vendredi 6 décembre 2024

CD, opéra. Compte rendu critique. Vinci : Catone in Utica, 1728 (Cencic, 3 cd Decca 2014)

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cd vinci metastase catone in utica opera max emanuel cencic franco fagioli cd opera critique CLIC de classiquenews juin 2015CD, opéra. Compte rendu critique. Vinci : Catone in Utica, 1728 (Cencic, 3 cd Decca 2014). Contre la tyrannie impériale… Siroe (1726), Semiramide riconosciuta (1729), Alessandro nell’India (1729), Artaserse (1730)… Leonardo Vinci a créée nombre de livrets de Métastase sur la scène lyrique, assurant pour beaucoup leur longévité sur les planches comme en témoigne le nombre de leurs reprises et les traitements musicaux par des compositeurs différents (dont évidemment Haendel) : 24 fois pour Catone, 68 fois pour Alessandro, 83 fois pour Artaserse (ouvrage précédemment abordé par Cencic et sa brillante équipe, sujet d’un passionnant DVD chez Warner classics). Leonardo Vinci, homonyme du célèbre peintre de la Renaissance est donc une figure majeure de l’essor du genre seria napolitain au début du XVIIIème siècle.
C’est l’enseignement que défend aujourd’hui Max Emanuel Cencic ; c’est aussi le cas naturellement de Catone in Utica, créé en 1728 à Rome dans lequel Vinci déploie une urgence et une hargne sans pareil pour incarner la résistance de l’idéal républicain romain (incarnée par Caton et ses partisans) contre la tyrannie impériale incarnée par César. A travers l’opposition guerrière en Utique du vieux républicain et du jeune Empereur, se joue aussi le destin d’une famille, celle de Caton et de sa fille Marzia… laquelle aime contre l’idéalisme et les combats moraux de son père,… Cesare. La passion désespérée du père qui apprend un tel sentiment se déverse en un air foudroyant de haine et de déploration impuissante à la fois, lequel illumine tout l’acte II (L’ira soffrir saprei / Je saurai toujours endurer.. : coeur du politique endurci pourtant atteint dans sa chair, cd3 plage2).
Du reste l’entêtée jeune fille ne fait pas seulement le dépit de son père, mais aussi celui de son prétendant Arbace, allié de Catone et qui doit bien reconnaître lui aussi la suprématie de Cesare dans le coeur de son aimée (superbe air de lamentation langoureuse, cd3, plage7 : Che sia la gelosia / Il est vai que la jalousie…)
Le réalisme (outrancier pour l’audience romaine… qui y voyait trop ouvertement l’engagement de Vinci et Metastase contre l’impérialisme des Habsbourg en Italie…) se dévoile surtout dans l’acte III et ses coupes nerveuses, convulsives que l’ensemble Il Pomo d’oro saisit à bras le corps. Détermination de Fulvio partisan de Cesare, certitude de Cesare au triomphalisme aigu, porté par l’amour que lui porte la propre fille de son vieil ennemi, laquelle s’embrase en vertiges et panique inquiète (air confusa, smarrita / confuse, égarée, cd3 plage12), c’est finalement la défaite de Cesare sur le plan moral et sentimental qui éclate en fin d’action : car l’Empereur ici perd et la reconnaissance de son plus ardent rival (Caton se suicide, scène XII) et l’amour de celle qui avait étreint son cœur, Marzia qui finalement le rejette par compassion pour la mort de son père… Autant de passions affrontées, exacerbées surgissent éclatantes dans le très impressionnant quatuor (pour l’époque) qui conclue la scène 8 : une séquence parfaitement réussie, dramatiquement aussi ciselée qu’efficace dans l’exposition des enjeux simultanés. Un modèle du genre seria. Et le meilleur argument pour redécouvrir l’écriture de Vinci.

 

 

 

 

Catone in Utica (1728) confirme les affinités du contre-ténor Cencic avec l’opéra seria metastasien du début XVIIIème

Seria napolitain, idéalement expressif et caractérisé

 

 

CLIC_macaron_2014vinci leonardo portrait compositeur napolitainDans le sillon de ses précédentes réalisations qui ont réuni sur la même scène, un plateau de contre ténors caractérisés (Siroe de Hasse, Artaserse de Vinci), Max Emanuel Cencic, chanteur initiateur de la production, rend hommage à l’âge d’or du seria napolitain. C’est à nouveau une pleine réussite qui s’appuie surtout sur l’engagement vocale et expressif des solistes dans les rôles dessinés avec soin par Vinci et Métastase : le côté des vertueux républicains, opposés à Cesare est très finement défendu. Saluons ainsi le Catone palpitant et subtile du ténor Juan Sancho, comme le velouté plus langoureux de Max Emanuel Cencic dans le rôle d’Arbace. Le sopraniste Valer Sabadus trouve souvent l’intonation juste et la couleur féminine nuancée dans le rôle de la fille d’abord infidèle à son père puis obéissante (Marzia). Reste que face à eux, les vocalisations et la tension dramatique qu’apporte Franco Faggioli au personnage de Cesare consolident la grande cohérence artistique de la production. D’autant que les chanteurs peuvent s’appuyer sur le tapis vibrant et même parfois trop bondissant des instrumentistes d’Il Pomo d’Oro piloté par Riccardo Minasi.
De toute évidence, en ces temps de pénuries de nouvelles productions lyriques liées au disque, ce Catone in Utica renouvelle l’accomplissement des précédentes résurrections promues par le contre ténor Max Emanuel Cencic dont n’on avait pas mesuré suffisamment l’esprit défricheur. Les fruits de ses recherches et son intuition inspirée apportent leurs indiscutables apports.

Les amateurs de baroque héroïque, enflammé pourront découvrir l’ouvrage de Vinci et Métastase en version scénique à l’Opéra de Versailles, pour 4 dates, les 16,19,21 juin 2015. N’y paraissent que des chanteurs masculins en conformité avec le décret pontifical de Sixtus V (1588) interdisant aux femmes de se produire sur une scène. Le disque réalisé en mars 2014 et publié par Decca a particulièrement séduit la rédaction cd de classiquenews, c’est donc un CLIC de classiquenews.

CD, opéra. Compte rendu critique. Vinci : Catone in Utica, 1728 (Cencic, 3 cd Decca 2014). Avec Max Emanuel Cencic (Arbace) · Franco Fagioli (Cesare) – Juan Sancho (Catone) · Valer Sabadus (Marzia) · Vince Yi (Emilia) – Martin Mitterrutzner (Fulvio) – Il Pomo D’oro · Riccardo Minasi, direction. 3 cd DECCA 0289 478 8194 – Première mondiale. Enregistrement réalisé en mars 2014.

Illustration : Leonardo Vinci (DR)

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