dimanche 8 décembre 2024

CRITIQUE, opéra. LISBONNE (Operafest Lisboa), Jardins du Musée national d’Art Ancien, le 25 août 2023. BIZET : Carmen. C. Moreso, R. Porras Garulo, C. Lujan, A. Bernardo… T. Quito / J. Wierzba.

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

Pour sa 4ème édition, le Festival d’Opéra de Lisbonne (Operafest Lisboa) – et son infatigable directrice artistique Catarina Molder – ont choisi les « Des Cieux à l’Enfer » comme titre (après “Les Vertiges du Destin” l’été dernier), en s’appuyant principalement sur le plus célèbre des opéras qu’est Carmen de Bizet (donné pour cinq représentations du 18 au 25 août), aux côtés du couplé Suor Angelica / Rigor Mortis (ce second titre étant donné en création mondiale, nous y reviendrons…), et de La Flûte enchantée de Mozart ces jours-ci (les 2, 3 & 5 septembre). 

 

Des Cieux à l’Enfer au 4ème Festival d’opéra de Lisbonne

 

 

Festival de plein air, les soirées se déroulent essentiellement (c’est le cas des quatre titres précités) dans les Jardins du Musée National d’Art Ancien, avec une vue imprenable sur le Tage en contrebas et l’immense Pont du 25 avril qui relie les deux rives, au bout duquel se détache l’imposant et célèbre Cristo Rei, frère de celui qui domine le Corcovado à Rio de Janeiro. Si le charme d’une représentation sous les étoiles est indéniable, le lieu ne dispose néanmoins pas de mur(s) pour renvoyer le son, comme à Orange ou à Aix, et à l’instar du Circo Massimo ou des Thermes de Caracalla à Rome, les soirées sont donc sonorisées, un dispositif qui permet également de contrecarrer les bruits du chemin de fer qui passe le long du Tage (sans compter le ballet incessant des avions…). Ce ne sont certes pas les meilleures conditions d’écoute (comment juger de la puissance d’une voix par exemple ?), mais avouons que l’oreille s’y fait vite, d’autant que la dernière soirée du 25 août affichait complet, et que les dernières chaises disposées dans l’agréable jardin lisboète se trouvent très loin du plateau – une scène au format par ailleurs assez restreint dû aux contraintes du lieu. De même, la fosse d’orchestre s’avère réduite, et c’est une mouture « allégée » de la partition de Bizet, dans un « arrangement » conçu par Miguel Resende Bastos, qui est ici donnée.

Innovation de cette nouvelle édition, de nouveaux lieux comme la Cinémathèque de Lisbonne, l’Auditorium d’El Corte Inglés, le Théâtre antique ou le Centre culturel de Belém sont investis pour accueillir toutes les manifestations qui gravitent autour du festival lyrique telles que le concours Maratona Opera (6 septembre) qui mettra en vedette des chanteurs portugais dans un répertoire lyrique contemporain, la Lyric Machine (les 26 & 27 août) qui a offert des leçons de chants lyrique pour amateurs, ou encore le performeur Gustavo Sumpta qui a rendu hommage à la magie du chant humain dans Occult Forces (le 1er septembre). Enfin, Des conférences autour de l’opéra et de Maria Callas ainsi qu’un cycle de films musicaux (La Flûte enchantée d’Ingmar Bergman, Os Cannibais de Manoel de Oliveira et le documentaire de Tom Volf sur Maria Callas) complètent l’offre du festival lisboète qui monte ainsi indubitablement en puissance, et qui s’achèvera le 9 septembre par une Operatic Rave dans les jardins du Musée d’Art Antique. 

 

 

Quant à Carmen, la production a eu la chance de pouvoir compter sur la mezzo portugaise Catia Moreso, maintes fois entendue au Teatro de Sao Carlos (l’Opéra de Lisbonne) dont elle fait office de pilier dans son registre vocal – comme en juin dernier dans le rôle d’Azucena du Trouvère (où elle a fait sensation). Elle campe une Carmen aguicheuse et parfois même un peu délurée, tandis que la voix possède cette couleur chaude et séduisante qui en fait le sel. Son Don José, le ténor mexicain Rodrigo Porra Garulo (en double distribution aux côtés de Leonel Pinheiro) possède un physique flatteur qui sied bien au personnage, et offre une ligne vocale et des phrasés soignés, des aigus fermes, et un investissement dans son personnage qui le fait passer peu à peu du rôle d’anti-héros à celui de véritable protagoniste central du drame. De son côté, le baryton colombien Christian Lujan (installé à Lisbonne), qui lui aussi chante régulièrement au Teatro de Sao Carlos voisin, aborde Escamillo avec une dégaine séduisante et une voix magnifiquement timbrée, aux intonations toujours justes. Sans démériter, la Micaëla d’Alexandra Bernardo ne se situe pas sur les mêmes hauteurs, la voix manquant d’ampleur tandis que son personnage renvoie à cette ennuyeuse petite oie blanche d’un autre temps… Les comprimari convainquent également : Ricardo Rebelo Silva, en Zuniga, a le verbe haut et un mordant vocal idoine, Tiago Amado Gomes et Joao Barbas forment un impeccable duo vocal en Dancaïre et Remendado, alors qu’Ana Rita Coelho (Mercedes) et Filipa Portela (Frasquita) parviennent à créer, avec des moyens purement musicaux, des personnages contrastés et parfaitement cohérents, aussi bien dans le quintette que dans l’air des cartes.

 

Côté mise en scène, confiée ici à Tonan Quito, elle se montre aussi sobre que lisible, l’action étant néanmoins transposée à la fin du XXe siècle (les brigadiers sont ici des flics…). La scénographie de Pedro Azevedo se résume à des lamelles de plastiques rouges qui ferment l’espace scénique (au fond), tandis que des fauteuils de plastique rouge également sont disposés en se faisant face ; la couleur rouge associée au drame, à la passion et au sang, mais aussi à Carmen, est ainsi omniprésente ! Plus énigmatiques sont les improbables costumes et maquillages dont sont affublés le chœur féminin, d’un hétéroclite outré. Enfin, sous la battue de Jan Wierzba, la trentaine de musiciens qui forme l’Ensemble MPMP traduit avec éloquence, malgré leur effectif réduit, le souffle dramatique de la musique de Bizet, sous la direction précise mais impétueuse du chef lusitano-polonais. 

 

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CRITIQUE, concert. LISBONNE, Jardins du Musée national d’Art Ancien, le 25 août 2023. BIZET : Carmen. C. Moreso, R. Porras Garulo, C. Lujan, A. Bernardo… T. Quito / J. Wierzba. Photos (c) Susana Paiva / Operafest Lisboa 2023

 

VIDEO : Teaser de l’Operafest Lisboa 2023

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