vendredi 4 octobre 2024

CRITIQUE, ballet. Paris, Palais Garnier, le 31 mai 2016. Coralli/Perrot : Giselle. Mathieu Ganio,Koen Kessels

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CRITIQUE, ballet. Paris, Palais Garnier, le 31 mai 2016. Coralli/Perrot : Giselle. Mathieu Ganio,Koen Kessels    –   Le romantisme fantastique est de retour au Palais Garnier avec le ballet Giselle ! Bijou de la danse académique et ballet romantique par excellence, il s’agit du dernier ballet classique de la Compagnie pour la saison 2015-2016 de l’Opéra de Paris. Une série d’Etoiles et de Premiers Danseurs interprètent les rôles titres, accompagnés par Koen Kessels dirigeant l’Orchestre des Lauréats du Conservatoire. La production créée en 1998 avec les fabuleux costumes et décors d’Alexandre Benois a donc tout pour plaire, à tous les sens.

Giselle rédemptrice

 

 

 

Les distributions peuvent changer à la dernière minute (la possibilité est bien indiquée dans les publications de l’opéra), le principe qui peut susciter la déception chez les spectateurs venus applaudir tel ou tel danseur, telle ou telle étoile.., revêt de bonnes raisons. Cette saison riche en controverses et faits divers représente aussi une sorte de transition ; nous avons eu droit au brouhaha inévitable d’une grande maison, bastion de la Haute Culture, devant ses expérimentations dont le but est de trouver un sens renouvelé dans l’ère contemporaine. Pour brosser de nouvelles perspectives, il est important d’avoir une conscience éveillée par rapport à l’histoire et au contexte, l’importance de la revalorisation avant la transformation. Le progrès semble être plus durable quand il est édifié sur des bases solides. Tout détruire pour tout refaire peut aussi paraître légitime, mais surtout précipité. Que Giselle (et plus tard Forsythe, dans le contemporain/néo-classique) clôt la saison du Ballet est dans ce sens un fait chargé de signification et, dans le contexte des directeurs fugaces et ballets déprogrammés, une lueur d’espoir, de beauté, un rappel d’excellence pour l’avenir, affirmation très nécessaire dans notre époque criblée de tensions, de terreur et de violence.

Ces sentiments font également partie, curieusement en l’occurrence, de l’imaginaire cher aux Romantiques. La passion, les contrastes, la violence, l’espoir mystifié, les bonheurs et horreurs de la vie quotidienne sublimés, etc., etc. Autant de thèmes plus ou moins présents dans Giselle. Dans l’acte 1, diurne, nous avons la fête villageoise, des tableaux folkloriques à la base sublimés par la danse technique et virtuose des vendangeurs et paysans. Remarquons ici l’excellente prestation du Premier Danseur François Alu et du Sujet Charline Giezendanner dans le pas de deux des paysans. Elle y est sauterelle, fine, mignonne et radieuse à souhaits, depuis le début et pendant ces variations jusqu’à la coda ! Lui, s’il commence tout à fait solide, mais sans plus, finit son pas de deux avec panache et brio après s’être montré tout à fait impressionnant dans ses sauts époustouflants, ses impeccables cabrioles ; le tout avec une attitude de joie campagnarde qui lui sied très bien !
Mais après la fête vint la mort de Giselle, suite à la déception du mensonge d’Albrecht, et l’acte est fini. L’acte II, nocturne (ou « blanc » à cause des tutus omniprésents), est l’acte des Wilis, spectres des jeunes filles mortes avant leur mariage, qui chassent des hommes dans la forêt et qu’elles font danser jusqu’à leur mort. Valentine Colasante, Première Danseuse, joue Myrta, la Reine des Wilis, et se montre imposante ma non troppo, séduisante avec ses pointes et ses diagonales, et humaine dans ses sauts. Les deux Wilis de Fanny Gorse et Héloïse Bourdon sont fabuleuses, tout comme le Hilarion qu’elles croisent et décident de tourmenter, rôle ingrat en l’occurrence magistralement interprété par le Premier Danseur, Vincent Chaillet. Mais outre le fabuleux Corps de Ballet, paysans, vendangeurs, dames et seigneurs, et spectres, Giselle est avant tout… Giselle.

Albrecht, le Duc qui séduit et baratine Giselle, puis en souffre, n’a pas de meilleur interprète que l’Etoile Mathieu Ganio. LE Prince Romantique de l’Opéra de Paris à notre avis : le danseur campe son rôle avec élégance et gravitas. Outre ses belles lignes et son jeu d’acteur remarquable, il est surtout très agréable à la vue grâce à sa technique qui impressionne à chaque fois. Ses entrechats sont souvent les plus beaux, les plus réussis, souvent irréprochables ; son extension, ses sauts sont imprégnés de l’intensité dramatique qui lui est propre, et frappent toujours par la finesse dans l’exécution. La Giselle de l’Etoile Dorothée Gilbert (qu’on n’attendait pas voir sur scène ce soir), est l’autre superbe partie du couple tragique, et la protagoniste prima ballerina assoluta indéniable après cette représentation ! Elle est toute vivace toute candide au Ier acte, excellente danseuse et actrice, sa descente aux enfers de la folie suite au chagrin amoureux, et sa mort imminente, sont dans sa prestation frappantes par la sincérité. Comment elle passe si facilement du badinage villageois sautillant à la folie meurtrière riche en pathos est tout à fait remarquable. Au IIème acte, elle est la grâce nostalgique, la douleur amoureuse, la ferveur mystique, faite danseuse. La mélancolie l’habite désormais en permanence, mais elle n’est pas plus forte que le souvenir de l’amour inassouvi qui a causé sa mort. Quelle démonstration d’un art subtil de l’arabesque par l’Etoile en vedette ! Quelle profondeur artistique quand elle s’élève sur ses pointes ! L’expression de son élan amoureux quand elle sauve Albrecht à la fin de l’oeuvre est exaltante, comme toute sa performance.

Remarquons également la performance très solide de l’Orchestre des Lauréats du Conservatoires, surtout les vents sublimes, et espérons que les quelques petits décalages, repérés ça et là, entre fosse et plateau soient maîtrisés rapidement par le chef Koen Kessels. A ne pas manquer car Giselle fait un retour d’autant plus réussi qu’il était attendu, au Palais Garnier, avec plusieurs distributions, du 30 mais jusqu’au 14 juin 2016.

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