Mezzo : Donizetti : Anna Netrebko chante Anna Bolena, 1830, 4 > 21 octobre 2014. AprĂšs avoir chantĂ© Elvira des Puritains de Bellini en 2007, dans les mĂȘme conditions, -direct retransmis dans les salles des cinĂ©mas du monde entier, revoici la divine Netrebko en 2011, dans un rĂŽle taillĂ© pour elle, pour son timbre angĂ©lique et blessĂ©e dâhĂ©roĂŻne tragique sacrifiĂ©e : Anna Bolena. Un personnage finement portraiturĂ© qui balance entre trouble amoureux (pour Percy son ancien amantâŠ), inquiĂ©tude angoissĂ©, langueur douloureuse et finalement folie⊠au point de tomber morte⊠dans la Tour de Londres, avant que lâon vienne la chercher pour ĂȘtre exĂ©cutĂ©e avec ses soit disants amants : Percy, et le musicien Mark Smeaton⊠Premier des volets du feuilleton lyrique dĂ©diĂ© par Donizetti Ă la chronique des Tudor, Anna Bolena offre Ă la cantatrice dans le rĂŽle titre, un personnage Ă la blessure tragique, racinienne, et aussi dans lâĂ©toffe des deux tessitures prĂ©cisĂ©es par le compositeur, une trĂšs belle confrontation de femmes, entre Anna (soprano) et sa rivale, la nouvelle favorite en titre quâHenri VIII veut Ă©pouser, Giovanna (Jeanne Seymour, mezzo) : mais ici, subtilitĂ© de la conception donizettienne, lâaffrontement nâa pas lieu car Giovanna est Ă©blouie et touchĂ©e par le sort de la Reine Anna dont elle ne veut pas que la condamnation lui soit imputĂ©e. Deux portraits de femmes aimantes donc, qui des deux cĂŽtĂ©s confirment le gĂ©nie psychologique, plutĂŽt fin et nuancĂ© dâun Donizetti que lâon ne connaĂźt toujours pas Ă sa juste valeur dramatique.
Les chemins et la mĂ©canique de lâamour sont traĂźtres et retors. Pour Ă©pouser Giovanna, Henri VIII doit prendre au piĂšge la Reine Anna, souveraine en titre, en rĂ©vĂ©lant ses amours adultĂ©rines : de fait, il favorise le rapprochement de Percy (un ancien soupirant dâAnna avant quâelle ne soit couronnĂ©e) et le jeune musicien manipulable Mark Smeaton⊠les 3 seront surpris en Ă©panchement et effusion partagĂ©e, dont Smeaton qui ayant volĂ© le portrait de la Reine par passion secrĂšte, se retrouve dĂ©noncĂ© par son propre acte⊠Si Anna rĂ©siste, – Donizetti lui rĂ©serve de superbes scĂšnes dont la plus touchante dans la prison qui prĂ©cĂšde lâannonce de son exĂ©cution, Giovanna tente toujours dâinflĂ©chir la cruautĂ© barbare du Roi, lequel frappe par sa brutalitĂ© virile de lion inflexible. Dans la rĂ©alitĂ©, Anne Boleyn sera dĂ©capitĂ©e dans la Tour de Londres pour adultĂšre en 1536, premiĂšre dĂ©capitation publique de lâhistoire britannique.
Notre avis. Evidemment, la production diffusĂ©e par Mezzo en octobre 2014 ne bĂ©nĂ©ficie pas du casting royal de lâOpĂ©ra de Vienne avec lâincomparable et trĂšs attractive ElÄ«na GaranÄa dans le rĂŽle de Giovanna la nouvelle favorite (dvd Deutsche Grammophon, un titre mĂ©morable de ce fait oĂč La GaranÄa est affrontĂ©e Ă la mĂȘme Anna Netrebko) : deux tempĂ©raments fĂ©minins sâimposent ici, tissĂ©s dans le plus noble bel canto, tout au moins sur le plan de lâexpressivitĂ© car souvent avouons que comme pour son Elvira, Anna Netrebko manque parfois dâune prĂ©cision claire dans lâarchitecture des vocalises. Sa coloratoura manque de dĂ©tail et de stabilitĂ©, mais lâexpressivitĂ© et la couleur du timbre convient idĂ©alement au portrait de la Reine suspectĂ©e, bafouĂ©e, piĂ©gĂ©e, et finalement dĂ©truite par la perversitĂ© de son Ă©poux Enrico, lâinfĂąme Henry VIII. Peu Ă peu, Anna sombre dans le dĂ©sordre mental : câest une martyr amoureuse sacrifiĂ©e, un rĂŽle parfait que le romantisme aime dĂ©voiler, exalter, sublimer dâacte en acte jusquâĂ la folie finale. De toute Ă©vidence, la prĂ©sence vocale et la plastique cinĂ©matographique de la diva font des atouts toujours aussi irrĂ©sistibles : offrant dâAnna Bolena, un portrait trĂšs attachant. A ses cĂŽtĂ©s tous les rĂŽles sont dĂ©fendus avec style et panache dans les costumes somptueux de McVicar : Henry VIII est brutal et despotique ; Giovanna, presque aussi dĂ©chirĂ©e quâAnna et Riccardo Percy lâaimĂ© dâAnna est particuliĂšrement ardent, enflammĂ© (on comprend quâAnna se laisse peu Ă peu succomber au charme de leur amour passĂ©âŠ). Donizetti a vĂ©cu une rĂ©surrection tardive : ce n’est qu’en 1957 sur la scĂšne de le Scala de Milan que la distribution rĂ©unissant Maria Callas et Giulietta Simionato dans les rĂŽles de Anna et de Giovanna (mise en scĂšne de Visconti) contribua Ă rĂ©vĂ©ler les beautĂ©s de l’ouvrage tragique.
Donizetti : Anna Bolena, 1830 sur Mezzo.
Anna Netrebko (Anna Bolena)
Ekaterina Gubanova (Giovanna Seymour)
Ildar Abdrazakov (Enrico VIII)
Stephen Costello (Riccardo Percy)
Tamara Mumford (Mark Smeaton)
Keith Miller (Lord Rochefort)
Eduardo Valdes (Sir Hervey)
The Metropolitan Opera House Orchestra, Marco Armiliato (direction)
David McVicar (mise en scĂšne)
Robert Jones (décors)
Jenny Tiramani (costumes)
Paule Constable (lumiĂšres)
Andrew George (chorégraphie)
Enregistré au Metropolitan Opera House, New York, en 2011
Réalisé par Gary Halvorson
Grille des diffusions sur Mezzo Live HD :
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04 / 10 – 09h00
05 / 10 – 20h30
06 / 10 – 17h00
07 / 10 – 00h00
07 / 10 – 13h45
18 / 10 – 09h00
19 / 10 – 20h30
20 / 10 – 17h00
21 / 10 – 00h00
21 / 10 – 13h0
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