jeudi 28 mars 2024

Compte-rendu, OPERA. SAINT-ETIENNE, Opéra le 29 déc. 2018. ROSSINI, Il Barbiere di Siviglia, Orch. Symph. Saint-Etienne Loire, M. Spotti / P.-E. Rousseau

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Jean-François Lattarico
Jean-François Lattarico
Professeur de littérature et civilisation italiennes à l’Université Lyon 3 Jean Moulin. Spécialiste de littérature, de rhétorique et de l’opéra des 17 e et 18 e siècles. Il a publié de Busenello l’édition de ses livrets, Delle ore ociose/Les fruits de l’oisiveté (Paris, Garnier, 2016), et plus récemment un ouvrage sur les animaux à l’opéra (Le chant des bêtes. Essai sur l’animalité à l’opéra, Paris, Garnier, 2019), ainsi qu’une épopée héroïco-comique, La Pangolinéide ou les métamorphoses de Covid (Paris, Van Dieren Editeur, 2020. Il prépare actuellement un ouvrage sur l’opéra vénitien.

Compte-rendu, OPERA. SAINT-ETIENNE, Opéra le 29 déc. 2018. ROSSINI, Il Barbiere di Siviglia, Orch. Symph. Saint-Etienne Loire, M. Spotti / P.-E. Rousseau. Reprise de la production strasbourgeoise créée en octobre dernier (et déjà critiquée sur CLASSIQUENEWS : PE ROUSSEAU, Rossini : Le Barbier de Séville, septembre 2018) avec une distribution totalement renouvelée, ce Barbiere est une merveille de grâce, d’intelligence et un plaisir des yeux permanent. Si la distribution est inégale, elle brille par un jeu d’acteurs époustouflant. Une réussite totale à mettre à l’actif du jeune metteur en scène Pierre-Emmanuel Rousseau.

Sémillant Barbiere

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Sur le plateau, un décor plus vrai que nature qui nous transporte dans une Séville authentique. Des murs latéraux d’un beau rouge presque pompéien, supportent un balcon en fer forgé posé sur un cul-de-lampe en pierre blanche, et deux portails, également en fer forgé, se font face. Au fond, un immense mur tapissé de carreaux bleu et blanc en arabesques. Un décor magnifique qui reproduit un patio sévillan des plus séduisants. Les costumes, qui évoquent l’Espagne du XVIIIe siècle, également signés par Pierre-Emmanuel Rousseau, sont splendides et semblent tout droit sortis d’un tableau de Goya. Avec un tel respect de l’œuvre, la transposition, moderne ou métaphorique, se révèle inutile (comme dans la décevante production berlinoise du Deutsche Oper qui se jouait au même moment) : l’opéra-bouffe est un genre qu’il faut prendre au sérieux et dont il faut respecter les codes.
Sur scène, la direction d’acteurs fonctionne à merveille, y compris pour les ensembles (comme le chœur initial et ses capes virevoltantes façon « corrida »). Tout est traité avec une grande fluidité, malgré le rythme frénétique de la musique. On a apprécié tout particulièrement le baryton Daniele Terenzi dans le rôle de Figaro : une voix puissante et magnifiquement projetée, une diction impeccable (son « Largo al factotum » est exemplairement réussi) et un acteur comique hors-pair, notamment dans sa confrontation avec Almaviva à la guitare ou dans la scène « Che invenzione ». Le Comte est incarné par le ténor Matteo Roma, dont les qualités d’acteur (ses minauderies au clavecin) compensent un timbre pas toujours à l’aise dans l’aigu et manquant parfois de précision. Mais quand il adopte un registre de tenorino (comme dans la « chanson de Lindoro »), le résultat est beaucoup plus convaincant. La mezzo israélienne Reut Ventorero, qui remplaçait Giuseppina Bridelli initialement prévue, s’en tire fort bien, malgré des graves peu sonores. Sa voix légère manque parfois de chair, mais la technique est sans faille, et elle montre une grande aisance dans le registre aigu ( » Una voce poco fa « ), tandis que son jeu déroule toute une palette de sentiments, de l’espièglerie à la tendresse, en passant par le charme dont elle joue pour duper un Bartolo décalé. Ce dernier est fort bien défendu par Frédéric Goncalves, qui a aussi bien le physique que la voix de l’emploi. Il est aidé, dans sa stratégie de contrôle de Rosina, par le maître de musique Basilio au physique de mort-vivant inquiétant, cheveux ébouriffés, maigreur macabre et gestes instables. Dans ce rôle stimulant, le baryton Vincent Le Texier déploie des graves efficaces ; l’instabilité du geste accompagne celle du chant sans jamais que l’intelligibilité du texte n’en pâtisse (superbe « aria della calunnia »), même si l’on sent parfois que l’italien n’est pas son idiome naturel. Parmi les deux rôles secondaires, la Berta de Svetlana Lifar est d’une drôlerie permanente : muette pendant une bonne partie du spectacle, quand elle se met à chanter, sa voix de matriochka russe à l’amplitude vocale impressionnante fait mouche à chaque instant. Plus effacé en revanche le Fiorello et l’officier de Ronan Nédélec, même s’il est loin de démériter.
Dans la fosse, le jeune chef italien (25 ans) Michele Spotti dirige avec verve et précision l’Orchestre de Saint-Etienne-Pays de Loire, qualités que l’on retrouve dans le Chœur Maison. Au final, une réussite mémorable.

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Compte-rendu critique. Opéra. SAINT-ETIENNE, ROSSINI, Il Barbiere di Siviglia, 29 décembre 2018. Matteo Roma (Il Comte Almaviva), Daniele Terenzi (Figaro), Reut Ventorero (Rosina), Frédéric Goncalves (Bartolo), Vincent Le Texier (Basilio), Svetlana Lifar (Berta), Ronan Nédélec (Fiorello, Un ufficiale), Pierre-Emmanuel Rousseau (mise en scène, décors et costumes), Natascha Ursuliak (reprise de mise en scène), Gilles Gentner (lumières), Laurent Touche (chef de chœur), Chœur lyrique Saint-Etienne Loire, Orchestre Symphonique Saint-Etienne Loire, Michele Spotti (direction).

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