samedi 7 décembre 2024

CD, compte rendu critique. « VERISMO » : Boito, Ponchielli, Catalani, Cilea, Leoncavallo, Mascagni, Puccini, airs d’opéras par Anna Netrebko, soprano (1 cd Deutsche Grammophon)

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verismo-anna-netrebko-VIGNETTE-160-cd-presentation-review-cd-critique-cd-classiquenews-582-594-1CD, compte rendu critique. « VERISMO » : Boito, Ponchielli, Catalani, Cilea, Leoncavallo, Mascagni, Puccini, airs d’opéras par Anna Netrebko, soprano (1 cd Deutsche Grammophon). De La Wally à Gioconda, d’Adrienne Lecouvreur à Marguerite, sans omettre les pucciniennes Butterfly, Liù et Turandot, aux côtés de Manon Lescaut, Anna Netrebko confirme son immense talent d’actrice. En plus de l’intensité d’une voix de plus en plus large et charnelle (medium et graves sont faciles, amples et colorés), la soprano émerveille et enchante littéralement en alliant risque et subtilité. C’est à nouveau une réussite totale, et après son dernier album Iolanthe / Iolanta de Tchaikovsky et celui intitulé VERDI, la confirmation d’un tempérament irrésistible au service de l’élargissement de son répertoire… Au très large public, Anna Netrebko adresse son chant rayonnant et sûr ; aux connaisseurs qui la suivent depuis ses débuts, la Divina sait encore les surprendre, sans rien sacrifier à l’intelligence ni à la subtilité. Ses nouveaux moyens vocaux même la rendent davantage troublante. CLIC de CLASSIQUENEWS de septembre 2016.

verismo-anna-netrebko-582-582-classiquenews-presentation-review-critique-cd-deutsche-grammophonDe Boito (né en 1842), le librettiste du dernier Verdi (Otello et Falstaff), Anna Netrebko chante Marguerite de Mefistofele (créé à La Scala en 1868), dont les éclats crépusculaires préfigurent les véristes près de 15 années avant l’essor de l’esthétique : au III, lugubre et tendre, elle reçoit la visite du diable et de Faust dans la prison où elle a été incarcérée après avoir assassiné son enfant. « L’altra notte in fondo al mare » exprime le désespoir d’une mère criminelle, amante maudite, âme déchue, espérant une hypothétique rémission. Même écriture visionnaire pour Ponchielli (né en 1834) qui compose La Gioconda / La Joyeuse sur un livret du même Boito : également créé à La Scala mais 8 ans plus tard, en 1876, l’ouvrage affirme une puissance dramatique première en particulier dans l’air de Gioconda au début du IV : embrasée et subtile, Netrebko revêt l’âme désespérée (encore) de l’héroïne qui dans sa grande scène tragique (« Suicidio ! ») se voue à la mort non sans avoir sauvé celui qu’elle aime, Enzo Grimaldi… l’espion de l’Inquisition Barnaba aura les faveurs de Gioconda s’il aide Enzo à s’enfuir de prison. En se donnant, Gioconda se voue au suicide.

JUSTESSE STYLISTIQUE. Une telle démesure émotionnelle, d’essence sacrificielle, se
retrouve aussi chez Flora dans La Tosca de Puccini (né en 1858), quand la cantatrice échange la vie de son aimée Mario contre sa pudeur : elle va se donner à l’infâme préfet Scarpia. Anna Netrebko éblouit par sa couleur doloriste et digne, dans sa prière à la Vierge qu’elle implore en fervente et fidèle adoratrice… (« Vissi d’arte » au II).
Mais Puccini semble susciter toutes les faveurs d’une Netrebko, inspirée et maîtresse de ses moyens. Sa Manon Lescaut, défendu aux côtés de son époux à la ville, – le ténor azerbaïdjanais Yusif Eyvazov-, se révèle évidente, naturelle, ardente, incandescente, … d’une candeur bouleversante au moment de mourir. Le velours de la voix fait merveille. Le chant séduit et bouleverse.
Même finesse d’intonation pour sa Butterfly : « Un bel dì vedremo », autre expression d’une candeur intacte celle de la jeune geisha qui demeure inflexible, plus amoureuse que jamais du lieutenant américain Pinkerton, affirmant au II à sa servante Suzuki, que son « époux » reviendra bientôt…

TURANDOT IRRADIANTE… Plus attendus car autrement périlleux, les deux rôles de Turandot (l’ouvrage laissé inachevé de Puccini) : deux risques pourtant pleinement assumés là encore qui révèlent (et confirment) l’intensité dramatique et la justesse expressive dont est capable la diva austro-russe. Pourtant rien de plus distincts que les deux profils féminins : d’un côté, la pure, angélique et bientôt suicidaire Liù ; de l’autre, l’impériale et arrogante princesse chinoise (elle paraît ainsi en tiare d’or en couverture du cd) : Turandot dont la diva, forte de ses nouveaux graves, d’un médium large et tendu à la fois, sait dévoiler sous l’écrasante pompe liée à sa naissance, le secret intime qui fonde sa fragilité… (premier air de Turandot: « In questa reggia »). Le souci du verbe, la tension de la ligne vocale, l’éclat du timbre, la couleur, surtout la finesse de l’implication imposent ce choix comme l’un des plus bouleversants, alors qu’il était d’autant plus risqué. « La Netrebko » sait ciseler l’hypersensibilité de la princesse, sa pudeur de vierge autoritaire sous le décorum (qu’elle sait plus à déployer dans le choix du visuel de couverture du programme ainsi que nous l’avons souligné précédemment). Est-ce à dire que demain, Anna Netrebko chantera le rôle dans son entier sur les planches ? La question reste posée : rares les cantatrices capables de porter un rôle aussi écrasant pendant tout l’opéra.


CLIC_macaron_2014SOIE CRISTALLINE POUR PURS VÉRISTES
. Aux côtés des précurseurs visionnaires, – ici Boito et Ponchielli, place aux véristes purs et durs, créateurs renommés, parfois hautains et exclusifs, au sein de la Jeune Ecole (la Giovane Scuola), ainsi qu’en avant-gardistes déclarés, il se nommaient ; paraissent ici Giordano (1867-1948), Leoncavallo (1857-1919), Cilea (1866-1950). Soit une décennie miraculeuse au carrefour des deux siècles (1892-1902) qui enchaîne les chefs d’oeuvres lyriques, vrais défis pour les divas prêtes à relever les obstacles imposés par des personnages tragiques (souvent sacrificiels), « impossibles ».
Pour chacun d’eux, Anna Netrebko offre la soie ardente de son timbre hyperféminin, sachant sculpter la matière vocale sur l’écrin orchestral que canalise idéalement Antonio Pappano. L’accord prévaut ici entre chant et instruments : tout concourt à cette « ivresse » (souvent extatique) des sentiments qui très contrastés, exige une tenue réfléchie de l’interprète : économie, intelligibilité, intelligence de la gestion dramatique autant qu’émotionnelle. La finesse de l’interprète éblouit pour chacune des séquences où perce l’enivrement radical de l’héroïne. Sa Nedda (Pagliacci de Leoncavallo, créé en 1892), exprime en une sorte de berceuse nocturne, toute l’ardente espérance pourtant si fébrile
de la jeune femme malheureuse avec son époux Canio, mais démunie, passionnée face à l’amour de son amant le beau Silvio. Plus mûre et marquée voire dépassée par les événements révolutionnaires, Madeleine de Coigny (André Chénier de Giordano, créé en 1896) impose l’autorité d’une âme amoureuse qui tout en dénonçant la barbarie environnante (incendie du château familial où meurt sa mère, fuite, errance, déchéance, misère…), s’ouvre à l’amour du poète Chénier, son unique salut.
Mais en plus de l’intensité dramatique – fureur et dépassement, Anna Netrebko sait aussi filer des sons intérieurs qui ciselés – c’est à dire d’une finesse bellinienne, donc très soucieux de l’articulation du texte, illuminent tout autant le relief des autres figures de la passion : La Wally (de Catalani, 1854-1893) et sa cantilène éthérée, comme l’admirable scène quasi théâtrale d’Adrienne Lecouvreur (de Cilea,), regardent plutôt du côté d’une candeur sentimentale, grâce et tendresse où là encore l’instinct, le style, l’intonation confirment l’immense actrice, l’interprète douée pour la sensibilité économe, l’intensité faite mesure et nuances, soit la résurgence d’un certain bel canto qui par sons sens des phrasés et d’une incarnation essentiellement subtile approche l’idéal bellinien. La diversité des portraits féminins ici abordés, incarnés, ciselés s’offre à la maîtrise d’une immense interprète. Chapeau bas. « La Netrebko » n’a jamais été aussi sûre, fine, rayonnante. Divina.

CD, compte rendu critique. « VERISMO » : Boito, Ponchielli, Catalani, Cilea, Leoncavallo, Mascagni, Puccini, airs d’opéras par Anna Netrebko, soprano. Orchestre de l’Accademia Santa Cecilia. Antonio Pappano, direction. Enregistrement réalisé à Rome, Auditorium Parco della Musica, Santa Cecilia Hall, 7 & 10/2015; 6/2016 — 1 cd Deutsche Grammophon 00289 479 5015. CLIC de CLASSIQUENEWS de septembre 2016. Parution annoncée : le 2 septembre 2016.

 

 

 

Impériale diva

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Discographie précédente

 

 

Anna Netrebko chante Verdi chez Deutsche GrammophonCD. Anna Netrebko : Verdi  (2013)  …     Anna Netrebko signe un récital Verdi pour Deutsche Grammophon d’une haute tenue expressive. Soufflant le feu sur la glace, la soprano saisit par ses risques, son implication qui dans une telle sélection, s’il n’était sa musicalité, aurait été correct sans plus … voire tristement périlleuse. Le nouveau récital de la diva russo autrichienne marquera les esprits. Son engagement, sa musicalité gomment quelques imperfections tant la tragédienne hallucinée exprime une urgence expressive qui met dans l’ombre la mise en péril parfois de la technicienne : sa Lady Macbeth comme son Elisabeth (Don Carlo) et sa Leonora manifestent un tempérament vocal aujourd’hui hors du commun. Passer du studio comme ici à la scène, c’est tout ce que nous lui souhaitons, en particulier considérant l’impact émotionnel de sa Leonora … En LIRE +

 

 

 

 

iolanta anna netrebko tchaikovski cd deutesche grammophon clic de classiquenews janvier 2015CD. Simultanément à ses représentations new yorkaises (janvier et février 2015), Deutsche Grammophon publie l’opéra où rayonne le timbre embrasé, charnel et angélique d’Anna Netrebko, assurément avantagée par une langue qu’elle parle depuis l’enfance. Nuances, richesse dynamique, finesse de l’articulation, intonation juste et intérieure, celle d’une jeune âme ardente et implorante, pourtant pleine de détermination et passionnée, la diva austro-russe marque évidement l’interprétation du rôle de Iolanta : elle exprime chaque facette psychologique d’un personnage d’une constante sensibilité. De quoi favoriser la nouvelle estimation d’un opéra, le dernier de Tchaïkovski, trop rarement joué.  En jouant sur l’imbrication très raffinée de la voix de la soliste et des instruments surtout bois et vents (clarinette, hautbois, basson) et vents (cors), Tchaïkovski excelle dans l’expression profondes  des aspirations secrètes d’une âme sensible, fragile, déterminée : un profil d’héroïne idéal, qui répond totalement au caractère radical du compositeur. Toute la musique de Tchaïkovski (52 ans) exprime la volonté de se défaire d’un secret, de rompre une malédiction… La voix corsée, intensément colorée de la soprano, la richesse de ses harmoniques offrent l’épaisseur au rôle-titre, ses aspirations désirantes : un personnage conçu pour elle. Voilà qui renoue avec la réussite pleine et entière de ses récentes prises de rôles verdiennes (Leonora du trouvère, Lady Macbeth) et fait oublier son erreur straussienne (Quatre derniers lieder de Richard Strauss). LIRE notre dossier complet  » IOLANTA par Anna Netrebko « 

 

CD. Anna Netrebko : Souvenirs (2008) …   Anna Netrebko n’est pas la plus belle diva actuelle, c’est aussi une interprète à l’exquise et suave musicalité. Ce quatrième opus solo est un magnifique album. L’un de ses plus bouleversants. Ne vous fiez pas au style sucré du visuel de couverture et des illustrations contenues dans le coffret (lequel comprend aussi un dvd bonus et des cartes postales!), un style maniériste à la Bouguereau, digne du style pompier pure origine… C’est que sur le plan musical, la diva, jeune maman en 2008, nous a concocté un voyage serti de plusieurs joyaux qui font d’elle, une ambassadrice de charme… et de chocs dont la tendresse lyrique et le choix réfléchi des mélodies ici regroupées affirment une maturité rayonnante, un style et un caractère,  indiscutables. EN LIRE +

 

 

 

 

Prochains rôles d’Anna Netrebko :

netrebko anna macbeth classiquenews review account ofLady Macbeth dans Macbeth de Verdi : 18,21, 27 décembre 2016 à l’Opéra de Munich
Leonora dans Il Trovatore de Verdi : 5-18 février 2017 à l’Opéra de Vienne
Violetta Valéry dans La Traviata de Verdi : 9-14 mars 2017, Scala de Milan
Tatiana dans Eugène Onéguine de Tchaikovski : 30 mars-22 avril 2017, Metropolitan Opera New York
puis à l’Opéra Bastille à Paris, du 16 au 31 mai 2017, rôle assuré en alternance avec Sonya Yoncheva (juin 2016)

 

 

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