mardi 19 mars 2024

Compte rendu, opéra. Versailles. Opéra Royal, le 18 novembre 2014. Jean-Philippe Rameau (1683-1764) : Zaïs, Pastorale héroïque en quatre actes avec prologue. Livret Louis de Cahusac. Créée à l’Académie Royale de Musique de Paris, le 29 février 1748. Avec : Zaïs, Julian Prégardien ; Zelidie, Sandrine Piau ; Oromasès, Aimery Lefèvre ; Cindor, Benoît Arnould ; Sylphide, la Grande prêtresse de l’amour, Amel Brahim-Djelloul; L’Amour, Hasnaa Bennani ; Un Sylphe, Zachary Wilder. Choeur de Chambre de Namur, direction du chœur, Thibaut Lenærts. Les Talens Lyriques ; Direction et clavecin, Christophe Rousset.

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rousset christophe talens lyriques amadis phaeton roland, bellerophonAvant le grand gala Rameau organisé dans le somptueux écrin de la galerie des glaces ce 22 novembre 2014, Versailles poursuit ces célébrations dans le cadre de l’année Rameau 2014. L’année Rameau touche à sa fin, du moins à Versailles. Elle a, grâce au travail des équipes du CMBV Centre de musique baroque de Versailles, été fêtée avec un certain faste dans le monde et en France, permettant de faire découvrir ou de redécouvrir certaines œuvres d’un Rameau plus mal connu qu’inconnu du public. Ce soir, c’est Zaïs qui nous était proposé en version concert à l’Opéra Royal, après une recréation à Beaune l’été dernier et un passage par Amsterdam quelques jours auparavant. Zaïs que les Talens Lyriques auront enregistrés à l’occasion de cette fin de tournée est une pastorale dont le livret de Louis de Cahusac est des plus simplissimes et des plus « naïfs ». C’est une histoire de bergers et de bergères, d’amours légèrement contrariés.

Zaïs inabouti

Le génie des airs, Zaïs, déguisé en berger, met à l’épreuve une jolie bergère, Zélidie, dont il est follement épris. Il est aidé par son complice, Cindor, mais ni l’un ni l’autre ne parviennent à détourner la belle bergère, qui fait preuve de constance dans ses sentiments. Zaïs renonce alors à son immortalité pour elle. Mais pour les récompenser, Oromazès, le roi des génies leur offre à tous deux de vivre à jamais ensemble, car le temps ne doit pas s’opposer au bonheur.

Ce n’est donc pas l’histoire qui compte mais bien la musique de Rameau. La page la plus connue de cette œuvre exceptionnelle est son prologue. Il résume à lui seul, toute la puissance, l’effervescence, le bouillonnement, la violence des éléments qui rend si unique la musique de ce compositeur. Mais de ci de là, on a parfois déjà entendu en particulier dans le somptueux CD d’Ausonia « Que les mortels servent de modèles aux dieux », certains airs, dont la beauté onirique et évanescente comme « Chantez-oiseaux » ou tempétueuse et tellurique comme « Aquilons, rompez vos chaînes », y révélaient toutes leurs splendides nuances.

C’est donc avec une certaine impatience que nous attendions cette recréation complète de l’œuvre par les Talens Lyriques, d’autant plus lorsqu’on connait les affinités électives de Christophe Rousset avec la musique du compositeur dijonnais. Las, il y a des soirées avec et des soirées sans. On ne peut pas dire que tout fût décevant ce soir, loin s’en faut. C’est une addition de petits riens, de petites fautes, qui ont fini par nous laisser un sentiment d’incomplétude, un rien agaçant, d’autant plus lorsqu’on sait combien les Talens Lyriques nous offrent généralement bien mieux.

Castor et Pollux de Rameau (1737-1754)Christophe Rousset avait réuni autour de lui une très belle, voir exceptionnelle distribution. Mais malheureusement, on a dû relever ce qui est une erreur de casting. Cette dernière est d’autant plus regrettable que Zachary Wilder, puisque c’est de lui qu’il s’agit, nous avait révélé de magnifiques qualités d’interprétation en compagnie de Leonardo Garcia Alarcon dans la production d’Elena de Cavalli, il y a quelques mois. Son timbre de haute – contre est inadapté pour la musique du XVIIIe, a fortiori celle de Rameau. En revanche, même si Aimery Lefèvre semble en légère difficulté en première partie, il se reprend ensuite, donnant dans la séquence finale,  toute sa noble solennité  à Oramasès dans la célébration de l’union de Zaïs et Zélidie. Benoît Arnould est un Cindor, à peine roué et plein de charmes, tandis qu’Hasnaa Bennani est un Amour suave et Amel Brahim-Djelloul une grande – prêtresse de l’Amour, au céleste envoutement. Enfin les deux grands triomphateurs de la soirée, sont Julian Prégardien et Sandrine Piau. Lui est un Zaïs au timbre et à la diction d’une grande séduction. Tandis que la soprano est une bergère à l’élégance élégiaque, sensible, raffinée, pourtant si combattive. Le Chœur de chambre de Namur est quasi parfait, particulièrement redoutable comme dans « Aquilons, brisez vos chaînes ». Leur phrasé, leur musicalité en font un acteur essentiel.

Ce soir, ce sont les Talens Lyriques nous ont semblé en légère méforme. Bien sûr, il y a eu de beaux moments, mais aussi de manière assez surprenante, chez eux des fautes de justesse et de légers décalages avec le chœur qui ont troublé cette harmonie parfaite que nous attendions d’eux. Certes Christophe Rousset est parvenu à rétablir une situation très instable, mais la fatigue de ses troupes -et tout particulièrement des flûtes et des hautbois-, aura laissé au cours de la soirée un sentiment d’inaccompli.

Compte rendu, opéra. Versailles. Opéra Royal, le 18 novembre 2014. Jean-Philippe Rameau (1683-1764) : Zaïs, Pastorale héroïque en quatre actes avec prologue. Livret Louis de Cahusac. Créée à l’Académie Royale de Musique de Paris, le 29 février 1748. Avec : Zaïs, Julian Prégardien ; Zelidie, Sandrine Piau ; Oromasès,  Aimery Lefèvre ; Cindor, Benoît Arnould ; Sylphide, la Grande prêtresse de l’amour, Amel Brahim-Djelloul; L’Amour, Hasnaa Bennani ; Un Sylphe, Zachary Wilder. Choeur de Chambre de Namur, direction du chœur, Thibaut Lenærts. Les Talens Lyriques ; Direction et clavecin, Christophe Rousset.

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