symphonie Ă  part entière tant Tchaikovski imprime Ă  la trame littĂ©raire et au profil du hĂ©ros lĂ©guĂ© par Byron,  une Ă©toffe originale puissante et dans l’extraordinaire dernier mouvement, son souffle faustĂ©en; jusqu’Ă  la fin et le final haletant viscĂ©ralement inscrit dans le sang du champion,  le chef insuffle l’esprit indĂ©pendant d’une fatalitĂ© âprement contestĂ©e… c’est une lutte de longue haleine et qui exige toutes les forces vives de l’orchestre. MystĂ©rieux,  fiĂ©vreux,  le dernier Ă©pisode  (Allegro con fuoco) sonne comme une Ă©preuve oĂą tout se joue. L’accomplissement esthĂ©tique est certainement possible grâce Ă  la complicitĂ© Ă©vidente du maestro et de ses musiciens. La sonoritĂ© est riche, pro active Ă  la fois hĂ©doniste et d’une fabuleuse expressivitĂ©. La prodigieuse orchestration y gagne un relief, un dĂ©tail,  ce raffinement des alliances de timbres qui ailleurs est souvent Ă©vacuĂ©.  S’il y a bien un caractère proprement russe dans la musique de Tchaikovski, l’apport du Symphonique national russe s’avère des plus bĂ©nĂ©fiques et des mieux inspirĂ©s. Lecture incontournable pour qui veut connaĂ®tre un son profond ciselĂ© idĂ©alement expressif chez TchaĂŻkovski.

Tchaikovski : Symphonie Manfred, opus 58. Orchestre national russe. Mikhail Pletnev, enregistrement réalisé à Moscou en avril 2013. 59mn. 1 cd Pentatone.

DVD. Tchaikovski : Eugène Oneguine (Netrebko, Gergiev, 2013)

oneguine onegin netrebko dvd deutsche grammophon dg0735115-1La production qu’affichait le Met de New York en septembre 2013 restait prometteuse avec dans le rĂ´le de Tatiana, -la jeune femme Ă©cartĂ©e par l’ours cynique et dĂ©sabusĂ© OnĂ©guine, l’incandescente diva austrorusse Anna Netrebko. Velours ample et voluptueux, sur les traces de Mirella Freni, la soprano a tout pour emporter le caractère conçu par TchaĂŻkovski entre amertume, solitude, dignitĂ©. De la jeune femme ivre et tendre, amoureuse : celle de la lettre, Ă  l’Ă©pouse mariĂ©e par devoir et dignitĂ©, la cantatrice incarne toutes les nuances d’une fĂ©minitĂ© complète, ardente et palpitante. On se souvient que les premières reprĂ©sentations pour l’ouverture de la saison 13-14 avaient Ă©tĂ© marquĂ©es par les manifestations antiPoutine du groupe Queer Nation, pour fustiger les mesures antigay du prĂ©sident russe dont sont proches Gergiev et la soprano vedette.

Le spectacle a Ă©tĂ© créé en 2011 en Grande-Bretagne et met en avant une lecture très classique de l’opĂ©ra dans ses costumes et dĂ©cors XIXème qu’aucun regard dĂ©calĂ© ne vient perturber. Pour autant, malgrĂ© son classicisme de mise, parfois banal, le dispositif permet de se concentrer sur les chanteurs, tous parfaitement investis pour faire monter le baromètre. la cohĂ©rence du plateau, sur le plan vocal assure la rĂ©ussite globale du spectacle : Netrebko affiche une sensualitĂ© radieuse, celle d’une amoureuse sincère, loyale, encore pleine de fraĂ®cheur Ă  l’acte I. Puis, la femme mariĂ©e dĂ©ploie un large ambitus avec toujours les couleurs et le velours d’un timbre somptueux. Mais plus que l’Ă©rotisme du timbre fĂ©minin, c’est la justesse de l’intonation entre sincĂ©ritĂ© et passion qui trouble le plus.

D’autant que l’OnĂ©guine du baryton Mariusz Kwiecien, soigne lui aussi l’Ă©lĂ©gance chambriste  du chant, Ă©clairant les blessures secrètes qui fondent son personnage solitaire, secret, d’une pudeur philantropique maladive. Parfois Ă©trangement glacial, parfois d’une tendresse farouche. Eclatant, parfois trop claironnant, c’est Ă  dire pas assez nuancĂ©, Piotr Beczala attire nĂ©anmoins et lĂ©gitimement, tous les regards sur son Lenski, intense, stylĂ©, dĂ©chirant. Pour autant, nous avons encore en tĂŞte l’envoĂ»tante fusion du couple Fleming/Hvorostovsky dans la mise en scène de Carsen, production prĂ©cĂ©dente, sommet théâtral depuis 1997. Pas sĂ»r que celle-ci ne la fasse oublier : la vision scĂ©nique et drammaturgique n’est pas aussi raffinĂ©e et mordante que celle de Carsen. DiffĂ©remment Ă  la production scĂ©nique originelle, le film vidĂ©o en plans rapprochĂ©s soignĂ©s sait compenser le manque de sentiments parfois exposĂ©s par une mise en scène trop classique. Autant dire que ce dvd mĂ©rite le meilleur accueil, en dĂ©pit de nos infimes rĂ©serves : la passion destructrice s’accomplit ici, dans le pur respect de la lyre tchaĂŻkovskienne.

Tchaikovsky: Eugene Oneguine. Mariusz Kwiecien (Onegin), Anna Netrebko (Tatyana), Piotr Beczala (Lensky), Oksana Volkova (Olga), Alexei Tanovitski (Gremin). Metropolitan Opera Orchestra, Chorus and Ballet, Valery Gergiev, direction. Deborah Warner, mise en scène.  2 dvd 073 5114 Deutsche Grammophon.

La Belle au Bois Dormant (Tchaikovski, Petipa)

The Sleeping Beauty main image-1Cinéma. Tchaikovski : La Belle au Bois dormant, Marius Petipa. Le 19 mars 2014, 20h15. La saison d’opéras et de ballets au cinéma et en direct du Royal Opera House se poursuit avec le mercredi 19 mars 2014 à 20h15, le ballet La Belle au Bois Dormant, chorégraphie de Marius Petipa, diffusé, en direct depuis Londres, dans 120 salles de cinémas en France.La Belle au Bois Dormant est le symbole même du ballet classique et cette version reste fidèle à l’académisme classique de Marius Petipa, français installé en Russie (en 1847), fondateur à Saint-Pétersbourg de l’école russe de danse. Son père et son frère sont danseurs et maître de ballet. Avant de rejoindre la Russie, Marius devient danseur étoile à Nantes, Paris, Bordeaux : il est l’élève du virtuose Auguste Ventris et danse avec la vedette Carlotta Grisi, modèle de la ballerine romantique. A Saint-Pétersbourg, il est d’abord danseur du Théâtre Impérial et devient en 1862, chorégraphe en chef. Ses premiers chefs d’oeuvres immédiatement acclamés sont La Fille de Pharaon (d’après Le roman de la momie de Théophile Gautier).

En 1869, il est premier maître de ballet, dirigeant une troupe de 250 danseurs. De 1855 à 1887, Petipa est aussi directeur de l’Ecole impériale de danse. S’appuyant sur une technique impeccable, le chorégraphe approfondit l’expressivité de la danseuse, plaçant la pantomime au centre du dramatise chorégraphique. Les ballets ne sont uniquement une vitrine de bravoure et de performance en tout genre, il s’agit aussi de drame ayant leur propre profondeur et une nouvelle couleur psychologique. Alors relégués à de simple fonction de porteurs, les danseurs conquièrent grâce à Petipa, une importance nouvelle, équilibrant alors l’action, jusque là faire valoir des performance de la première ballerine. Petipa approfondit et perfectionne son style sur les musiques de divers compositeurs : Minkus (Don Quichotte, Bolchoï, 1869 ; La Bayadère, nouveau théâtre Mariinski de Saint-Pétersbourg, 1877). C’est cependant Piotr Illyitch Tchaikovski qui reste son compositeur de prédilection : leur entente artistique relève du miracle même comme en témoigne la réussite de nombreux ballets : la Belle au bois dormant (1890), ouvre une trilogie exceptionnelle où à l’élégance technique que requiert le style Petipa répond le génie mélodique et l’instrumentation raffinée de Tchaïkovski ; puis se sont les deux ballets Casse-Noisette (1892) et le Lac des cygnes (1895).

Petipa synthétise l’art classique académique et le romantisme passionné. Son souci de vraisemblance dramatique, le partage des rôles importants entre danseurs et danseuses apportent un nouveau souffle à l’art chorégraphique à son époque. Ayant fait ses adieux en 1904, Petipa laisse un héritage exceptionnellement riche auquel s’abreuvent tous les chorégraphes après lui. C’est à Petipa que Giselle, ballet romantique par excellence, doit d’être ressuscité. Rodolf Noureev disciple de Petipa souligne l’apport de son maître : liberté du corps maîtrisé, geste poétique, allure porteuse de l’idée. Avec Petipa, la danse devient un art majeur; il fusionne technicité et sensibilité. Une combinaison magicienne que toutes les troupes ambitionnent aujourd’hui de perpétuer.

Distribution :
PRINCESSE AURORE – Sarah Lamb
PRINCE DESIRE – Steven McRae
MUSIQUE – Piotr Ilitch TchaĂŻkovski
CHOREGRAPHIE – Marius Petipa
CHEF D’ORCHESTRE – Valeriy Ovsyanikov
DECORS – Oliver Messel
PRODUCTION – Monica Mason & Christopher Newton –
INTRIGUE :
Le ballet commence par un prologue d’une vingtaine de minutes, où l’on célèbre le baptême de la princesse Aurore. La fée des Lilas amène avec elle six autres fées qui lui promettent toutes les perfections et les bonheurs. Mais paraît la méchante fée Carabosse qui reproche au roi de ne pas l’avoir invitée à la fête. Pour se venger, elle jette un sort terrible à Aurore ; celle-ci se piquera le doigt avec une aiguille et mourra. Mais la fée des Lilas atténue le mauvais sort : la princesse ne mourra pas, elle s’endormira pour cent ans… un prince pourra désenvoûter la jeune femme par un baiser libérateur…

+ d’infos sur www.akuentic.com

Lire notre dossier La Belle au bois dormant, Sleeping Beauty de Tchaikovski, chorégraphie de Matthew Bourne

Lire notre article sur La Belle au bois dormant, chorégraphie de Yuri Grigorovitch

CD. Tchaikovski : Symphonie n°6 ” PathĂ©tique ” (Chung, 2013)

CD. Tchaikovski : Symphonie n°6 ” PathĂ©tique ” (Chung, 2013). A la tĂŞte du Seoul Philharmonique, Chung dirige comme traversĂ© et transportĂ© par l’urgence subjective fortement autobiographique de la partition. Entre la première sous la direction de l’auteur (Saint-PĂ©tersbourg le 16 octobre 1893), accueillie froidement (la baguette de TchaĂŻkovski n’a jamais Ă©tĂ© très convaincante) et sa reprise sous la direction toute autre de Napravnik, qui apporte le succès, TchaĂŻkovski s’Ă©teint probablement sous la pression d’un scandale liĂ© Ă  sa vie intime. Suicide ou empoisonnement, nul ne le saura peut-ĂŞtre jamais mais cette 6 ème dite ” PathĂ©tique ” est davantage, un Requiem symphonique composĂ©e dans les affres et les vertiges paniques d’une dĂ©route personnelle. S’y dĂ©verse tel un flot Ă©ruptif d’une solennitĂ© toute martiale et pleine de panache la rĂ©sistance aussi d’un homme atteint, viscĂ©ralement inscrit dans le dĂ©sespoir. L’opus 74 est dĂ©diĂ© Ă  son neveu Vladimir Davydov, sa bouĂ©e de sauvetage dans l’une des pĂ©riodes les plus tourmentĂ©es et difficile de sa vie.

chung_tchaikovski_seoul-philharmonic-pathetique-symphonie-deutsche-grammophonLa direction de Chung sait ĂŞtre nerveuse, prĂ©cise, d’un panache et d’un style soignant toujours la transparence. Aucune lourdeur dans l’Ă©noncĂ© fut-il profond et grave voire funèbre; l’expression tendre, ivre, dĂ©sespĂ©rĂ© du fatum se dĂ©veloppe ici, mais avec un tel souffle que l’on sent constamment d’une Ă©ruption croissante dont l’essor se fait expiation et dĂ©livrance. Les Ă©preuves, l’aspiration Ă  l’apaisement dĂ©chire des larmes (course Ă  l’abĂ®me d’une inexorable impuissance progressive : superbes appels des trombones) et fonde le mystère spirituel d’une symphonie la dernière sous la plume de son auteur, parmi les plus introverties et les plus pudiques jamais Ă©crites. La modernitĂ© du dernier morceau, pas allegro triomphal mais adagio brumeux suspendu est une innovation reliĂ©e aux intentions intimes dont nous avons parlĂ©es et qui annonce dĂ©jĂ  le dĂ©roulement lui aussi si personnel et autobiographique des symphonies de Mahler.

Requiem symphonique

MĂŞme superbe ambivalence gouffre cosmique d’essence tragique et menaçant / retenue pudique personnelle dans la valse Ă  5 temps de l’allegro con grazia. Le troisième mouvement est restituĂ© Ă  son jaillissement primaire d’essence dyonisiaque, dernière exposition de la science de verve et de vitalitĂ© dont est capable l’extraordinaire TchaĂŻkovski quand il ne cède pas aux failles de son pessimisme. Quant au voile funèbre que le compositeur semble dĂ©poser sur sa propre figure Ă  la fin de l’adagio final, Chung en restitue le caractère inĂ©luctable, aĂ©rien, d’une tendresse Ă  la fois amère mais rĂ©signĂ©e. Ici, le compositeur dès le dĂ©but, semble avoir traversĂ© le miroir et sa conscience nous dĂ©livre le plus dĂ©chirant des adieux.

Fidèle Ă  ses superbes lectures avec le Philharmonique de Radio France, Myung-Whun Chung qui recherche toujours la fusion mystique : orchestre, public, creuse l’introspection dĂ©sespĂ©rĂ©e, hautement spirituelle du tissu sonore (tempo très ralenti du IV). En sachant Ă©vacuer la théâtralitĂ© sirupeuse avec laquelle on l’enrobe parfois, le chef corĂ©en comme inspirĂ© par un orchestre proche de ses racines, transmet ici une vision Ă  la fois, active, investie, souvent d’une distance qui mĂŞle pudeur et Ă©lĂ©gance (allant et prĂ©cision rythmique du scherzo qui semble Ă©chapper Ă  l’appel du gouffre si prĂ©sent dans les I et IV). En somme, un ton et un style idĂ©alement en harmonie avec la personnalitĂ© de TchaĂŻkovski. En liaison avec les Ă©vĂ©nements tragiques marquant la genèse et le contexte de crĂ©ation de l’oeuvre, Chung sait aussi nourrir sa lecture d’une indiscutable langueur tragique, un repli propice Ă  l’Ă©loquence du silence. Personnelle et d’un hĂ©donisme mesurĂ©, la direction est d’une remarquable force de conviction. Bel accomplissement entre le chef et les musiciens.

Piotr Illytich Tchaikovsky (1840-1893) : Symphony No. 6 “PathĂ©tique”. Rachmaninov: Vocalise. Seoul Philharmonic Orchestra. Myung-Whun Chung, direction. 1 cd Deutsche Grammophon 4764902. Parution annoncĂ©e le 24 fĂ©vrier 2014.

Tchaikovski: La Belle au bois dormant, Bolchoi 2011

Noureev_belle_bois_dormantArte. Tchaïkovski: La Belle au bois dormant. Bolchoï, 2011. Le 23 février 2014,23h20.  Bolchoï: la belle ressuscitée. Pour la réouverture du théâtre mythique en novembre 2011, toutes les équipes locales réalisent un morceau de bravoura du répertoire, le ballet de Tchaïkovski, La Belle au bois dormant: Aurore, princesse nouvellement née, reçoit l’hommage des fées de tout le royaume (à l’époque de Florestan XIV…). C’était compté sans l’irruption de l’ignoble Carabosse (son arrivée ténébriste sur les accents grimaçants des clarinettes/bassons), qui vexée de n’avoir pas été conviée, maudit le bambin dans ses langes, la condamnant à l’inéluctable mort à ses 16 ans… Heureusement, la bonne fée des Lilas retardataire peut adoucir l’envoûtement sans l’annuler: Aurore se piquera au doigt mais s’endormira pour 100 ans… Au terme desquels, le prince charmant la réveillera, désensorcelant par là même tout le royaume… Féerie des costumes, somptuosité des décors qui convoquent l’esprit du Grand Siècle français (XVIIème, l’époque de Charles Perrault), surtout perfection des ensembles comme des solistes, la nouvelle production de La Belle au bois dormant version Bolchoï 2011, est une réussite. Au sommet de la distribution dans le rôle d’Aurore: l’étoile Svetlana Zakharova.; et dans la fosse, chef (Pavel Klinitchev) et orchestre s’impliquent avec une nervosité souvent expressionniste. Tchaïkovski sait nous transmettre et le souffle de l’action tragique et héroïque, et la grandeur du Baroque Français (dans les décors l’oeil avisé détecte de nombreuses références aux peintres dont les ports de Claude Lorrain… où les perspectives théâtrales à la Bérain composent un subtil écrin pour les grilles dorées dans le style versaillais). Les personnages de pur théâtre (le Roi, Carabosse…) sont incarnés avec un sens de la composition; faire valoirs efficaces pour les rôles dansés dont triomphent la fée des lilas et surtout Aurore… L’école de danse russe paraît ici dans toute sa splendide incarnation: de la froideur voire de l’arrogance, mais une technicité évidente? Pour autant est ce suffisant? Malgré la précision gestuelle et le sens de la pose, il y manque souvent la grâce des danseurs étoiles français de l’Opéra national de Paris… Mais ne boudons pas notre plaisir: incontournable spectacle de 2h15mn.

Tchaïkovski. La Belle au Bois dormant, Ballet enregistré au Théâtre Bolchoï. Le célèbre ballet de Marius Petipa participe à la saison de réouverture du mythique Bolchoï, dans une chorégraphie de Yuri Grigorovich, directeur artistique et chorégraphe du Bolchoï de 1964 à 1995. La chorégraphie est ici recréée dans une version nouvelle. Le rôle de la princesse Aurore est dansé par la jeune étoile Svetlana Zakharova. Les décors sont signés Ezio Frigerio et les costumes, Franca Squarciapino, deux orfèvres de la féérie visuelle.

arte_logo_2013Arte, dimanche 23 février 2014 à 23h20. Tchaïkovski : La Belle au bois dormant
Production du BolchoĂŻ, novembre 2011

Compte rendu, concert. Paris. Théâtre des Champs Elysées, le 8 janvier. Philharmonia Orchestra. Vladimir Ashkenazy, direction. Vadim Repin, violon. 

TchaikovskiLe Théâtre des Champs ElysĂ©es marque le dĂ©but de 2014 avec deux concerts dĂ©diĂ©s Ă  Tchaikovsky. Le pianiste et chef d’orchestre Vladimir Ashkenazy dirige le Philharmonia Orchestra, ce soir accompagnĂ©s du violoniste virtuose Vadim Repin. Vladimir Ashkenazy est une des figures de la musique classique qui n’a pas besoin de prĂ©sentation. En tant que pianiste subtil, ses enregistrements de la musique russe sont nos favoris intemporels, mais pas seulement. Son art s’exprime avec autant de cĹ“ur dans les concertos de Mozart (enregistrĂ©s avec le Philharmonia Orchestra dirigĂ© au piano), ou encore Brahms. Il s’initie Ă  la direction d’orchestre pendant l’essor de sa carrière pianistique, et se partage toujours entre la direction d’orchestre et le piano, pour le grand bonheur de ses admirateurs.

Tchaikovsky Ă  fleur de peau, ma non troppo…

D’abord le cĂ©lèbre poème symphonique intitulĂ© RomĂ©o et Juliette : Ouverture-fantaisie. La pièce d’une vingtaine de minutes commence avec une tension particulière sous la baguette d’Ashkenazy. Si nous trouvons les cordes du Philharmonia plutĂ´t lĂ©gères (et pas forcĂ©ment brillantes), la performance des vents est, elle, rĂ©vĂ©latrice. Les cuivres sont puissants comme attendues et les bois, vraiment prodigieux. Le thème d’amour gĂ©nĂ©rique de l’opus interprĂ©tĂ© avec candeur par le cor anglais et la flĂ»te est d’une beautĂ© redoutable. Nous remarquerons Ă©galement les percussions, assez sollicitĂ©es et toujours Ă  la belle prĂ©sence.
Ensuite vient le non moins cĂ©lèbre Concerto pour violon et orchestre en rĂ© majeur op. 35, avec le soliste virtuose Vadim Repin. Dès l’allegro moderato initial nous sommes sensibles Ă  la sonoritĂ© de l’instrument. L’interprĂ©tation est cependant riche en curiositĂ©s. Le tempo est un peu ralenti mais Repin accĂ©lère pendant certains moments pyrotechniques, peut-ĂŞtre dans le but de rĂ©affirmer sa technique … excellente. Pourtant, l’effet est plus extravagant qu’extraordinaire. Il compense avec une cadence brillante et musicale (bien heureusement). La canzonetta qui suit est tout Ă  fait charmante. La performance du soliste correcte mais superficielle. Le Philarmonia sous la direction d’Ashkenazy accompagne avec un mĂ©lange d’Ă©lĂ©gance et caractère. Chef et orchestre sont davantage prĂ©sents dans l’allegro vivacissimo qui clĂ´t le concerto. Il s’agĂ®t du mouvement le plus rĂ©ussi et Ă©quilibrĂ© entre le soliste et l’orchestre, mais nous avons toujours l’impression que Vadim Repin, ce soir en tout cas, a très peu de nuances dans son jeu. Et ce malgrĂ© les interventions sur le tempo. Le public est tout de mĂŞme conquis par la musique de Tchaikovsky : il remplit la salle de bravos et d’applaudissements. Vadim Repin s’est peut-ĂŞtre rendu compte lui-mĂŞme que son interprĂ©tation n’a pas Ă©tĂ© Ă  la hauteur de son talent et de sa trajectoire ; il dĂ©cide de ne pas faire de bis, contre l’ardent dĂ©sir de l’auditoire.

ashkenazy_vladimir_chef_concert

 

Après l’entracte , place au point d’orgue de la Symphonie n°4 en fa mineur op.36. Pour le compositeur cette symphonie est une imitation de la Cinquième de Beethoven, pas dans la forme mais dans le fond, c’est-Ă -dire l’apprĂ©hension du destin. Les deux compositeurs n’ont pas la mĂŞme vision ni la mĂŞme attitude envers le destin, certes, mais c’est ici, dans le premier mouvement, qu’apparaĂ®t le thème du destin. Le mouvement commence avec une fanfare aussi fĂ©roce que mĂ©lancolique. L’effet est très puissant. Les cordes pleines de brio sont exaltantes, les bois toujours Ă  la vive candeur. Ashkenazy nous offre une version magistralement nuancĂ©e, faisant preuve de brio et de sensibilitĂ© pendant les 4 mouvements. Le deuxième est d’une beautĂ© paisible non sans une grande nostalgie. Le troisième aux cordes jouant exclusivement en pizzicato a quelque chose de mondain et populaire, qui rappelle aussi Mahler. Dans le Finale, nous retrouvons le thème du destin transfigurĂ©, vĂ©ritable tour de force instrumental, interprĂ©tĂ© de façon maestosa et avec panache par les musiciens du Philharmonia. Fortement ovationnĂ©s, ils nous offrent un bis inattendu : Snowdrop du recueil pour piano solo de Tchaikovsky « Les saisons », dans un arrangement pour grand orchestre rĂ©alisĂ© par l’un des instrumentistes. Un bis dĂ©licieux, oĂą la belle clarinette se distingue, très prĂ©sente et enchanteresse.

Ainsi se termine la série des deux concerts Tchaikovsky du Philharmonia Orchestra au Théâtre des Champs Elysées, sous la baguette toujours animée, chaleureuse de Vladimir Ashkenazy.

Illustration : Vladimir Ashkenazy © Sasha Gusov/Decca

Compte-rendu : Paris. Salle Pleyel, le 29 mai. Hartmann, TchaĂŻkovski … Orchestre de Paris. Christophe Eschenbach, direction. Matthias Goerne, baryton.

Matthias Goerne portraitLa Salle Pleyel accueille l’Orchestre de Paris. InvitĂ© vedette, le baryton allemand Matthias Goerne pour un programme d’une bouleversante intensitĂ©. Le chef Christophe Eschenbach dirige les musiciens dans une oeuvre mĂ©connue du compositeur allemand Karl Amadeus Hartmann et dans la 5e symphonie de TchaĂŻkovsky.

La scène chantĂ©e pour baryton et orchestre (1964) de Karl Amadeus Hartmann est la mise en musique d’un monologue extrait de la pièce de Jean Giraudoux “Sodome et Gomorrhe”. Compositeur mĂ©connu en France, il a Ă©tĂ© l’Ă©lève de Webern, et ce malgrĂ© le fait qu’il Ă©tait dĂ©jĂ  un compositeur cĂ©lèbre en Allemagne. La composition fait appel Ă  un très grand orchestre, une vĂ©ritable occasion pour les instrumentistes de l’Orchestre de Paris. Hartmann crĂ©e des timbres inouĂŻs, interprĂ©tĂ©s avec maestria sous la direction d’Eschenbach. L’oeuvre est d’une puissance dramatique indĂ©niable et l’influence de Webern Ă©vidente. Le solo de flĂ»te qui ouvre la pièce est d’une beautĂ© apocalyptique. Matthias Goerne, lui, chante l’apocalypse et devant son immense talent et sa sensibilitĂ© de braise, nous ne pouvons qu’ĂŞtre admiratifs. Il passe de l’arioso Ă  la langue parlĂ© puis au rĂ©citatif et s’approche de l’air… Le tout avec un engagement Ă©motionnel qui bouleverse. L’interprète fait preuve non seulement d’une inflexion parfaite de la langue allemande (dommage que la salle n’ait offert de sous-titres), mais aussi d’un registre aigu crĂ©meux et d’un grave saisissant. Il chante la fin du monde et nous mourons avec lui… de beautĂ©, tout simplement. Si le public semble lĂ©gèrement dĂ©rangĂ© par la modernitĂ© de la pièce, il n’est surtout pas insensible au talent du chanteur qui reçoit les plus chaleureux applaudissements.

Ensuite vient la Symphonie n° 5 en mi mineur op. 64 de TchaĂŻkovsky. Dès le dĂ©but, l’orchestre rayonne dans le langage romantique du gĂ©nie russe. Les vents impressionnent particulièrement au premier mouvement.

L’andante cantabile qui suit est l’occasion pour les cordes de rayonner, avec une prestation de grande beautĂ©, pendant que les cuivres jouent avec une prĂ©cision superbe et une certaine virilitĂ©. Le mouvement d’une beautĂ© mĂ©lodique particulière est lĂ©ger mais avec tant de sentiment qu’il paraĂ®t profond. Au troisième mouvement, nous retrouvons le TchaĂŻkovsky des ballets qu’on aime tant. L’orchestre joue le mouvement final avec beaucoup de brio et un entrain tout Ă  fait appassionato, les vents immaculĂ©s, les cordes expressives… Le tout d’une fureur impressionnante.

Nous sortons contents de la Salle Pleyel, d’abord grâce Ă  la dĂ©couverte et Ă  l’entrĂ©e au rĂ©pertoire de l’oeuvre de Hartmann, mais aussi par l’investissement et l’engagement des musiciens. Nous avons le souvenir apocalyptique mais savoureux d’un Matthias Goerne que nous aimerions voir plus souvent en France, et celui grandiose de la sentimentalitĂ© exquise de la 5e symphonie de TchaĂŻkovsky merveilleusement jouĂ©e.

Paris. Salle Pleyel, le 29 mai. Hartmann, TchaĂŻkovski … Orchestre de Paris. Christophe Eschenbach, direction. Matthias Goerne, baryton.

Nouvel Onéguine à Montpellier

oneguine_eugene_tchaikovskiMontpellier : Eugène OnĂ©guine de TchaĂŻkovski.Les 17, 19, 21 janvier 2014, 15h ou 20h. OpĂ©ra Berlioz / Le Corum. Eugène OnĂ©guine est l’un des opĂ©ras les plus bouleversants du romantisme russe. L’indiffĂ©rence du dandy Eugène, la fragilitĂ© de Tatiana, la douceur d’Olga, la prière dĂ©sespĂ©rĂ©e de Lenski n’ont jamais cessĂ© d’émouvoir. AdaptĂ©e par Piotr Ilitch TchaĂŻkovski (dont la musique est très prĂ©sente tout au long de la saison 2013-2014 Ă  Montpellier),l’Ĺ“uvre de Alexandre Pouchkine en 1832, conserve toute sa cruautĂ©, son cynisme glaçant qui cependant en fin d’action laisse aux protagonistes, le sentiment d’un immense Ă©chec (surtout pour le solitaire et fier OnĂ©guine) et d’une amertume partagĂ©e. Après JanĂ ÄŤek et La Petite renarde rusĂ©e en 2012, Marie-Eve Signeyrole propose sa lecture des Ă©mois amoureux de la jeune Tatiana.

 

TchaĂŻkovski
Eugène Onéguine, 1879
Opéra (scènes lyriques) en trois actes et 7 tableaux

Livret russe de Constantin Chilovsky et du compositeur, d’après le roman Ă©ponyme d’Alexandre Pouchkine
Créé au Petit Théâtre du Collège ImpĂ©rial de musique (Théâtre Maly), Ă  Moscou, le 29 mars 1879
Nouvelle production

 

 

 


Mourir d’amour ou vivre d’ennui ?

 

Ici, les deux ĂŞtres portraiturĂ©s par TchaĂŻkovski se murent dans une insatisfaction maladive : ce sont deux inadaptĂ©s frappĂ©s d’inertie clinique. Ils s’ennuient Ă  en mourir et mĂŞme si leur rencontre fait espĂ©rer l’inimaginable (pour Tatiana), OnĂ©guine demeure impassible, comme handicapĂ©, dans l’impossibilitĂ© Ă  aimer.
Dans la mise en scène proposĂ©e Ă  Montpellier, l’action s’inscrit Ă  l’Ă©poque contemporaine, entre 1999 et 2003, pendant la perestroĂŻka, oĂą les nouveaux riches tel OnĂ©guine, s’enrichissent sous la prĂ©sidence de Boris Eltsine… face Ă  cet oligarque arrogant, la famille de Tatiana, les Larinas, sont des petits propriĂ©taires rassemblĂ©s dans un immeuble collectif ou appartements communautaires Ă  Saint-PĂ©tersbourg (Kommunalka) : les Larinas vivent frustrement (entassĂ©s Ă  20 dans un espace rĂ©duit) mais ils condamnent les mĹ“urs occidentales et rĂŞvent au retour de l’ancien empire russe…  Peu Ă  peu, OnĂ©guine rachète les parcelles, scrute les faits et gestes de ses voisins pour rompre ses longues heures d’oisivetĂ©. Il observe, froidement comme un vieux loup solitaire, coupĂ© de toute passion, murĂ© dans sa solitude cynique et glaciale. Pour la metteure en scène Marie-Eve Signeyrole : OnĂ©guine n’est pas l’histoire d’un amour au dĂ©calage fatal ou mal synchronisĂ© ; c’est plutĂ´t l’histoire d’un homme qui ne peut pas aimer ni vivre. Qui prĂ©fère mourir plutĂ´t que d’aimer. Un anti romantique. Un maudit pour lequel il n’y a aucune issue. Au final, OnĂ©guine ne serait-il pas le miroir de TchaĂŻkovski lui-mĂŞme ? On sait que la composition de l’opĂ©ra est simultanĂ©e Ă  son mariage, fiasco intime sur toute la ligne et qui laisse l’homme dĂ©truit, en rien apaisĂ© car son homosexualitĂ© tenue secrète fut la source de terrible blessure : Piotr Illyitch connut les affres d’une identitĂ© jamais respectĂ©e Ă  son Ă©poque. Terrifiante hypocrisie qui a profondĂ©ment marquĂ© son existence toute entière.
La représentation du dimanche 19 janvier 2014 sera donnée en audiodescription pour les personnes déficientes visuelles.

TchaĂŻkovski : Le Lac des Cygnes (Noureev, 1984)

cygnes_lac_noureev_tchaikovskiARTE. TchaĂŻkovski: le Lac des cygnes, le 29 dĂ©cembre 2013, 16h55. AchevĂ©e en 1876, la partition du ballet Le Lac des Cygnes de Tchaikovski tĂ©moigne de la volontĂ© du compositeur de confĂ©rer au ballet, une ampleur et un raffinement symphonique. S’inspirant des compositeurs spĂ©cialisĂ©s comme Adam (Giselle), Delibes (Coppelia) dont il connaĂ®t le gĂ©nie mĂ©lodique, TchaĂŻkovski apporte un souffle Ă©pique et tragique inĂ©dit au ballet romantique.

 

 

Le premier ballet symphonique russe

 

 

noureev_lac_cygnes_rudolf_noureevLe Lac des cygnes est le premier ballet du musicien russe qui Ă©crira ensuite Casse Noisette et La Belle au bois dormant avec une cohĂ©rence renforcĂ©e. A l’Ă©poque du Lac, le chorĂ©graphe pressenti Julius Reisinger, plutĂ´t classique et conservateur, ne travaille pas avec le compositeur : il est mĂŞme dĂ©concertĂ© par la modernitĂ© de la partition, son ampleur et son trop grand raffinement orchestral. Sans ĂŞtre un Ă©chec, la crĂ©ation de 1877 au BolchoĂŻ, reste une humiliation pour Tcha¨kovski, certainement trop en attente.
Les reprises au dĂ©but des annĂ©es 1880 confirme l’impact du Lac auprès des spectateurs. Après la mort de Piotr Illiytch (1893), la nouvelle chorĂ©graphie signĂ©e Petipa (et son adjoint Ivanov) en 1895 apporte un nouveau souffle au premier ballet symphonique russe.

Noureev chorégraphe
Rêve-cauchemar entre fantastique et féerie

La version de Noureev conçue en 1984 pour l’OpĂ©ra de Paris souligne la caractère hautement tragique du ballet : l’impuissance du prince Siegfried, la malĂ©diction du magicien Rothbart contre Odette, emprisonnĂ©e dans son corps de cygne.  La figure noire d’Odile offre aussi un contrepoint très dramatique (solo, duos et trios au III) Ă  l’intrigue. Noureev imagine Siegfried, possĂ©dĂ© par ses rĂŞves et fantasmes oĂą l’idĂ©al fĂ©minin reste inaccessible. Seul, dĂ©truit, vaincu par Rothbart en fin d’action, Siegfried tend une main impuissante face au spectacle des deux amants rĂ©ellement rĂ©unis : Odile qui l’a trompĂ© et Rothbart qui s’Ă©lèvent, libĂ©rĂ©s, dans le ciel…
C’est l’une des lectures du ballet les plus cohĂ©rentes et les plus captivantes. Elle s’inscrit mĂŞme dans le drame intime du compositeur qui homosexuel dĂ©chirĂ© a voulu croire dans l’espoir d’un mariage vouĂ© Ă  l’Ă©chec. De fait, TchaĂŻkovski ne se remettra jamais rĂ©ellement de ses noces ratĂ©es qui dĂ©bouche sur une course aux abĂ®mes… Odile le cygne blanc incarne une union rĂŞvĂ©e qui lui est interdite. Et dans la vision de Noureev, le prince ne peut que finir fou en fin d’action. EpurĂ© des figures non efficaces, réécrit en particulier pour les solos des figures masculines (Siegfried et Rothbart), Le Lac version Noureev raconte un rĂŞve (les 2 tableaux des 32 cygnes blancs sur le lac : deux tableaux blancs qui synthĂ©tisent la tradition des tableaux illusoires Ă  la fois fantastiques et fĂ©eriques, au I et au III), rĂŞve qui tourne au cauchemar et Ă  la folie. La figure du prince est fatalement passive et impuissante : c’est la confession pour TchaĂŻkovski de la fatalitĂ© Ă  laquelle il se soumet malgrĂ©. C’est la clĂ© tragique de toute son oeuvre, perceptible dans la dramaturgie de ses opĂ©ras (OnĂ©guine) et de ses Symphonies.
 
TchaĂŻkovski
Le lac des Cygnes
1877, version Noureev, 1984

Arte, dimanche 29 décembre 2013, 16h55
OpĂ©ra de Paris, 2011 avec JosĂ© Martinez, Karl Paquette, Agnès Letestu dans les rĂ´les de Siegfried, Rothbart, Odile/Odette…). La version diffusĂ©e par Arte ne rĂ©unit pas la meilleure distribution possible Ă  Paris : certes les trois solistes ne manquent pas d’Ă©lĂ©gance ni de technique mais la virtuositĂ© souvent froide et mĂ©canique de Martinez et de Letestu n’empĂŞchent pas un caractère dĂ©sincarnĂ© qui Ă´te Ă  la vision essentiellement passionnĂ©e et introspective de Noureev sa troublante attractivitĂ©. De toute Ă©vidence, on attend une distribution plus fulgurante.

  

Compte rendu, ballet. Paris. OpĂ©ra Bastille, le 5 dĂ©cembre 2013. « La Belle au bois dormant ». Rudolf Noureev / Nureyev, chorĂ©graphie et mise en scène (d’après Petipa). Piotr Tchaikovsky, musique. Mathieu Ganio

Le Ballet de l’OpĂ©ra National de Paris revisite le grand ballet classique La Belle au bois dormant, dans la somptueuse production de Rudolf Nureev d’après Petipa créée en 1989 et remaniĂ©e en 1997. C’est sur la scène de l’OpĂ©ra Bastille, un festin chorĂ©graphique luxueux et inoubliable.

 

 

Ĺ’uvre phare de la danse classique

 

Belle au bois dormant tchaikovski noureevRudolf Nureev (1938 – 1993), phĂ©nomène de la danse au XXe siècle et ancien directeur du ballet de l’OpĂ©ra de Paris, entreprend Ă  la fin de sa vie de faire rentrer au rĂ©pertoire parisien les grands ballets classiques qu’il a travaillĂ© en Russie. Nous pouvons aujourd’hui nous dĂ©lecter dans la grandeur acadĂ©mique de ces ballets grâce Ă  l’hĂ©ritage de Noureev. La Belle au bois dormant, deuxième ballet de Tchaikovsky et première collaboration avec le maĂ®tre de ballet Marius Petipa, est une Ĺ“uvre que Noureev connaissait très bien. Il s’agĂ®t non seulement du premier ballet qu’il interprète en France avant sa dĂ©fection, avec le ballet du Kirov (aujourd’hui Mariinsky), mais aussi le premier qu’il interprète après sa demande d’asile. Dans son souci de remonter les Ĺ“uvres de Petipa en Occident, il crĂ©e la Belle d’abord en Italie, au Canada, en Angleterre et puis en Autriche avant qu’elle n’arrive finalement Ă  Paris. La ville a dĂ» attendre pourtant jusqu’Ă  1997 pour une nouvelle production, dĂ©finitive, avec les somptueux dĂ©cors d’Ezio Frigerio et les bellissimes costumes de Franca Squarciapino. Ces talents concertĂ©s ont créé un spectacle qui ensorcelle le public, incapable en l’occurrence de rester insensible et silencieux devant les tableaux qui s’enchaĂ®nent, certes d’une immense beautĂ©.

Le ballet en un prologue et trois actes est inspirĂ© du conte de Charles Perrault. Une princesse tombe dans un sommeil inĂ©luctable Ă  cause de la mĂ©chancetĂ© d’une fĂ©e. Seule le baiser d’un prince la rĂ©veillera. La narration est mince mais riche en couleurs, s’agissant en effet d’un ballet dĂ©monstratif. Occasion parfaite pour les solistes et le corps de ballet de l’OpĂ©ra de briller dans l’Ă©criture si parfaite et si exigeante de Noureev et Petipa. Le corps de ballet offre une performance spectaculaire. Que ce soit les serviteurs de la fĂ©e Carabosse au prologue, les fileuses mignonnes ou sujets du royaume au premier acte, oĂą encore les pierres prĂ©cieuses au dernier, ils sont tous charmants et conscients des subtilitĂ©s de l’œuvre… Une pantomime rĂ©ussie, une coordination impressionnante, les talents des danseurs du corps dans ce diamant de la danse classique fait rĂŞver !

Mathieu Ganio, Etoile, est le Prince DĂ©sirĂ©. Le danseur d’une noblesse et d’une Ă©lĂ©gance saisissante est probablement le meilleur prince de la compagnie. Si nous devons patienter jusqu’au deuxième acte pour le voir rentrer sur scène, l’attente est sans doute bien rĂ©compensĂ©e. Très rapidement nous sommes conquis par la beautĂ© de sa ligne, sĂ©duits par son attitude aristocratique mais sensible et surtout impressionnĂ©s par la qualitĂ© de son ballon. S’il est juste un peu tremblant au pas de deux final, sa variation lente au deuxième acte (un des heureux ajouts de Noureev) est un sommet de poĂ©sie, d’expression, de tension. La nouvelle Etoile Eleonora Abbagnato est moins convaincante dans le rĂ´le de la Princesse Aurore. Nous nous demandons s’il Ă©tait peut-ĂŞtre prĂ©cipitĂ© de lui confier ce rĂ´le si technique et si difficile pour cette première? Ses traits caractĂ©ristiques, une vivacitĂ©, un piquant Ă  la fois moderne et mĂ©diterranĂ©en, sont pourtant absents. Si elle demeure quand mĂŞme charmante pendant les trois heures de reprĂ©sentation, l’adage Ă  la rose au premier acte, un des sommets de virtuositĂ© dans l’histoire de la danse classique, est malheureusement bancal. Elle se rattrape lĂ©gèrement pour le pas de deux final, surtout dans sa variation, mais le couple princier est bien inĂ©gal.

Remarquons l’Oiseau Bleu de l’Etoile Mathias Heymann, avec des sauts formidables et des impeccables entrechats, ou encore le premier danseur Audric Bezard, l’or des pierres prĂ©cieuses au dernier acte. Sa performance a Ă©tĂ© exemplaire, lui aussi avec de superbes entrechats et une allĂ©chante prĂ©sence sur scène. RĂ©vĂ©lation de l’annĂ©e 2014 ? Fayçal Karoui dirige l’orchestre de l’OpĂ©ra National de Paris avec aisance. La magnifique partition de Tchaikovsky est interprĂ©tĂ©e de façon magistrale et enjouĂ©e.

 

 

Un vĂ©ritable cadeau pour tous les sens ! Nous invitons nos lecteurs Ă  baigner dans la grandeur de ce « ballet des ballets » encore Ă  l’affiche Ă  l’OpĂ©ra Bastille les 10, 11, 13, 15, 16, 20, 21, 23, 25, 26, 27, 28 et 29 dĂ©cembre 2013 ainsi que les 2, 3, et 4 janvier 2014.

 

 

Paris. OpĂ©ra National de Paris (Bastille), le 5 dĂ©cembre 2013. « La Belle au bois dormant » ballet en un prologue et trois actes. Rudolf Nureyev, chorĂ©graphie et mise en scène (d’après Petipa). Piotr Tchaikovsky, musique. Mathieu Ganio, Myriam Ould-Braham, Mathias Heymann, Audric Bezard… Ballet de l’OpĂ©ra. Orchestre de l’OpĂ©ra. Fayçal Karoui, direction.

 

 

Le Lac des cygnes

Le Lac des Cygnes. Arte, le 29 dĂ©cembre 2013 : 16h puis 16h55… Le docu puis le spectacle version Noureev (Ballet intĂ©gral, OpĂ©ra de Paris 2005). Arte dĂ©die une pleine soirĂ©e au chef d’oeuvre chorĂ©graphique de TchaĂŻkovski.

 

 

 

lac_cygnes_tchaikovski

 

 

 

16h : le docu
lac_cygnes_tchaikovskiTous les chorĂ©graphes les plus inspirĂ©s se sont appropriĂ©s le ballet de TchaĂŻkovski, Le Lac des cygnes. Créée en 1895, la partition et l’imaginaire visuel que permet la beautĂ© de la musique inspirent chorĂ©graphes sur scène, mais aussi rĂ©alisateur et crĂ©atifs au cinĂ©ma et jusque dans la publicitĂ©. Rufold Noureev, Matthew Bourne, Mats ek, Johan Neumeier, Charles Jude, et Dada Masilo (sudafricaine) ont chacun leur propre vision du Lac et ses cygnes romantiques, vĂ©ritable feu d’artifice du ballet classique tardif.  (Documenntaire. RĂ©alisation : ChloĂ© Perlemuter, France 2013).

 

 

 

16h55 : le spectacle, le ballet intégral version Rudolf Noureev (1984)
Le lac des cygnes, version Rudolf Noureev.
Le lac des cygnes : Noureev et TchaĂŹkovski

Rudolf NoureevRudolf Noureev aborde comme chorĂ©graphe Le Lac des cygnes de TchaĂŻkovski dès 1964 pour l’OpĂ©ra de Vienne : il connaĂ®t en profondeur l’action du ballet tragique car il y a dĂ©jĂ  dansĂ© et le rĂ´le du prince Siegfried et celui de son ennemi, la manipulateur Rohtbart. Une expĂ©rience complète qui s’avèrera salvatrice pour le Ballet parisien que le Tartare renouvelle Ă  Paris pour l’OpĂ©ra vingt ans plus tard dans les annĂ©es 1980. Auparavant, dans la Cour CarrĂ©e du Louvre, en 1973, Noureev danse le rĂ´le de Siegfried, prince noir et maudit, impuissant et rĂŞveur (un  Louis II de Bavière dĂ©jĂ  avant la vision de Neumeier), mais dans la chorĂ©graphie traditionnelle de Vladimir Bourmeister et Marius Petipa : une lecture ultra classique que Noureev retrouvera Ă  Paris Ă  l’Ă©poque Liebermann et qu’il renouvellera avec la sienne propre ainsi au dĂ©but des annĂ©es 1980.
La relation de Noureev et de TchaĂŹkovski opère comme une lien naturel d’âme Ă  âme ; c’est la raison pour laquelle le danseur chorĂ©graphe aime passionnĂ©ment réécrire des ballets sur la musique de son confrère romantique ; Pour Manfred et son action ciblant l’inceste (Paris, 1979), Noureev inspirĂ© par Byron choisit encore l’univers symphonique et tourmentĂ© de Piotr Illiytch. MĂŞme choix musical pour The Tempest d’après Shakespeare (Londres, 1982), oĂą se taillant la part belle dans le rĂ´le de Prospero, Noureev remodèle avec faste et intĂ©rioritĂ© la dramaturgie shakespearienne rehaussĂ©e encore par TchaĂŻkovski.

noureev_fonteyn_lac_cygnes_1965Pour le Ballet de l’OpĂ©ra de Paris, Noureev réécrit Le Lac des cygnes qui fait la part belle aux tableaux collectifs (dont la totalitĂ© du corps fĂ©minin sur scène, guirlande blanche et magique quand tous les cygnes sont sur scène), mais aussi Ă  l’Ă©quilibre de chaque rĂ´le dont Ă©videmment les personnages masculins, redĂ©ployĂ©s. Ainsi pour les 20 ans du prince Siegfried, Ă©pris d’Odette (figure blanche) qu’il entend libĂ©rer de sa malĂ©diction car elle a Ă©tĂ© changĂ©e en cygne. Mais parmi les prĂ©tendantes choisies par sa mère, se rĂ©vèle la perfide Odile (la noire) qui a pris les traits d’Odette grâce aux manipulations de l’infâme Rothbart … Le stratagème et la tromperie ont fonctionnĂ© : Siegfried demande en mariage Odile. Le gĂ©nie de Noureev (nommĂ© en 1982 directeur de la danse Ă  l’OpĂ©ra de paris) fait paraĂ®tre chaque Ă©pisode avec Odette comme autant d’Ă©pisodes d’un rĂŞve et d’un idĂ©al amoureux inaccessible. Noureev a dansĂ© le rĂ´le de Siegfried, ĂŞtre ardent et insatisfait, emblème du dĂ©sir romantique, dès juillet 1973 dans la Cour CarrĂ©e du Louvre (ballet de Vladimir Bourmeister), avec la troupe de l’OpĂ©ra de Paris, accompagnĂ© Ă  ses cĂ´tĂ©s de la danseuse dĂ©butante alors Ghislaine Thesmar…  Production enregistrĂ©e Ă  l’OpĂ©ra de Paris en 2005.
Dans cette version, la danseuse Ă©toile incarnant Odette est aussi Odile : c’est un dĂ©fi pour l’interprète que d’exprimer chacun des visages de la femme prĂ©sente ; instance manipulatrice et sĂ©duisante d’Odile ; pure icĂ´ne amoureuse pour Odile. La noire, la blanche … Agnès Letestu transfigure cette double prĂ©sence avec la grâce et l’intelligence qui la caractĂ©rise. Un accomplissement au sommet de sa carrière.  L’Ă©criture de Noureev si habile et esthĂ©tisante, favorisant la crĂ©dibilitĂ© du jeu de chaque danseur, le talent des danseurs parisiens font de cette production de 2005, un must absolu.
cygnes_lac_noureev_tchaikovskiChorĂ©graphie de Rudolf Noureev d’après Marius Petipa et Lev Ivanov. Vello Pähn, direction. Avec les Etoiles et le Corps de Ballet de l’OpĂ©ra de Paris. Agnès Letestu (Odette/Odile), JosĂ© Martinez (Siegfried), Karl Paquette (Rothbart) …

 

Notre avis.
Rudolf Noureev Le docu. Superbe documentaire signĂ© ChloĂ© Perlemuter et qui doit sa valeur Ă  la richesse des illustrations visuelles oĂą se croisent les visions multiples et très complĂ©mentaires de Charles Jude, John Neumeier, Matthew Bourne ou Rudolf Noureev sur le ballet le plus cĂ©lèbre et le plus intime de TchaĂŻkovski. Outre la beautĂ© inĂ©puisable de la musique, c’est l’Ă©mergence subtile des Ă©pisodes de la vie du compositeur qui affleurent en maints endroits. John Neumeier peut mĂŞme avec raison souligner la conjonction entre la figure de Siegfried, prince idĂ©aliste, amoureux d’une illusion et de Louis II de Bavière, lui aussi portĂ© par le mĂŞme dĂ©lire d’impuissance et d’esthĂ©tisme. A cela le chorĂ©graphe d’une rare pertinence ajoute la propre vie de TchaĂŻkovski, existence frappĂ©e par une hypocrisie fatale, celle d’une sexualitĂ© interdite, tenue secrète mais qui dĂ©vore peu Ă  peu l’esprit.
Oser jouer la carte de l’autobiographie sans rien sacrifier Ă  la poĂ©sie des tableaux, voilĂ  l’une des rĂ©vĂ©lations Ă©blouissantes du docu… et l’on comprend que Le Lac des Cygnes est loin d’ĂŞtre un poncif romantique vide de sens, aride en symboles, plat en imaginaire. C’est tout l’inverse.

Le film jongle d’un chorĂ©graphe Ă  l’autre, en suivant cependant le dĂ©roulement de l’action. D’acte en acte, on comprend comment l’amour d’Odette, le cygne blanc et pur dont est amoureux Siegfried voue Ă  ce prince un rien trop naĂŻf, un amour absolu, bien supĂ©rieur Ă  son objet. Car le prince se laisse un peu trop facilement bernĂ© par Odette selon le calcul du magicien manipulateur Rothbart.
En trahissant le seul ĂŞtre qui pouvait le sauver, Siegfried partage avec son homonyme wagnĂ©rien, une impuissance virile qui le condamne dĂ©finitivement.  Ici Siegfried se montre bien indigne de l’amour que lui porte l’aimĂ©e ; comme chez Wagner, Brunnhilde Ă©prouve la trahison que lui inflige un hĂ©ros bien peu loyal…

C’est toute la signification du final de Noureev oĂą le prince seul sur terre tend vainement la main vers le ciel oĂą s’Ă©lève les deux figures noires enfin triomphales, assassins du cygne blanc.

On est loin de cette tragĂ©die psychologique dans les ballets dĂ©calĂ©s de Mats Ek (1987) oĂą le suĂ©dois dĂ©tourne l’action de son dĂ©veloppement onirique et amer pour une farce souvent hystĂ©rique mais chromatiquement dĂ©jantĂ©e. MĂŞme surenchère chez Matthew Bourne (1995), ballet exclusivement masculin et homoĂ©rotique  oĂą un hĂ©ritier Windsor très british se laisse enfin rĂ©conforter dans les bras d’un apollon en collant après avoir essuyĂ© les salves agressives d’une nuĂ©e d’hommes volatiles (torses nus et en bolĂ©ro Ă  plumes) dignes des Oiseaux d’Alfred Hitchcok. L’univers visuel de Bourne a Ă©tĂ© intĂ©grĂ© dans la dernière scène du film Billy Eliott. Mais la vision est aussi sombre car le prince finit seul sur son immense lit royal, terrassĂ© mort  après une nuit de transe et de possession fatale.

C’est bien la chorĂ©graphie de Neumeier pourtant datĂ©e de 1976 (une prĂ©cocitĂ© visionnaire) dĂ©jĂ  qui ici se dĂ©marque largement du lot : profondeur, justesse, subtilitĂ© des parallèles Louis II/TchaĂŻkovski. Le cygne blanc c’est la femme idĂ©alisĂ©e jamais ” consommĂ©e “, toujours mise Ă  distance que le compositeur a lui-mĂŞme rencontrĂ© et Ă©pousĂ©, avec le drame que l’on sait. MĂŞme aspiration radicale au rĂŞve, celui d’un prince au rĂ´le Ă©toffĂ© dans le ballet signĂ© Noureev en 1984 ; et pourtant la figure d’Odette n’en est pas pour autant diminuĂ©e, au contraire. “Tout le gĂ©nie de Noureev, ajoute Brigitte Lefèvre, c’est d’avoir sur rendre au cygne blanc sa part fĂ©minine. Odette n’est pas seulement une figure idĂ©ale, c’est surtout une femme … “, qui souffre et palpite pendant toute la durĂ©e du ballet.

A travers la diversitĂ© des approches, Le Lac des cygnes créé en 1895, Ă  la fin du siècle romantique doit Ă  la complexitĂ© humaine du compositeur, sa force Ă©vocatrice, sa puissance poĂ©tique, toujours aussi vive, plus d’un siècle après sa conception.  Le propre des grands chefs d’oeuvre est leur capacitĂ© Ă  susciter de nouvelles lectures qui n’en altèrent ni n’usent jamais l’insondable richesse sĂ©mantique et artistique. Magistral et captivant.

 

Illustration : Rudolf Noureev et Margot Fonteyn en 1965 Ă  Vienne. Ballet de Matthew Bourne (DR)

OSRCT, Jean-Yves Ossonce : Poulenc, Wagner, TchaĂŻkovski

Orchestre Symphonique Région Centre Tours, les 23 et 24 novembre 2013

 

TchaikovskiL’OSRCT fĂŞte les 200 ans de Wagner avec Siegfried Idyll composĂ© pour l’Ă©pouse du compositeur Cosima ; mais aussi Poulenc dont 2013 marque le premier jubilĂ© de sa disparition (il y a 50 ans)…
Fondateur de l’AcadĂ©mie Francis Poulenc, le baryton François Le Roux, diseur inĂ©galable dans ce rĂ©pertoire sublime la portĂ©e poĂ©tique et linguistique des poèmes de Ronsard orchestrĂ©s par Poulenc.
Enfin l’orchestre tourangeau poursuit un cycle remarquable dĂ©diĂ© aux symphonies de TchaĂŻkovski : Jean-Yves Ossonce en comprend les enjeux Ă  la fois autobiographiques mais aussi purement formels. Oeuvre de jeunesse, l’opus 13 (créé en 1868) mĂŞle en un subtil Ă©quilibre, passion irrĂ©pressible et pudeur suggestive, miroir de l’âme hypersensible de Piotr Illiytch. En 1874, le compositeur apporte des modifications substantielles aux mouvements 1, 2 et 4. Le titre renvoie aux paysages traversĂ©s entre Moscou et Saint-Petersbourg, prĂ©texte Ă  creuser toujours la faille mĂ©lancolique de l’auteur. De ce point de vue, entre rĂ©miniscence et rĂ©itĂ©ration, le second mouvement dĂ©veloppe l’expressivitĂ© atmosphĂ©rique de l’Ă©criture : ” contrĂ©e lugubre, contrĂ©e brumeuse “, TchaĂŻkovsky y favorise ses humeurs nostalgiques et lyriques d’un caractère Ă©minemment nordique.

 
 

Orchestre Symphonique Région Centre Tours
Jean-Yves Ossonce, direction
saison 2013-2014

Poulenc
Chansons villageoises
5 Poèmes de Ronsard

Wagner
Siegfried Idyll

TchaĂŻkovski
Symphonie n°1 en sol mineur opus 13
” RĂŞves d’hiver ”

Jean-Yves Ossonce, direction

Tours, Grand Théâtre
samedi 23 novembre 2013, 20h
dimanche 24 novembre 2013, 17h

 

réservations, informations

boutonreservation

 
 

Livres. Laurence Catinot-Crost : Tchaïkovski, les dernières années

Livres. Laurence Catinot Crost : Tchaïkovski, les dernières années. Editions Tatamis

 

Voyage avec Piotr Ilytch au long de ses dernières annĂ©es de vie,  de la fin des annĂ©es 1880 au dĂ©but des annĂ©es 1890 (jusqu’en 1893 l’annĂ©e de sa mort)…  Comme portĂ© par une quĂŞte identitaire dont le vrai motif n’a jamais Ă©tĂ© rĂ©ellement formulĂ©, le compositeur visite l’Europe et rejoint mĂŞme l’AmĂ©rique pour y donner concerts et opĂ©ras, suscitant partout une vĂ©ritable reconnaissance, parfois inespĂ©rĂ©e. Avec la lĂ©gèretĂ© d’un ton romanesque, l’auteur imagine les dernières annĂ©es de vie du compositeur russe – entre autres occupĂ© Ă  composer son ultime Symphonie (n°6, ” PathĂ©tique “) ; les vraies motifs et causes de sa mort brutale n’ont jamais Ă©tĂ© prĂ©cisĂ©ment Ă©tablis : suicide masquĂ© par arsenic ou verre d’eau non bouillie bu nĂ©gligemment qui allait lui transmettre le cholĂ©ra ?

 

 

TchaĂŻkovski

les dernières années

Laurence Catinot-Crost

 

tchaikovsky_tatamis_livre_catinot-crostNul ne saura au juste la vĂ©ritĂ©. Piotr a emportĂ© avec lui le secret de sa disparition … Mais le livre ne laisse aucune doute quant Ă  son esprit tourmentĂ© et fragile : TchaĂŻkovski est un mĂ©lancolique insatisfait d’une hypersensibilitĂ© quasi maladive. Son homosexualitĂ©, punie très sĂ©vèrement dans la Russie impĂ©riale d’Alexandre III le poursuit jusqu’Ă  la fin : destinĂ©e maudite et terrible qui inspire un dĂ©chirement permanent. Le solitaire magnifique, cet ĂŞtre sublime, gĂ©ant aux pieds d’argile, gĂ©nie ” de verre “,   croise rĂ©gulièrement les figures de deux amĂ©ricaines mĂ©lomanes, deux soeurs : Mabel l’aĂ®nĂ©e et sa cadette Mary, offrant souvent l’occasion de raconter ses derniers pĂ©riples, ses aventures, voire trop rarement ses sentiments.
Par le truchement des personnages fictifs, l’auteur dĂ©voile les derniers instants, trop fugaces d’une vie terrassĂ©e par le secret et la nĂ©cessitĂ© du silence (citant de nombreuses sources Ă©pistolaires qui font surgir TchaĂŻkovski Ă  la première personne). En soulignant Ă  travers le personnage de Mabel, la narratrice principale devenue mère, la tendresse qui lie certaines figures entre elles, l’auteur Ă©claire cette vie refusĂ©e Ă  Piotr, condamnĂ© Ă  l’errance, Ă  la fuite, Ă  la dissimulation, aux fragments d’idylles Ă©phĂ©mères avec de jeunes hommes…, Ă  un lent mais inĂ©luctable anĂ©antissement. Sans vraiment approfondir le portrait de l’homme, ni suivre dans le dĂ©tail de l’Ă©criture musicale, le dĂ©règlement profond dont a souffert Tchaikovski, le texte est d’abord l’acte d’un Ă©crivain dont la tendresse pour le musicien se dĂ©voile peu Ă  peu.

Laurence Catinot Crost :  les dernières années de Tchaïkovski. Roman historique. Editions Tatamis. pages. Parution le 1er septembre 2013.

 

DVD. Music lovers (Tchaïkovski revisité par Ken Russel, 1971)

DVD. Ken Russel: Music lovers (Bel Air classiques)

DVD russell music-lovers bel-air_classiquenews_Russel_tchaikovski_symphonie_pathetiqueKen Russell : The music lovers (1971, réédition). En 1971, le rĂ©alisateur provocateur Ken Russel (1927-2011) auteur des Diables (fantaisie baroque tout aussi dĂ©jantĂ©e), futur auteur de Mahler, Lisztomania et de Valentino (avec Noureev), s’empare ici de la vie de TchaĂŻkovski pour en faire un biopic psychĂ©dĂ©lique, souvent hystĂ©rique mais aussi façonnĂ© dans ses dĂ©lires exacerbĂ©s comme une comĂ©die musicale qui dĂ©borde de son propos classique vers la pure fiction dĂ©bridĂ©e version Terry Gilliam. Aujourd’hui, c’est moins l’histoire traitant d’un mythe homosexuel qui heurte que la forme dĂ©jantĂ©e de l’objet cinĂ©matographique dont bon nombre d’effets et de sĂ©quences confinent Ă  l’opĂ©ra, empruntant au genre musical des poses et des situations plutĂ´t artificielles, excessives voire parodiques : Russel semble donc pleinement assumer ses emprunts au genre parfois larmoyant d’un surromantisme sirupeux (pas une scène sans ses cris, ses Ă©lans passionnĂ©s, ses dĂ©chaĂ®nements en tout genre).

biopic psychédélique

Comme souvent chez Russel, l’homme y passe un scanner complet, dĂ©voilant ses tares, ses faiblesses, ses vertiges non analysĂ©s qui devant la camĂ©ra produisent la pathologie d’une dĂ©mence individuelle et collective (c’Ă©tait le mĂŞme sujet dans les Diables). Le hĂ©ros Piotr est traitĂ© tel un animal passionnĂ© donc exacerbĂ©, aux sursauts excessifs qui voisinent avec la surenchère la plus dĂ©bridĂ©e. Les puristes et musicologues n’y retrouveront certes pas le compositeur, bourgeois et secret, rĂ©servĂ© et pudibond dans ce portrait au romantisme caricatural, semĂ© de visions dĂ©figurĂ©es oĂą les gros plans sur les visages, les mouvements de camĂ©ras et les nombreux plans sĂ©quences, superbement rĂ©alisĂ©s d’ailleurs, indiquent toutes les obsessions jusqu’Ă  la folie d’un ” hĂ©ros ” plutĂ´t habitĂ© par l’obsession et l’angoisse de l’Ă©chec amoureux. Piotr veut se fondre dans le moule social au risque de se perdre dans un mensonge dangereux: exit son amant fortunĂ© (Chilouski/Christopher Gable), mais mariage expĂ©diĂ© avec Antonia Milioukova (Glenda Jackson) dont Russel fait une nymphomane libĂ©rĂ©e qui après avoir sĂ©duit un officier Ă©thylique, fait l’assaut du compositeur dĂ©jĂ  fragilisĂ© par ses pulsions mal vĂ©cues (Richard Chamberlain)… le professeur au Conservatoire de Moscou croise aussi le chemin de la Comtesse Von Mack (Izabella Telezynska) qui mĂ©lomane nĂ©vrosĂ©e s’Ă©prend elle aussi jusqu’Ă  la folie de la musique du divin Piotr. Toute la matière du film balance entre ses 3 personnages, chacun favorable et protecteur puis sombrant soit dans la haine dĂ©nonciatrice (l’amant Ă©conduit), soit dans le lynchage (la comtesse) ou la … folie (Nina).

Et la musique est omniprĂ©sente, structurant mĂŞme les dĂ©veloppements imagĂ©s, infĂ©odant Ă  la camĂ©ra ses mouvements, sa chorĂ©graphie propre; les cadrages serrant au plus près les protagonistes selon le rythme de chaque partition choisie. A l’Ă©poque oĂą Piotr rencontre et Ă©pouse Nina, il compose l’opĂ©ra Eugène OnĂ©guine dont la fameuse lettre des aveux Ă©crite par Tatiana (Ă  OnĂ©guine) se confond dans le film de Russel, avec celle que lui adresse alors Antonina tombĂ©e amoureuse du musicien… L’air de la lettre (chantĂ© en anglais) inspire une scène parmi les plus kitsch du film confĂ©rant Ă  la sensibilitĂ© du rĂ©alisateur britannique un style proche du musical. L’imagerie de Russel nourrit les visions terrifiantes de Piotr-Chamberlain: quand ses ennemis tirent au canon dans sa direction pour mieux l’abattre… tout cela rĂ©alise une fiction expressionniste, hallucinogène et magistralement dĂ©cadente, dont les tares cachĂ©es du musicien sont outrageusement dĂ©voilĂ©es sous la lorgnette du cinĂ©aste voyeur avec ce goĂ»t assumĂ© pour les envolĂ©es lyriques non dĂ©nuĂ©es d’humour et de dĂ©lire (voir la scène de la nuit dans le train quand les mariĂ©s quittent saint-PĂ©tersbourg pour Moscou: chevauchĂ©e terrifiante pour le musicien confrontĂ© Ă  la nuditĂ© du corps et du sexe fĂ©minin !).

Evidemment tout cela paraĂ®t un rien soit outrancier soit systĂ©matique, mais la rĂ©alisation des plans sĂ©quences, l’imaginaire si fantasque et cynique du Russel sur le motif tchaĂŻkovskien relève d’une forme personnelle qui saisit par son sens du rythme et des passages contrastĂ©s : Milos Forman en fera bon usage dans son Mozart Ă  venir : l’illustration des fantasmes qu’inspirent Ă  Nina la musique de Piotr jouant son Concerto pour piano et cette chevauchĂ©e en calèche qui court selon la digitalitĂ© enfiĂ©vrĂ©e du compositeur est emblĂ©matique de tout le film : dĂ©lirant, dĂ©jantĂ© et finalement souvent comique.

MĂŞme si l’irrĂ©vĂ©rence du cinĂ©aste dĂ©figure l’image de TchaĂŻkovski, par sa libertĂ© formelle et ses audaces d’Ă©criture, le film de Russel reste saisissant, rĂ©ussissant en particulier le choc du cinĂ©ma et de la musique classique en une course Ă©chevelĂ©e aux visions hallucinĂ©es.


Ken Russell : The music lovers. La Symphonie pathétique. Réédition. 1 DVD Bel Air Classiques (2012). BAC 091