jeudi 28 mars 2024

Compte rendu, opéra. Toulouse. Théâtre du Capitole, le 31 mars 2015. Jean-Philippe Rameau (1683-1764) : Castor et Pollux, Tragédie en cinq actes, version de 1754 ; Mariame Clément, mise en scène ; Julia Hansen, décors et costumes ; Bernd Purkrabek , lumières ; FettFilm (Momme Hinrichs et Torge Møller), vidéo ; Antonio Figueroa, Castor ; Aimery Lefèvre, Pollux ; Hasnaa Bennani, Cléone / Une suivante/ Une Ombre heureuse ; Hélène Guilmette, Télaïre ; Gaëlle Arquez, Phébé ; Dashon Burton, Jupiter ; Sergey Romanovsky, L’Athlète / Mercure ; Konstantin Wolff, Le Grand Prêtre de Jupiter / Une Voix ; Choeur du Capitole ; Alfonso Caiani direction ; Les Talens Lyriques ; Christophe Rousset, direction musicale.

A lire aussi

castor-pollux-rameau-Rameau au Capitole est bien servi, après Hippolyte et Aricie en 2009, les Indes Galantes en 2012, voici Castor et Pollux cette saison. Il ne manque plus que Platée pour que notre bonheur soit total. Rameau demande beaucoup. Certes la partition regorge de beautés mais il est important que la mise en scène soit habile afin que l‘intérêt du spectateur moderne soit maintenu. Même dans Castor et Pollux de 1754 l’intrigue est maigre et les ballets sont nombreux qui coupent tout élan dramatique. L‘intelligence de la mise en scène de Mariame Clément est parfaitement secondée par des costumes simples et beaux et un décor monumental, un double escalier central, qui permettent au spectacle de soutenir notre intérêt y compris dans les ballets. C’est un parti pris audacieux que cette absence de danses, remplacées par du théâtre et des mimes. L’histoire est ainsi déclinée dans le temps, par un habile retour vers l’enfance des quatre héros ; nous comprenons mieux les liens complexes qui les unissent. Tout avance donc sans temps morts. Les chœurs jouent très bien et les solistes, secondés par des enfants, prennent un relief passionnant.

Tendres et beaux Castor et Pollux à Toulouse

Le théâtre s’invite mais c’est bien les voix qui dominent le plateau, même avant l’orchestre. Nous le dirons d’emblée l’orchestre de Rameau pose un problème qui ce soir n’a pas été résolu par Christophe Rousset et ses superbes musiciens des Talens Lyriques. Très haut dans la fosse, l’orchestre sonne souvent trop fort et lourd. C’est un peu le défaut des instruments anciens lorsqu’ils sont sommés, comme ce soir de sonner trop pour montrer leur puissance après des années de trop modestes possibilités. La direction ferme et puissante de Christophe Rousset fait sensation mais les passages sensibles ne touchent pas assez. Les couleurs sombres de l‘orchestre avec des basses très présentes, manque de lumière. La direction est efficace, mais un peu trop sèche et manquant de moelleux. L’équilibre avec le plateau a fait défaut lors de la scène des enfers de l’acte IV lorsque la voix du «vaillant Pollux » se perd alors que Phébé, Mercure et les démons traversent la puissance orchestrale déchainée.

La fête vocale est magnifiée par les dames. En Phébé, Gaëlle Arquez brûle les planches et sa voix paraît d’une puissance enviable. Le beau mezzo de tempérament a une autorité indiscutable. La présence du personnage infernal séduit et inquiète à la fois. La Télaïre d’Hélène Guilmette a également une belle présence scénique et la voix fruitée de soprano lyrique sait galber les lignes de chant avec art. Tout au plus, un manque de fragilité en particulier dans l’air triste flambeau suscite des réserves. Mais la mise en scène lui demande une présence forte que la voix soutient parfaitement.
Le Castor d’Antonio Figueroa est vocalement d’une tendresse idéale. Voix de miel, le ténor sait chanter avec art son rôle d’amoureux que rien n’arrête. Aux Enfers il manquera un peu de vaillance mais l’essence de cette voix semble être de rendre des sentiments délicats seulement. En Pollux, Aimery Lefèvre est sensible et douloureux. La belle voix souple phrase à la perfection. Mais la grandeur du monarque et du fils d’un dieu, éternel lui même, fait défaut. Dashon Burton, campe un Jupiter inattendu et plein d‘humour. La voix est moelleuse et séduisante et le jeu du jeune baryton est parfait. Ce Dieux de l’argent est si vraisemblable et fantasque à la fois…
En Plusieurs rôles, dont une formidable « trompette », Sergey Romanovsky est un ténor impertinent par sa capacité de rivaliser avec des sons d ‘airains comme une grande noblesse dans la partie de Mercure. Voilà un engagement vocal impressionnant à suivre dans des rôles plus longs et complexes. Le chœur du capitole admirablement préparé par Alfonso Caiani a magnifié les si beaux chœurs de Rameau, oscillants entre douleur et splendeur avec des couleurs superbes. Tout particulièrement le pupitre de ténor a semblé pur et lumineux.

Cette production du Theater an der Wien a eu un beau succès à Toulouse. Ce parfait mélange de théâtre et de chant est digne du chef d ‘œuvre de Rameau. La distribution sans faiblesse, la mise en scène stimulante et la direction musicale énergique ont porté haut l’esprit de la Tragédie Lyrique au Capitole. L’équipe soudée pour ce spectacle total, en ces temps incertains réconforte par un tel engagement.

- Sponsorisé -
- Sponsorisé -
Derniers articles

CRITIQUE, opéra. PARIS, Théâtre des Champs-Elysées, le 26 mars 2024. LULLY : Atys (version de concert). Les Ambassadeurs-La Grande Ecurie / Alexis Kossenko (direction).

Fruit de nombreuses années de recherches musicologiques, la nouvelle version d’Atys (1676) de Jean-Baptiste Lully proposée par le Centre...
- Espace publicitaire -spot_img

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img