vendredi 19 avril 2024

Compte rendu, Opéra. Paris. Opéra National de Paris (Opéra Bastille), le 22 janvier 2014. Massenet : Werther. Roberto Alagna, Karine Deshayes, Jean-François Lapointe… Orchestre de l’Opéra National de Paris. Michel Plasson, direction. Benoît Jacquot, mise en scène.

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Paris, Opéra Bastille : Werther de Massenet. Alagna, Deshayes, jusqu’au 12 février 2014. La production parisienne sous la direction de Michel Plasson s’avère incontournable, confirmant le succès de cette reprise …  Werther de Massenet (1892) revient sur la scène de l’Opéra National de Paris dans la célèbre mise en scène de Benoît Jacquot. Michel Plasson dirige l’Orchestre maison avec élégance et raffinement. Roberto Alagna incarne le rôle-titre avec une passion et un abandon à fondre les cœurs. Karine Deshayes compose une Charlotte dramatique et d’une grande dignité.

 

 

Le cas Massenet ou l’investissement rédempteur des interprètes

Investissement rédempteur des interprètes

 

GetAttachment.aspx Werther est l’un des opéras les plus célèbres et les plus représentés de tout l’opus lyrique de Massenet. Pourtant, lors de sa première mondiale (en Allemagne, 1892) le public et la critique sont déroutés par l’aspect acidulé de l’ouvrage. Ceci se comprend facilement, la source du livret étant un héros pré-romantique Allemand de la plume d’un grand génie germanique Johann Wolfgang von Goethe. Le roman épistolaire et subtilement autobiographique de Goethe a fait sensation lors de sa parution en 1774. L’effet Werther se voyait dans le changement de mode vestimentaire, les jeunes hommes et femmes s’habillant comme les protagonistes du roman, mais l’impact de l’œuvre a eu aussi un visage plus profond et glauque : il a en effet déclenché une série de suicides qui marqueront fortement la conscience collective.

L’adaptation du roman  par Edouard Blau, Paul Milliet et Georges Hartmann, comme la mise en scène traditionnelle et belle de Benoît Jacquot, sont d’une grande efficacité. S’il n’y a pas la profondeur métaphysique du roman, elle se marie brillamment à la musique de Massenet, en l’occurrence d’une délicieuse mélancolie romantique. Cet état d’esprit mélangeant finesse diaphane et trouble sentimental est comme celui des protagonistes.

Le rôle de Werther est tenu avec charisme par le ténor Roberto Alagna. Il compose un personnage rayonnant, captivant et touchant dans sa détresse passionnelle. Il incarne avec brio l’exubérance et la naïveté du jeune amoureux. Ici Alagna délecte l’auditoire avec les apports généreux de son art… : une diction sans défaut, une science déclamatoire confirmée, un souffle facile, un registre aigu lumineux. Quand il chante « Pourquoi me réveiller ? » au troisième acte, le temps s’arrête, rien ne paraît exister dans la salle gargantuesque à part l’ardente et ensorcelante misère du jeune poète. La Charlotte de Karine Deshayes est aussi convaincante par son investissement, son jeu d’actrice engageant, une ligne de chant délicatement nuancée comme la psychologie du personnage… Elle est presque suprême dans la scène des « lettres » au troisième acte. Quand elle implore la pitié de Werther pendant qu’il l’étreint en criant « Je t’aime !», à la fin du même acte, l’effet est impressionnant et les frissons inévitables. Remarquons également l’Albert du baryton Jean-François Lapointe, d’une noblesse et d’une prestance ravissante, aussi en forme vocalement que physiquement, ou encore la Sophie d’Hélène Guilmette pétillante ma non troppo, au chant charmant, faisant preuve d’une indiscutable candeur vocale et théâtrale.

La direction de Michel Plasson s’accorde somptueusement à la nature de l’opéra. Il exploite avec douceur les qualités de l’Orchestre de l’Opéra National de Paris et les beautés de la partition… Un coloris raffiné, dont l’aspect atmosphériste parfois fait penser à un certain Debussy (!), ou encore la richesse mélodique dont la simplicité et la lucidité préfigurent Puccini. Massenet a dit de lui-même qu’il était « un compositeur bourgeois », ce soir, pourtant, sa musique dépasse l’épithète mondaine grâce à la performance touchante et surtout réussie des interprètes. Encore à l’affiche de l’Opéra Bastille les 2, 5, 9 et 12 février 2014. Incontournable.

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