CD, critique. HAYDN : Die Schöpfung. Antonini, 2019 (1 cd Alpha). Depuis plus de cinq ans Giovanni Antonini poursuit chez Alpha lâenregistrement de lâintĂ©grale des symphonies de Joseph Haydn. Un cycle en cours qui sâavĂšre dâopus en opus des plus convaincants pour autant que nous avons pu en juger Ă partir des quelques cd dĂ©jĂ reçus. Die Schöpfung (La CrĂ©ation), enregistrĂ©e en 2019 avec le ChĆur de la Radio bavaroise et son orchestre Il Giardino Armonico complĂšte le portrait symphonique du Viennois. Sa lecture de La CrĂ©ation, oratorio inspirĂ© de Haendel, composĂ© entre septembre 1796 et avril 1798, prologe la rĂ©ussite du cycle symphonique. Le chĆur bavarois, si familier de la partition apporte du corps Ă la rĂ©alisation enregistrĂ©e en mai 2019 Ă Munich.
Câest une approche mĂ©ticuleuse qui prend appui sur les derniĂšres avancĂ©es de la pratique historiquement informĂ©e. Tout sâĂ©coule ici avec un naturel et un sens du relief, mĂ©ritoires.
Jusquâau dĂ©but de la 3Ăš partie, rĂ©citatif de Uriel (pour tĂ©nor), dont lâorchestration et lâesprit comme le caractĂšre orchestral semble prolonger directement la saveur ritualisĂ©e de La FlĂ»te EnchantĂ©e de Mozart (1791) – 9 ans aprĂšs, le dernier singspiel de Wolfgang a Ă©tĂ© idĂ©alement compris et mesurĂ© par Haydn.
FidĂšle Ă son attention Ă la structure et Ă lâarchitecture, comme Ă la grande sĂ©duction des timbres instrumentaux, Giovanni Antonini, en route pour une intĂ©grale Haydn chez Alpha (objectif cĂ©lĂ©bration 2032), cisĂšle la pĂ©tillance tĂ©nue, chambriste des instruments dâĂ©poque. La sĂ»retĂ© du geste orchestral assure la caractĂ©risation de chaque sĂ©quence (sublime duo Eve / Adam) ; lĂ oĂč les instruments articulent et dĂ©ploient des trĂ©sors de nuances colorĂ©es, les voix produisent lâincarnation, câest Ă dire la fragilitĂ© des figures dâEve, Adam, Uriel et Gabriel, chacune avec une instabilitĂ© qui compense la droiture constante des instruments. De ce point de vue lâEve de la soprano Anna Lucia Richter a lâacuitĂ© requise mais les aigus acides, courts parfois tendus ; le tĂ©nor Maximilian Schmitt sâen sort davantage : voix tendre, fragile, sur le fil. Le baryton Florian Boesch demeure le plus constant, le plus stable dans une version globalement trĂšs Ă©quilibrĂ©e, conçue par un chef soucieux dâĂ©quilibre et de lumineuse clartĂ©. Se bonfiiant en cours de reprĂ©sentation, ce live prĂ©sente une 3Ăš et derniĂšre partie inspirĂ©e par lâesprit des lumiĂšres, Ă©lĂ©gante et discursive, mesurĂ©e et comme solarisĂ©e grĂące aux solistes et au chĆur (fiĂ©vreux) sous la direction attentive du chef italien nĂ© Milanais en 1965. Ici sâaccomplit la cĂ©lĂ©bration du CrĂ©ateur, faiseur dâharmonie et de paix⊠un monde idĂ©al et harmonique que Haydn exprime musicalement, avant que lâesprit dâorgueil nâinspire Ă Eve, une volontĂ© coupable propre Ă dĂ©truire ce monde idĂ©al. LâĂ©quilibre et la cohĂ©rence dâAntonini se rĂ©alisent totalement dans cette derniĂšre partie, la plus convaincante, aprĂšs lâouverture et son chaos primordial. Superbe conception.
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CD, critique. HAYDN : Die Schöpfung. Giovanni Antonini (1 cd mai 2019 Alpha). Anna Lucia Richter, Maximilian Schmitt, Florian Boesch, Chor des Bayerischen Rundfunks – Il Giardino Armonico – 1 cd Alpha, enregistrĂ© Ă Munich en mai 2019.
Approfondir
Autres cd HAYDN / ANTONINI, critiqués par classiquenews
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CD, compte rendu critique. HAYDN 2032 : Il Giardino Armonico. Giovanni Antonini (1 cd Alpha â 2015). SUPERBE PROGRAMME HAYDNIEN. Haydn devient un dĂ©fi nouveau pour tous les ensembles sur instruments dâĂ©poque : câest que la vivacitĂ© Ă©lĂ©gantissime et souvent facĂ©tieuse, brillante mais hyper subtile de lâĂ©criture haydnienne est aussi un formidable champs dâexpĂ©rimentation pour les couleurs instrumentales, dĂ©fi Ă relever entre autres, pour toute formation digne de ce nom, outre lâarticulation et la prĂ©cision rythmique requises. Chaque orchestre souhaite tĂŽt ou tard revenir Ă Haydn, source inĂ©puisable du classicisme viennois. Tous les chefs depuis Norrington, BrĂŒggen, ou le plus rĂ©cent Ottavio Dantone (LIRE la critique complĂšte du rĂ©cent coffret Decca de lâintĂ©grale Haydn sur instruments dâĂ©poque, CLIC de classiquenews de juin 2016) cherchent le bon tempo, la pulsation heureuse, Ă la fois vibrante et mordante, mais jamais creuse, la juste palette de couleurs justement ; le geste prĂ©cis et ciselĂ©, Ă la fois profond, fluide et surtout trĂšs expressif.
Cd, critique. HAYDN : Symphonies « Lamentatione », n°26 / n°79, n°30 « Alleluia » (Antonini, 2017 â 1cd Alpha, coll « Haydn 2032 »). Suite de lâintĂ©grale HAYDN par le directeur musical du Giardino Armonico, dont lâachĂšvement sera effectif en 2032 (pour le tricentenaire du compositeur autrichien). Le milanais Giovanni Antonini ne dirige pas ici les instrumentistes de son ensemble mais lâOrch de chambre de BĂąle (sur instruments modernes donc) / Kammerorchester Basel : un travail particulier sur lâarticulation, la tenue dâarchet, lâexpressivitĂ© et lâagogique (historiquement informĂ©e comme lâon dit dans le milieu concernĂ©) que le chef, en expert, transmet Ă ses collĂšgues plus habituĂ©s Ă jouer les romantiques et post romantiques que les classiques viennois. Classiquenews avait distinguĂ© le vol 4 de la prĂ©sente collection (intitulĂ© alors Il Distratto, dâun CLIC de classiquenews, convaincant et superlatif mĂȘme). Peu Ă peu, le chef et flĂ»tiste, soigne lâintonation, se montre soucieux de la clartĂ© architecturale tout en ciselant les nuances de lâĂ©criture si poĂ©tique et souvent imprĂ©vue de Haydn (Ă©clairs dramatiques dignes de lâopĂ©ra, un genre dans lequel il a excellĂ© comme son cadet Mozart) ; il en dĂ©voile toutes les vibrations intĂ©rieures, restituant leur cohĂ©sion organique : une approche qui approche lâexcellence de lâintĂ©grale Haydn par son confrĂšre Ottavio Dantone, lui aussi trĂšs inspirĂ© par les arĂȘtes et climats des massifs Haydniens (Lire notre critique de lâintĂ©grale des Symphonies de HAYDN par Ottavio Dantone).
CD, compte-rendu critique. Haydn 2032, N°4 : « Il Distratto ». HAYDN : Symphonies n°60, 70, 12. CIMAROSA : Il Maestro di Cappella. (Giovanni Antonini,1 cd Alpha classics 2016). Suite de lâintĂ©grale des 107 Symphonies de Haydn en vu du tricentenaire Haydn prĂ©vu en 2032⊠Ce nouveau volet hisse trĂšs haut la valeur du cycle en cours. Outre la justesse de vue du chef Giovanni Antonini, il sâagit aussi de mettre en perspective Haydn et les auteurs de son Ă©poque : la filiation ainsi proposĂ©e avec le théùtre fin et savoureux de Cimarosa, rĂ©alise un cocktail explosif et indiscutablement pertinent. On aime de tels programmes audacieux, imprĂ©vus, capables de rĂ©former nos idĂ©es réçues sur le Haydn symphoniste que lâon croit connaĂźtre ; servi ici par des interprĂštes jubilatoires, ayant pour devise, une qualitĂ© rare chez les artistes des rĂ©pertoires baroques et romantiques aujourdâhui : la finesse.
Des 3 symphonies ici traitĂ©es, ne prenons quâun Ă©pisode emblĂ©matique. Non pas la premiĂšre de la sĂ©lection, n°60 qui donne son nom au programme (conçue pour la comĂ©die intitulĂ©e « Il Distratto »), mais nous prĂ©fĂ©rons demeurĂ© sur notre excellente impression, produite par lâAdagio de la n°12 qui sâimpose par sa profondeur et son rayonnement simple. Sublime introspection (plage 12), tel un dĂ©sert sans issue et au cordes seules, qui touche par son Ă©pure quasi austĂšre ; la respiration, les dynamiques, lâĂ©conomie et le sens des phrasĂ©s sont dâune irrĂ©sistible justesse. Antonini y glisse un spuçon de tendre nostalgie qui assimile cet Ă©pisode frappant par son intĂ©rioritĂ© maĂźtrisĂ©e Ă une variation gluckiste, le Gluck sublimement dĂ©plorĂ© et lacrymal, câest Ă dire pudique et mĂ©lodique Ă la fois, de la priĂšre dâOrphĂ©e et son hymne dĂ©sespĂ©rĂ© mais digne : « Jâai perdu mon Eurydice ». Haydn semble en dĂ©duire une interrogation en rĂ©sonance. Quel contraste avec lâAllegro insouciant et dĂ©licatement caractĂ©risĂ© (hautbois, bassons) qui suit.