CRITIQUE, CD. MOZART : La Clemenza di Tito – Glassberg (2 CD Alpha) – la production devait se tenir sur les planches mais le covid est passé par là, empêchant toute réalisation sinon cet enregistrement produit en 4 jours seulement – D’emblée la finesse du chef britannique Ben Glassberg libère un Mozart qui palpite et respire, tendre et aspirant au bonheur dans ce seria dont le genre pourtant officiel et solennel (l’opéra a été écrit en 1791 pour le couronnement de l’Empereur Leopold II comme Roi de Bohême) aurait pu cultiver la grandeur amidonnée voire raide. Rien de tel dans cette lecture souple et orchestralement à son aise, qui exprime librement et avec justesse la souffrance de l’Empereur Titus, de son favori Sesto ; la métamorphose de Vitellia, qui d’intrigante haineuse a la sensation spectaculaire de sa finitude et de sa noirceur (superbe air avec cor de basset : « Non più di fiori ») – immédiatement les palmes des solistes les plus convaincants vont à … la Vitellia onctueuse, dramatique de Simona Saturova (toujours juste et jamais forcée) ; au Sesto de la mezzo Anna Stéphany – elle aussi proche du texte, ronde, sans effets ; au Publio sobre et noble de David Steffens ; au vaillant Titus de Nicky Spence.
A Rouen, Ben Glassberg assume ses affinités mozartiennes
L’orchestre au diapason du cœur
La carte du tendre, cet échiquier émotionnel où Mozart aime à dévoiler les intentions cachées de chacun se précise ici dans un ton général qui allie mesure, atténuation heureuse où l’orchestre, superbement ciselé, exprime lui aussi ce dévoilement des coeurs. N’écoutez dans l’acte II (cd2), l’enchainement des airs importants et vous suivrez pas à pas cette métamorphose qui est à l’oeuvre et qui fait de Wolfgang, l’orfèvre de la psyché humaine – les spectateurs à Rouen peuvent se féliciter que le maestro Glassberg ait été reconduit à la direction de l’Orchestre de Rouen jusqu’en … 2026. Reconduction et confirmation légitimes. Mozart revisitant Corneille (Cinna) éblouit par sa sincérité sentimentale : l’air attendri de Sesto (« De per questo istante solo », aveu de trahison à l’Empereur Titus) ; celui de Servillia – sommet d’angélisme tendre lui aussi et terriblement clairvoyant (« S’altro que lacrime » défendu avec ardeur par Chiara Skerath jusqu’à l’imploration saisie) ; enfin l’aria de Vitellia déjà mentionné (« Non più di fiori ») où le masque tombe et expose une âme noire face à ses agissements abjects… tout conspire à nourrir ce tragique sublime du dernier Mozart. Belle approche, ouvragée avec finesse.
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Mozart: La clemenza di Tito – enregistré en nov 2020 à l’Opéra de Rouen – Note : 4 / 5
Tito, Nicky Spence
Vitellia, Simona Šaturová
Sesto, Anna Stéphany
Servilia, Chiara Skerath
Annio, Antoinette Dennefeld
Publio, David Steffens
Choeur accentus / Orchestre de l’opéra de Rouen Normandie,
Ben Glassberg (direction)
Plus d’infos : https://www.operaderouen.fr/saison/20-21/la-clemence-de-titus/