samedi 7 décembre 2024

CRITIQUE CD, événement. BRAHMS : Symphonies 1-4. Yannnick Nézet-Séguin, Orchestre de Chambre d’Europe (3 cd DG Deutche Grammophon, 2022 – 2023)

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Souvenir symphonique de Baden-Baden. Après plusieurs opus lyriques in loco [cycle des opéras de Mozart avec la crème des chanteurs à la mode dont un Villazon vivace et surprenant…), après surtout les intégrales Schumann, Mendelssohn, Beethoven,. Voici l’heure de Brahms [enregistré en 2022 et 2023] pour lequel dans la suite d’un Mendelssohn aéré, léger,  » YNS « , Yannick Nézet-Séguin, ouvrage en complicité avec les jeunes musiciens de l’Orchestre de chambre d’Europe, une lecture aux rebonds allégés, sans épaisseur,… d’une énergie globalement heureuse. La vie en rose en quelque sorte ainsi que la couleur affichée par YNZ en couverture et face à nous, tendrait à nous le suggérer.

 

En effet son Brahms est moins tourmenté et passionnel ici que clairvoyant et comme mis à distance d’un surcroît de sentimentalité, ailleurs très appuyé ou simplement manifeste au risque d’une épaisseur tragique, nettement moins évidente à Baden-Baden. Il fallait oser le faire dans une ville thermale à la toujours riche activité symphonique et où Brahms est régulièrement joué ayant même possédé une maison en proche périphérie [Lichtenthal, à la périphérie immédiate de Baden-Baden, où sa maison-musée se visite depuis lors].
BRAHMS autant inspiré, électrisé par le modèle Beethovenien, accomplit son propre cheminement symphonique à la pleine maturité, les 40 ans passés. Même la plus Pastorale, la 2ème, composée courant 1877, témoigne d’une bonhommie heureuse… Qui n’est cependant qu’illusion tant les contre champs de l’écriture manifeste des tourments mélancoliques d’une profondeur parfois vertigineuse ; YNS dévoile et articule tout cela avec la minutie d’un chef analytique qui prend soin de ne pas se diluer dans la trame d’un pathos post romantique ailleurs très souvent épais et dépressif.

 

BRAHMS architectural, nerveux, allégé

Secret, réservé, Brahms se livre cependant dans sa musique dont il soigne en particulier la parure trouble, souvent ambivalente entre tendresse éperdue, mystique amoureuse passionnelle, extrême pudeur et fureur émotionnelle à peine contenue ; s’y dissimule dans la trame complexe, son amour insatisfait pour Clara, épouse de Robert Schumann qui demeure une icône pour Johannes [Brahms cite allusivement les Symphonies de Schumann dont surtout la 3e dite « Rhénane », fleuron de la sensibilité romantique germanique]. En cela le poco allegretto de la 3e Symphonie si abondamment repris et recyclé au cinéma comme dans la variété [jusqu’à Gainsbourg] reste l’emblème de la passion silencieuse qui dévore l’âme d’un Brahms qui restera célibataire, un état définitif incarné, proclamé par le moto du compositeur clairvoyant : « Frei aber einsam » (libre mais solitaire, musicalement déposé dans la matière sonore de cette même 3ème symphonie).

La maîtrise de Yannick Nezet-Seguin se révèle encore dans l’approche intuitive de sa direction qui éclaire avec clarté et vivacité l’équilibre formel comme la structure architecturale de l’écriture d’un Brahms surtout épris d’équilibre et de proportions : dans la somptueuse Passacaille finale qui conclut la 4ème symphonie ainsi, Brahms réussit un tour de force dans la puissante orchestration, le souffle instrumental qui s’en dégage.
La clarté qu’apporte ici l’Orchestre de chambre d’Europe se justifie d’autant plus que dans le cas de la 4ème, c’est bien un orchestre moyen, [Meiningen] soit autour de 50 instrumentistes [plutôt que les 80 d’office chez les intégrales Karajan ou Haïtink] qui ont créé l’opus. Que Brahms cautionne ou non les effectifs de cette création bien documentée, l’interprétation qui se réalise ici, convainc par son style et sa pâte sonore, outre le chambrisme relatif du dispositif. YNS semble nous dire qu’en dépit d’une tradition germanique souvent dense, spectaculaire voire grandiloquente, la lecture en format allégée gagne une incontournable transparence agogique qui s’inscrit dans les démarches historiquement informées et précédentes de Gardiner ou d’Herreweghe.

Mais à la différence de ceux là, YNS semble dans le choix des respirations et la conscience de la structure, développer une toute autre compréhension, laquelle sonne en comparaison moins didactique voire discursive. Travers fréquent dans bien des approches sur instruments d’époque (où le désir et la tentation de démontrer priment sur les respirations naturelles et les rebonds organiquement souples). C’est que le chef québécois soigne précisément le nerf [que certains trouveront parfois un rien sec], tout en nourrissant la rondeur sonore à partir des graves. Une lecture médiane, expressive donc qui est loin de démériter malgré une discographie pléthorique. L’Orchestre de chambre d’Europe tire même son épingle du jeu et s’inscrit parmi les meilleures phalanges brahmsiennes de ces dernières années. CLIC de CLASSIQUENEWS été 2024.

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Plus d’infos directement sur le site de DG Deutsche Grammophon : Intégrale des Symphonies de Brahms par Yannick Nézet-Séguin et l’Orchestre de Chambre d’Europe / Chamber Orchestra of EUROPE – 3 cd DG Deutsche Grammophon : https://www.deutschegrammophon.com/en/artists/yannick-nezet-seguin

 

 

LIRE aussi notre critique des Symphonies de MENDELSSOHN par Yannick Nézet-Séguin et l’Orchestre de Chambre d’Europe (CLIC de CLASSIQUENEWS, parution 2017) : https://www.classiquenews.com/cd-compte-rendu-critique-mendelssohn-symphonies-1-2-3-4-5-chamber-orchestra-of-europe-yannick-nezet-seguin-direction-3-cd-dg-deutsche-grammophon/

CD, compte rendu critique.MENDELSSOHN : Symphonies 1, 2, 3, 4, 5. Chamber Orchestra of Europe. Yannick Nézet-Séguin, direction (3 cd DG Deutsche Grammophon)

 

 

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Nos autres articles YNZ Yannick Nézet-Séguin sur CLASSIQUENEWS : https://www.classiquenews.com/?s=yannick+nezet-seguin

 

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