Déjà présentée en création à l’Opéra de Dijon, cette production événement ose produire un opéra du vénitien Baldassare Galuppi de 1762 ; un compositeur aussi brillant qu’oublié ; le sujet et la particularité de l’intrigue trouvant un écho sensible avec notre actualité la plus brûlante, la question du genre et l’égalité des sexes, inspirent manifestement la metteure en scène invitée pour cette résurrection, Agnès Jaoui.
Baldassare Galuppi (1706 – 1785) a laissé deux opéras : Il Mondo alla reversa (Le monde à l’envers) sur un livret de Goldoni de 1750, auquel succède cet Uomo femina, drame giocoso, sur le livret de Pietro Chiari, créé au Teatro San Moisé de Venise en 1762, soit en pleine esthétique « Emfindsamkeit » (sentiment / sensibilité). La partition a été retrouvée de façon récente, en 2006. Ici l’audace du sujet s’accompagne d’une expressivité aiguë qui sait exploiter toutes les situations dans le sens d’une comédie délirante, souvent bouffonne dont le questionnement dialogue avec nos propres interrogations sociales.
Deux naufragés débarquent sur une île gouverné par de fières amazones. Cassandra (Victoire Brunel) et Ramira (Lucile Richardot), mais aussi la reine elle-même Cretidea (Eva Zaïcik) s’éprennent des deux étrangers. Ce qui provoque la jalousie du favori en titre, Gelsomino… quiproquos, malentendus croisent comme d’habitude jeux amoureux et enjeux de pouvoir.
Roberto (Victor Ricard) taillé pour la guerre moins la tendresse, Giannino (François Rougier), serviteur avisé, préfigurant le Figaro de Mozart et Rossini, sèment le trouble et provoquent des situations qui révèlent la complexité des portraits. En particulier le personnage délirant du favori de la reine, Gelsomino (Anas Séguin). L’Opéra Royal de Versailles accueille ainsi le spectacle en création mondiale qui dévoile le génie de Galuppi. D’autant mieux articulé orchestralement que Vincent Dumestre et les instrumentistes du Poème Harmonique redoublent d’articulation, de nuances expressives, de vivacité dramatique (y compris dans la réalisation des récitatifs). Agnès Jaoui revient à l’opéra (après sa vision de Tosca en 2019). Son regard sur cet « homme / femme » laisse l’action au devant de la scène dans un décor vaguement mauresque. Les costumes eux aussi délirants soulignent la confusion des genres et la domination des femmes dans une société qui sait corseter les hommes.
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Opéra royal de Versailles
Du vendredi 13 au dim 15 décembre 2024
vendredi 13 déc 2024, 20h
samedi 14 déc 2024, 19h
dimanche 15 déc 2024, 15h
GALUPPI : L’Uomo fémina, 1762
Opéra mis en scène – 2h30 mn
Infos & réservations – réservez vos places directement sur le site de château de Versailles Spectacles : https://www.operaroyal-versailles.fr/event/galuppi-luomo-femina/
Photo © Mirco Magliocca
Distribution
Eva Zaïcik Cretidea
Lucile Richardot Ramira
Victoire Bunel Cassandra
Anas Seguin Gelsomino
Victor Sicard Roberto
François Rougier Giannino
Le Poème Harmonique
Vincent Dumestre, direction
Agnès Jaoui, mise en scène