samedi 26 avril 2025

CRITIQUE, concert. BORDEAUX, Eglise Notre-Dame, le 28 juin 2023. RACHMANINOV : Les Vêpres. Ensemble vocal et instrumental La Tempête / Simon-Pierre Bestion.

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

Pour clore la 3ème édition du Festival “Pulsations”, Raphaël Pichon – le directeur de la manifestation bordelaise – a invité l’incomparable Ensemble vocal et instrumental “La Tempête” et son chef Simon-Pierre Bestion à “performer” l’un de leurs plus éclatants concerts-spectacles, “Nocturne”, qui mêle les “Vêpres” de Rachmaninov (dont 11 des 15 numéros ont été ici retenus) à des chants byzantins orthodoxes. L’ouvrage de Rachmaninov fut créé en moins de quinze jours à Moscou en 1915, tandis que les seconds, scandés ici par la voix grave et lancinante d’Adrian Sirbu, sont nés autour des IIIème et IVème siècles dans l’Empire chrétien d’Orient. Les deux œuvres ont en commun leur austérité, leur dépouillement, cette transe recherchée par les fidèles qui les scandent.

Ce sont les 32 voix (a cappella) de La Tempête que l’on retrouve donc moins d’un mois après leurs fantastiques “Vêpres de la Sainte Vierge” dans le cadre du “Festival de la voix” à Tourcoing le 3 juin dernier), et qui interprètent cette bouleversante oeuvre sacrée du maître russe, dont il faut saluer d’abord les interventions en solo du ténor Édouard Monjanel et de l’alto Mathilde Gatouillat, à la voix aussi chaude qu’envoûtante. On admire la cohésion de cet admirable chœur, son homogénéité, la manière dont chacun se fond dans la sonorité d’ensemble. Les voix de sopranos sont particulièrement lumineuses, autant que celles des basses sont profondes, voire abyssales, dans les hymnes byzantins.
La dimension liturgique du concert est amplifiée par la voix d’Adrian Sirbu, ce chantre byzantin qui seconde voire remplace parfois le chef, dirigeant alors le rituel, seul ou en lançant le chant auquel le chœur répond. Adrian Sirbu ne recherche pas l’effet vocal mais délivre un chant très mélismatique, lancinant et hypnotique, avec une tessiture particulière entre ténor et baryton, et une posture de prière sonore, d’une grande intensité expressive.
Mais tout autant que la qualité du chant, c’est bien sûr, avec La Tempête, l’aspect visuel qui retient l’attention des spectateurs, pleinement immergés dans le spectacle. A leur habitude, les choristes sont en perpétuel mouvement, depuis leur arrivée depuis l’entrée de l’église (sous les magnifiques orgues) jusqu’au choeur de l’édifice 17ème, en passant par les travées latérales, et il n’y pas jusqu’à la chaire qui ne soit utilisée pour des soli délivrés par Edouard Mojanel, avec sa voix de ténor solaire et généreuse.
Tous ses superbes artistes se retrouvent cependant autour ou sur un podium qui a été placé au centre de l’église, les spectateurs se répartissant en deux blocs, face à face et de part et d’autre du podium, autour ou sur lequel ils se regroupent en une sorte de communion spirituelle et musicale.

Le “Gloria” qui conclut l’ouvrage de Rachmaninov comme la soirée, est un vaste édifice en canon à l’ascension irrésistible, dans une somptueuse orchestration chorale, ici repris par deux fois pour prolonger l’émotion qu’il fait irrésistiblement naître dans le cœur des spectateurs. Comme d’habitude aussi, les sens du public sont également sollicités par les lumières (réglées par Marianne Pelcerf), souvent des bougies mais remplacées par des miroirs dorés réfléchissants dont des projecteurs viennent moduler l’éclat, l’ultime moment du “Gloria” venant inonder l’église d’une lumière aveuglante, comme pour quelque apparition ou épiphanie divines.

Alors qu’une qualité d’écoute toute religieuse perdure pendant toute l’heure et demi que dure le concert, c’est ensuite un flux ininterrompu d’acclamations et de vivats nourris et chaleureux, qui emplit le magnifique édifice religieux bordelais, de la part d’une audience enthousiaste et qui a pleinement conscience d’avoir vécu un instant privilégié, un véritable moment de communion… que l’on soit croyant ou pas !

 

 

 

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CRITIQUE, concert. BORDEAUX, Eglise Notre-Dame, le 28 juin 2023. RACHMANINOV : Les Vêpres. Ensemble vocal et instrumental La Tempête / Simon-Pierre Bestion. Photo © Emmanuel Andrieu

 

 

 

 

 

AGENDA

Le programme des Vêpres par La Tempête sera entre autres repris spécialement au Théâtre Impérial de Compiègne, dans le cadre de sa fabuleuse nouvelle saison 2023 – 2024 ; de surcroît dans un dispositif spatialisé spécifique au lieu dit : concert événement le 7 juin 2024, église Saint-Antoine, Compiègne. EN LIRE PLUS :  https://www.classiquenews.com/theatres-de-compiegne-saison-2023-2024-tosca-festival-en-voix-les-ailes-du-desir-la-tempete-color/

Théâtres de COMPIEGNE, saison 2023 – 2024 (Tosca, Festival En Voix !, Les Ailes du désir, La Tempête : Color…)

 

 

 

 

VIDÉO : Concert “Nocturne” par La Tempête et Simon-Pierre Bestion au Festival de Besançon (2021)

 

 

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