jeudi 28 mars 2024

CD, compte rendu critique.MENDELSSOHN : Symphonies 1, 2, 3, 4, 5. Chamber Orchestra of Europe. Yannick Nézet-Séguin, direction (3 cd DG Deutsche Grammophon)

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Mendelohn-Symphonies-1-5-Coffret-Edition par classiquenews critique compte rendu cd review cd clic de classiquenewsCD, compte rendu critique. MENDELSSOHN : Symphonies 1, 2, 3, 4, 5. Chamber Orchestra of Europe. Yannick Nézet-Séguin, direction (3 cd DG Deutsche Grammophon). Plus à son aise grâce au relief des voix et dans une construction fragmentaire par épisodes caractérisés, le chef vedette Nézet-Séguin suscite ici quelques réserves voire limites dans sa direction purement symphonique. Et s’il était meilleur chef lyrique que symphonique ? Cette intégrale captée à Paris des opus de Mendelssohn (Symphonies 1-5) tend à le démontrer : vision globale brillante mais routinière (exploitant bien il est vrai les qualité chantantes et de solistes du Chamber Orchestra of Europe) et heureusement, meilleure n°2 (symphonie cantate avec solistes et choeur, d’autant plus intéressante qu’elle est mail connue – mais ses effectifs requis ne la rendent-ils pas difficile à réaliser ?).

 

Excès démonstratif ?

 

 

Avouons que les deux premières Symphonies 1 et 3 (dite « Écossaise » de 1842) ne décollent pas, relevant d’une honnête lecture, parfois scolaire. Les choses s’affirment plus nettement en nervosité et en vigueur comme en dramatisme, avec cette élégance qui n’écarte pas une certaine classe virile, très mendelssohnienne, avec le CD2 et cette Symphonie oratorio / symphonie Cantate n°2 « Lobgesang » / Chant de louange / hymne pour la paix. Toute la tendresse fraternelle d’un Mendelssohn européen, digne successeur de Beethoven (dont il partage d’une certaine manière le muscle) et des Lumières s’affirme dans ce format souvent puissant et éperdu (le Schumann des oratorios dont La Péri, ou Le Pèlerinage de la rose ne sont pas loin de cet esprit de proclamation de plus en plus lumineuse). Yannick Nézet-Séguin ajoute à une belle énergie souvent détaillée (le directeur lyrique n’est pas absent ; il sera d’ailleurs bientôt directeur musical du Metropolitan de New York), où percent et s’expriment avec beaucoup de caractère le chant des instruments solistes : cors, trombones, clarinette (fin de l’entrée maestoso), ou hautbois dans l’allegretto qui suit… ; chaque épisode est riche en subtilités et transparence, motricité rythmique, beau galbe dynamique ; toujours, le chef soigne l’expressivité et une fluidité expressive qui s’avère prenante, envoûtnate même par ce travail sur le poli et le galbe. Du très bel ouvrage, piloté par une vision qui manque hélas de la vision synthétique d’un architecte dramatique.
La Symphonie n°2 « Lobgesang » est la plus convaincante. Les solistes requis, soit les sopranos Karina Gauvin et la jeune et déjà remarquée Regula Mühlemann (fine mozartienne, cf son récent disque Mozart édité par Sony) apporte une indiscutable fragilité humaine à leur duo (avec cor et choeur, andante 5, plage 9). Mais le vibrato parfois écrasé et trop ample de la première s’accorde mal à l’incandescente juvélinité de sa cadette… Comme chez Schumann, Mendelssohn veille à l’équilibre aérien entre les voix, le choeur et la soie orchestrale dont il faut un flux d’une étonnante liquidité. Daniel Behle cisèle son abattage et son articulation – un rien martial dans son air soliste: « Stricke des Todes« …, Allegro un poco agitato, 6. La verve et le panache que déploie le chef font merveille dans une partition qui se rapproche du Schumann le plus dramatique (Genoveva). Les séances d’enregistrement se sont déroulées à Paris (Philharmonie), en février 2016 dans le prolongement des concerts qui en ont été en quelque sorte la chauffe.
La marmite symphonique exhibe une belle fluidité articulée dans le premier mouvement de la Symphonie Italienne n°4, mais le nerf se montre là encore répétitif. L’Andante con moto manque de… mystère dans une tendresse intérieure traitée comme une marche parfois expédiée. La prise soigne le détail des timbres ; la belle vivacité collective. Le brillant parfois clinquant sur l’intériorité d’une pensée juste et poétique. Pour autant est-ce réellement suffisant ? Cet Andante con moto indique les limites d’une lecture admirable de netteté et d’équilibre mais creuse voire artificielle : la facilité technique et mécanique du geste cache mal en définitive l’absence de profondeur et de climats intérieurs qui tempèrent l’esprit de victoire de l’écriture mendelsohnnienne : son art ne se réduit pas à un pur jeu formel et trépidant . Dur diagnostic. Même mis en place, rien que… métronomique et même intensité du geste dans le Saltarello. C’est fougueux mais trop démonstratif.

Voilà pourquoi nous attendions le premier Andante d’ouverture de la Réformation n°5 : dont l’ampleur et la profondeur toute en pudeur convoque là encore la pure effusion et une subtilité mystérieuse qui doit saisir par sa gravité foudroyante. A trop vouloir faire sonner son formidable orchestre (cors, trompettes… les cuivres en général), le chef perd l’ombre, l’étoffe de la suggestion,… là encore l’énigmatique, qui colore toute l’oeuvre de Mendelssohn, sous son entrain lumineux : le surgissement de l’inexprimable, la sidération et la révélation du sublime (ce que Wagner utilisera à la fin du siècle dans Parsifal pour exprimer lui aussi le divin, la manne qui descend sur terre)… hélas, le geste trop puissant, malgré une flexibilité admirable des cordes, bascule dans un bavardage de façade : le brillant coûte que coûte comme s’il voulait délibérément tout gommer en trouble comme en failles angoissantes : le jeu de la clarinette et des cordes dans l’allegro qui suit, tourne au système, une belle mécanique instrumentalement très polissée, d’une onctuosité séduisante. Ainsi l’intériorité parfois trop explicite de l’Andante, mais le relief hyperintense de la flûte (récitative 3b menant vers le Choral, et son irrépressible grandeur exclamative) dont le dialogue avec les bois de l’harmonie, amorce le triomphe final et sa fanfare suractive. Problème d’ajustement, de vision et de plan poétique, cette quasi intégrale manque réellement de profondeur et de finesse ambivalentes. Certes énergie et fièvre voire fougue sont bien là : mais dépourvus de gravitas, le geste s’écroule, ennuie, sonne creux. Quel dommage. A chacun de juger selon son exigence dans l’écoute du Mendelssohn symphoniste.

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CD, compte rendu critique. Felix Mendelssohn : Symphonies, n°1 ; n° 2 en si bémol majeur, «Lobgesang», opus 52 — Karina Gauvin, Regula Mühlemann (sopranos), Daniel Behle (ténor) ; n° 3 en la mineur, «Schottische» / (Ecossaise), opus 56 ; n°4 (Italienne), n°5 «( Réformation) — RIAS Kammerchor, Chamber Orchestra of Europe, Yannick Nézet-Séguin (direction). 3 cd DEUTSCHGE GRAMMOPHON, live enregistré à Paris, février 2016.

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