dimanche 8 décembre 2024

Compte rendu. Bruno Procopio ressuscite Marcos Portugal à Rio (10 décembre 2012)

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Rio, Opéra. Le 10 décembre 2012. Marcos Portugal: L’oro no compra amore… Leonardo Pascoa (Giorgio), … Orchestre Symphonique du Brésil (OSB, Orquestra Sinfônica Bresileira). Bruno Procopio, direction

L’Oro no compra amore ressuscite à Rio

Exaltante réhabilitation à l’Opéra de Rio (Theatro Municipal) du compositeur luso brésilien Marcos Portugal: son opéra comique italien L’Oro no compra amore valait bien cette recréation, d’autant que déjà applaudi et même célébré dès 1804 à Lisbonne, il s’agit du premier opéra italien créé sur le sol brésilien à l’époque du jeune empire brésilien en 1811.
L’initiative est d’autant plus légitime que Rio redécouvre l’un de ses compositeurs les plus importants; de surcroît grâce à un musicien natif: Bruno Procopio, ardent défenseur pour la réhabilitation du compositeur, gloire musicale de Lisbonne, Vienne, Paris, Londres jusqu’à Rio… Il est naturellement pertinent de recréer un opéra comique du Rossini tropical, génie du théâtre lyrique et surtout serviteur de la couronne portugaise: de Maria Ier, au Régent Joao devenu Joao VI, puis à son fils Pedro, premier empereur du Brésil indépendant-, Marcos Portugal est un auteur loyal et fidèle, créateur fécond, immensément doué dont la représentation en version de concert de L’oro no compra amore de 1804, rétablit la force d’un caractère vif et palpitant, surtout ce mordant facétieux qui montre aussi une intelligence remarquable dans l’art du timing dramatique.

Portugal, le Rossini brésilien

Malgré une distribution bancale (de loin la performance du Giorgio du baryton Leonardo Pascoa, le loyal amant de Lisetta, se bonifie en cours de séance: bel aplomb vocal et finesse de plus en plus assurée), la réalisation de l’opéra sur la scène carioca n’a pas manqué de panache ni de fièvre musicale, en particulier gâce au geste millimétré du jeune chef Bruno Procopio, spécialiste de Rameau, Couperin et autres compositeurs baroques: la main du jeune maestro préserve au delà des vocalités engagées et diversement fanfaronnantes, l’unité du drame, sa motricité pétillante… Le chef canalise ses troupes, en fait jaillir des accents d’une belle vivacité; sa précision et son énergie très réfléchie sont un régal et donnent souvent de merveilleuses prouesses au moment du concert ; car de l’intensité, il en faut pour bien jouer le théâtre de Portugal: un jeu permanent de séduction, confrontations, surenchère vocale à plusieurs personnages qui citent les meilleures comédies de Haydn et de Mozart; préfigure la trépidation et l’urgence d’un Rossini, tout en préparant le bel canto du plein XIXè ; annonce surtout les joyaux donizettiens: tout au long du programme, on aura certes pensé à Rossini (Le Barbier, de 12 ans plus tardif à L’Oro s’annonce dès le début dans le choeurs d’hommes à mezza voce, puis dans le fameux final du I), surtout à Donizetti… Portugal approche par la finesse théâtrale des situations et la profondeur des profils psychologiques ce Don Pasquale par exemple dont la Norina à venir, se profile déjà dans cette élégance faussement badine du rôle de Lisetta, pleine d’astuces et de facéties en diable. Maîtresse des cœurs, arbitre faussement ingénue d’une comédie qui est déjà un marivaudage.

Duos, trios, et surtout ensembles (final du I, de près de 20 minutes)… l’auditeur n’a pas une minute à lui pour prendre le temps de mesurer la virtusoité irrésistible de celui qui en 1804, n’est pas encore le directeur de la musique de la cour de Rio, mais le maître absolu de la scène lyique à Lisbonne, comme directeur de Teatro Royal Sao Carlo.
D’autant que la représentation de ce soir, nous épargne tous les récitatifs. L’urgence et la subilité fulgurante sont donc les qualités maîtresses du spectacle en version de concert, admirablement défendues par un chef qui cisèle, accentue, insuffle à la bouillonnante partition, ce grain de finesse, de folie, de suprême élégance. Même en version de concert, la partition déborde de théâtralité ardente et vive.

Elégance virtuose

Le geste, la scupuleuse et vivante approche préservent le relief virtuose, souvent enchanteur des instruments de l’orchestre: une phalange ici peu habituée à ce genre de répertoire; preuve s’il en est que jouer Marcos Portugal dans le pays qui a vu ses derniers triomphes, les plus importants, est encore un défi à relever pour les instrumentistes locaux. L’accord particulier des clarinettes, des cors, la vitalité des cuivres complémentaires (somptueuses trompettes d’une justesse admirable), cet équilibre mozartien et rossinien d’une palette musicale à la fois fine et colorée, rétablit la place (immense) de Portugal dans l’histoire de l’opéra italien au début du XIXè. L’Oro est même le premier opéra italien joué sur le nouveau continent au moment où Joao VI réclame près de lui son cher Portugal (1811).
D’une distribution aléatoire, où l’articulation de l’italien reste problématique en particulier chez Lisetta, saluons d’une manière générale, le tempérament expressif de chacun, tout en regrettant que tous manquent de cette finesse d’intonation, de ce naturel orfèvré mais naturel qui faisait les magnifiques interprétations d’une Berganza chez Rossini.

Nonbstant voici réhabilité et d’excellente manière, la vitalité irrésistible de Marcos Portugal dans ce Rio qui l’accueillit et lui réserva une nouvelle carrière glorieuse sur le nouveau continent. Après avoir rétabli dans une version réduite mais magnifiquement concertante (avec orgue), la Missa Grande de 1782, une oeuvre de jeunesse composée pour Maria Ier, à Cuenca en avril 2012 (Espagne), Bruno Procopio poursuit son exploration de l’œuvre de Portugal: cet Oro no compra amore restitué en décembre 2012, est éblouissant d’intelligence, de saine vitalité, de franche et nerveuse élégance. Réussite totale pour le jeune maestro qui peu à peu, depuis son travail tout aussi défricheur et audacieux avec l’Orquestra sinfonica Simon Bolivar de Venezuela (qu’il a conduit dans l’interprétation de Rameau), gagne peu à peu ses galons de très grand chef: jouer Rameau à Caracas (sur instruments modernes), rétablir Marcos Portugal à Rio, dans sa place, sont des défis relevés avec panache ; la diversité virtuose et souvent génial de Marcos Portugal mérite absolument l’engagement que lui réserve Bruno Procopio. Tout en servant un auteur encore trop méconnu, tout en permettant à une phalange orchestrale de premier plan à Rio, l’opportunité d’élargir son répertoire et de perfectionner son jeu expressif selon le style de l’époque, en redécouvrant un auteur qui a marqué l’histoire musicale locale, le chef dévoile une captivante attention aux partitions choisies. Défrichement, audace, finesse, partage et générosité. Bravo Maestro !

Rio, Opéra (Teatro Municipal). Le 10 décembre 2012. Marcos Portugal: L’oro no compra amore (1804, version de 1811), cycle Opéra & répertoire, série lyrique en concert. Marianna Lima (Lisetta), Leonardo Pascoa (Giorgio), Geilson Santos (Alberto), Manuel Alvarez (Pasquale), Anubal Mancini (Cecchino), Andressa Inacio (Dorina), Veruschka Mainhard (Carlotta), Daniel Soren (Casalichio),… Orchestre Symphonique du Brésil (OSB, Orquestra Sinfônica Bresileira). Bruno Procopio, direction.

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Bruno Procopio dirige le Youth Simon Bolivar orchestra à Caracas: jouer Rameau au Vénézuela (reportage vidéo avril 2011). Le 14 avril 2011, le jeune claveciniste et chef d’orchestre, Bruno Procopio se distingue comme directeur musical de l’Orchestre des Jeunes Simon Bolivar à Caracas (Venezuela),  qu’a conduit partout dans le monde le dynamique et si charimastique Gustavo Dudamel… La phalange qui joue sur instruments modernes n’était guère sensibilisée jusque là à la manière baroque.
La Missa Grande de Marcos Portugal à Cuenca

A Cuenca (Espagne, Castilla La Mancha), Bruno Procopio dirige en chef invité le choeur L’Echelle pour la Missa Grande de Marcos Portugal. Le concert en ouverture du festival SMR 2012 (Semana de Musica Religiosa de Cuenca) sollicite aussi le concours de l’orgue historique baroque conçu par Julian de la Orden (1770) pour la Cathédrale. Concert événement qui est aussi le sujet d’un cd à venir début 2013. Grand reportage vidéo réalisé en mars et avril 2012.

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