Compte rendu critique, opéra. LYON, Auditorium, le 5 novembre 2018. Giuseppe VERDI, Nabucco, Orchestre de l’opéra de Lyon, Daniele Rustioni. Prolongement heureux du Festival Verdi de la saison dernière, le Nabucco dirigé par Rustioni en version de concert était très attendu, après la réussite exemplaire, en version concert et dans les mêmes lieux, d’Attila, chronologiquement proche du premier triomphe verdien. Casting de grande classe, malgré une légère déception pour le rôle-titre.
Un Nabucco bouillonnant voire anthologique
Initialement prévu, le vétéran Leo Nucci que nous avions vu à la Scala la saison dernière, a dû déclaré forfait pour raisons de santé ; remplacé par le Mongol Amartuvshin Enkhbat, celui-ci enchante par une musicalité indéfectible et une diction remarquable, mais déçoit par une langueur pataude et un manque cruel de charisme ; il se rattrape néanmoins au début du quatrième acte, et la scène de la prison est un grand moment de théâtre. Le reste de la distribution confine à la perfection. Anna Pirozzi est une Abigaille impressionnante d’aisance et de justesse, loin des clichés belcantistes dans lesquels était tombée, à la Scala, une Martina Serafin indigeste. Dans son grand air du second acte (« Ben io t’invenni »), elle est proprement prodigieuse, d’une exceptionnelle amplitude vocale, et émeut aux larmes lors de sa prière finale. Grand Zaccaria également sous les traits de Riccardo Zanellato qui dès son air d’entrée déploie un timbre de bronze d’une grande homogénéité culminant dans la grande prophétie du troisième acte (« Oh chi piange »). L’entrée en scène de l’Ismaele de Massimo Giordano a suscité quelque frayeur (voix poussive, problèmes répétés de justesse), mais s’est excellemment repris par la suite et son style, par trop « puccinien » aux accents excessivement passionnés, s’est révélé enfin pleinement verdien. Le rôle de Fenena n’est pas aussi développé que celui d’Abigaille, mais il est magnifiquement défendu par la mezzo albanaise solidement charpentée d’Enkelejda Shkoza, voix d’airain aux mille nuances, une des belles et grandes découvertes de la soirée (superbe prière « O dischiuso è il firmamento »). Les trois autres rôles secondaires sont impeccablement tenus, en particulier le Grand prêtre de Martin Hässler, voix solide superbement projetée ; si le joli timbre du ténor Grégoire Mour, un habitué de la maison, n’est pas à proprement parler une grande voix, sa diction et son sens musical sont sans reproche, tout comme l’Anna délicate d’Erika Balkoff qui complète avec bonheur une distribution de haute tenue.
Nabucco est aussi et d’abord un grand opéra choral et, une fois de plus, les forces de l’opéra de Lyon, cornaquées par Anne Pagès, ont livré une interprétation magistrale, en particulier dans les deux chœurs célèbres (« È l’Assiria una regina » et « Va pensiero ») dont la l’impeccable lecture restera gravée dans les mémoires. Mais le grand vainqueur de la soirée est encore l’incroyable direction de Daniele Rustioni magistral dès l’ouverture, bouillonnante, nerveuse mais sans excès, révélant avec une précision entomologique et une grande lisibilité les contrastes et la variété des pupitres, dont le concentré d’énergie parvient à faire oublier la relative pauvreté harmonique et le côté parfois naïf de l’orchestration du jeune Verdi. Au final, malgré d’infimes réserves, un Nabucco d’anthologie.
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Compte-rendu. Lyon, Auditorium, Giuseppe Verdi, Nabucco, 05 novembre 2018. Amartuvshin Enkhbat (Nabucco), Massimo Giordano (Ismaele), Riccardo Zanellato (Zaccaria), Anna Pirozzi (Abigaille), Enkelejda Shkoza (Fenena), Grégoire Mour (Abdallo), Erika Baikoff (Anna), Martin Hässler (Il Gran Sacerdote), Anne Pagès (chef de chant), Orchestre, Chœurs et Maîtrise de l’opéra de Lyon, Daniele Rustioni (direction).