jeudi 28 mars 2024

Compte-rendu : Lille. Opéra National de Lille, le 18 mai 2013. Rossini : Le Barbier de Séville. Taylor Stayton, Armando Noguera, Eduarda Melo,… Antonello Allemandi, direction. Jean-François Sivadier, mise en scène.

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Le Barbier de Séville de Rossini clôt la saison lyrique à l’Opéra de Lille. Pour cette extraordinaire nouvelle production, le chef de file est le metteur en scène Jean-François Sivadier, accompagné par une jeune distribution pleine d’esprit dont l’Orchestre de Picardie dirigé par le chef italien Antonello Allemandi.

Le jour de notre venue l’opéra est retransmis en direct à l’extérieur de l’opéra sur la Place du Théâtre. L’occasion s’avère monumentale et transcendante, attributs peu communs pour le Barbier de Rossini, œuvre dont la verve comique, la fraîcheur et légèreté font d’elle, l’opéra bouffe par excellence. La production s’avère être une belle surprise.

 

 

« Si c’est ça l’avenir de l’opéra, j’en veux! »

 

Dit une jeune après l’entracte, extatique et abasourdie, rien qu’après le premier acte! Des paroles pertinentes et emblématiques d’une audience enthousiaste. La création de Jean-François Sivadier mérite une avalanche de compliments et encore plus. L’opéra est dès ses origines du théâtre lyrique, et le seul vrai créateur est toujours le metteur en scène. Les chanteurs et instrumentistes sont dans ce sens des artistes-interprètes. La mise en scène de Sivadier paraît contemporaine mais est atemporelle en vérité. Il a certes une conscience de l’histoire, une sincère compréhension du « drame », un sens aigu et raffiné du théâtre, mais surtout du … génie. Ainsi l’œuvre se déroule dans un univers qui intègre et dépasse l’Espagne du 18e siècle propre à la pièce, la Rome du 19e de sa création et notre ère actuelle. Les beaux costumes de Virginie Gervaise sont dans ce sens surtout contemporains mais en réalité relèvent d’un mélange d’époques.
La mise en scène a tant de mérites que nous ne saurons tous les citer. La scénographie d’Alexandre de Dardel est non seulement astucieuse et cohérente mais aussi très belle à regarder. À la sensation de beauté s’ajoutent les lumières fantastiques de Philippe Berthomé, parfois évocatrices, parfois descriptives, toujours d’une beauté saisissante.

Le travail de Sivadier avec les chanteurs-acteurs est très remarquable. Il exploite avec vivacité et inventivité ce qu’il y a à exploiter dans l’opéra de Rossini ; l’entrain trépidant et la vitalité inextinguible de la comédie. Il sait ce qui peut paraître évident, Rossini veut que ses personnages finissent de chanter leur duo (terzetto en réalité) avant de s’échapper à la fin de l’œuvre, et pour cette raison précise ils se font découvrir par Basile! Ce n’est pas invraisemblable, ce n’est pas absurde. C’est le Rossini que nous aimons et que Sivadier comprend parfaitement. Sa mise en scène est presque interactive, avec les chanteurs marchant dans la salle et incluant le public dans la comédie. La puissance de l’action est reflétée avec maestria dans l’air de Basile « La calunnia è un venticello » un des nombreux tours de force de la soirée où le chanteur profite sans doute des talents concertés du directeur musical avec l’inventivité stimulante et la vivacité contagieuse de Sivadier.

L’imagination sans limites d’un Barbier spectaculaire

La distribution des chanteurs plutôt jeune a certainement adhéré à l’esprit de la production. Le baryton argentin Armando Noguera est Figaro. Il l’est, carrément, puisqu’il s’agît du rôle qui la fait connaître et qu’il connaît par cœur, mais surtout par l’investissement éblouissant du chanteur, débordant de charisme. Il n’est jamais moins qu’incroyable, soit dans son archicélèbre cavatine d’entrée « Largo al factotum » à la difficulté et à la tessiture redoutables, dans le duo avec Almaviva plein de caractère, où celui avec Rosine au chant fleuri remarquable où encore dans le trio final au chant à la fois fleuri et syllabé. Toutes ses interventions inspirent les plus vifs sourires et applaudissements. Le Comte Almaviva du ténor Taylor Stayton est certes moins comique mais tout autant investi dans sa caractérisation. Son chant est toujours virtuose et son instrument d’une très belle couleur. Il sait en plus bien projeter sa voix dans la salle et ce même dans les intervalles les plus délicates comme dans sa tessiture vers la fin extrême. Il s’agît sans doute d’un duo de choc et la complicité entre les chanteurs est rafraîchissante. Si en théorie le Comte se doit d’être le protagoniste, n’oublions pas qu’il arrive à son but uniquement grâce à l’aide de Figaro, d’un rang social plus bas. Dans ce sens nous acceptons la suppression de l’air de bravoure d’Almaviva à la fin de l’œuvre, mais nous nous demandons qui a pris cette décision? Le chanteur parce qu’il s’exténue à chanter? Le metteur en scène parce qu’il ne lui trouve aucune utilité théâtrale? Le directeur musical parce qu’il n’aime pas le long développement de l’air? Nous acceptons cette élision, non sans réticence. Notamment vis-à-vis au ténor que nous aurions aimé écouter davantage.

La Rosine lilloise est interprétée par la soprano Eduarda Melo. Si nous regrettons la mauvaise habitude française de transposer le rôle à une voix soprano, tournure oubliée et désuète, la performance plein d’esprit de la pétillante Melo, sans justifier ce changement, a du sens vis-à-vis de la production. Dans sa cavatine du premier acte « Una voce poco fa », en l’occurrence transposée en fa majeur et donc sans vocalises graves, sa coloratura stratosphérique et insolente éblouit l’auditoire. Elle est charmante dans toutes ses interventions et sa leçon de chant au deuxième acte, est merveilleuse. Sa voix aigüe s’accorde de façon plus que pertinente à l’ambiance comique et déjantée,  elle ajoute fraîcheur et légèreté à la production.

En ce qui concerne les rôles secondaires, s’il n’y a pas forcément un équilibre du point de vu vocal, ils sont par contre tous très engagés dans leurs caractérisations. Le Basile d’Adam Palka a une voix un peu verte mais veloutée. Ses dons de comédien et la couleur de sa voix compensent la tessiture quelque peu limitée. Le Bartolo de Tiziano Bracci réussi à être comique sans être grotesque. Jennifer Rhys-Davies est une Berta dont nous aurons du mal à oublier le sens aigu de la comédie, si elle chante peu, sa présence sur le plateau est d’un comique contagieux. Finalement nous remarquerons le Fiorello d’Olivier Dunn. Son personnage ne chante que très peu, mais c’est en effet lui qui chante les premières notes de la partition et sa voix puissante et sa couleur irrésistible nous ont fortement surpris!

Que dire de l’Orchestre de Picardie dirigé par Antonello Allemandi? L’aspect brillant et gai sont les principaux atouts de la prestation. Le maestro a lui aussi un sens solide du théâtre puisqu’il intervient pertinemment pour rehausser l’humeur et la fougue de la partition. Silences et crescendi inattendus dans la célébrissime ouverture, élégance et clarté presque mozartiennes dans les intermèdes, une vivacité et un zeste fabuleux en permanence. Dans ce sens le chœur de l’Opéra de Lille dirigé par Arie van Beeck est à la hauteur de la production, avec une réactivité tonique et lui aussi, une belle implication théâtrale.

Courrez voir et écouter cette nouvelle production… Le Barbier de Sivadier fera sans doute battre votre cœur, et vous sortirez convaincu du fait que l’opéra est un art vivant! Une œuvre d’art totale complètement inattendue à surtout ne pas rater. A l’affiche à l’Opéra de Lille les 26, 28 et 30 mai puis le 2 juin 2013.

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