dimanche 27 avril 2025

COMPTE-RENDU, critique, opéra. LYON, le 6 nov 2019. VERDI : Ernani. F. Meli… Orch et chœur de l’opéra de Lyon, Daniele Rustioni

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Jean-François Lattarico
Jean-François Lattarico
Professeur de littérature et civilisation italiennes à l’Université Lyon 3 Jean Moulin. Spécialiste de littérature, de rhétorique et de l’opéra des 17 e et 18 e siècles. Il a publié de Busenello l’édition de ses livrets, Delle ore ociose/Les fruits de l’oisiveté (Paris, Garnier, 2016), et plus récemment un ouvrage sur les animaux à l’opéra (Le chant des bêtes. Essai sur l’animalité à l’opéra, Paris, Garnier, 2019), ainsi qu’une épopée héroïco-comique, La Pangolinéide ou les métamorphoses de Covid (Paris, Van Dieren Editeur, 2020. Il prépare actuellement un ouvrage sur l’opéra vénitien.

COMPTE-RENDU, critique, opéra. LYON, le 6 nov 2019. VERDI : Ernani. F. Meli… Orch et chœur de l’opéra de Lyon, Daniele Rustioni. Avant une production scénique très attendue de Rigoletto en mars prochain (2020), le cycle Verdi se poursuit avec un Ernani en version de concert de très haute volée. La direction de Daniele Rustioni fait encore mouche face à une distribution dominée par un exceptionnel Francesco Meli.

 

 

 

Lyon fait rugir le lion de Castille

 

 

giuseppe-verdi_jpg_240x240_crop_upscale_q95Opéra éminemment politique au sein de la production de jeunesse de Verdi (c’est son cinquième opus après le succès en demi-teintes des Lombardi), Ernani réunit pour la première fois de façon claire (Nabucco mis à part) la typologie vocale verdienne désormais topique : un ténor, une soprano dramatique, un baryton à l’ample ambitus et une basse d’exception. La distribution réunie ici remplit presque toutes ses promesses.
Dans le rôle-titre, le ténor Francesco Meli éblouit par un timbre clair, magnifiquement projeté, une diction impeccable, dès son air d’entrée (« Oh tu, che l’alma adora »), et se démarque largement dans les nombreux ensembles. Son interprétation, toujours attentive aux mille nuances du texte, jamais ne tombe dans la caricature du ténor belcantiste qui sacrifie l’expressivité du chant au profit d’une virtuosité gratuite. Les mêmes qualités se retrouvent dans le Silva de Roberto Tagliavini, chanteur racé, timbre de bronze d’une grande noblesse qui, sans avoir l’âge du personnage, sert admirablement l’un des plus beaux rôles verdiens des « années de galère », et sans doute l’un des plus complexes de cette partition inégale mais souvent fascinante. Son dernier air dans lequel il reste sourd aux prières de sa victime (« Solingo, errante e misero »), est un moment d’une grande intensité pathétique. On retrouve dans le rôle musicalement très riche de Don Carlo, le baryton-basse mongol Amartuvshin Enkhbat, déjà entendu dans Attila, et dans Nabucco en novembre dernier à l’Auditorium de Lyon. On ne peut que louer la parfaite maîtrise de la langue et l’intelligence du texte servies par une voix caverneuse théâtralement toujours efficace, même si l’on peut regretter une émission trop souvent voilée qui tranche avec la clarté d’émission des deux autres chanteurs masculins. Son grand air du 3e acte a cependant pétrifié le public, révélant un chant d’une grande nuance et subtilité. La déception vient en revanche de la soprano Carmen Giannantasio, dans le rôle moins fouillé d’Elvira. Si la voix est bien là, si l’ambitus vocal, plutôt impressionnant, épouse assez bien les difficultés vocales du personnage – comparable à bien des égards à l’Abigaile de Nabucco –, on regrette une interprétation trop poussive (peu élégante, avec des aigus forcés et sans nuance) qui rompt ainsi l’homogénéité d’une distribution qui autrement eût été sans faille. Les autres rôles secondaires sont correctement tenus, avec cependant un italien à la prononciation pas toujours très orthodoxe.
rustioni-daniele-maestro-chef-opera-critique-annonce-opera-festival-concert-classiquenewsLes chœurs, qui dans ces opéras patriotiques ont, comme on le sait, une fonction importante (ils sont l’incarnation de l’identité collective du peuple), sont une fois de plus remarquablement défendus par les forces de l’Opéra de Lyon dirigés par Johannes Knecht, même si on eût préféré des choix de tempi moins rapides qui nuisent à l’intelligibilité du texte, notamment le chœur d’entrée (« Evviva, beviam »), soulignant davantage la pulsation rythmique que le message dont l’habillage musical (Verdi y attachait une grande importance) est censé être porteur. Dans la fosse, Daniele Rustioni consolide sa réputation de chef exceptionnellement engagé : toujours la même précision et le même équilibre des pupitres qui distillent une fabuleuse énergie au service du drame, maître-mot de l’opéra verdien.

 
 

Compte-rendu. Lyon, Opéra de Lyon (Auditorium), Verdi, Ernani, 6 novembre 2019. Francesco Meli (Ernani), Carmen Giannattasio (Elvira), Amartuvshin Enkhbat (Don Carlo), Roberto Tagliavini (Don Ruy Gomez de Silva), Margot Genet (Giovanna), Kaëlig Boché (Don Riccardo), Matthew Buswell (Jago), Johannes Knecht (Chef des chœurs), Orchestre et chœur de l’Opéra de Lyon, Daniele Rustioni (direction). Diffusion de la représentation donnée à Paris dans la foulée, le 23 nov 2019 sur France Musique.

 
 

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