samedi 12 octobre 2024

Compte rendu, opéra. Versailles. Opéra Royal, le 19 mars 2014. Leonardo Vinci : Artaserse. Vince Yi… Concerto Köln, Diego Fasolis, direction.

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Dans la splendide programmation de l’Opéra Royal à Versailles, c’est une des plus belles créations baroques de la saison 2012/2013 que nous avons retrouvé ce soir : Artaserse de Leonardo Vinci. Cet opéra, est un véritable joyau perdu et aujourd’hui retrouvé, grâce au travail de recherche de Max – Emmanuel Cencic, toujours en quête de nouveauté. Il fut composé par un calabrais méconnu du XVIIIe siècle, Leonardo Vinci, sur le livret de Pietro Metastasio. C’est sur l’une des scènes françaises les plus dynamiques, l’Opéra National de Lorraine à Nancy qu’il a revu le jour l’année dernière. Nous y étions et vous avions relaté toute la splendeur musicale et scénique qui nous avait été donnée d’entendre et de voir. Plus d’un an après, disons le tout de suite, non seulement cet Artaserse n’a pas pris une ride mais il s’est bonifié. Créé à Rome en 1730, il ne put être chanté que par des hommes y compris les rôles féminins. Conservant ce principe, c’est donc un plateau de contre-ténors qui nous est offert dans cette magnifique production.

Recréation mémorable

vinci- artaserse_-_opera_royal_du_chateau_de_versaillesPietro Metastasio a offert, à Vinci et aux castras, stars de la scène en son temps, un livret à la trame intensément dramatique. La constance des sentiments les plus nobles s’y trouve confrontée à la noirceur si humaine d’un père épris de pouvoir et d’un amoureux éconduit, ainsi qu’aux doutes  qui s’emparent des héros, face à une vérité multiple. Les interprètes trouvent ici, en transcendant la virtuosité la plus pure permise par la partition, des affects tragiques susceptibles d’offrir une véritable émotion, empreinte de mélancolie et de passion, au public.
Et si l’amour est évidemment présent, l’amitié, sentiment noble par excellence y tient un rôle majeur. C’est elle qui permet de parvenir à dénouer les machinations les plus cruelles et à un tout jeune empereur de vaincre les tourments qui lui sont imposés.
Un seul vers tient ainsi en son cœur la clé de la tragédie :« Mais je sais pour mon malheur/que l’amitié était pour moi le choix du cœur/et pour vous une nécessité ». C’est l’amitié qui évite une fin tragique, permettant aux deux couples (Artaserse/Sémire – Arbace/Mandane, réciproquement frère et sœur) de trouver le bonheur et pour Artabane, le père félon, la rédemption.
Musique et texte sont d’une grande beauté, soulignons ici le très beau travail de traduction de Jean-François Lattarico. La mise en scène de Silviu Purcărete, extrêmement intelligente et percutante, souligne l’urgence et la violence des situations avec une fluidité qui suit avec brio, le rythme de la musique. Costumes  exubérants et éclairages viennent participer avec justesse, au choix de la mise en abîme de ce théâtre dans le théâtre, où tout n’est qu’illusion, où la scène prend possession de l’acteur et du spectateur, nous emportant dans un monde merveilleux.
Un seul changement, mais non des moindres, intervient dans la distribution. Philippe Jarrousky, qui avait donné par sa sensibilité toute sa consistance au personnage d’Artaserse, est ici remplacé par un jeune contre-ténor d’origine américano-coréenne, Vince Yi. Même si ce dernier est encore dramatiquement un peu moins mâture, son timbre, sa technique, ses aigus qui scintillent comme les plus précieux des diamants, sans compter un réel panache lui permettent de vaincre très vite nos regrets. Voici un jeune homme promis à un très bel avenir.
Depuis Nancy, le reste de la distribution a acquis une maturité, qui fait de cet Artaserse un duel à fleurets mouchetés totalement incandescent. Les réserves que certains avaient pu émettre sur Juan Sancho (Artabano) et Yuriy Mynenko (Megabise) sont totalement soulevées tant chacun des chanteurs donne corps et âmes à ces deux rôles de méchants, tourmenté pour le premier, pervers pour le second. Tous deux sont des traîtres au délire flamboyant et d’une maîtrise vocale époustouflante.
Le timbre de Valer Barna Sabadus (Sémire, la sœur d’Arbace et l’amante d’Artaserse) a gagné en suavité  et en profondeur. Dès l’acte I et son air « Torna innocente… », il est habité par son personnage et l’on tombe sous le charme de cet oiseau de paix, vêtu de plumes blanches, aussi pur que ces intentions dans un monde de noirs sentiments.
Franco Fagioli (Arbase) à l’héroïsme tant vocal que scénique est étourdissant de virtuosité. Son morceau de bravoure tant attendu du public « Vo solcando un mar crudele » totalement maîtrisé, a déclenché un tonnerre d’applaudissements et plusieurs rappels. Avec un Max-Emmanuel Cencic  – dans le rôle de Mandane- au timbre toujours aussi fascinant, à la rondeur velouté, ils forment un couple qui ne peut que séduire. Dès le Duetto de l’acte I, leurs voix s’unissent en un legato aux envoûtantes volutes, sensuelles et doloristes.
Dans la fosse le Concerto Köln fait preuve d’une âme italienne et d’une splendeur dramatique rares. La direction de Diego Fasolis mélange de précision et de témérité, est un bonheur constant pour ce répertoire. A l’issue du concert c’est un véritable triomphe qui a été fait à l’ensemble des interprètes, acteurs d’une soirée inoubliable.

Versailles. Opéra Royal, le 19 mars 2014. Leonardo Vinci (1690 – 1730) : Artaserse; opéra en trois actes sur un livret de Pietro Metastasio. Artaserse, Vince Yi ; Mandane, Max-Emmanuel Cencic ; Artabano, Juan Sancho ; Arbace, Franco Fagioli ; Semira, Valer Barna Sabadus ; Megabise : Yuriy Mynenko. Concerto Köln, Diego Fasolis, direction. Silviu Purcărete, mise en scène et lumières. Décors, costumes, lumières : Helmut Stürmer. Lumières, Jerry Skelton

 

 

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