Thielemann dirige Aida en direct de DRESDE

Vague verdienne en juin 2014ARTE, Dim 13 mars 2022, 16h25. VERDI: Aida, en direct de l’Opéra de Dresde. Le dernier spectacle d’Aida sur Arte était la production avec l’éblouissante et enivrante soprano austro-russe Anna Netrebko, l’un de ses derniers rôles verdiens (avec Lady Macbeth… Salzbourg 2017, retransmis au cinéma en juillet 2020).
http://www.classiquenews.com/anna-netrebko-chante-aida-dans-les-salles-ugc-salzbourg-2017-viva-l-oper/

Voici une nouvelle production depuis l’opéra de Dresde dirigée par Christian Thielemann, mise en scène de Katharina Thalbach, et une distribution prometteuse dont la soprano bulgare Krassimira Stoyanova (Aida), Andreas Bauer Kanabas (Le Roi des éthiopiens), Oksana Volkova (Amneris), le ténor italien Francesco Meli (Radamès), Georg Zeppenfeld (Ramfis), Quinn Kelsey (Amonasro), Sächsische Staatskapelle Dresden… Impossible amour qui fait fi des lois de la guerre et se joue des rivalités dynastiques. Or la propre fille de Pharaon, Amnéris (riche contralto féminin) aimme elle aussi, et passionnément le bel officier… D’un côté Radamès est prêt à renoncer à la gloire et écarter Amnéris pour aimer Aida ; de l’autre, celle ci ne sait comment concilier son amour pour l’Egyptien alors qu’il est victorieux des Ethiopiens dont le roi, son propre père, est fait prisonnier… amour, devoir ; bonheur, sacrifice… l’opéra de verdi traite en un huis clos passionnant, une intrigue tragique qui ne peut s’achever que dans la mort… seule issue possible pour des amants que tout oppose malgré eux.

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VOIR AIDA en direct de DRESDE sur la chaîne ARTE et sur ARTEconcert, dim 13 mars 2022, 16h25.
https://www.arte.tv/fr/videos/107205-001-A/aida-en-direct-de-l-opera-de-dresde/

“La force utopique de l’amour”
Katharina Thalbach aborde le monumental opĂ©ra du rĂ©pertoire verdien, créé en 1871 Ă  l’OpĂ©ra du Caire pour inaugurer le canal de Suez. RenommĂ©e outre-Rhin pour ses propositions teintĂ©es de poĂ©sie et de fantaisie, la metteure en scène et rĂ©alisatrice allemande a dĂ©jĂ  mis en scène plusieurs opĂ©ras de Mozart, notamment La flĂ»te enchantĂ©e. Sa propre lecture devrait exprimer “l’Ă©tat de crise de l’individu moderne dans un opĂ©ra-plaidoyer pour la force utopique de l’amour”. Le chef Christian Thielemann achève quant Ă  lui, en 2022 son mandat de directeur musical de la Staatskapelle.

LIRE aussi notre dossier AIDA de VERDI, un opéra romantique dont le souci de vérité archéologique a été permis par la coopération avec les librettistes de l’égyptologue Auguste Mariette…

http://www.classiquenews.com/tag/aida/

Giuseppe VerdiLa dramaturgie de Giuseppe Verdi fait évoluer les personnages du drame. Au départ, véritable type psychologique, presque figé, associé à une voix (soprano tragique, mezzo sombre et envieuse, baryton noble, ténor vaillant et amoureux), les caractères se modifient, et à partir des années 1870, -Aïda est crée en 1871 à l’opéra du Caire-, les individus mêlent la gravité et la tendresse, le tragique et le combatif, en un mélange complexe qui imite la vie.
Dans cette veine réaliste et de couleur tragique là aussi, verdi composa Rigoletto qui inaugura le nouvel opéra du Caire, en 1869.
Commande du Khédive égyptien, Ismaïl Pacha pour le nouvel opéra caïrote, Aïda est d’autant moins artificiel ou décoratif, que le livret s’appuyant sur une trame validée par le directeur du musée égyptien du Louvre, Auguste Mariette, met en scène non plus des “types” mais des êtres de chair et de sang, qui éprouvent sur la scène, l’horloge des sentiments les plus extrêmes. Un temps compté, et des épreuves passionnelles qui révèlent et brûlent caractères et ardeurs. En quatre actes, Aïda recompose une lente chute vers le gouffre : la déchéance du héros certes, mais l’élévation a contrario d’un coeur amoureux, fidèle, jusqu’à la mort.

La carrière du général Radamès, gloire de l’Egypte, amoureux de l’esclave Aïda, fille d’un roi ennemi, illustre cette descente aux abîmes : trahison, passion amoureuse, exécution. Historique, tragique, l’opéra verdien révèle sa triple identitié : psychologique.
Verdi sous l’influence de Wagner, son contemporain, abolit les anciennes conventions de l’aria et du récitatif, de la cabalette triomphale, pour un drame musical continu. Le choix des options pour une vraisemblance accrue est d’autant plus révélatrice des intentions du compositeur que c’est Verdi lui-même qui écrit le livret final ou, du moins, valide la dramaturgie générale.
Dans ce mode formel renouvelé, l’air d’Aïda à l’acte I : “Ritorna Vincitor” incarne l’expression la plus élaborée d’un arioso dramatique où se dilue l’ancien air classique. Et même l’ouverture d’Aïda aurait été composée dans le souvenir du choc que lui causa l’ouverture de Tannhäuser, découvert et admiré en 1865 à Paris.

AĂŻda,
opéra en quatre actes
Livret de Verdi, versifié par Ghislanzoni
sur un texte de Camille du Locle (1868) d’après
l’intrigue d’Auguste Mariette
Créé à l’Opéra du Caire, le 24 décembre 1871

Streaming opera : ATTILA de VERDI depuis Sofia

VERDI_442_Giuseppe_Verdi_portraitSTREAMING OPERA. Ven 19 mars 2021, 19h. VERDI : ATTILA. Depuis l’OpĂ©ra de Sofia. « Attila, tu auras l’univers, moi je garde l’Italie »  (Ezio)… Le 9è opĂ©ra de Verdi reste peu connu. C’est pourtant un trĂ©sor lyrique riche en Ă©motions, aux chĹ“urs puissants et dramatiques. Chronique de l’invasion de l’Italie par l’impitoyable roi des Huns au milieu du cinquième siècle, ATTLIA rĂ©sonne de l’agitation politique de l’unification italienne Ă  l’époque de Verdi. Le compositeur offre Ă  la voix de basse, un superbe rĂ´le dramatique voire terrifiant (Attila), mais c’est le romain Ezio, guerrier ardent qui assoit ici la stature du baryton aux cĂ´tĂ©s de la figure d’Odabella, femme volontaire qui assassine Attila et fait basculer le destin de l’Italie envahie… La mise en scène du Sofia Opera and Ballet devant la forteresse historique de Tsarevets offre une toile de fond grandiose et adaptĂ© pour ce drame spectaculaire.

 

 

VOIR ATTILA de Verdi iciVERDI SOFIA ATTILA streaming opera classiquenews
https://operavision.eu/fr/bibliotheque/spectacles/operas/attila-sofia-opera-and-ballet?utm_source=OperaVision&utm_campaign=75c568232a-ATTILA+2021+FR&utm_medium=email&utm_term=0_be53dc455e-75c568232a-100559298

Avec Attila : Orlin Anastasov / Ezio : Ventselav Anastasov
Odabella : Radostina Nikolaeva / Foresto : Daniel Damvanov
Uldino : Plamen Papazikov
Choeur, Ballet et orchestre de l’Opéra de Sofia

 

 

ATTILA de VERDI, dossier et présentation
L’opĂ©ra de verdi créé Ă  la Fenice de Venise le 17 mars 1846 sema la zizanie au sein mĂŞme de l’équipe crĂ©atrice ; le librettiste de dĂ©part Solera, qui pourtant dut partir avant de livrer la fin de l’intrigue, se brouilla avec Verdi : celui ci commanda Ă  Piave, un nouveau final, non pas un chĹ“ur comme le voulut Solera, mais un ensemble (et quel ensemble! : un modèle du genre). Du nerf, du sang, du crime… le premier Verdi semble s’essayer Ă  toutes les ficelles du drame sanglant et terrible. Au Vè siècle, la ville d’AquilĂ©e près de Rome, (au nord de l’Adriatique) fait face aux invasions des Huns et Ă  la superbe conquĂ©rante d’Attila (basse). Ce dernier, cruel et barbare en diable, refuse toute entente pacifique avec le romain Ezio (baryton) ; c’est pourtant ce dernier qui a l’étoffe du hĂ©ros, patriote face Ă  l’ennemi Ă©tranger (« Tu auras lâ€univers, mais tu me laisses l’Italie » / une dĂ©claration qui soulève l’enthousiasme des spectateurs de Verdi, Ă  quelques mois de la RĂ©volution italienne…)

Au I : Attila marche sur Rome, mais frémit devant l’Ermite dont il a rêvé la figure… cependant que parmi les vaincus, Foresto (ténor) rejoint la fière Odabella (soprano) qui entend se venger des Huns, arrogants, victorieux…

Au II : Attila défie Ezio qui proteste vainement ; tandis que, coup de théâtre, Odabella déjoue la tentative d’empoisonnement d’Atilla par Foresto : elle épouse même le vainqueur Attila…

Au III : Odabella qui n’en est pas à une contradiction près, se repend, rejoint Foresto et tue son époux Attila, tandis que les troupes romaines menées par Ezio, le sauveur, attaquent les Huns…
Sans vraiment de profondeur encore, ni d’ambivalence ciselée, (cf la manière avec laquelle, les épisodes et les situations se succèdent au III), les personnages d’Attila ne manquent pas cependant de noblesse ni de grandeur voire de noirceur trouble (comme Attila, dévoré par les songes et les rêves au I, préfiguration des tourments de Macbeth). Le protagoniste ici est une femme, soprano aux possibilités étendues digne d’Abigaille (Nabucco) : ample medium, belcanto mordant, à la fois raffiné et sauvage… comme la partition de ce Verdi de la jeunesse.

 

 

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Opéra Bastille, le Don Carlo de Warlikowski

don-carlo-bastille-critique-opera-warlikowski-alagna-pape-critique-opera-classiquenewsFRANCE MUSIQUE, sam 25 janv 2020. VERDI : Don Carlo. Luisi. DON CARLO de VERDI à Bastille. Exit la mise en scène indigente et laide de Warlikowski, digne d’une pièce de théâtre sans enjeux ni perspective, uniquement centrée sur les conflits intérieurs qui déchirent chaque protagoniste. La cour d’Espagne n’est pas réjouissante loin de là : le Roi Philippe II souffre de n’être pas aimé par Elisabeth de Valois, laquelle lui préfère toujours son premier fiancé, le propre fils de Philipe II, L’infant Don Carlo. Mais la Princesse Eboli aime quant à elle, vainement, ce Carlo qui apparaît toujours en décalé, comme un cœur amoureux impropre à la réalité (il n’est pas un héros de Schiller pour rien)… Et d’ailleurs pour le sauver de cette situation inextricable, où pèse aussi le poids écrasant de la religion à travers la figure du grand inquisiteur, véritable père la morale qui inféode jusqu’au roi lui-même, un deus ex machina sort des cintres et exfiltre littéralement Carlo, démuni, solitaire, impuissant…
La reprise de la mise en scène de Warlikowski créée in loco en 2007 fixe aussi la version de Don Carlo de 1886 sur les planches parisiennes. France Musique diffuse la reprise   d’un spectacle finalement triste, et sans vĂ©ritable vision théâtrale, sinon les Ă©lucubrations du metteur en scène, soucieux d’expliquer par la vidĂ©o, les tourments intĂ©rieurs des protagonistes (comme si la musique de Verdi n’y suffisait pas). Quelques solistes sauvent le plateau et la tension du spectacle : aux cĂ´tĂ©s de Roberto Alagna, toujours aussi impliquĂ© dans le rĂ´le-titre, distinguons le Philippe blessĂ©, âpre et cynique de la très solide basse RenĂ© Pape ; le tendre et très humain Rodrigo du baryton canadien Etienne Dupuis (Ă  l’éloquence ciselĂ©e et Ă©lĂ©gante) ; l’Eboli Ă©galement très solide et embrasĂ©e de Anita Rachvelishvili ; enfin, le timbre charnel d’Alexandra Kurzak qui incarne une Elisabeth Ă  la fois humaine et fragile mais aussi habitĂ© par la dignitĂ© de son rang, princesse digne mais elle aussi blessĂ©e. Dans la fosse, Fabio Luisi soigne les Ă©quilibres, fait jaillir des joyaux fantastiques, exploitant le choeur maison impeccable, en particulier dans le tableau final oĂą surgit le spectre de Charles Quint, sauveur de Carlo dĂ©muni. Illustration : ONP / V Pontet / Service de presse OpĂ©ra national de Paris

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FRANCE MUSIQUE, Samedi 25 janvier 2020, 20h. OpĂ©ra. VERDI : DON CARLO / Alagna, Pape, Kurzak… Fabio LUISI. ReprĂ©sentation du 7 novembre 2019 Ă  19h Ă  l’OpĂ©ra Bastille Ă  Paris.

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Giuseppe Verdi : Don Carlo
Adaptation italienne de “Don Carlos”, « grand opĂ©ra Ă  la française » en cinq actes sur un livret de Joseph MĂ©ry et Camille du Locle, d’après la tragĂ©die “Don Carlos” de Friedrich von Schiller

René Pape, basse, Filippo II
Roberto Alagna, ténor, Don Carlo
Etienne Dupuis, baryton, Rodrigo
Vitalij Kowaljow, basse, Il Grande Inquisitore
Sava Vemic, basse, Un frate
Aleksandra Kurzak, soprano, Elisabetta di Valois
Anita Rachvelishvili, mezzo-soprano, La Principessa Eboli
Eve Maud Hubeaux, mezzo-soprano, Tebaldo
Tamara Banjesevic, soprano, Una Voce dal cielo Julien Dran, ténor, Il Conte di Lerma
Pietro di Bianco, baryton-basse, député flamand Daniel Giulianini, baryton, député flammand
Mateusz Hoedt, baryton-basse, député flamand
Tomasz Kumiega, baryton, député flamand
Tiago Matos, baryton, député flamand
Alexander York, baryton, député flamand
Vincent Morell, ténor, Un Araldo (Un hérault)
Vadim Artamonov, basse, Inquisitor Fabio Bellenghi, basse, Inquisitor
Marc Chapron, basse, Inquisitor
Enzo Coro, basse, Inquisitor
Julien Joguet, basse, Inquisitor
Kim Ta, basse, Inquisitor
Bernard Arrieta, baryton, Corifeo (Coryphée)

Choeurs de l’OpĂ©ra national de Paris dirigĂ©s par JosĂ© Luis Basso
Orchestre de l’OpĂ©ra national de Paris
Direction : Fabio Luisi

LIRE aussi notre compte rendu CRITIQUE de DON CARLO de Verdi Ă  l’OpĂ©ra Bastille, le 25 oct 2019 / Alagna, Kurzak, Pape, … LUISI

Parmi les spectacles phares de la saison 2017-2018 de l’OpĂ©ra de Paris figurait la nouvelle production de Don Carlos dans sa version originale de 1866 (en français), rĂ©unissant une double distribution de haut vol – toutefois diversement apprĂ©ciĂ©e par notre rĂ©dacteur Lucas Irom, notamment au niveau du cas problĂ©matique de Jonas Kaufmann dans le rĂ´le-titre:http://www.classiquenews.com/compte-rendu-opera-verdi-don-carlos-le-19-octobre-2017-arte-yoncheva-garance-kaufmann-jordan-warlikowski/ . Place cette fois Ă  la version italienne de 1886, dite «de Modène», oĂą Verdi choisit de rĂ©tablir le premier acte souvent supprimĂ©, tout en conservant les autres …

RIGOLETTO de VERDI

Vague verdienne en juin 2014France Musique, dim 8 déc 2019, 16h : RIGOLETTO de Verdi. La tribune des critiques de disques : et vous, quelle est la meilleure versions enregistrée de l’Opéra de Verdi, Rigoletto ? Il y faut un quatuor de superbes chanteurs, à la fois puissants et dramatiques, mais aussi nuancés et subtils. A savoir, d’abord une Gilda, soprano coloratoure, agile, angélique, mais ardente. Un baryton vrai acteur, dense, profond, intérieur, fin (le fameux baryton verdien) qui est le rôle titre : Rigoletto,, père de la dite Gilda ; un ténor aérien, souple, suave, aristocratique : le Duc de Mantoue, être sans morale ni scrupule dont est tombée amoureuse Gilda (pour sa perte), enfin une basse profonde, noire, halluciné, Sparafucile : le tueur engagé par Rigoletto pour sa terrible vengeance (qui tourne quand même au fiasco)… Voilà du beau monde lyrique. Sans omettre un chef lui aussi veillant à l’architecture et au souffle dramatique, comme à la finesse de chaque portrait psychologique… Parmi les grands verdiens qui ont marqué le rôle : Leo Nucci, Renato Bruson…

Le compositeur d’opéras romantiques, Giuseppe Verdi a longtemps et toujours chercher de bons livrets pour mettre en musique ses ouvrages lyriques : dans Rigoletto, – le nom du bouffon à la Cour du Duc de Mantoue, Verdi utilise et adapte la pièce de Victor Hugo, Le Roi malgré lui. De Hugo, Verdi transpose et magnifie en musique, le réalisme brûlant de la vie de cour : haine et jalousie à tous les étages, surtout complot pour affaiblir la figure du bouffon trop influent ; sa fille pourtant préservée et tenue à l’écart de la barbarie courtisane, sera in fine sacrifiée ; elle est même la victime consentante d’un assassinat qui se retourne contre celui qui l’a commandité. En croyant se venger de tous, en pilotant l’assassinat du Duc, Rigoletto creuse sa propre tombe et se précipite dans la gueule d’une horrible et infecte tragédie.
Voici donc un drame gothique noir, dans l’Italie des Romantiques, celle des trahisons, tueries, meurtres et intrigues au parfum écœurant, déléthère.
À Mantoue, au XVIe siècle, Rigoletto, bouffon à la cour du duc de Mantoue, – séducteur dépravé, pense protéger sa fille Gilda à l’abri des regards et des convoitises. Mais Gilda est découverte et enlevée par des courtisans qui la mènent jusqu’à la chambre du duc obscène, irresponsable. Trop naïve, la jeune vierge s’enflamme pour son amant volage, son premier amour. Que fera le père pour se venger ? Que peut le bouffon Rigoletto contre la tribu courtisane, véritable horde sauvage et cynique ?
A travers la chute et le deuil de Rigoletto, s’accomplit la malédiction dont le bouffon était l’objet ; au début du drame, le comte de Monterone maudit le vil serpent qui le raille, alors qu’il est exilé par le Duc… A travers le drame hugolien, Verdi traite un thème qui lui est cher : l’amour paternel, celui d’un bouffon humilié qui souhaite protéger sa fille, bien vainement.

France Musique, dim 8 déc 2019, 16h : RIGOLETTO de Verdi. La tribune des critiques de disques

COMPTE-RENDU, critique CONCERT. PARIS. Eglise St-Sulpice, le 13 nov 2019. VERDI: REQUIEM. Euromusic Symph Orch. H. Reiner

Vague verdienne en juin 2014COMPTE-RENDU, CONCERT. PARIS. Eglise Saint Sulpice, le 13 Novembre 2019. G.VERDI. REQUIEM. Euromusic Symphonic Orchestra. Choeur International Hugues Reiner. H.REINER. Il est moments musicaux qui sont inclassables et ce Requiem de Verdi, donnĂ© Ă  Saint-Sulpice le 13 novembre 2019, est l’un de ceux qui resteront dans les mĂ©moires. Ainsi le très long silence qui a terminĂ© le Requiem reprĂ©sente le plus bel hommage et les plus belles minutes de silence possibles. Et le public incrĂ©dule d’abord, puis silencieux, a finalement applaudi gĂ©nĂ©reusement un tel moment de grâce. Car comment parler d’un concert si porteur d’émotions sans le dĂ©naturer ? Hugues Reiner a portĂ© ce projet avec toute sa gĂ©nĂ©rositĂ©, invitant l’association Live for Paris Ă  l’évĂ©nement commĂ©moratif des tueries du 13 novembre 2015. Il y a eu beaucoup d’émotions dans la vaste Ă©glise malgrĂ© le froid et l’acoustique difficile. Il faut dire que dès le concerto de trompette de Marcello qui ouvrait le concert, Guy Touvron après son vibrant hommage Ă  son collègue et ami avait donnĂ© le ton : la musique vivante console de la mort comme rien d’autre. Le vaste Requiem de Verdi est composĂ© Ă  l’envers.

Un Requiem pour ne pas oublier
et pour que vive la liberté !

Car la fin : le Libera Me de la soprano, est la pièce composée en premier pour un Requiem d’hommage à Rossini qui n’a jamais vu le jour. Verdi chantre de l’opéra ne pouvait décevoir et a composé avec ce Requiem une grande fresque opératique donnant un relief particulier à la Doxa chrétienne ; car s’il suit le texte latin il est peu de dire qu’il lui donne une vigueur incroyable avec des accents terribles ou touchants et de vastes phrases en gestes vocaux quasi surnaturels.
Le quatuor de solistes est utilisé comme dans un opéra. C’est la soprano qui est la plus exposée mais personne n’est secondaire. La soprano Blerta Zhegu est remarquable de sureté d’émission et de beauté de ligne vocale. L’homogénéité de la voix lui donne de l’autorité comme une grande tendresse. Elle a remplacé au pied levé Isabelle Ange malade et a appris sa partie en moins de six jours ! Guillemette Laurens faisait là une prise de rôle attendue. En effet la diva sombre du baroque pour fêter ses 47 ans de carrière osait une entrée dans le répertoire romantique qu’elle affectionne tant. Son timbre prenant, sa diction faite drame et ses phrases ciselées, avec de grands contrastes, ont fait merveille. Dans toute sa partie, que se soit en solo, en duo, trio ou quatuor, elle apporte une diction vivifiante et un sens de la fusion des timbres dignes de l’extraordinaire madrigaliste qu’elle est. Le ténor Joachim Bresson avec un engagement très émouvant a chanté sa partie avec une grande musicalité ; quand d’aucuns ne sont que voix large, lui nuance et phrase délicatement sa partie. La voix au grain noble permet de porter loin une émotion non feinte. Il est bien rare de voir un artiste vivre si intensément ce qu’il chante. La basse Robert Jezierski apporte beaucoup de force et de stabilité avec un art du chant verdien bien maîtrisé. L’accord entre les voix des quatre chanteurs a été remarquable avec la constante recherche d’un bel équilibre. Il faut dire que le travail sur les parties solistes avec Hugues Reiner, semble particulièrement abouti.
Bien souvent des choses très fines ont été perceptibles qui sont souvent noyées dans les décibels et qui ce soir ont livré la quintessence de l’art vocal de Giuseppe Verdi. L’orchestre et le chœur, tous très engagés, ont parfaitement été à la hauteur de l’événement. Et la direction souple et digne d’Hugues Reiner a magistralement fait avancer le drame sans jamais rien lâcher. Tempi élégants, articulations fines des choeurs, belles couleurs orchestrales, excellent dosage des nuances entre tous, son Requiem de Verdi est un grand opéra construit dans une dramaturgie assumée. Le début pianissimo fantomatique, les fresques chorales, les trompettes spacialisées de la terreur du Dies Irae, comme le tendresse du duo de l’Agnus Dei ont emporté le public dans les émotions contrastées attendues.
Et ces minutes finales de silence, en hommages au morts de novembre 2015 resteront comme un moment de magie de la vie. Voila un magnifique Requiem porté par des musiciens, engagés totalement dans la dramaturgie sublime de Verdi. Cela méritait bien le voyage à Paris !

Compte-rendu Concert. Paris. Eglise Saint-Sulpice, le 13 Novembre 2019. Benedetto Giacomo Marcello ( 1686-1739) : concerto pour trompette en ré mineur ; Giuseppe Verdi (1813-1901) : Requiem. Blerta Zhegu, soprano ; Guillemette Laurens, mezzo-soprano ; Joachim Bresson, ténor ; Robert Jezierski, basse ; Guy Touvron, trompette ; Euromusic Symphonic Orchestra. Choeur International Hugues Reiner. Hugues Reiner, direction.

PARIS, Exposition : LE GRAND OPERA : 1828 -1867 (Palais Garnier)

DECORS-gustave-III-bal-masque-VERDI-grand-opera-ballet-annonce-critique-classiquenewsPARIS, Palais Garnier, Exposition : LE GRAND OPERA : 1828 -1867. Dans les galeries de la Bibliothèque-Musée du Palais Garnier s’ouvre cette semaine l’exposition qui devrait enfin faire le point sur le genre lyrique par excellence : le grand opéra. La formule naît sous l’Empire avec Cherubini, Spontini, Lesueur ; et la Restauration avec Rossini…

 

 

 

Quand l’opĂ©ra a rendez vous avec l’Histoire

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Maquette pour Vasco de Gama – L’Africaine de Meyerbeer

 

 

Puis atteint un essor jamais vu auparavant, avec l’avènement de Louis Philippe grâce Ă  l’Allemand Meyerbeer et le poète librettiste Scribe : ainsi dès 1830 (grâce Ă  la direction du directeur Louis DĂ©sirĂ© VĂ©ron) jusqu’Ă  la fin du Second Empire, se succèdent les grands ouvrages de l’opĂ©ra permis par l’inspiration des compositeurs, mais aussi l’excellence des Ă©quipes artistiques engagĂ©es : par ses effectifs et les moyens mis en Ĺ“uvres pour divertir donc attirer le public, surtout bourgeois, l’OpĂ©ra de Paris devient le centre de la crĂ©ation lyrique en Europe ; pas un compositeur digne de ce nom, ayant ambitionnĂ© de se faire un nom comme compositeur d’opĂ©ras, qui ne souhaitent briller… Ă  Paris. Ainsi Wagner et Verdi ne cesseront de vouloir se faire produire sur la scène de l’OpĂ©ra parisien, en particulier la Salle Le Peletier. L’OpĂ©ra Garnier ne produit son premier spectacle qu’en 1875.

donc-carlos-verdi-affiche-opera-paris-annonce-critique-opera-classiquenewsAinsi le spectateur peut recomposer le fil d’une histoire où le spectaculaire et les effets ont compter avant toute chose : grandiose des décors, grandiose du ballet, virtuosité et puissance des voix, séduction et souffle de l’orchestre… C’est un spectacle total auquel Wagner puisera pour forger son propre théâtre lyrique à Bayreuth (Il a admiré Meyerbeer). Aujourd’hui que les pièces maîtresses de ce dernier sont oubliées y compris de l’Opéra national de Paris (seuls les Huguenots sont joués de temps à autre), l’exposition LE GRAND OPERA récapitule une odyssée musicale à redécouvrir, c’est l’apogée des arts du spectacle au XIXè, quand l’opéra rivalisait avec la peinture d’histoire.

 

 

 

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Maquette pour Charles VI de Halévy (1843) / la Basilique Saint-Denis, évocation gothique

 

 

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Maquette pour Vasco de Gama – L’Africaine de Meyerbeer

 

 

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 L’OpĂ©ra – Salle Le Peletier jusqu’en 1872

 

 

 

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NOTRE SELECTION – Les 5 sections de l’exposition qui nous ont particulièrement convaincus :

 

 

 

DECORS SPECTACULAIRES… L’esquisse panoramique de La Juive de Halévy (1835) qui souligne l’ampleur déjà cinématographique des décors du grand opéra…;

 

 

 

 

meyerbeer-giacomo-opera-grand-opera-exposition-palais-garnier-2019-anonce-presentation-classiquenews-buste-meyerbeerGIACOMO MEYERBEER… Les salles Meyerbeer, présenté en majesté, grâce entre autres à son buste magistral ; Il est la figure tutélaire du grand opéra français sous la Monarchie de juillet (soit avant la Seconde République décrétée en 1848 ; avant le Second Empire proclamé en 1852) ; son apport est présent à travers l’évocation de Robert le diable (nov 1831),  du Prophète (créé en 1849) ; le grand tableau de Camille Roqueplan, Valentine et Raoul extrait des Huguenots ; les costumes et surtout le décor de Vasco de Gama ou l’Africaine (maquette en volume représentant le pont du navire à l’acte III 1865) ;

 

 

 

GIUSEPPE VERDI… La prĂ©sence de Verdi dans cette gĂ©nĂ©alogie de drames impressionnants dont DON CARLOS en 1867 marque le sommet de la carrière parisienne et un apport significatif au genre (maquette des dĂ©cors) ; juste avant le dĂ©voilement de la façade du nouvel opĂ©ra Garnier. D’ailleurs DON CARLOS reste le marqueur chronologique de l’exposition parisienne : sommet d’une contribution Ă©trangère Ă  la « grande boutique ». Autres opĂ©ras créés par Verdi pour l’OpĂ©ra de Paris : JĂ©rusalem (nov 1847) ; Les VĂŞpres Siciliennes (pour l’Expo Universelle de 1855)

 

 

 

maquette-decors-peregrina-perle-le-prophete-meyerbeer-opera-annonce-classiquenewsBALLET DE / DANS L’OPERA… Le rôle du ballet, élément imposé et emblématique du genre, situé au IIIè acte, dont le sujet est en rapport ou non avec l’action principal de l’opéra. Ainsi l’exemple du ballet de la Pérégrina (la perle) dans Donc Carlos de Verdi, n’a aucun rapport avec l’intrigue principal et même devient une œuvre autonome, divertissement indépendant…

 

 

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décors pour le ballet la Pérégrina / La Perle dans DON CARLOS de Verdi (1867)

 

 

 

VOIX ENCHANTERESSES… L’âge d’or du chant français, évoqué en un « mur de portraits » de Cornélie Falcon, Adolphe Nourrit, Gilbert Duprez, … et ailleurs, au début du parcours, par le fameux tableau de François-Gabriel-Guillaume Lepaulle : Trio légendaire de Robert le Diable, Nicolas Prosper Levasseur (Bertram), Adolphe Nourrit (Robert le Diable) et Cornélie Falcon (Alice). Sainte trinité lyrique et romantique…

 

 

 

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Mur des portraits de chanteurs, avec le chef Habeneck

 

 

 

 

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PARIS, Exposition : LE GRAND OPERA : 1828 -1867. Bibliothèque-MusĂ©e du Palais Garnier – Du 24 octobre 2019 au 2 fĂ©vrier 2020.
Tous les jours de 10h à 17h (accès jusqu’à 16h30), sauf fermetures exceptionnelles.
Bibliothèque-musée de l’Opéra
Palais Garnier – Paris 9ème
Entrée à l’angle des rues Scribe et Auber
TARIFS : Plein Tarif : 14€ Tarif Réduit : 10€

LIRE aussi notre présentation de l’exposition LE GRAND OPERA : 1828 -1867. Bibliothèque-Musée du Palais Garnier
https://www.classiquenews.com/expo-paris-palais-garnier-le-grand-opera-1828-1867-le-spectacle-de-lhistoire-jusquau-2-fevrier-2020/

 

EXPOSITION : LE GRAND OPÉRA, 1828 – 1867, LE SPECTACLE DE L’HISTOIRE, les 5 volets clĂ©s de l’exposition

exposition-grand-opera-specacle-de-l-histoire-palais-garnier-BNF-opera-de-paris-annonce-critique-visite-presentation-classiquenews-CLASSIQUENEWSEXPOSITION : LE GRAND OPÉRA, 1828 – 1867, LE SPECTACLE DE L’HISTOIRE – PARCOURS DE L’EXPOSITION ; les 5 volets clĂ©s de l’exposition parisienne. AmorcĂ© sous le Consulat, le grand opĂ©ra Ă  la française se prĂ©cise Ă  mesure que le rĂ©gime politique affine sa propre conception de la reprĂ©sentation spectaculaire, image de son prestige et de son pouvoir, instrument phare de sa propagande. Le genre mĂ»rit sous l’Empire avec NapolĂ©on, puis produit ses premiers exemples aboutis, Ă©quilibrĂ©s
à la veille de la Révolution de 1830. La « grande boutique » comme le dira Verdi à l’apogée du système, offre des moyens techniques et humains considérables – grands chœurs, ballet et orchestre, digne de sa création au XVIIè par Louis XIV.
Les sujets ont évolué, suivant l’évolution de la peinture d’histoire : plus de légendes antiques, car l’opéra romantique français préfère les fresques historiques du Moyen Âge et de la Renaissance.
Louis-Philippe efface l’humiliation de Waterloo et du Traité de Vienne et cultive la passion du patrimoine et de l’Histoire, nationale évidemment. Hugo écrit Notre-Dame de Paris ; Meyerbeer compose Robert le Diable et Les Huguenots. Les héros ne sont plus mythologiques mais historiques : princes et princesses du XVIè : le siècle romantique est passionnément gothique et Renaissance.

A l’opĂ©ra, les sujets et les moyens de la peinture d’Histoire

Comme en peinture toujours, les faits d’actualité et contemporain envahissent la scène lyrique ; comme Géricault fait du naufrage de la Méduse une immense tableau d’histoire (Le Radeau de la Méduse), dans « Gustave III », Auber et Scribe narrent l’assassinat du Roi de Suède, survenu en 1792, tout juste quarante ans auparavant. Cela sera la trame d’un Bal Masqué de Verdi.

Après la Révolution de 1848, l’essor pour le grand opéra historique faiblit sensiblement. Mais des œuvres capitales après Meyerbeer sont produites, souvent par des compositeurs étrangers soucieux d’être reconnus par leur passage dans la « grande boutique », sous la Deuxième République et le Second Empire. Le wagnérisme bouleverse la donne en 1861 avec la création parisienne de Tannhäuser, qui impressionne l’avant garde artistique parisienne, de Baudelaire à fantin-Latour, et dans le domaine musical, Joncières, militant de la première heure.
Le goût change : Verdi et son Don Carlos (en français) hué Salle Le Peletier en 1867 (5 actes pourtant avec ballet), est oublié rapidement ; car 6 mois plus tard, le nouvel opéra Garnier et sa façade miraculeuse, nouvelle quintessence de l’art français est inaugurée. C’est l’acmé de la société des spectacles du Second Empire, encore miroitante pendant 3 années jusqu’au traumatisme de Sedan puis de la Commune (1870).

 

 

Le parcours de l’exposition est articulé en 5 séquences.

1. GÉNÉALOGIE DU GRAND OPÉRA
2. LA RÉVOLUTION EN MARCHE
3. MEYERBEER : LES TRIOMPHES DU GRAND OPÉRA
4. DERNIĂRES GLOIRES
5. UN MONDE S’ÉTEINT

 

 
 

 

Illustration : Esquisse de décor pour Gustave III ou Le bal masqué, acte V, tableau 2, opéra, plume, encre brune, lavis d’encre et rehauts de gouache. BnF, département de la Musique, Bibliothèque- musée de l’Opéra © BnF / BMO

 

 
 

 

DATES ET HORAIRES
Du 24 octobre 2019 au 2 février 2020
Tous les jours de 10h à 17h (accès jusqu’à 16h30), sauf fermetures exceptionnelles.
LIEU
Bibliothèque-musée de l’Opéra
Palais Garnier – Paris 9e
Entrée à l’angle des rues Scribe et Auber
INFORMATIONS PRATIQUES
TARIFS
Plein Tarif : 14€ Tarif Réduit : 10€

 

 

 

Falstaff de Verdi, d’après Shakespeare

VERDI_402_Giuseppe-Verdi-9517249-1-402FRANCE MUSIQUE, sam 12 oct 2019, 20h. VERDI : Falstaff. France Musique diffuse la production londonienne du dernier Verdi, celui génial et visionnaire qui sur les traces de Shakespeare, renouvelle le genre comique et tragique à la fois, trouvant dans le personnage de Falstaff, comme un double en miroir de lui-même : un être ambivalent, vieux bouffon antisocial mais généreux et même enfantin, sainte et miraculeuse régression…
Capitaine d’industrie sur le tard, Falstaff est une épave et un corsaire ; un joueur invétéré, un fieffé menteur, sacré manipulateur affublé de ses deux compères, toujours prêts à le tromper, Bardolfo et Pistola, qui pourtant devant femme aguichante a gardé son âme de séducteur, parfois crédule, toujours infantile. Se faire berner malgré lui, voilà la trame de l’action. Mais au final, comme beaucoup de parodie humaine et de satire sociale, le chevalier fantasque bouffon et magnifique nous tend le miroir : une leçon de vérité à l’adresse de tous. Qui peut dire qu’il n’a jamais été la proie de la vindicte, du mensonge, de la mauvaise foi ?
Cette victime placardée et vilipendée pourrait tôt ou tard être chacun de nous. Falstaff dévoile l’inhumanité et nous invite à cultiver l’humanité.

Les bons bourgeois de Windsor, époux jaloux et pervers des fameuses commères en prennent aussi pour leur grade. Electron honnis, Falstaff, inclassable dans la grille sociale, défait tout un système où règne la perfidie, l’hypocrisie, la stupidité, la duplicité et l’intérêt (l’époux d’’Alice Ford aimerait bien voir sa fille Nannetta épouser le docteur Caïus, même si ce dernier pourrait être son arrière grand père !…).

Comédie dans la comédie, la pseudo féerie du chêne noir (dans le parc royal de Windsor), mascarade shakespearienne (acte III) où la société semble recouvrer une âme d’enfance… fées, lutins, reine angélique à l’appui-, instaure un climat fantastique et tendre.

Dans la fosse, héritier des facéties mordantes et piquantes signées avant lui par Rossini et Donizetti, Verdi offre à l’orchestre une partition constellée de joyaux comiques à sens multiples.  Un feu crépitant qui danse et dénonce ; virevolte et scintille au diapason de cette comédie qui est une farce aussi tendre qu’amère. Un seul remède à cela : l’esprit du rire, la dérision et l’autocritique.
C’est un compositeur octogénaire qui enfante ce Falstaff à la fois léonin et enfantin, créé à la Scala de Milan en 1893. Jamais Verdi ne fut plus efficace dramatiquement ni mieux inspiré musicalement. Un chef d’oeuvre de finesse, de vérité, de satire enivrée.

 

 

 

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Concert donné le 19 juillet 2018  au Royal Opera House de Londres

Giuseppe Verdi : Falstaff
Opera buffa en trois actes tiré des Joyeuses Commères de Windsor et Henry IV (parties I et II) de Shakespeare, créé à la Scala de Milan le 9 février 1893  -  Arrigo Boito, librettiste d’après William Shakespeare

Bryn Terfel,baryton : Sir John Falstaff
Ana Maria Martinez, soprano : Alice Ford, épouse de Ford
Simon Keenlyside, baryton : Ford, un homme riche
Anna Prohaska, soprano : Nanetta, la fille des Ford
FrĂ©dĂ©ric Antoun, tĂ©nor : Fenton, l’un des prĂ©tendants de Nannetta
Marie-Nicole Lemieux, contralto : Mrs Quickly
Marie MacLaughlin, mezzo-soprano : Meg Page
Peter Hoare, ténor : Dr Caius
Michael Colvin, ténor : Bardolfo, serviteur de Falstaff
Craig Colclough, basse : Pistola, serviteur de Falstaff

Chorus of the Royal Opera House
Orchestra of the Royal Opera House
Nicola Luisotti, direction

CD critique. VERDI : Ildar Abdrazakov / Orchestre Métropolitain de Montréal, Yannick NEZET-SEGUIN (1 cd DG Deutsche Grammophon)

Verdi ildar abdrazakov cd annonce critique classiquenews verdi orch metropolitain de montreal classiquenewsCD critique. VERDI : Ildar Abdrazakov / Orchestre Métropolitain de Montréal, Yannick NEZET-SEGUIN (1 cd DG Deutsche Grammophon). Voilà le déjà 2è cd réalisé par la basse vedette et le chef à qui tout semble réussir, pour Deutsche Grammophon.
ATTILA fait valoir l’élasticité sombre et noble du ruban mélodique dont est capable la basse Ildar Abdrazakov : le chanteur colore, étire, sur le souffle, sans jamais écraser. Dans la prière langoureuse du roi Felipe II, monarque auquel est refusé le bonheur et l’amour : Ella giamma m’amo! (DON CARLOS), il faut un diseur capable de nuancer toutes les couleurs de l’amertume frustrée, mais là aussi, dignité de la personne, dans la noblesse et aussi une certaine tendresse, car cet air contrairement à ce qui précède dans l’opéra, concerne la dévoilement d’un sentiment (voire d’une tragédie) intime : osons dire que la basse malgré son souci du texte et du caractère de la pièce, écrase un peu, lissant le tout dans une couleur monochrome… Dans NABUCCO I (« Sperate, o figli » de Zaccaria), le soliste plafonne davantage dans un air qui manque de ciselure, déçoit par son gris terne, rond certes mais dépourvu de relief caverneux, ce qui est d’autant plus dommage car le chœur et l’orchestre (basson) sont impeccables, riches en vitalité intérieure. Dans la cabalette, la voix pourtant intense, manque de brillant ; finit par être couverte par les choristes et les instrumentistes. Et si les vrais vedettes de ce récital verdien orchestralement passionnant, étaient les instrumentistes montréalais et leur chef charismatique ?

Ildar Abdrazakov est-il un verdien affûté ?…
Basse moyenne, un rien monochrome.
Par contre l’orchestre…

Verdi a soigné les barytons et basses. L’opéra Boccanegra offre des caractères inoubliables pour tout chanteur acteur : l’air A te l’estremo de Fiesco respire la lassitude de l’homme, tourmenté, dévoré (au sens strict comme symbolique). Là encore malgré la puissance (peut-être renforcé par le niveau du micro), le timbre tend à la monochromie, certes sa teinte grise et sombre éclairant le mal qui ronge le héros : « A te l’estremo addio » (plage 8 et 9), air d’adieu, de renoncement encore âpre et tendu, lugubre, surtout imploratif et introspectif, la basse russe perd dans l’étendu de la ligne, sa justesse, se détimbre, manque l’éclat de sidération et d’accent fantastique, en cela soutenu, dialogué avec le choeur, halluciné ; regrettable manque de couleurs, de nuances, d’autant que l’orchestre lui offre une palette de références souvent saisissante, sous la baguette abbadesque du québécois Yannick Nézet Séguin. Le second air de Zaccaria de Nabucco dévoile les limites d’une voix qui tend à rester dans son medium, engorgée, lissant tout le texte, au vibrato de plus en plus omniprésent. Même lassitude et vibrato gras pour son Procida (i Vespri Siciliani). Partition lumineuse et fantastique, Luisa Miller scintille ici par le jeu de l’orchestre, millimétré, nuancé. Hélas, le Walter de Abdrazakov reste d’un terne vibré qui finit par lasser tant il aplatit tout le texte.
Dommage. La direction de Yannick Nézet-Séguin est, elle, inspirée, hallucinée, détaillée… d’une conviction nuancée égale à son récent Mozart en direction de Baden Baden (Die Zauberföte / La Flûte enchantée : clic de classiquenews de l’été 2019). Abdrazakov n’est pas Nicolai Ghiaurov : verdien autrement mieux colorés et diseurs, même avec sa voix ample et caverneuse.

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CD critique. VERDI : Ildar Abdrazakov / Orchestre MĂ©tropolitain de MontrĂ©al, Yannick NEZET-SEGUIN (1 cd DG Deutsche Grammophon) – Parution en France : le 15 aoĂ»t 2019.

Stiffelio de Verdi

VERDI_442_Giuseppe_Verdi_portraitFrance 2. VERDI : Stiffelio, jeudi 24 janvier 2019, minuit. Même en ses années «  de galère » (de 1842 à 1850) comme il le dit lui-même, le jeune Verdi maîtrise comme personne la coupe frénétique et dramatique, réussissant à régénérer par son nerf et sa fougue virile, le genre opératique dans l’Italie romantique, bientôt libérée du joug autrichien. Tous ses opéras, avec leur action qui porte la volonté et l’autodétermination des peuples révoltés, trouvent un écho immédiat auprès du peuple italienne, cette nation qui n’est pas encore unifiée mais qui est sur le point de l’être. On insistera jamais assez sur la modernité et l’actualité prééminente des ouvrages verdiens à leur époque. Verdi est en phase avec la vibration de son temps et répond, entretient, nourrit l’élan libertaire et l’esprit révolutionnaire des Italiens.
En 8 années, le compositeur génial compose près de 14 opéras, depuis le triomphe de Nabucco, son premier succès.
Conçu en 1850, quasi simultanĂ©ment Ă  Rigoletto, Stiffelio Ă©voque les souffrances d’un Pasteur trompĂ© par sa femme. Le sujet, scandaleux, dĂ©clencha les foudres de la censure : Verdi dut revoir sa copie originelle. L’amour, le devoir… y forment un terreau fertile en confrontations et situations conflictuelles, entre Stiffelio (vrai tĂ©nor verdien, Ă  la fois passionnĂ© et tendre, d’une nouvelle Ă©paisseur psychologique) et son Ă©pouse Lina. Au couple principal (Stiffelio / Lina), Verdi imagine aussi, celui du père et de sa fille, Stankar / Lina, tout autant fouillĂ© et bouleversant : leurs scènes très ciselĂ©es, rĂ©vĂ©lant une relation profonde et complexe, annoncent sur le mĂŞme thème, – père / fille, Rigoletto (Gilda), ou Simon Boccanegra (Amelia)… ne relation essentielle dans les opĂ©ras de maturitĂ© de Verdi, lui-mĂŞme, ayant Ă©tĂ© particulièrement foudroyĂ© par le destin car il perdit son Ă©pouse et ses deux filles…
A Venise, la mise en scène de Johannes Weigand, dans cette production présentée en 2016 à La Fenice, reste claire et intense, réduite à un immense portail métallique, ouvert ou fermé selon les séquences dramatiques, évoquant le temple où prêche Stiffelio, le cimetière, l’intérieur du château…

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Argument / Synopsis :

Le pasteur Stiffelio prône la vertu et l’amour fraternel, alors qu’il est trahi par son épouse laquelle aime passionnément le jeune aristocrate Raffaele. Le père de Lina est personnellement affecté par la déloyauté de sa fille Lina : il assassinera son amant. Confrontés à ce crime désastreux et injuste pour la victime, Stiffelio et Lina se retrouvent, savent se pardonner… dans l’amour de Dieu.

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France 2: “Au clair de la lune” – “Stiffelio” de Giuseppe Verdi – jeudi 24 janvier 2019 Ă  minuit

OpĂ©ra en trois actes de Giuseppe Verdi
sur un livret de Francesco Maria Piave,  d’après Le Pasteur ou l’Ă©vangile au foyer d’Émile Souvestre et Eugène Bourgeois,  créé le 16 novembre 1850 au Teatro Grande de Trieste.

Orchestre et chœur de La Fenice de Venise
Direction musicale : Daniele Rustioni
Chœur et Orchestre du Teatro La Fenice
Mise en scène : Johannes Weigand

Distribution
Stiffelio : Stefano Secco
Lina : Julianna Di Giacomo
Stankar : Dimitri Platanias
Raffaele : Francesco Marsiglia
Jorg : Simon Lim
Federico di Frengel : Cristiano Olivieri
Dorotea : Sofia Koberidze

Enregistré en janvier 2016, au Teatro La Fenice

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VERDI_402_Giuseppe-Verdi-9517249-1-402NOTRE AVIS. Nul doute que le nerf du jeune chef Daniele Rustioni apporte à cette production de Stiffelio, opéra méconnu mais superbe en intensité, l’énergie idéale. Dans cette version de 1850, et sur le livret de Piave, qui écrit aussi celui de Rigoletto contemporain, la partition éblouit par sa coupe dramatique, faisant se succéder duos, trios, quatuor (jusqu’au septuor), sans interruption et avec une réelle gradation expressive et musicale, que permet quand elle est servie parfaitement, l’écriture continue d’un Verdi peu adepte des airs fermés. Comme Luisa Miller d’après Schiller, Stiffelio est un drame noir, où les passions s’embrasent et crépitent. Vivant, percutant, à l’aise dans le rôle-titre, le ténor Stefano Secco relève le défi de la passion noire qui traverse l’esprit impuissant du prêtre démuni (même s’il est missionné par Dieu). On note un léger manque de naturel chez la Lina de Julianna Di Giacomo et chez le Stankar de Dimitri Platanias dont le bronze vocal cependant emporte l’adhésion. Leur couple vocal gagne en vraisemblance et intensité. Production réalisée à la Fenice en janvier et février 2016. Durée : 2h

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MILAN, Scala. Riccardo Chailly joue ATTILA de VERDI

VERDI_442_Giuseppe_Verdi_portraitFRANCE MUSIQUE, Ven 7 dĂ©c 18 : 20h. VERDI: ATTILA, Chailly.  En direct (ou presque) de La Scala de Milan, l’opĂ©ra de Verdi créé Ă  la Fenice de Venise le 17 mars 1846, ouvre ainsi sur le petit Ă©cran mais en quasi direct, la nouvelle saison du théâtre scaligène. On sait combien le librettiste de dĂ©part Solera, qui pourtant dut partir avant de livrer la fin de l’intrigue, se brouilla avec Verdi : celui ci commanda Ă  Piave, un nouveau final, non pas un chĹ“ur comme le voulut Solera, mais un ensemble (et quel ensemble! : un modèle du genre). Du nerf, du sang, du crime… le premier Verdi semble s’essayer Ă  toutes les ficelles du drame sanglant et terrible. Au Vè siècle, la ville d’AquilĂ©e près de Rome, fait face aux invasions des Huns et Ă  la superbe conquĂ©rante d’Attila (basse). Ce dernier, cruel et barbare en diable, refuse toute entente pacifique avec le romain Ezio (baryton) ; c’est pourtant ce dernier qui a l’étoffe du hĂ©ros, patriote face Ă  l’ennemi Ă©tranger (« Tu auras lâ€univers, mais tu me laisses l’Italie » / une dĂ©claration qui soulève l’enthousiasme des spectateurs de Verdi, Ă  quelques mois de la RĂ©volution italienne…).

Au I : Attila marche sur Rome, mais frémit devant l’Ermite dont il a rêvé la figure… cependant que parmi les vaincus, Foresto (ténor) rejoint la fière Odabella (soprano) qui entend se venger des Huns, arrogants, victorieux…

Au II : Attila défie Ezio qui proteste vainement ; tandis que, coup de théâtre, Odabella déjoue la tentative d’empoisonnement d’Atiila par Foresto : elle épouse même le vainqueur Attila…

Au III : Odabella qui n’en est pas à une contradiction près, se repend, rejoint Foresto et tue son époux Attila, tandis que les troupes romaines menées par Ezio, le sauveur, attaquent les Huns…

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chailly riccardo maestro stravisnky portrait presentation par classiquenews ae64e0366e4c19713bd9183f508c800f.jpg.w=262Sans vraiment de profondeur encore, ni d’ambivalence ciselĂ©e, (cf la manière avec laquelle, les Ă©pisodes et les situations se succèdent au III), les personnages d’Attila ne manquent pas cependant de noblesse ni de grandeur voire de noirceur trouble (comme Attila, dĂ©vorĂ© par les songes et les rĂŞves au I, prĂ©figuration des tourments de Macbeth). Le protagoniste ici est une femme, soprano aux possibilitĂ©s Ă©tendues digne d’Abigaille (Nabucco) : ample medium, belcanto mordant, Ă  la fois raffinĂ© et sauvage… comme la partition de ce Verdi de la jeunesse. A Milan, le directeur musical de La Scala, Riccardo Chailly devrait dĂ©fendre la partition avec intensitĂ© et profondeur, malgrĂ© les Ă©videntes maladresses et dĂ©sĂ©quilibres de la partition de 1846…  Le chef dirige les forces locales, et la basse Ildar Abdrazakov incarne Attila, sur les traces du lĂ©gendaire Nicolai Ghiaurov dans le rĂ´le-titre…

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Giuseppe Verdi : Attila
OpĂ©ra en un prologue et trois actes sur un livret de Temistocle Solera et Francesco Maria Piave tirĂ© de la tragĂ©die de Zacharias Werner : “Attila, König der Hunnen »

Ildar Abdrazakov, basse, Attila, roi des Huns
Saioa Hernandez, mezzo-soprano, Odabella, fille du seigneur d’Aquileia
Simone Piazzola, baryton, Ezio, général romain
Fabio Sartori, ténor, Foresto, chevalier aquiléen
Francesco Pittari, tĂ©nor, Uldino, jeune breton esclave d’Attila
Gianluca Buratto, basse, Leone, vieux romain
Choeur et Orchestre de la Scala de Milan
Direction : Riccardo Chailly

(Davide Livermore, mise en scène)

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Plus d’infos sur le site de la Scala de Milan / Teatro alla Scala :
http://www.teatroallascala.org/en/index.html

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Compte-rendu, opéra. Dijon, le 15 nov 2018. VERDI : Nabucco. Rizzi Brignoli / Signeyrole.

VERDI_442_Giuseppe_Verdi_portraitCompte rendu opéra. Dijon,  Auditorium, le 15 novembre 2018.  Verdi, Nabucco. Roberto Rizzi Brignoli / Marie-Eve Signeyrole. Les ouvrages lyriques dont on sort abasourdi, voire bouleversé et réjoui, sont rares. Le Nabucco coproduit par les opéras de Lille et de Dijon est de ceux-là. La lecture très actuelle que nous impose la mise en scène de Marie-Eve Signeyrole, dans le droit fil du message politique de Verdi, est un soutien clair aux victimes contemporaines de l’oppression. La richesse d’invention en est constante, conjuguant tous les moyens pour atteindre la plus grande force dramatique. L’action qui se déroule sur le plateau, suffisante en elle-même, est démultipliée par la vidéo, et renforcée par des chorégraphies bienvenues. Les images, démesurées, simultanées, empruntées à une actualité féroce, ou simplement grossies des visages des chanteurs, les actualités en continu, avec interview, titres des chapitres et versets bibliques (cités en exergue dans la partition), se superposent au chant.

 

 

Nabucco viva !

 

 

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Le déferlement d’images et de sons amplifiés de bombardements, de cris, le bruit et la fureur ajoutés, stressants, voire terrorisants, s’impose, parfois au détriment de la musique. En effet, la pluralité des sources d’information nous interdit de suivre chacun des registres. Choix douloureux, qui laisse un goût amer dans la mesure où on a le sentiment de perdre une part du message, d’autant plus que cette profusion d’images phagocyte la musique autant qu’elle la renforce. Conscient de n’avoir pu en apprécier toutes les références, tant les renvois abondent dans cette mise en scène incroyablement riche, foisonnante et efficace, on a envie de revoir ce spectacle total, de l’approfondir tant sa richesse est singulière.

Un dispositif complexe, monumental, descendant des cintres autorise une continuité musicale et dramatique par des changements à vue. Costumes, décors et éclairages sont une réussite pleinement aboutie. Mais c’est encore la direction d’acteur, millimétrée et juste, qui force le plus l’admiration. Il n’est pas un mouvement, d’un soliste comme du plus humble des choristes,  qui ne soit porteur de sens.

Le chœur, rassemblant les chanteurs des opéras de Dijon et de Lille est omniprésent. Du grand chœur d’introduction au finale, on n’énumérera pas les numéros tant ils sont nombreux. Evidemment, le célèbre “Va pensiero”, chanté dans un tempo très retenu, avec une longueur de souffle et une progression étonnantes, est un moment fort, que chacun attend. Il faut souligner non seulement leurs qualités de cohésion, d’équilibre, d’articulation et de puissance, mais aussi leur présence dramatique, pleinement convaincante.

Quatre des solistes de la distribution lilloise, comme le chef,  continuent de servir l’ouvrage. Commençons donc par les « nouveaux ». Zaccaria est Sergey Artamonov, grand baryton, qui donne à son personnage toute l’autorité du prophète dans les premiers actes, pour redevenir un homme sensible et bon lorsqu’il accompagne Fenena au martyre. Les graves sont amples, le legato splendide : le Sarastro de Verdi. Malgré la similitude de la tessiture avec celle de Nabucco, la caractérisation vocale est idéale, qui permettrait de les distinguer à l’aveugle en ne comprenant pas le livret. Sa prière, avant le chœur des Lévites, puis la prophétie, héroïque, sont deux moments forts. Valentin Dytiuk chante Ismaele, l’amant de Fenena. C’est un beau ténor dont on apprécie particulièrement le trio du premier acte. Florian Cafiero, autre ténor, Abdallo, n’intervient ponctuellement qu’aux deux derniers actes, Anna est la sœur du prophète, Anne-Cécile Laurent lui prête son timbre pur et clair. Tous ces seconds rôles sont crédibles et confiés à de solides voix, en adéquation avec les personnages.

 
 

 
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Evidemment, le rôle-titre retient toutes les attentions. Il exige des moyens superlatifs et une expression dramatique juste, de la puissance impérieuse du despote aux affres du père bafoué, en passant par la folie. Nikoloz Lagvilava a toutes les qualités requises et campe un émouvant Nabucco. La voix est sonore, projetée, aux aigus clairs comme aux graves profonds. Chacune de ses interventions est un moment fort. Il en va de même de l’Abigaïlle que vit la grande Mary Elizabeth Williams. Phénomène vocal autant qu’immense tragédienne, c’est un bonheur constant, car sa technique éblouissante lui permet de se jouer de toutes les difficultés de son chant orné, mais aussi de construire un personnage ambivalent, fascinant. La Fenena de Victoria Yarovaya, seule mezzo de la distribution, aux graves soutenus avec des aigus aisés, donne toute la douceur requise à la cavatine comme la violence passionnée, attendue. La digne fille de son père. Enfin, rôle mineur, le Grand prêtre de Baal est chanté par une basse impressionnante, Alessandro Guerzoni. Les nombreux ensembles qu’écrit Verdi sont remarquablement servis : le deuxième acte s’achève par un final d’anthologie.

L’Orchestre Dijon Bourgogne, que dirigeait déjà  Robert Rizzi Brignoli pour un extraordinaire Boccanegra, donne toute sa mesure sous la direction de ce grand verdien. Dès l’ouverture – un peu occultée par la belle chorégraphie simultanée – on sait qu’un grand Verdi sera là. Puissant, tonitruant comme subtil, élégiaque, il donne le meilleur de lui-même.

Le public, malgré la transposition et la richesse de la mise en scène, fait un triomphe aux interprètes. Que demander de plus ?

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Compte rendu opĂ©ra. Dijon,  Auditorium, le 15 novembre 2018. Verdi, Nabucco. Roberto Rizzi Brignoli / Marie-Eve Signeyrole. Nikoloz Lagvilava, Mary Elizabeth Williams, Sergey Artamonov, Victoria Yarovaya. CrĂ©dit photographique © Gilles Abbeg – OpĂ©ra de Dijon /  Nabucco – OpĂ©ra de Lille © FrĂ©dĂ©ric Iovino.

 

 
 

 

Compte-rendu critique, opéra. LYON, le 5 nov 2018. VERDI : Nabucco, Orch de l’Opéra de Lyon, Daniele Rustioni.

verdi-hompeage-portrait-grand-portrait-classiquenews-582Compte rendu critique, opéra. LYON, Auditorium, le 5 novembre 2018. Giuseppe VERDI, Nabucco, Orchestre de l’opéra de Lyon, Daniele Rustioni. Prolongement heureux du Festival Verdi de la saison dernière, le Nabucco dirigé par Rustioni en version de concert était très attendu, après la réussite exemplaire, en version concert et dans les mêmes lieux, d’Attila, chronologiquement proche du premier triomphe verdien. Casting de grande classe, malgré une légère déception pour le rôle-titre.

Un Nabucco bouillonnant voire anthologique

Initialement prévu, le vétéran Leo Nucci que nous avions vu à la Scala la saison dernière, a dû déclaré forfait pour raisons de santé ; remplacé par le Mongol Amartuvshin Enkhbat, celui-ci enchante par une musicalité indéfectible et une diction remarquable, mais déçoit par une langueur pataude et un manque cruel de charisme ; il se rattrape néanmoins au début du quatrième acte, et la scène de la prison est un grand moment de théâtre. Le reste de la distribution confine à la perfection. Anna Pirozzi est une Abigaille impressionnante d’aisance et de justesse, loin des clichés belcantistes dans lesquels était tombée, à la Scala, une Martina Serafin indigeste. Dans son grand air du second acte (« Ben io t’invenni »), elle est proprement prodigieuse, d’une exceptionnelle amplitude vocale, et émeut aux larmes lors de sa prière finale. Grand Zaccaria également sous les traits de Riccardo Zanellato qui dès son air d’entrée déploie un timbre de bronze d’une grande homogénéité culminant dans la grande prophétie du troisième acte (« Oh chi piange »). L’entrée en scène de l’Ismaele de Massimo Giordano a suscité quelque frayeur (voix poussive, problèmes répétés de justesse), mais s’est excellemment repris par la suite et son style, par trop « puccinien » aux accents excessivement passionnés, s’est révélé enfin pleinement verdien. Le rôle de Fenena n’est pas aussi développé que celui d’Abigaille, mais il est magnifiquement défendu par la mezzo albanaise solidement charpentée d’Enkelejda Shkoza, voix d’airain aux mille nuances, une des belles et grandes découvertes de la soirée (superbe prière « O dischiuso è il firmamento »). Les trois autres rôles secondaires sont impeccablement tenus, en particulier le Grand prêtre de Martin Hässler, voix solide superbement projetée ; si le joli timbre du ténor Grégoire Mour, un habitué de la maison, n’est pas à proprement parler une grande voix, sa diction et son sens musical sont sans reproche, tout comme l’Anna délicate d’Erika Balkoff qui complète avec bonheur une distribution de haute tenue.
Nabucco est aussi et d’abord un grand opéra choral et, une fois de plus, les forces de l’opéra de Lyon, cornaquées par Anne Pagès, ont livré une interprétation magistrale, en particulier dans les deux chœurs célèbres (« à l’Assiria una regina » et « Va pensiero ») dont la l’impeccable lecture restera gravée dans les mémoires. Mais le grand vainqueur de la soirée est encore l’incroyable direction de Daniele Rustioni magistral dès l’ouverture, bouillonnante, nerveuse mais sans excès, révélant avec une précision entomologique et une grande lisibilité les contrastes et la variété des pupitres, dont le concentré d’énergie parvient à faire oublier la relative pauvreté harmonique et le côté parfois naïf de l’orchestration du jeune Verdi. Au final, malgré d’infimes réserves, un Nabucco d’anthologie.

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Compte-rendu. Lyon, Auditorium, Giuseppe Verdi, Nabucco, 05 novembre 2018. Amartuvshin Enkhbat (Nabucco), Massimo Giordano (Ismaele), Riccardo Zanellato (Zaccaria), Anna Pirozzi (Abigaille), Enkelejda Shkoza (Fenena), Grégoire Mour (Abdallo), Erika Baikoff (Anna), Martin Hässler (Il Gran Sacerdote), Anne Pagès (chef de chant), Orchestre, Chœurs et Maîtrise de l’opéra de Lyon, Daniele Rustioni (direction).

MILAN, Scala : ATTILA de VERDI

VERDI_442_Giuseppe_Verdi_portraitARTE, le 7 dĂ©c 2018, 22h20. VERDI : ATTILA. En direct (ou presque) de La Scala de Milan, l’opĂ©ra de verdi créé Ă  la Fenice de Venise le 17 mars 1846, ouvre ainsi sur le petit Ă©cran mais en direct, la nouvelle saison du théâtre scaligène. On sait combien le librettiste de dĂ©part Solera, qui pourtant dut partir avant de livrer la fin de l’intrigue, se brouilla avec Verdi : celui ci commanda Ă  Piave, un nouveau final, non pas un chĹ“ur comme le voulut Solera, mais un ensemble (et quel ensemble! : un modèle du genre). Du nerf, du sang, du crime… le premier Verdi semble s’essayer Ă  toutes les ficelles du drame sanglant et terrible. Au Vè siècle, la ville d’AquilĂ©e près de Rome, (au nord de l’Adriatique) fait face aux invasions des Huns et Ă  la superbe conquĂ©rante d’Attila (basse). Ce dernier, cruel et barbare en diable, refuse toute entente pacifique avec le romain Ezio (baryton) ; c’est pourtant ce dernier qui a l’étoffe du hĂ©ros, patriote face Ă  l’ennemi Ă©tranger (« Tu auras lâ€univers, mais tu me laisses l’Italie » / une dĂ©claration qui soulève l’enthousiasme des spectateurs de Verdi, Ă  quelques mois de la RĂ©volution italienne…)

Au I : Attila marche sur Rome, mais frémit devant l’Ermite dont il a rêvé la figure… cependant que parmi les vaincus, Foresto (ténor) rejoint la fière Odabella (soprano) qui entend se venger des Huns, arrogants, victorieux…
Au II : Attila défie Ezio qui proteste vainement ; tandis que, coup de théâtre, Odabella déjoue la tentative d’empoisonnement d’Atiila par Foresto : elle épouse même le vainqueur Attila…
Au III : Odabella qui n’en est pas à une contradiction près, se repend, rejoint Foresto et tue son époux Attila, tandis que les troupes romaines menées par Ezio, le sauveur, attaquent les Huns…

Sans vraiment de profondeur encore, ni d’ambivalence ciselée, (cf la manière avec laquelle, les épisodes et les situations se succèdent au III), les personnages d’Attila ne manquent pas cependant de noblesse ni de grandeur voire de noirceur trouble (comme Attila, dévoré par les songes et les rêves au I, préfiguration des tourments de Macbeth). Le protagoniste ici est une femme, soprano aux possibilités étendues digne d’Abigaille (Nabucco) : ample medium, belcanto mordant, à la fois raffiné et sauvage… comme la partition de ce Verdi de la jeunesse.

A Milan, sur les planches de La Scala, Riccardo Chailly dirige les forces locales, et la basse Ildar Abdrazakov incarne Attila, sur les traces du légendaire Nicolai Ghiaurov dans le rôle-titre… (Davide Livermore, mise en scène)

distribution :
Attila : Ildar Abdrazakov
Odabella : Saioa Hernández
Ezio : George Petean
Foresto: Fabio Sartori
Uldino : Francesco Pittari
Leone : Gianluca Buratto

Plus d’infos sur le site de la Scala de Milan / Teatro alla Scala :
http://www.teatroallascala.org/en/index.html

Nabucco de Verdi (1842)

VERDI_442_Giuseppe_Verdi_portraitFrance Musique, Dim 18 nov 2018,19h30. VERDI : NABUCCO. NABUCCO, premier sommet lyrique de jeunesse… et grand triomphe pour le jeune Verdi… Il inscrit le drame biblique mésopotamien dans l’Italie du Risorgimento ; le peuple opprimé des hébreux à Babylone, s’identifiant naturellement dans l’esprit des spectateurs italiens de la première, aux compatriotes opprimés par les Autrichiens (cf le chœur célèbrissime « Va pensiero »). Dans le chant verdien, le peuple italien a trouvé l’hymne de toute une nation unifiée, rassemblée contre l’occupant autrichien… Avec Nabucco qui devint hymne de ralliement des libertaires patriotes italiens, Verdi remporta le premier grand succès de sa carrière (création à La Scala de Milan en 1842) et depuis, cultiva un lien viscéral, indissoluble avec le peuple italien.

 

 

ASSYRIENS CONTRE HEBREUX…  Pas encore trentenaire (29 ans), Verdi a bien ficelé sa fresque biblique. Au souffle de l’histoire antique mésopotamienne, il associe une intrigue amoureuse, éprouvée, … Synopsis. ACTE I. A Babylone, les Assyriens menés par Nabuchodonosor ont vaincu les hébreux. Autour d’Ismael, fils du roi de Jérusalem, s’affrontent les deux personnages féminins : Fenena, fille de Nabucco et captive des juifs, et Abigaille, elle aussi amoureuse (mais sans retour) d’Ismael. ACTE II : alors que Fenena se convertit à la religion juive, son père, Nabucco, saisi d’orgueil, est foudroyé après s’être comparé à Dieu. Abigaille en profite pour s’emparer de la couronne de Babylone : elle devient Reine des Assyriens. ACTE III : Abigaille trompe Nabucco affaibli et obtient de lui l’ordre royal qui condamne à mort tous les juifs (Fenena avec eux puisqu’elle s’est convertie). Ceux ci paraissent déjà enchainés (Va Pensiero) cependant que leur grand prêtre Zaccaria annonce la vengeance divine. ACTE IV : Nabucco reprend ses esprits et comprend l’intrigue d’Abigaille contre Fenena : il implore alors le dieu des juifs (Dio di Giuda) ; un prodige a lieu : la statue de Baal se renverse. Saisi Nabucco ordonne la libération des hébreux. Abigaille se repent et se suicide (Su me morente). Fenena peut s’unir à Ismael.

 

verdi_582_face_portrait_boldiniL’opéra du jeune Verdi surprend et convainc par son efficacité dramatique. La force des tableaux, les passions contrariées, façonnent un drame terrible et parfois sauvage. Le compositeur peint admirablement l’épaisseur crédible des personnages : Nabucco, vrai baryton verdien, d’abord fou de pouvoir et d’une arrogance suicidaire, puis père aimant, protecteur (envers Fenena) ; sa (fausse) fille, Abigaille, monstre ambitieux, prête à tout pour posséder la couronne assyrienne ; puis âme défaite, dévoré par la culpabilité. Verdi offre à un baryton et une mezzo sombre, deux rôles magnifiques.

 

 

 

 

 

 

Concert donné le 9 novembre 2018 à 20h au TCE, à Paris

Giuseppe Verdi : Nabucco

opĂ©ra en quatre actes de Giuseppe Verdi sur un livret de Temistocle Solera (d’après le drame “Nabuchodonosor” d’Auguste Anicet-Bourgeois et Francis Cornu)

 

 

 

distribution :

 

Leo Nucci, baryton, Nabucco, roi de Babylone – remplacĂ© par Amartuvshin Enkhbat

Anna Pirozzi, soprano, Abigaïlle, esclave, présumée fille de Nabucco

Massimo Giordano, ténor, Ismaël, neveu du roi des Hébreux

Riccardo Zanellato, basse, Zaccaria, Grand prêtre de Jérusalem

Enkelejda Shkoza, mezzo-soprano, Fenena, fille de Nabucco

Choeur de l’OpĂ©ra National de Lyon

Orchestre de l’OpĂ©ra National de Lyon

Direction : Daniele Rustioni

 

 

 

A NOTER :

Belle fortune de Nabucco Ă  l’affiche de lâ€opĂ©ra de Vichy (11 nov, 15h)

Avec en remplacement de Leo Nucci, vĂ©tĂ©ran gĂ©nial dans le rĂ´le-titre, Amartuvshin Enkhbat. NĂ© en 1986 Ă  Sukhbaatar en Mongolie et nommĂ© par son pays “artiste d’honneur” Ă  24 ans, le baryton Amartuvshin Enkhbat est soliste principal de l’OpĂ©ra d’État d’Oulan-Bator.

 

 

COMPTE-RENDU, opéra. VICTORIA (Gozo, Malte), le 25 oct 2018. VERDI : La Traviata. Cauchi, Aniskin, Stinchelli, Walsh.

COMPTE RENDU, opéra. GOZO (Malta), Teatru Astra, le 25 oct 2018. VERDI : La Traviata. L’OPERA comme expérience collective et populaire. Ce n’est rien d’écrire que l’opéra à Gozo, à travers l’offre de ses 2 théâtres lyriques à Victoria rayonne d’un éclat particulier. Ainsi dans la salle du théâtre (Teatru) Astra : le genre est unanimement adopté par tous. Immédiatement ce qui saisit le mélomane amateur d’opéras, habitués des salles européennes, c’est l’ambiance bon enfant et ce goût partagé naturellement par tous pour l’expérience lyrique. L’implication est au cœur de chaque représentation car à l’occasion de ce « festival d’opéras » (festival méditerranéen / Festival Mediterranea à Victoria, sur l’île de Gozo, la seconde de l’archipel maltaise) qui a lieu chaque mois d’octobre dans la ville de Victoria, le nombre de bénévoles, incluant une grande communauté de locaux, reste constant, en ferveur, en générosité, en participation surtout : nombre d’habitants sont figurants, choristes, personnel de salle… autant d’initiatives qui contribuent à renforcer ce lien social qui manque tant en France. Et qui fait du concert, de l’opéra : une célébration du collectif. La culture, ciment du vivre-ensemble et de la curiosité vers les autres, voilà une vertu que l’on redécouvre dans l’Hexagone, mais qui est depuis l’après-guerre à Victoria, une activité naturelle défendue avec passion.

De fait, nul ne s’étonne dans la salle, Ă  quelques minutes avant le spectacle, de la ferveur d’un public très passionnĂ© qui applaudit spontanĂ©ment Ă  chaque fin d’air et de tableau collectif. La chaleur se transmet du parterre Ă  la scène ; un encouragement permanent pour les solistes qui chantent leur duo sur un praticable devant la fosse d’orchestre et Ă  quelques centimètres des premiers spectateurs. Cette proximitĂ© ajoute Ă  l’intensitĂ© de la reprĂ©sentation.

 
 

 
 

L’opĂ©ra Ă  Gozo (Malte)

La fièvre du lyrique intacte au Teatru Astra de Victoria

 

 

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D’emblée, le cadre intime du Teatru ASTRA, offre une bonne acoustique qui permet de beaux équilibres entre solistes, orchestre et chœur.

Ce soir sur les terres du tĂ©nor vedette, vĂ©ritable trĂ©sor national vivant et ambassadeur de la culture maltaise, Joseph Calleja, c’est une soprano native qui chante le rĂ´le-titre : Miriam Cauchi. La cantatrice maltaise n’a certes pas des trilles prĂ©cises mais la chaleur du timbre et la justesse de l’intention font une Violetta particulièrement digne et Ă©mouvante. Elle n’a pas le physique ni la jeunesse du personnage (du reste qui pourrait chanter Ă  17 ans un rĂ´le qui exige tant de la chanteuse comme de l’actrice?), mais Miriam Cauchi sait soigner un chant crĂ©dible, incarnĂ©, qui reste, vertu de plus en plus, mesurĂ© (combien d’autres divas en mal d’effets dĂ©monstratifs, cultive un vĂ©risme hors sujet chez Verdi).

Face Ă  elle, Alfredo ne manque pas d’aplomb ; le tĂ©nor italien Giulio Pelligra a de la vaillance Ă  revendre trop peut ĂŞtre car dans ses duos avec sa partenaire, davantage d’Ă©coute de l’autre, plus de dolcezza suave auraient mieux rĂ©ussi ce qui doit exprimer la magie enivrĂ©e de leur première rencontre (au I, par exemple, pour le Brindisi final)…

 

 

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Reste l’excellent Germon père du baryton russe Maxim Aniskin qui est la vedette de la soirĂ©e tant sa prestation suscite bien des Ă©loges ; le style, la noblesse humaine, la finesse vocale de sa caractĂ©risation illustrent idĂ©alement le type du baryton verdien (il a la voix et la couleur pour chanter Boccanegra) ; l’acteur clarifie l’évolution du personnage Ă  travers sa prĂ©sence Ă  l’acte II : il est d’abord conquĂ©rant, sĂ»r et inflexible, puis au contact de la pĂ©cheresse qu’il est venu sermonner et vĂ©ritablement sacrifier (pour l’honneur familial), père Ă©mu, âme noble et compatissante, saisi par la dignitĂ© sacrificielle de Violetta, cette courtisane magnifique, qui accepte de rompre avec Germont fils.

Dans le duo avec Violetta, lui troublĂ©, Ă©mu, compassionnel / elle, Ă©perdue, blessĂ©e-, le chanteur arrondit les angles, caresse chaque nuance de sa partie, s’enlace vĂ©ritablement au chant de la soprano; sans jamais la couvrir trop ; une telle musicalitĂ© accordĂ©e Ă  l’autre est exemplaire et donne enfin Ă  entendre ce chant chambriste si fin et nuancĂ© ; proche du théâtre et qui doit beaucoup au bel canto bellinien.
Puis son grand air où il sermonne cette fois son fils en le rappelant à plus de maîtrise et de sagesse est légitimement plébiscité : le soliste est un immense interprète, dans le style, la nuance. Un régal lyrique.

De son cĂ´tĂ©, l’Orchestre Symphonique de Malte, sous la direction de Philip Walsh, veille Ă  la couleur et au caractère de chaque acte : brillant au I ; plus contrastĂ© au II (entre le sacrifice et le renoncement de Violetta, et son humiliation publique Ă  Paris) ; tragique, intimiste, crĂ©pusculaire au III. C’est au final une production nouvelle (commande du Teatru Astra) qui rĂ©alise alors un spectacle prenant, poĂ©tiquement juste avec des solistes de haut vol, plutĂ´t convaincants. Il n’y a aucun doute : la tradition de l’opĂ©ra est flamboyante Ă  Gozo, et ses manifestations, comme en cet automne 2018, particulièrement sĂ©duisantes. Rendez-vous est dĂ©jĂ  pris pour l’automne 2019.

 

 

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COMPTE-RENDU, opéra. VICTORIA (Gozo, Malte), le 25 oct 2018. VERDI : La Traviata. Cauchi, Aniskin, Stinchelli, Walsh.

distribution

Violetta Valéry : Miriam Cauchi (Soprano)
Alfredo Germont : Giulio Pelligra (Tenor)
Giorgio Germont : Maxim Aniskin (Baritone)
Flora Bervoix : Oana Andra (Mezzo-soprano)
Philip Walsh, direction. Enrico Stinchelli, mise en scène.
Orchestre Philharmonique de Malte / MPO Malta Philharmonic Orchestra, choeurs du Festival Méditerranée de Gozo.

 

  

 

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Compte-rendu, opéra. PALERME, 16 oct 2018. VERDI : Rigoletto, Teatro Massimo. Stefano Ranzani / John Turturro

Compte-rendu, opĂ©ra. PALERME, 16 oct 2018. VERDI : Rigoletto, Teatro Massimo. Stefano Ranzani / John Turturro… Les femmes y sont rĂ©duites Ă  des objets de convoitise, les courtisanes, Ă©videmment, mais aussi Gilda, Maddalena, Giovanna comme la Comtesse de Ceprano. L’histoire du Roi s’amuse, reprise par Piave et Verdi, est connue. Gilda est broyĂ©e entre l’amour possessif et oppressif de son père et son premier amour pour un libertin dĂ©bauchĂ©. Mais le personnage essentiel, qui a donnĂ© son nom Ă  l’opĂ©ra, est bien Rigoletto, le bouffon complice du dĂ©pravĂ© duc de Mantoue. Ironie du sort, l’instigateur de l’enlèvement de la Comtesse de Ceprano sera celui de sa propre fille. Fascinant par les multiples composantes de sa personnalitĂ©, complexĂ© par sa difformitĂ©, amuseur cynique, entremetteur, Triboulet-Rigoletto est aussi un père aimant, qui nous Ă©meut par ses souffrances.

 
 

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Le Teatro Massimo de Palerme, pour cette nouvelle production, a fait appel Ă  John Turturro, dont le nom est attachĂ© au cinĂ©ma, qui rĂ©alise ici sa première incursion dans le domaine lyrique. Brillante et sobre, humble, propre Ă  satisfaire tous les publics, sa mise en scène respecte les cadres souhaitĂ©s par Piave et Verdi , sans pour autant tomber dans une reconstitution datĂ©e. Classique, mais jamais redondante, c’est toujours un plaisir pour l’oeil. Le premier acte se dĂ©roule dans un palais Ă  l’abandon. Quelques uns des cadres monumentaux qui ornent le mur de fond de scène sont tombĂ©s, l’un d’eux est brisĂ©. La dĂ©construction lente du monde rĂ©aliste va concentrer l’attention sur les personnages. Le castellet de la chambrette oĂą Gilda est recluse, comme le bouge de Sparafucile et Maddalena, d’un rĂ©alisme cru, s’oublient vite, comme le recours frĂ©quent Ă  l’opacitĂ© des fumĂ©es qui captent la lumière.

 
   
 

Un opéra des hommes ?

 
 
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L’ensemble fonctionne. Les costumes portent la marque d’une aristocratie ancienne, sans pour autant ĂŞtre datĂ©e. Leur beautĂ©, sans ostentation, leur simplicitĂ©, leur caractĂ©risation, qui permet d’identifier chacun des personnages, tout concourt Ă  la comprĂ©hension du drame dont nous sommes les tĂ©moins. Le choix des couleurs n’y est pas Ă©tranger. Ainsi le rouge de la cape de Monterone, qui porte la malĂ©diction, se retrouve-t-il dĂ©voilĂ© progressivement lorsque Gilda va mourir dans les bras de son père. Jamais la moindre vulgaritĂ©, malgrĂ© la dĂ©bauche du Duc et de ses compagnons, malgrĂ© la violence de telle scène. Le melodramma n’est pas du grand guignol. La direction d’acteur, particulièrement soignĂ©e, respecte le naturel tout en composant des ensembles plus beaux les uns que les autres. A cet Ă©gard, il faut souligner la participation opportune du corps de ballet, aux deux premiers actes, qui s’intègre habilement Ă  la suite du Duc.
Plusieurs distributions sont offertes, dont les premiers rĂ´les se combinent, pour les huit reprĂ©sentations (en 9 jours). Rigoletto connaĂ®t ainsi trois de ses meilleurs interprètes : Leo Nucci, dont la santĂ© physique et vocale force l’admiration, George Petean et Amarturshwin Enkhbat, le benjamin dĂ©jĂ  consacrĂ©. Ce sera ce dernier que nous Ă©couterons, avec Ruth Iniesta en Gilda, et Ivan Ayon Rivas comme Duc de Mantoue. Singulièrement, aucun chanteur italien pour les trois premiers rĂ´les, mais, rassurons-nous : leur italien est en tous points parfait et les chanteurs de la pĂ©ninsule se partagent les dix autres rĂ´les. La distribution de ce soir se distingue par sa jeunesse et son engagement.
Enkhbat Amartuvshin est un baryton mongol, consacrĂ© par de nombreux et prestigieux prix. Familier du rĂ´le sur les grandes scènes italiennes, il est peu connu en France, oĂą on finira bien par le dĂ©couvrir. Sa voix est sonore, colorĂ©e et trouve toutes les inflexions pour traduire toutes les expressions du personnage. L’aigu est facile, puissant sans jamais sentir l’effort, le legato admirable, assorti d’un phrasĂ© noble et d’une Ă©mission oĂą la plainte est sincère. Un très grand baryton verdien, du plus haut niveau. Ses qualitĂ©s dramatiques nous valent un Rigoletto crĂ©dible, juste et Ă©mouvant. Ivan Ayon Rivas, tĂ©nor pĂ©ruvien, a la prestance, la projection, les aigus faciles qui lui permettent de camper un Duc de Mantoue, assurĂ©, sĂ©ducteur et jouisseur dĂ©sinvolte. La voix est puissante, jeune, lumineuse. Son physique de jeune premier renforce sa crĂ©dibilitĂ© dramatique. « La donna è mobile », a la vaillance attendue. Le « Questa o quella », morceau de bravoure, soulève l’enthousiasme. Gilda est espagnole. Ruth Iniesta, a la lĂ©gèretĂ©, la fraĂ®cheur, l’agilitĂ© et les colorature qui font oublier les caricatures que donnent certaines sopranos dramatiques de cette adolescente. Son « Caro nome », oĂą elle rĂŞve de son bien-aimĂ© Gualtier MaldĂ©, traduit Ă  merveille sa puretĂ© comme sa sensualitĂ© naissante. Luca Tittolo, le tueur Ă  gages Sparafucile, est remarquable et fait forte impression. La voix est ample, profonde, tranchante et agile, sa large tessiture lui permet une aisance constante. Le beau contralto de Martina Belli et son physique Ă  ensorceller le diable nous valent une Maddalena plus vraie que nature. La voix est sonore, chaude, corsĂ©e. On regrette presque que Verdi attende les ensembles du dernier acte pour nous l’offrir. Aucune faiblesse n’est Ă  relever dans les seconds rĂ´les que l’on ne dĂ©taillera pas. Les choeurs sont superbes d’aisance vocale et dramatique, de cohĂ©sion et de prĂ©cision.

 
 
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C’est Ă  Stefano Ranzani, grand chef lyrique dont le nom est attachĂ© Ă  celui de Verdi, que l’on doit ce grand moment d’Ă©motion partagĂ©e. Familier de l’oeuvre, dont il connaĂ®t chaque phrase comme la construction dramatique, il nous offre un modèle de direction, fine, racĂ©e, intense. Tout est lĂ , les progressions, les textures, les phrasĂ©s, avec une attention portĂ©e Ă  chacun. On imagine le plaisir des interprètes Ă  chanter et jouer sous sa conduite. Le geste, clair, prĂ©cis, dĂ©monstratif, est efficace, sĂ©curisant dans son accompagnement de chacun, mais surtout communique une incroyable Ă©nergie qui nous vaut la plus large palette de nuances, assorties d’une Ă©lĂ©gance rare.
Une captation de cette réalisation exceptionnelle est visible sur OperaVision, avec un autre trio de solistes (Georges Petean, Stefan Pop et Maria Grazia Schiavo), moins jeunes, mais tout aussi valeureux.
La production migrera au Teatro Regio de Turin, Ă  l’opĂ©ra de Shanxi, puis Ă  l’OpĂ©ra Royal de Wallonie-Liège, coproducteurs. A ne pas rater !

 
   
 

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Compte-rendu, opéra. PALERME, 16 oct 2018. VERDI : Rigoletto, Teatro Massimo. Stefano Ranzani / John Turturro

 
   
 

Compte rendu, opéra. Orange, Chorégies, le 3 août 2016. Verdi : La Traviata par Ermonela Jaho. Triomphe de la soprano albanaise au Théâtre Antique d’Orange…

Compte rendu, opéra. Orange, Chorégies, le 3 août 2016. Verdi : La Traviata par Ermonela Jaho. Triomphe de la soprano albanaise au Théâtre Antique d’Orange…

TENDRE ET TRAGIQUE … Comme dans le cas de Butterfly ou Tosca, c’est toujours la musique qui fixe dans l’imaginaire collectif une œuvre tirée du roman ou du théâtre, ici, des deux. Remarquons que, même avec Greta Garbo et Robert Taylor, le film de George Cukor, Le Roman de Marguerite Gautier, de 1936, considéré comme un chef-d’œuvre, n’est plus qu’une curiosité pour cinéphiles. En revanche, le fameux air du champagne, « Libiam ! » et l’air de Violetta « Sempre libera… » sont sûrement connus même de gens ne mettant jamais les pieds à l’opéra. Puissance de la musique qui a donné une forme définitive au drame humain de la fille de joie à grand prix achetée, perdue et sauvée, rachetée par l’amour.

 

 

 

La courtisane historique

 

 

VERDI_402_Giuseppe-Verdi-9517249-1-402FatalitĂ© des reprises des Ĺ“uvres phare du rĂ©pertoire lyrique, nous voilĂ  encore Ă  reprendre, mais enrichie, l’aventure de cette traviata, ‘dĂ©voyĂ©e’, sortie de la voie’, de la bonne voie s’entend, de cette Violetta ValĂ©ry verdienne tirĂ©e du roman autobiographique La Dame aux camĂ©lias (1848) d’Alexandre Dumas fils : il en fera un mĂ©lodrame en 1851, qui touchera Verdi. C’est sa musique qui fixe dans l’imaginaire collectif le drame humain de la courtisane rĂ©dimĂ©e par l’amour. De son vrai nom Rose Alphonsine Plessis dite Marie Duplessis (1824-1847),puis tout de mĂŞme comtesse de PerrĂ©gaux par son mariage Ă  Londres, un an avant sa mort, avec un jeune amant noble qui ne l’abandonnera jamais, et lui offrira mĂŞme, arrachant son corps Ă  la fosse commune des indigents, le tombeau, toujours fleuri, que l’on peut voir au cimetière de Montmartre, inspire Ă  Dumas fils, amant de cĹ“ur, le personnage de Marguerite Gautier qu’il fait entrer dans la lĂ©gende. Après une enfance misĂ©rable et divers petits mĂ©tiers, dĂ©jĂ  cĂ©lèbre Ă  seize ans, contrairement Ă  tant d’autres de ses consĹ“urs, elle avait appris Ă  lire et Ă  Ă©crire, s’Ă©tait Ă©duquĂ©e mondainement et cultivĂ©e et tenait mĂŞme un salon frĂ©quentĂ© par des artistes et des Ă©crivains, dont Gautier et pas moins que Liszt, elle fut sa maĂ®tresse, il envisageait de vivre avec elle : dans une lettre elle le supplie de la prendre avec lui dans une de ses tournĂ©es qui l’amenait en Turquie. Par sa grâce et ses grâces, c’Ă©tait une maĂ®tresse que l’on pouvait afficher sans honte dans le demi-monde sinon le monde, entretenue luxueusement par des amants qui se la disputaient, arborant dans ses cheveux dans sa loge au théâtre ou en calèche au Bois, dit-on, le fameux camĂ©lia blanc, signal des jours « ouvrables » pour les clients et rouge pour les jours d’indisposition fĂ©minine, ou pour les amateurs. Elle meurt Ă  vingt-trois ans de tuberculose, criblĂ©e de dettes, et le roman de Dumas fils commence par la vente aux enchères de ses biens, ses meubles (il lui en restait assez) pour dĂ©frayer ses crĂ©anciers. Le jeune et (relativement) pauvre Alexandre, son amant durant un an, offrira plus tard Ă  Sarah Bernhardt, pour la remercier d’avoir assurĂ© le triomphe mondial de sa pièce, sa lettre de rupture avec celle qu’on appelait la Dame aux camĂ©lias, dont il rĂ©sume l’un des aspects cachĂ©s du drame vĂ©cu :

«  Ma chère Marie, je ne suis pas assez riche pour vous aimer comme je voudrais, ni assez pauvre pour être aimé comme vous voudriez… »

Ne pouvant ni l’entretenir, ni être entretenu par elle, il deviendra célèbre et riche avec son drame qui raconte le sacrifice de la courtisane ruinée, exigé par le père de son amant, redoutant que les amours scandaleuses de son fils avec une poule de luxe ne compromettent le mariage de sa fille dans une famille où la morale fait loi. Et l’argent : on craint que le fils prodigue ne dilapide l’héritage familial en cette époque, où le ministre Guizot venait de dicter aux bourgeois leur grande morale : « Enrichissez-vous ! » Bourgeoisie triomphante, pudibonde côté cour mais dépravée côté jardin, jardin même pas très intérieur, cultivé au grand jour des nuits de débauche officielles avec des « horizontales », des hétaïres, des courtisanes ou de pauvres grisettes ouvrières, affectées (et infectées) au plaisir masculin que les messieurs bien dénient à leur femme légitime.

 

 

 

RÉALISATION

 

 

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DĂ©jĂ  « vĂ©riste », naturaliste par un sujet contemporain qui fit scandale, rĂ©aliste donc par le thème mais dĂ©rĂ©alisĂ©e par une musique belcantiste virtuose et une langue littĂ©raire dont les tournures concises et recherchĂ©es frĂ´lent la prĂ©ciositĂ© baroque, bourrĂ©e d’hyperbates, des renversements de l’ordre syntaxique naturel (« D’Alfredo il padre in me vedete », ‘D’Alfred en moi le père voyez’ , « Dunque in vano trovato t’avró », ‘Donc, en vain trouvĂ© je t’aurai’, « Conosca il sacrifizio/ Ch’io consumai d’amore », ‘Qu’il connaisse le sacrifice/ Que je consommai d’amour’, etc), La traviata, malgrĂ© deux scènes de fĂŞte, est un opĂ©ra intimiste et semble s’opposer aux grands dĂ©ploiements exigĂ©s par le gigantisme du théâtre antique. Diego MĂ©ndez Casariego qui, avec de sobres et funèbres costumes noirs, en signe la scĂ©nographie, s’en tire par une Ă©lĂ©gante solution : un miroir, symbole de l’intime, de l’interrogation sur soi, de l’introspection, d’autant plus chez une femme dont les appas sont le fonds de commerce, est portĂ© ici Ă  l’Ă©chelle du lieu, immense, occupe sans encombrer le fond de la scène, le fameux mur. BrisĂ© comme un rĂŞve trop grand dont les dĂ©bris jonchent le sol, avec un centre obscur pour une traversĂ©e des apparences, un passage symbolique de l’autre cĂ´tĂ© du miroir, de la vie, il a un cadre dorĂ© Ă©galement ruinĂ©, dont des morceaux, en perspective de fuite, figurent une scène dans la scène, théâtre du monde, du demi-monde et sa vanitĂ© des vanitĂ©s : des lustres luxueux projetĂ©s sur la glace et les murs sont la mesure des fastueuses fĂŞtes, juste des reflets donc, mais, Ă  jardin, un vrai lustre Ă©croulĂ© au milieu de chaises Second Empire dorĂ©es au siège de velours rouge occupĂ©es par des hommes en noir et, Ă  cour, un massif, un parterre de fleurs blanches (des camĂ©lias?), est comme une tombe future autour de laquelle tournoient des femmes aussi en noir. Au milieu du plateau trĂ´ne une mĂ©ridienne noire, lit de repos dĂ©jĂ  Ă©ternel : cercueil. Cet ensemble Ă©purĂ© et symbolique semble, Ă  l’Ă©chelle près, un allĂ©gorique dĂ©cor d’austère autocramental espagnol, une VanitĂ© baroque. Des projections d’arbres allègeront la charge funèbre globale pour l’acte II et le rĂŞve de survie de la fin. De simples Ă©charpes rouges pour les dames et des Ă©ventails Ă©gayeront la fĂŞte de l’acte III, Ă©vacuant avec Ă©lĂ©gance le ridicule habituel de la scène des grotesques toreros. C’est d’un raffinement d’Ă©pure.

La mise en scène de Louis DĂ©sirĂ© s’y glisse, s’y coule, avec la beautĂ© sans surcharge d’une Ă©lĂ©gance noble, sans simagrĂ©es ni gestes outrĂ©s, qui joue avec une Ă©motion contenue, sur la tendresse qui lie les personnages, mĂŞme le père odieux en gĂ©nĂ©ral, ici Ă©mouvant d’affection filiale pour elle qui pourrait ĂŞtre sa fille. Leur comprĂ©hension mutuelle est touchante, humainement vraie dans un juste jeu d’acteurs, comme la caresse et la gifle au fils.

Dès l’ouverture animĂ©e, la foule noire se presse et oppresse Violetta seule dans « ce populeux dĂ©sert appelĂ© Paris », singularisĂ©e par sa robe rouge, dĂ©signĂ©e victime d’un sacrifice Ă  venir. MĂŞme le fameux et joyeux « brindisi » enserre les hĂ©ros qui ne semblent jamais Ă©chapper, hors la parenthèse de la campagne, Ă  l’omniprĂ©sent et pesant regard du monde sur leur intimitĂ©. Le monologue troublant de Violetta, « à strano… », devant le seuil de ce miroir brisĂ©, le passage Ă  l’acte de la rupture avec l’ancienne vie, est finement figurĂ© par l’abandon respectif des amants dont elle refuse cette toujours prĂ©sente fleur au profit de celle offerte Ă  Alfredo qu’il rapportera fanĂ©e mais florissante de l’Ă©closion de l’amour.

 

 

 

INTERPRÉTATION

 

 

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Dès le prĂ©lude, cette douce et poignante brume qui semble se lever et ne devoir jamais finir, est Ă©tirĂ©e vers un infini insondable, tissĂ©e comme une douce soie par le jeune chef Daniele Rustioni. Pour la première fois aux ChorĂ©gies, il ne cède pas au piège du grossissement dans le gigantisme du lieu : d’entrĂ©e on sent qu’on est dans une direction musicale d’une qualitĂ© supĂ©rieure. Il estompe avec dĂ©licatesse les « zin-zin /boum-boum » d’un accompagnement de facile fĂŞte foraine de Verdi dans la deuxième partie de cette ouverture. Ă€ la tĂŞte des remarquables ChĹ“urs des OpĂ©ras d’Angers-Nantes, Avignon et Marseille, dirigeant avec ardeurl’Orchestre National Bordeaux-Aquitaine, il en transcende avec finesse les pupitres, exaltant la palette des timbres et attache une attention que l’on dirait amoureuse aux solistes, les accompagnant en finesse sans jamais les mettre en danger, tout adonnĂ©, engagĂ© en actions physiques expressives dans la musique, la mimique et le jeu. Il faudrait rĂ©entendre comme il enfle le son au grĂ© de la messa di voce de l’exceptionnelle Ermonela Jaho qui augmente le volume passionnel de sa voixdans son dĂ©chirant « Amami Alfredo ! » : c’est une vague, une houle musicale et Ă©motionnelle qui dĂ©ferle sans noyer l’interprète oĂą tant d’autres se perdent.

Ă€ l’Ă©vidence, il y a eu beaucoup d’intelligence et de travail entre le plateau et la fosse pour donner Ă  cette Ĺ“uvre tragique toute la tendresse humaine dont elle ne dĂ©borde pas Ă  première vue dans ce monde cynique et cruel d’un plaisir pas toujours très raffinĂ©. Tout est traitĂ©, scĂ©niquement et musicalement, dans la nuance. Tous les personnages, mĂŞme Ă©phĂ©mères, sont bien campĂ©s (Giuseppe, RĂ©my Matthieu, Annina, la fidèle et douce servante, Anne-Marguerite Werster, le fidèle aussiGrenvil Ă  belle voix sombre de Nicolas TestĂ©) ; Flora et le Marquis ne sont pas seulement un couple de comĂ©die, mais des amis attentifs aux leurs, Ă  Violette et Alfredo (Ahlima Mhandi , Christophe Berry)
; mĂŞme le Baron (Laurent Alvaro), le protecteur officiel de Violetta, s’il empoche (pour elle, pour lui?) l’argent qu’Alfredo lui a gagnĂ© au jeu et n’a pas jetĂ© au visage de son amante mais plus Ă©lĂ©gamment remis entre ses doigts, paraĂ®t ĂŞtre solidaire de celle qui l’avait pourtant abandonnĂ© et pour laquelle il sera blessĂ© en duel.

Dans cette prestigieuse distribution, la dĂ©couverte, ce fut le tĂ©nor Francesco Meli en Alfredo, amant choisi, heureux mais se croyant trahi, fils potentiellement prodigue puis contrit, homme entretenu sans le savoir et dĂ©sespĂ©rĂ© de le savoir. La voix est large, passant aisĂ©ment la rampe orchestrale et la distance, le timbre chaud et, malgrĂ© un vibrato très vite corrigĂ©, il cisèle tout en douceur les nuances de ce rĂ´le, semblant se chanter Ă  lui-mĂŞme et non triomphalement tonitruer son air ardent mais intĂ©rieur comme une confidence d’un jeune homme Ă©lu, Ă©merveillĂ© par l’amour d’une femme que tous dĂ©sirent. C’est du grand art au service non du chanteur mais d’un rĂ´le.

On ne dĂ©couvre pas Plácido Domingo, lĂ©gende vivante du monde lyrique que cinĂ©ma, tĂ©lĂ©vision ont popularisĂ© mondialement et « divinisé », s’il n’Ă©tait si attentivement humain aux jeunes talents qu’il favorise, par ailleurs directeur d’OpĂ©ras, chef d’orchestre en plus de demeurer le grand tĂ©nor aux cent-cinquante rĂ´les qu’il a tous marquĂ©s et qui, en Espagnol fidèle au rĂ©pertoire populaire hispanique trop mĂ©connu, comme Kraus, CaballĂ©, Berganza, los Ăngeles, Carreras et autres grands interprètes espagnols, a portĂ© aux quatre coins du monde les charmes de la zarzuela ibĂ©rique, dont il a mĂŞme imposĂ© certains airs comme passage obligĂ© des tĂ©nors d’aujourd’hui. CrĂ©ateur donc autant qu’interprète exceptionnel. On le retrouvait en baryton, tessiture de ses dĂ©buts, et qu’il a toujours frĂ©quentĂ©e de près dans les grands rĂ´les de fort tĂ©nor au mĂ©dium corsĂ© comme Othello ou Canio, oĂą sa couleur et puissance faisaient merveille. Ici, en baryton verdien tirant vers l’aigu, il Ă©tait un Germont père, dĂ©marche lourde sous le poids autant de l’âge que de l’expĂ©rience, dĂ©cidĂ© Ă  rĂ©gler une affaire mais vite freinĂ© par les scrupules, la compassion et mĂŞme la complicitĂ© avec son interlocutrice : il s’attend Ă  trouver une courtisane vulgaire et avide et trouve cette jeune femme fragile et forte aux bonnes manières, amoureuse d’un fils qu’il aime et quelque chose passe entre eux. Tout cela est sensible dans le jeu, les hĂ©sitations, les gestes Ă©bauchĂ©s (remarquable travail d’acteur). S’il donne aux fioritures de son air sur la beautĂ© Ă©phĂ©mère de Violetta le tranchant cruel des Ă©vidences, il fait des appoggiatures de la sorte de berceuse Ă  son fils, « Di Provenza, il mare il sol… », de vĂ©ritables sanglots dans le passage  « Ah , tuo vecchio genitor, tu non sai quanto sofri ! »

On ne cesse de dĂ©couvrir Ermonela Jaho : Micaela, Butterfly, dĂ©jĂ  Ă  Orange, Mireille, Manon, Marie Stuarda, Anna Bolena, ailleurs, etc, elle m’a toujours confondu d’admiration par ce qui semblait l’identification exacte, vocale, physique et scĂ©nique Ă  un rĂ´le. Or, les rĂ´les changent et le mĂŞme bonheur d’adĂ©quation s’impose Ă  l’Ă©couter, la voir. Sa Butterfly paraissait unique et bouleversait par son sacrifice intime et grandiose. En Violetta, dans la première partie de l’acte I, courtisane adulĂ©e, brillante, lĂ©gère, coquette, la voix brille, s’Ă©lève, badine, cocotte, cascade de rires face Ă  Alfredo avec une joliesse irrĂ©sistible, l’Ă©mission facile farde dĂ©licatement toute la technique : l’art, cachĂ© par l’art semble tout naturel. GagnĂ©e par l’amour enveloppant des phrases du jeune homme, elle change de tessiture en apparence, plonge dans le grave du soprano dramatique, mĂ©dium moelleux, mallĂ©able de l’introspection et bondit dans le vertige virtuose de la frivolitĂ©. Elle nous Ă©pargne le faux contre mi bĂ©mol inutilement surajoutĂ© Ă  la partition par des voix trop lĂ©gères et s’en tient aux quatre contre rĂ© bĂ©mols vocalisants vraiment voulus par Verdi, vraie couleur du morceau et vĂ©ritĂ© d’une femme qui n’est pas un rossignol mĂ©canique, mais un tendre oiseau Ă  l’envol vite brisĂ©. Nous sommes au théâtre, Ă  l’opĂ©ra : tout y est vrai et tout est faux. Mais Ermonela Jaho, sans rien sacrifier de la beautĂ© de la voix expressive, est tellement crĂ©dible, si douloureusement vraie en mourante que, pris par l’intensitĂ© de son jeu, on s’Ă©tonne ensuite, aux bravos, qu’elle rĂ©apparaisse si vivante.

Sauvant la production en remplaçant au pied levĂ© Diana Damrau souffrante, après son inoubliable aussi Butterfly, elle est sacrĂ©e Reine des ChorĂ©gies 2016 dont le succès couronne sans faille le flair de l’autre triomphateur qui les aura programmĂ©es : Raymond Duffaut.

Compte rendu, opéra. Orange, Chorégies, le 3 août 2016.  VERDI : La Traviata par Ermonela Jaho. Daniele Rustioni, direction

A l’affiche des ChorĂ©gies d’Orange, les 3 et 6 aoĂ»t 2016

Orchestre National Bordeaux-Aquitaine, ChĹ“urs des OpĂ©ras d’Angers-Nantes (Xavier Ribes), Avignon (Aurore Marchand) et Marseille (Emmanuel Trenque) – Direction musicale : Daniele Rustioni
Mise en scène : Louis Désiré ; Scénographie et costumes : Diego Méndez Casariego ; Lumières : Patrick Méuüs.

Distribution :

Violetta Valéry : Ermonela Jaho ;
Flora Bervoix : Ahlima Mhandi  ;

Annina : Anne-Marguerite Werster.

Alfredo Germont : Francesco Meli ; Giorgio Germont : Placido Domingo ;
Gastone di Letorières : Christophe Berry
:Il barone Douphol ; Laurent Alvaro :Il marchese d’Obigny : Pierre Doyen ; Il Dottore Grenvil : Nicolas Testé ; Giuseppe, RĂ©my Matthieu.

Illustrations : © Philippe Gromelle, sauf première photo : Anne-MargueriteWerster (Annina) au chevet de Ermonela Jaho (Violetta) / © Abadie Bruno & Cyril Reveret

Compte-rendu concert. Orange,ChorĂ©gies 2016, Théâtre Antique, le 16 juillet 2016. Verdi: Messa da Requiem… Calleja, Sokhiev

Vague verdienne en juin 2014Compte-rendu concert. Orange,ChorĂ©gies 2016, Théâtre Antique, le 16 juillet 2016. Verdi: Messa da Requiem… Calleja, Sokhiev. LE TRIOMPHE DE TUGAN SOKHIEV et de JOSEPH CALLEJA. Les ChorĂ©gies 2016 ont programmĂ© une interprĂ©tation théâtrale et Ă©mouvante du si beau Requiem de Verdi. A deux soirs de la tuerie de Nice, ce Requiem a Ă©tĂ© dĂ©diĂ© aux victimes voisines mais il avait d’abord Ă©tĂ© question d’annuler ce concert. La vie reste notre bien le plus prĂ©cieux, la culture le clame très fort et tout concert annulĂ© est une victoire des oppresseurs de la vie libre. Ce concert a Ă©tĂ© dĂ©butĂ© dans un immense recueillement. L’acoustique inouĂŻe du Théâtre Antique est bien connue de Tugan Sokhiev aussi a-t-il pu obtenir des sonoritĂ©s Ă©vanescentes des cordes et un chant pianissimo du magnifique chĹ“ur OrfeĂłn Donostiarra dès les premières mesures. L’apparition des images de la voie lactĂ©e sur l’immense mur a proposĂ© un voyage dans l’imaginaire si riche du dessinateur et scĂ©nariste de bande dessinĂ©e Philippe Druillet. Ses dessins ont Ă©tĂ© projetĂ©s et animĂ©s sur les reliefs du mur du Théâtre antique. Les diffĂ©rentes Ĺ“uvres, telles  “Nosferatu” et “Lone Sloane”, ont ainsi accompagnĂ© le rĂ©cit du spectaculaire Requiem de Verdi.

Pour certains la distraction engendrée par la beauté si particulière des dessins, leur violence et leurs couleurs envahissantes, a nui à l’émotion musicale. Concert et spectacle à la fois, il est dommage d’avoir eu à choisir entre les projections sur le mur et la vision d’artistes engagés et tout particulièrement la direction à mains nues d’une grande beauté de Tugan Sokhiev. France 3 offre à partir du 27 juillet ainsi que Culture Box le film qui en a été réalisé en une solution hybride que nous souhaitons plus satisfaisante.

DIRECTION MAGISTRALE et TENOR EN GRÂCE. Musicalement le théâtre verdien de la Missa da Requiem a été porté à son apogée par la direction magistrale de Tugan Sokhiev. L’Orfeón Donostiarra est un chœur d’une ductilité totale et d’une beauté confondante, du pianissimo le plus infime au forte le plus spectaculaire du Tuba Mirum. Le RRR roulé des basses dans le Rex tremendae Majestatis précédant la note est un exemple de cette terrible théâtralité. Le dosage parfait des nuances poussées à leur maximum a été de bout en bout le fil rouge de l’interprétation. Les couleurs ont également été d’une grande richesse dans le chœur comme dans l’orchestre. Chaque tempo choisi a été habité et a semblé évident. Le chœur et l’orchestre ont été ainsi modelés à main nue, par un chef inspiré dans des phrasés amples et généreux. Cuivres brillants, cordes soyeuses ou victorieuses, bois d’une grande délicatesse chaque pupitre a brillé, jusqu’aux timbales et grosse caisse ! L’Orchestre du Capitole si riche en couleurs peut les exalter dans cette acoustique chatoyante.
Las, les solistes ont eu pour certains du mal à habiter aussi bien leurs parties. La soprano italienne Erika Grimaldi,  venue en remplacement in extremis, ne bénéfice pas d’une voix idéale pour cette terrible partie. Le timbre assez ingrat est affublé d’un large vibrato. La voix n’est pas homogène et les graves sont trop sourds. Dans le Libera me final, c’est son engagement qui lui a permis de conquérir in fine le succès public. La mezzo soprano Ekaterina Gubanova a un timbre agréable et a su nuancer ses interventions avec art. Tout particulièrement le début du Lacrymosa très émouvant. La Basse Vitalij Kowaljow a été le seul à délivrer un texte parfaitement compréhensible. Avec aplomb, il a tenu parfaitement sa partie d’une voix très homogène et agréable jusque dans les emportements terribles. C’est Joseph Calleja, ténor extrêmement attachant, qui a su trouver appui sur les vastes phrases proposées par Tugan Sokhiev, les habitant toutes jusqu’au fond de l’expressivité. Engagé, concentré et d’une voix très touchante, le ténor, véritable star vénérée dans son pays natal, Malte-, a su rejoindre l’orchestre et le choeur dans une émotion musicale poignante. La beauté du timbre, sa clarté ont fait merveille tout du long et son Ingemisco a été un moment de pure grâce, comme la manière dont il aborde Hostias également.
Les Chorégies 2016 ont programmé une magnifique interprétation théâtrale et émouvante du si beau Requiem de Verdi. L’Orfeón Donostiarra et l’Orchestre du Capitole n’ont fait qu’un avec la direction de Tugan Sokhiev. Cette musique si forte est apte à accompagner la tristesse de notre époque dans les attaques faites à notre mode de vie tout en mobilisant notre désir de vie et d’accès à la beauté.

Compte-rendu, concert. Orange.Chorégies 2016, Théâtre Antique, le 16 Juillet 2016 : Giuseppe Verdi (1813-1901) : Messa da Requiem ; Solistes: Erika Grimaldi, soprano ; Ekaterina Gubanova, mezzo-soprano ; Joseph Calleja, ténor ; Vitalij Kowaljow, basse ; Chœur de l’Orfeón Donostiarra, chef de choeur : José Antonio Sainz Alfaro ; Orchestre National du Capitole de Toulouse. Tugan Sokhiev, direction.

Requiem de Verdi dirigé par Tugan Sokhiev

logo_france_3_114142_wideFrance 3. Requiem de Verdi, mercredi 27 juillet, 20h50. Focus festif sur les Chorégies d’Orange, avec un regard rétrospectif sur les grandes heures d’Orange suivi par France Télévision depuis 6 années déjà : extraits des récitals et performances in loco des plus grands solistes lyriques, c’est à dire Joseph Calleja, Ermonela Jaho, Vittorio Grigolo, Christophe Willem, Salvatore Adamo, Julie Fuchs, Alexandre Duhamel, Armando Noguera, Nathalie Manfrino, Florian Sempey,… airs d’opéras, grands choeurs, danse, un choix équilibré de spectacles déjà donnés illustre ce best of made in Orange.

VERDI_402_Giuseppe-Verdi-9517249-1-402A 22h45, Requiem de Verdi, dans l’interprétation donnée en juillet 2016 par l’Orchestre du Capitole de Toulouse et son chef attiré, Tugan Sokhiev. Le Requiem de Verdi à Orange est mis en images par le dessinateur Philippe Druillet, comme Carmina Burana il y a 2 ans, pour un spectacle total qui embrase le Théâtre Antique. Philippe Druillet crée pour cet événement une quinzaine de peintures originales, travaillées en infographies et projetées par mapping vidéo sur le mur monumental. Les créations ainsi projetées accompagne l’oeuvre magistrale de Verdi, un Requiem spectaculaire, au dramatisme, digne d’un opéra. Là s’élève la voix humaine contre la tragédie de la mort : Verdi y concentre tout son talent de génial auteur pour le théâtre lyrique. La dernière plainte, à la fois prière et renoncement de la soprano et du choeur, à l’énoncé des paroles ultimes, Requiem aeternam, donne la chair de poule par sa déchirante vérité.

Avec l’Orchestre National du Capitole de Toulouse et le Chœur de l’Orfeón Donostiarra, sous la direction de Tugan Sokhiev.

Solistes : Krassimira Stoyanova, soprano ;  Ekaterina Gubanova, mezzo-soprano ; Joseph Calleja, ténor et Vitalij Kowaljow, basse.

Spectacle enregistré les 15 et 16 juillet 2016 au Théâtre Antique d’Orange.

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Compte rendu, opéra. Marseille, Opéra, le 15 juin 2016. Verdi : Macbeth. Steinberg / Bélier-Garcia

Compte rendu, opĂ©ra. Marseille, OpĂ©ra, le 15 juin 2016. Verdi : Macbeth. Steinberg / BĂ©lier-Garcia. Triomphale fin de saison Ă  l’OpĂ©ra de Marseille. L’OEUVRE. Contexte théâtral : théâtre de l’horreur. Tout en s’en dĂ©marquant quelque peu, la tragĂ©die de William Shakespeare (1564-1616), Macbeth (entre 1603 et 1607), demeure, par sa brutalitĂ©, les scènes de meurtre, dans la veine d’un théâtre europĂ©en de l’horreur Ă  cheval sur les XVIe et XVIIe siècles dont, en France, Les Juives de Robert Garnier (1583), par leur violence imprĂ©gnĂ©e de celle des Guerres de religion, demeurent un exemple. Shakespeare, avec son Titus Andronicus (vers 1590/1594), ne dĂ©roge pas Ă  cette inspiration barbare des pièces Ă©lisabĂ©thaines de la fin des annĂ©es 1580, prodigues en scènes atroces (cannibalisme, mutilation, viol, folie). Il y renchĂ©rit mĂŞme sur les Ĺ“uvres plus que violentes de ses rivaux, tels Christopher Marlowe qui porte Ă  la scène avec cruditĂ© la Saint-BarthĂ©lemy (Massacre de Paris, 1593) et la cuve d’huile bouillante de son Juif de Malte (1589) ou Thomas Kyd et sa TragĂ©die espagnole. Macbeth fut le plus grand succès public de Shakespeare, longtemps rejouĂ©e, traduite en allemand par des compagnies itinĂ©rantes. Mais ce mĂ©lange d’horreur et de pathĂ©tique, dĂ©rogeant aux règles de la biensĂ©ance classique s’imposant au milieu du XVIIe siècle, la pièce sera relĂ©guĂ©e après avoir rĂ©galĂ© le grand public.

 
 
 

MACBETH, un théâtre de l’horreur

 
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Le dramaturge anglais s’inspire librement d’une chronique médiévale relatant des événements historiques, la vie de Macbeth, roi des Pictes, qui régna en Écosse de 1040 à 1057 ; il monte sur le trône en assassinant Duncan, le roi légitime. Mais de cet événement, un régicide, le meurtre d’un roi, somme toute banal dans l’histoire, Shakespeare tire la peinture, le portrait d’un assassin ambitieux certes, mais timoré, freiné puis tourmenté par des scrupules moraux. Cependant, il est incité par sa machiavélique femme, Lady Macbeth, qui le pousse dans la marche au pouvoir qui ne se soutient que par l’enchaînement inexorable de crime en crime. Le couple maudit, rongé par la crainte d’être découvert et le remords, acculé à la surenchère criminelle pour se maintenir au sommet de la puissance, dans son escalade criminelle, trouve son expiation, son châtiment, lui, saisi d’abord d’hallucinations croyant voir même dans un banquet, au milieu des courtisans, le fantôme de Banquo, l’ami qu’il a fait assassiner, elle, Lady Macbeth, son âme damnée, sombrant dans le somnambulisme qui la trahit, dans la folie, lavant sans cesse des mains tachées du sang du régicide, avant de périr.
Shakespeare ajoute au drame historique une dimension surnaturelle : ce sont des sorcières, qui, après une glorieuse bataille, saluant Macbeth, seigneur de Glamis, du titre supéarieur de seigneur de Cawdor, seront les agents de sa fulgurante ascension politique et de sa chute. En prophétisant ce titre inattendu de seigneur de Cawdor, que lui décerne sur le champ le roi Duncan pour prix de sa victoire sur les Norvégiens envahisseurs, et en lui prédisant qu’il sera également roi d’Écosse, les sorcières enclenchent la mécanique de l’ambition, qui déclenche la tragédie. Elles sont peut-être la manifestation de son inconscient. À son ami, l’autre général, Banquo, elles prédisent également que, sans régner lui-même, il sera l’origine d’une lignée de roi. Quoiqu’il en soit, Macbeth écrit ces prédictions à sa femme et met en route en elle l’ambition fatale qui les perdra tous deux.
Sentences cĂ©lèbres de Macbeth : « Ce qui est fait, est fait… », « Qui aurait dit que le corps de ce vieillard pouvait contenir autant de sang ? », dit la femme fatale, « Notre vie est une pièce de théâtre pleine de bruit et de fureur racontĂ©e par un idiot, et qui n’a pas de sens » , conclut le hĂ©ros maudit.
Le livret de Francesco Maria Piave est remarquable de concision, supprimant des scènes qui s’Ă©loignent du noyau du drame qu’il resserre, notamment celle, comique, du portier ivre, contraste nĂ©cessaire du drame baroque anti-aristotĂ©licien qui mĂŞle les registres. Le massacre de la femme et des enfants de Macduff est rĂ©duit Ă  la plainte dĂ©chirante de l’Ă©poux et père, qui se dressera en vengeur valeureux. De la première version de Florence en 1847 Ă  celle de de Paris en 1865, Verdi a aussi resserrĂ© et intensifiĂ© la musique d’un opĂ©ra qui, dĂ©rogeant aux conventions de l’opĂ©ra romantique qui exalte l’amour, en fait un drame lyrique nouveau oĂą règne seul l’amour du pouvoir ou la voluptĂ© dans le crime et le vertige du remords dans un couple maudit.

Réalisation et interprétation
Théâtre baroque du monde, mais une scène au fond d’une salle classique livide aux rigiditĂ©s linĂ©aires de froid Ă©difice d’architecture fasciste, Ă©clairĂ©e de deux suspensions Arts DĂ©co. Pilastres engagĂ©s, rainurĂ©s, accentuant l’angoisse des raides verticales, trumeaux aveugles au-dessus des portes latĂ©rales (scĂ©nographie, Jacques Gabel). DĂ©coupĂ©es en carreaux Ă©gaux  impĂ©nĂ©trables, les mystĂ©rieuses portes frontales seront celles par oĂą se glisse insidieusement Ă  tour de rĂ´le le couple meurtrier, lui, pour tuer le roi, elle, plus froidement, pour assassiner les serviteurs et leur faire porter le poids du rĂ©gicide. La lumière glaciale (Roberto Venturi) tombe d’entrĂ©e, progressivement, d’une verrière gĂ©omĂ©trique aux vitres brisĂ©es sur l’ombre des murs : quelque chose de pourri, sinon dans le royaume du Danemark d’Hamlet, dans celui d’Écosse de Macbeth. Ombre et lumière comme clair-obscur de la luciditĂ© trouant les tĂ©nèbres de l’âme, indĂ©cise pĂ©nombre de la conscience morale assoupie comme le sommeil goyesque de la raison qui engendre des monstres. Les Ă©clairages seront ensuite plus gĂ©nĂ©raux qu’individuels, comme Ă  l’Ă©poque baroque,  avec ces fonds opaques et glauques de cloaque oĂą grouille un cauchemar de choses inconnues, les sorcières consultĂ©es par Macbeth, incarnation objective d’une conscience subjective gagnĂ©e par le mal, mais ici surgies en nombre de l’ombre, scène intĂ©rieure extĂ©riorisĂ©e, dĂ©mons intimes matĂ©rialisĂ©s, pour peupler une sorte d’asile d’aliĂ©nĂ©s Ă  la Michel Foucault, théâtre oĂą figure aussi, avec un poussah misĂ©rable, le Pape et le Roi près du gueux, image encore d’une vanitĂ© baroque de l’inanitĂ© des richesses, de la puissance face Ă  l’Ă©galitĂ© de tous devant la mort. Peuple « idiot » qui, s’il ne raconte pas cette « histoire de bruit et de fureur » qu’il a mise en branle, sera, tout au long, l’implacable spectateur, tĂ©moin de la farce tragique du pouvoir qui se joue devant lui. Lueurs de l’abondance du sang du meurtre et sa fatale multiplication.
Une colossale colonne gagnĂ©e de mousse ou de pourriture, descendra lourdement des cintres pour s’encastrer, au centre, reliant ciel et terre, objet lascif d’enlacements de Lady Macbeth, phallique symbole de la puissance du mâle dont s’empare cette virile femme face Ă  un Ă©poux veule et vil, peut-ĂŞtre impuissant, copulation monstrueuse Ă  l’Ă©chelle de son ambition et de la voluptĂ© du pouvoir qui la hante et qu’elle chante, ou anticipation de l’Ă©crasement du couple monstrueux sans descendance.
Les sombres costumes (Catherine et Sarah Leterrier), hors de longs manteaux en gĂ©nĂ©ral d’Ă©poque et les intemporelles robes des sorcières, pourpoints, hauts de chausses et bottes pour les hommes, s’ourlent au col d’une frise de fraises Ă  la Greco de l’Enterrement du Comte d’Orgaz, et, Ă©largis en dĂ©licate collerette au cou des enfants, progĂ©niture sauve de Banquo mais promise au massacre de Macduff, en dit d’avance la fragilitĂ© de papillons Ă©pinglĂ©s plus tard par les poignards des sbires de Macbeth : tĂŞtes comme sur le plateau des larges cols Ă  godrons de futurs dĂ©capitĂ©s. Les robes des dames Ă©claireront de gaies couleurs les scènes de cour mais jamais Ă©clairer la teinte obscure gĂ©nĂ©rale du drame. Les insolites fauteuils Louis XV sont-ils une mĂ©taphore de raffinement pervers dans la brutalitĂ© du reste du mobilier, d’intemporalitĂ© ou une coquetterie Ă  la mode usĂ©e de mĂŞler les Ă©poques? La table, un piano, renversĂ©s sont des signes connus de dĂ©cadence et chute, de rĂ©volution, chez FrĂ©dĂ©ric BĂ©lier-Garcia qui signe cette mise en scène.
On admire la qualitĂ© plastique, l’agencement pictural des groupes, de ce chĹ“ur pratiquement omniprĂ©sent et admirablement prĂ©parĂ© par Emmanuel Trenque, notamment les sorcières qui, sous la baguette nuancĂ©e et puissante de Pinchas Steinberg, passent du murmure sardonique au ricanement sarcastique, d’autant plus inquiĂ©tantes d’ĂŞtre traitĂ©es scĂ©niquement en femmes banales, presque en voisines : le mal est parmi nous. Le chef, dès le prĂ©lude, donne aux cordes un frĂ©missement de vol effarĂ© d’effroi d’oiseaux de mauvais augure, trilles angoissants, pincements aigus de flĂ»tes affutĂ©es et claquement effrayant de cuivres, un Ă©clair, un Ă©veil de cauchemar, glisse l’angoissante onirique et dĂ©solĂ©e de la scène du somnambulisme. Tout au long de l’Ĺ“uvre, il nous fera goĂ»ter les mĂŞmes qualitĂ©s de relief dĂ©licat pour les dĂ©tails des divers pupitres et de violence dĂ©chaĂ®nĂ©e sans jamais brouiller les lignes, les volumes d’une Ĺ“uvre polie par Verdi pendant près de vingt ans.

 
 
 

PLATEAU ADMIRABLE

 

Le plateau est admirable. Tour Ă  tour valet  servile de Macbeth, assassin Ă  gages asservi aux noirs desseins du maĂ®tre, une apparition puis mĂ©decin de Lady Macbeth, Jean-Marie Delpas, multiplie en peu de phrases une grande prĂ©sence dramatique et vocale, sombre en timbre mais limpide en diction. Fils du roi Duncan assassinĂ©, menacĂ© lui-mĂŞme, fuyant le danger et ne revenant que pour hĂ©riter de la couronne que lui ont conquise ses partisans, Malcolm est un personnage Ă©pisodique et falot, encore rĂ©duit par le librettiste, et l’on ne reprochera pas au tĂ©nor Xin Wang, timbre soyeux, un manque de prĂ©sence que le rĂ´le ne lui accorde pas. Beaucoup plus prĂ©sente par le travail scĂ©nique que lyrique, Vanessa Le Charlès, suivante de Lady Macbeth est traitĂ©e, cheveux courts et habits masculins, comme son obsĂ©dante ombre portĂ©e virile, dont les attouchements furtifs de mains avec sa maĂ®tresse laissent supposer une intimitĂ© plus grande que celle d’une simple femme (homme) de chambre. Lorsque on entend enfin les quelques phrases de son joli soprano le contraste est frappant.

 
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En Ă©poux et père douloureux, d’autant qu’on l’avait vu tendrement en scène avec son enfant, Ă©mouvante trouvaille, dĂ©couvrant au milieu de la masse persĂ©cutĂ©e l’horreur du massacre de sa famille, Stanislas de Barbeyrac est bouleversant, dĂ©chirant son timbre lumineux de tĂ©nor de la dĂ©chirure de sa chair, retrouvant en jeune hĂ©ros des accents vengeurs superbes pour terrasser le monstre. Autre père attentif, veillant sur sa progĂ©niture, son fils, et rĂ©ussissant Ă  la sauver dans la forĂŞt du piège, Banquo, auquel les sorcières ont prĂ©dit que, sans rĂ©gner, il aurait une lignĂ©e de rois, est incarnĂ© par la noble allure de Wojtek Smilek. Dans son grand air assailli de noirs pressentiments sur la mort qui le guette, il dĂ©ploie le sombre tissu de sa voix de basse, passant du murmure oppressĂ© Ă  son fils Ă  l’Ă©clat terrible de la rĂ©vĂ©lation lucide du complot jusqu’Ă  un Ă©clatant mi aigu final.
On sait que Verdi, toujours soucieux de vĂ©ritĂ© dramatique, voulait, pour sa Lady Macbeth, un timbre laid mais expressif, ce qui fut la chance de Callas selon son propre aveu quand elle fut choisie Ă  la Scala par Toscanini soucieux de respecter le vĹ“u du compositeur. On ne dira pas que la soprano dramatique hongroise Csilla Boross remplit le rĂ©quisit verdien de laideur vocale en revanche, mĂŞme si l’expression dramatique dans la scène du somnambulisme semble paradoxalement trop sommeiller, sa voix charnue, immense, remplit pleinement toutes les exigences du rĂ´le : largeur et couleur Ă©gale du timbre, passant avec aisance des notes les plus corsĂ©es de la tessiture terrible du rĂ´le aux sauts d’aigus pleins et triomphants. Un triomphe assurĂ©ment. Ă€ ses cĂ´tĂ©s, en Macbeth, scĂ©niquement et vocalement, le baryton Juan JesĂşs RodrĂ­guez, triomphe pareillement : Ă©gale aussi sur tout le registre, sa voix d’airain aux teintes bronzĂ©es se joue de la difficultĂ© de ce rĂ´le Ă©crasant sans en ĂŞtre Ă©crasĂ©. Homme du doute, Ă  peine entrĂ© dans le premier degrĂ© du crime, poussĂ© par sa femme, il traduit si sensiblement ses remords qu’il en deviendrait humain et touchant. Un grand artiste que l’on dĂ©couvre.  Triomphale fin de saison Ă  l’OpĂ©ra de Marseille.

Opéra de Marseille,
Macbeth de Verdi
Livret de Francesco Maria Piave  d’après la tragédie de Shakespeare
Coproduction Opéra Grand Avignon
7, 10, 12, 15 juin 2016

Orchestre et chĹ“ur (Emmanuel Trenque) de l’OpĂ©ra de Marseille sous la direction de
Pinchas Steinberg. Mise en scène : Frédéric Bélier-Garcia. Scénographie : Jacques Gabel ; costumes : Catherine et Sarah Leterrier.  Lumières : Roberto Venturi.

Distribution
Macbeth : Juan Jesús Rodriguez ; Lady Macbeth : Csilla Boross ; Banquo : Wojtek Smilek : Macduff : Stanislas de Barbeyrac ; suivante de Lady Macbeth :   Vanessa Le Charlès ; Malcolm : Xin Wang ; serviteur de Macbeth, un sicaire, une apparition, le médecin : Jean-Marie Delpas ; un hérault : Frédéric Leroy.

Photo : © Christian Dresse / Opéra de Marseille 2016

 
 

Compte rendu, opéra. Opéra National du Rhin, Strasbourg, le 17 juin 2016. Verdi : Don Carlo. Robert Carsen

Compte rendu DON CARLO Ă  STRASBOURG… Fin de saison flamboyante Ă  Strasbourg. La saison lyrique s’achève Ă  Strasbourg avec une nouvelle production de Don Carlo de Verdi, signĂ©e Robert Carsen. L’OpĂ©ra National du Rhin engage pour l’occasion la fabuleuse soprano et Ă©toile montante, Elza van den Heever dans le rĂ´le d’Elisabeth de Valois. L’excellente distribution d’une qualitĂ© rare ainsi que l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg sont dirigĂ©s magistralement par le chef italien invitĂ© Daniele Callegari. Une fin de saison bien plus qu’heureuse … Ă©tonnante mĂŞme, pour plusieurs raisons !

 

 

 

La nouvelle production de Don Carlo Ă  Strasbourg remporte tous les suffrages : c’est un succès manifeste

Don Carlo chic et choc

 

 

 

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Don Carlos, créé Ă  Paris en 1867, (chantĂ© en français) est l’un des opĂ©ras de Verdi qui totalise le plus de versions existantes, sans omettre faits divers et controverses. Au fait des dernières recherches sur la genèse de l’Ĺ“uvre, le Directeur de l’OpĂ©ra National du Rhin, Marc ClĂ©meur, prĂ©cise selon les dernières recherches, que le livret de MĂ©ry et Du Locle d’après le poème tragique Ă©ponyme de Schiller (1787), n’est pas la seule source de Verdi ; la partition emprunte aussi au drame de circonstance d’Eugène Cormon intitulĂ© Philippe II Roi d’Espagne datant de 1846. Ensuite, le fait qu’il s’agĂ®t bien d’un Grand OpĂ©ra français de la plume d’un grand compositeur italien attise souvent les passions des mĂ©lomanes, dĂ©criant souvent une quelconque influence d’un Wagner et d’un Meyerbeer. Bien qu’il soit bel et bien un Grand OpĂ©ra, c’est aussi du Verdi, indĂ©niablement du Verdi. Et si la version prĂ©sentĂ©e ce soir Ă  Strasbourg est la version italienne dite « Milanaise » de 1884, en 4 actes, sans ballet, plus concise et courte que la version française d’origine, elle demeure un Grand OpĂ©ra italianisĂ©, avec une progression ascendante de numĂ©ros privilĂ©giant les ensembles, un coloris orchestral riche en effets spectaculaires, des scènes fastueuses ne servant pas toujours Ă  la dramaturgie, mais ajoutant Ă  l’aura et au decorum… L’aspect le moins controversĂ© serait donc la question de l’historicité : Verdi dit dans une lettre Ă  son Ă©diteur italien Giulio Ricordi « Dans ce drame, aussi brillante en soit la forme et aussi noble en soient les idĂ©es, tout est faux (…) il n’y a dans ce drame rien de vĂ©ritablement historique ». Plus soucieux de vĂ©racitĂ© poĂ©tique qu’historique, Verdi se sert quand mĂŞme de ce drame si faux pour montrer explicitement ses inclinaisons bien rĂ©elles. On pourrait dire qu’il s’agĂ®t ici du seul opĂ©ra de Verdi oĂą la vie politique est ouvertement abordĂ©e et discutĂ©e de façon sĂ©rieuse et adulte.

Le sĂ©rieux qui imprègne l’opus se voit tout Ă  fait honorĂ© ce soir grâce Ă  l’incroyable direction musicale du chef italien Daniele Callegari dirigeant l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg avec maestria et une sophistication et un raffinement des plus rares ! S’agissant d’un des opĂ©ras de Verdi oĂą l’Ă©criture orchestrale est bien plus qu’un simple accompagnant des voix, saisissent directement ici la complicitĂ© Ă©tonnante entre fosse et scène, l’excellente interprĂ©tation des instrumentistes, le sens de l’Ă©quilibre jamais compromis, la tension permanente et palpitante de la performance et surtout les prestations des chanteurs-acteurs de la distribution.

 

La soprano Elza van den Heever reprend le rĂ´le d’Elisabeth de Valois après l’avoir interprĂ©tĂ© Ă  Bordeaux la saison prĂ©cĂ©dente. Si Ă  Bordeaux nous avions remarquĂ© ses qualitĂ©s, c’est Ă  Strasbourg que nous la voyons dĂ©ployer davantage ses dons musicaux et théâtraux ! Sa voix large et somptueuse a gagnĂ© en flexibilitĂ©, tout en restant dĂ©licieusement dramatique. Elle campe une performance encore plus profonde avec une superbe maĂ®trise des registres et une intelligence musicale lui permettant d’adapter brillamment l’intensitĂ© de son chant, de nuancer la force de son expression.
Le Don Carlo du jeune tĂ©nor italien Andrea Carè est prometteur. Bien que moins fort dans l’expression lyrique, il a une voix chaleureuse qui sied bien au personnage et une technique assez solide. Certains lui rapprocheront ne pas ĂŞtre un Domingo ou un Alagna (selon les goĂ»ts), pourtant il s’est donnĂ© Ă  fond dans un rĂ´le oĂą la difficultĂ© ne rĂ©side pas, malgrĂ© le type de voix plutĂ´t lĂ©ger, dans la virtuositĂ© vocale mais dans le style et l’expression globale. Dans ce sens nous ne pouvons que louer l’effort, et remarquer particulièrement le timbre qui se distingue toujours dans les ensembles.

 
 
A-ONR_DONCARLO_photoKlaraBeck_3046-1-362x543Tassis Christoyannis en Posa montre aussi une Ă©volution par rapport Ă  Bordeaux l’annĂ©e passĂ©e. Toujours dĂ©tenteur des qualitĂ©s qui lui sont propres, comme la prestance et un je ne sais quoi d’extrĂŞmement touchant, Ă  Strasbourg, il est davantage malin et Ă  la chaleur du timbre, le baryton ajoute du brio presque autoritaire. Le tout prĂ©sentĂ© d’une façon Ă©lĂ©gante et dynamique Ă  souhait. Remarquons le duo de la libertĂ© avec Don Carlo, au 1er acte tout hĂ©roĂŻco-romantique sans ĂŞtre frivolement pyrotechnique. Quant Ă  la virtuositĂ© vocale et aux feux d’artifices vocalisants, parlons maintenant de la mezzo russe Elena Zhidkova dans le rĂ´le de la Princesse Eboli. Tout en ayant un timbre veloutĂ© et une belle prĂ©sence scĂ©nique, elle a dĂ» mal avec son air du 1er acte « Nel giardin del bello saracin Ostello », – pourtant LE morceaux le plus mĂ©lodique et virtuose de la partition ! Il est en l’occurrence plutĂ´t … mou. Ce petit bĂ©mol reste vĂ©tille puisque la distribution est globalement très remarquable. Continuons avec le Roi Philippe II de la basse danoise Stephen Milling, Ă  la voix large et profonde, campant au 3ème acte une scène qui doit faire partie des meilleures et des plus mĂ©morables pages jamais Ă©crites par Verdi : « Ella giammai m’mamo » , grand aria avec violoncelle obbligato, oĂą la douleur contenue du souverain est exprimĂ©e magistralement. Ou encore son duo avec le Grand Inquisiteur de la basse croate Ante Jerkunica, dont nous avons Ă©galement fortement apprĂ©ciĂ© la prestation et vocale et théâtrale. Remarquons finalement l’instrument et la prĂ©sence de la jeune soprano espagnole Rocio Perez, chantant Thibault le page de la Reine, avec des aigus cĂ©lestes, … divins. Divine aussi la performance surprenante des choeurs de l’OpĂ©ra, sous la direction de Sandrine Abello.

 
 
 

OPERA national du RHIN : le DON CARLO sombre et lumineux de Carsen

 
 

L’ART DE ROBERT CARSEN. Que dire enfin de la crĂ©ation de celui qui doit ĂŞtre le metteur en scène d’opĂ©ras actuellement le plus cĂ©lèbre et le plus sollicité ? Robert Carsen et son Ă©quipe artistique prĂ©sentent un spectacle sobre et sombre, dans un lieu unique dĂ©pouillĂ©, Ă  la palette chromatique consistant en noir sur gris sur noir, et quelques Ă©clats des accessoires mĂ©talliques ou diamantĂ©s… Si l’intention de faire une mise en scène hors du temps est bien Ă©vidente, il y a quand mĂŞme une grande quantitĂ© d’Ă©lĂ©ments classiques qui font rĂ©fĂ©rence au sujet… Des religieux catholiques bien catholiquement habillĂ©s, des croix par ci et par lĂ , mais jamais rien de gratuit (sauf peut-ĂŞtre un ordinateur portable Ă  peine remarquable mais qui frappe l’oeil puisque quelque peu dĂ©placĂ©). Comme d’habitude chez Carsen le beau, le respect de l’oeuvre et l’intelligence priment. Cette dernière Ă  un tel point que le Canadien rĂ©ussi Ă  prendre une libertĂ© audacieuse avec l’histoire originale qui dĂ©voile davantage les profondeurs de l’œuvre. DĂ©jĂ  riche en intrigues, le Don Carlo de Verdi selon Carsen explore une lecture supplĂ©mentaire dont nous prĂ©fĂ©rons ne pas donner les dĂ©tails, tellement la surprise est forte et la vision, juste !

Rien ne rĂ©siste Ă  l’appel de ce Don Carlo de toute beautĂ©, aucun obstacle pour nos lecteurs de faire le dĂ©placement Ă  l’OpĂ©ra National du Rhin, Ă  Strasbourg et Ă  Mulhouse, pour cette formidable nouvelle production qui clĂ´t l’avant-dernière saison de la maison sous la direction visionnaire de Marc ClĂ©meur. A l’affiche Ă  Strasbourg du 17 au 28 juin et puis Ă  Mulhouse du 8 au 10 juillet 2016.

 
 

Compte rendu, opĂ©ra. OpĂ©ra National du Rhin, Strasbourg, le 17 juin 2016. Verdi : Don Carlo (version Milanaise 1884). Stephen Milling, Andrea CarĂ©, Elza van den Heever, Tassis Christoyannis… Choeurs de l’OpĂ©ra du Rhin. Sandrine Abello, direction. Orchestre Philharmonique de Strasbourg, orchestre. Daniele Callegari, direction. Robert Carsen, mise en scène. LIRE notre prĂ©sentation annonce de la nouvelle production de Don Carlo Ă  l’OpĂ©ra national du Rhin : “Elza van den Heever chante ELisabetta…” 

 

Illustrations : K. Beck / Opéra national du Rhin © 2016

  
 

Nabucco Ă  Saint-Etienne par David Reiland

VERDI_442_Giuseppe_Verdi_portraitSAINT-ETIENNE, OpĂ©ra. David Reiland dirige Nabucco de Verdi : les 3, 5 et 7 juin 2016. Avant Verdi, Haendel avait traitĂ© dans Belshazzar (LIRE notre critique de la lecture jubilatoire de William Christie et des Arts Florissants), - oratorio anglais de la pleine maturitĂ©, l’arrogance du prince assyrien, conquĂ©rant victorieux siĂ©geant Ă  Babylone dont l’omnipotence l’avait menĂ© jusqu’Ă  la folie destructrice. Mais Nabucco ne meurt pas foudroyĂ© comme Belshaazar : il lui est accordĂ© une autre issue salvatrice. C’est un thème cher Ă  Verdi que celui du politique rongĂ© par la puissance et l’autoritĂ©, peu Ă  peu soumis donc vaincu a contrario par la dĂ©raison et les dĂ©règlements mentaux : voyez Macbeth (opĂ©ra créé en 1865). Ascension politique certes, en vĂ©ritĂ© : descente aux enfers… l’exemple de la princesse Abigaille, en est emblĂ©matique. Devenue toute puissante, la lionne se rĂ©vèle rugissante, Ă©trangère Ă  toute clĂ©mence.

Nabucco en clĂ©mence, Abigaille de fureur…

Créé Ă  la Scala de Milan en mars 1842 (d’après un opĂ©ra initialement Ă©crit en 1836, et intitulĂ© d’abord, Nabuchodonosor), l’opĂ©ra hĂ©roique et tragique de Verdi brosse le portrait d’un amour impossible entre la fille hĂ©ritière de Nabucco, Abigaille (soprano) qui aime le neveu du roi de JĂ©rusalem, IsmaĂ«l. Mais celui-ci lui prĂ©fère Fenena, l’autre fille de Nabucco, alors prisonnière des Juifs. L’acte II est le plus nerveux, riche en fureur et passions affrontĂ©es. Abigaille, l’Ă©lĂ©ment haineux et irascible, vraie furie noire du drame, profite de l’orgueil dĂ©mesurĂ© de son père Nabucco qui se dĂ©clarant l’Ă©gal de Dieu, est foudroyĂ© illico : le jeune femme en profite pour prendre le trĂ´ne. Au III, devenue reine de Babylone, Abigaille rugit, tempĂŞte, manipule car rien n’est jamais trop grand ni impossible quand il s’agit de conserver le pouvoir : elle dĂ©truit les parchemins sur la nature illĂ©gitime de sa naissance, proclame la destruction de JĂ©rusalem et le massacre des Juifs. Amoureuse rejetĂ©e, la lionne exacerbe le masque de la femme politique : le choeur des hĂ©breux dĂ©chus et soumis (l’ultra cĂ©lèbre “Va pensiero”, dans lequel la nation italienne s’est reconnue contre l’oppresseur autrichien), jalonne un nouvel acte d’une fulgurance inouĂŻe.
Le IV voit le retour de Nabucco qui renverse sa fille indigne et barabre Abigaille, devenue despotique et comprenant que cette dernière va tuer Fenena, son autre fille, s’associe aux HĂ©breux qui sont dĂ©sormais les bienvenus dans leur patrie : Nabucco humanisĂ©, sait pardonner, et Abigaille doit renoncer, en cĂ©lĂ©brer le succès du mariage d’IsmaĂ«l avec Fenena. D’une Ă©criture fĂ©line, sanguine, fulgurante en effet, l’opĂ©ra fut un triomphe, le premier d’une longue sĂ©rie pour le jeune Verdi : jouĂ© plus de 60 fois dans l’annĂ©e Ă  la Scala après sa crĂ©ation, record absolu. La folie du politique, l’amoureuse Ă©conduite dĂ©formĂ©e par sa haine, la brutalitĂ© royale et l’oppression des peuples firent beaucoup pour le succès de l’ouvrage dans lequel tout le peuple italien, Ă  l’aube de son unitĂ© et de son indĂ©pendance, s’est aussitĂ´t reconnu. Verdi devenait le nouveau Shakespeare lyrique, champion de la nouvelle cause sociĂ©tale et politique.

reiland david_35172835Ne manquez pas cette nouvelle production d’un chef d’oeuvre de jeunesse de Verdi : fougueux, impĂ©tueux, foncièrement dramatique, et psychologique. Dans la fosse, règne la fougue analytique du jeune maestro belge David Reiland, directeur musical et artistique de l’Orchestre de chambre du Luxembourg depuis septembre 2012, et premier chef invitĂ© et conseiller artistique de l’OpĂ©ra de Saint-Etienne. Mozartien de cĹ“ur, grand tempĂ©rament lyrique, le jeune chef d’orchestre qui est passĂ© aussi par Londres (Orchestre de l’Ă‚ge des Lumières / Orchestra of the Age of Enlightenment) devrait comme il le fait Ă  chaque fois, nous… convaincre voire nous Ă©blouir par son sens de la construction et des couleurs. Trois reprĂ©sentations Ă  Saint-Etienne, Ă  ne pas manquer.

Opéra de Saint-Etienne
Nabucco de Verdi
Les 3, 5 et 7 juin 2016
JC Mast, mise en scène
David Reiland, direction

Avec Nicolas Cavalier (Zacharia), AndrĂ© Heyboer (Nabucco), CĂ©cile Perrin (Abigaille)…
Orchestre symphonique Saint-Etienne Loire

RĂ©servez directement depuis le site de l’OpĂ©ra de Saint-Etienne

DAVID REILAND au disque : le chef belge qui rĂ©side Ă  Munich,vient de faire paraĂ®tre un disque excellent dĂ©diĂ© au symphoniste romantique français, Benjamin Godard (Symphonies n°2 opus 57, “Gothique” opus 23, Trois morceaux symphoniques… avec le MĂĽncher Rundfunkorchester, septembre 2015), parution très intĂ©ressante rĂ©cemment critiquĂ© par classiquenews :  ”la direction affĂ»tĂ©e, vive, Ă©quilibrĂ©e et contrastĂ©e du chef fait toute la valeur de ce disque qui est aussi une source de dĂ©couvertes.”

Nouveau Rigoletto signĂ© Claus Guth Ă  l’OpĂ©ra Bastille

RIGOLETTO-hoempage-582-390-verdi-rigoletto-presentation-nouvelle-production-opera-classiquenews-582-390Paris, Bastille. Nouveau Rigoletto par Claus Guth : 9 avril-30 mai 2016. D’après Le roi s’amuse de Hugo, Verdi aborde le thème du politique et de l’arrogance punies dans leur propre rouage : ceux qui, intrigants crapuleux et méprisants, maudissent, punissent, invectivent ou ironisent, agressent ou ridiculisent, feraient bien re réfléchir à deux fois avant de dénigrer. Le bouffon nain Rigoletto paie très cher son arrogance : sa propre fille sera même sacrifiée, détruite, immolée. Et le pauvre nain en son pouvoir dérisoire n’aura en fin d’action que ses larmes pour réconforter le corps refroidi de Gilda, la fille qu’il aurait du protéger avec plus de discernement. Mais Verdi surprend ici moins dans le traitement de l’histoire hugolienne dont il respecte presque à la lettre la fureur barbare, l’oeil critique qui dénonce l’horreur humaine à vomir, que dans sa nouvelle conception du trio vocal romantique. Dans Rigoletto, le ténor n’est pas la victime mais le bourreau inconscient, ou plutôt d’une insouciance irresponsable qui reste effrayante : le Duc de Mantoue s’il considère la femme comme volage (souvent femme varie) chante en réalité pour lui-même ; en paon superbe et narcissique, volubile et infidèle, séducteur collectionneur, il viole la pauvre vierge Gilda, tristement enamourée ; la horde de serpillères humaines qui lui sert de courtisans conclut le portrait de la société humaine : une arène d’acteurs infects où règne le désir d’un prince lascif et inconsistant. Dans ces eaux opaques, Rigoletto pense encore s’en sortir.  Mais le stratagème qu’il met en œuvre en sollicitant le concours du tueur à gages, Sparafucile, pour tuer le Duc se retourne indirectement contre lui : sa fille Gilda sera la victime d’une nuit de cauchemar (dernier acte).  Fantastique, musicalement efficace et même fulgurante, la partition de Rigoletto impose définitivement le génie dramatique de Verdi, un Shakespeare lyrique.

Aux côtés du ténor inconsistant, le baryton et la soprano sont les deux victimes expiatoires d’une tragédie particulièrement cynique : emblèmes de cette relation père / fille que Verdi n’ a cessé d’illustrer et d’éclaircir dans chacun de ses opéras : Stiffelio, Simon Boccanegra,…

Passion Verdi sur ArteRigoletto Ă  l’opĂ©ra… ce n’est pas la première fois qu’un naif se fait duper et mĂŞme tondre totalement sur l’autel du pouvoir … Dans l’ombre du Duc, pensait-il qu’en singeant les autres, c’est Ă  dire en invectivant et humiliant les autres, il serait restĂ© intouchable ? Le nain croyait-il vraiment qu’il avait sa place dans la sociĂ©tĂ© des hommes ? La Cour ducale de Mantoue, le lieu oĂą se dĂ©roule le drame, semble incarner la sociĂ©tĂ© toute entière : chacun se moque de son prochain, et celui qui ridiculise, de moqueur devient moquĂ©, nouvelle dupe d’un traquenard qu’il n’avait pas bien analysé… Que donnera la nouvelle production qui tient l’affiche de l’OpĂ©ra Bastille Ă  Paris, signĂ©e Claus Guth (rĂ©putĂ© pour sa noirceur et son Ă©pure théâtrale – en particulier ses Mozart Ă  Salzbourg) ? Cette nouvelle production remplace le dispositif scĂ©nographiĂ© par JĂ©rĂ´me Savary, créé  in loco en 1996 et repris jusqu’en 2012… RĂ©ponse Ă  partir du 9 avril 2016 et jusqu’au 30 mai 2016. A ne pas manquer, car il s’agit de la nouvelle production Ă©vĂ©nement Ă  Paris au printemps 2016.

 

 

 

Rigoletto de Verdi à l’Opéra Bastille à Parisboutonreservation
Du 9 avril au 30 mai 2016 — 18 représentations
Claus Guth, mise en scène
Nicola Luisotti, direction musicale

 

Toutes les infos, les modalités de réservations sur le site de l’Opéra Bastille à Paris

 

 

 

Compte-rendu, Opéra. Barcelone, Liceu, le 30 janvier,1er février 2016. Verdi : Otello. Carl Tanner, Philippe Auguin.

Vague verdienne en juin 2014Provenant de la Deutsche Oper de Berlin, la production d’Otello signĂ©e par Andreas Kriegenburg – actuellement Ă  l’affiche au Liceu de Barcelone – est un beau ratage auquel l’institution catalane ne nous a guère habituĂ© jusqu’Ă  prĂ©sent. Le metteur en scène allemand semble en effet se moquer complètement du drame de Shakespeare (et du livret d’Arrigo Boito), lui prĂ©fĂ©rant notre actualitĂ© la plus brĂ»lante, celle des rĂ©fugiĂ©s affluant en Europe, ici parquĂ©s dans une structure mĂ©tallique montant jusqu’aux cintres, aussi peu pratique qu’inesthĂ©tique. Les protagonistes passent ici au second plan, ce qui est une totale hĂ©rĂ©sie. Passons vite…
Contre toute attente aussi – mĂŞme si ce n’est finalement pas si inhabituel au Liceu – c’est la seconde distribution qui nous aura le plus enthousiasmĂ©e, alors que la première affichait rien moins que JosĂ© Cura (avec une voix qui a dĂ©sormais perdu toute puissance et brillance) et Ermonela Jaho (dont le timbre sonnait Ă©tonnamment mĂ©tallique le soir oĂą nous l’avons entendue…).
Cette seconde distribution, en alternance, mettait Ă  l’affiche, dans le rĂ´le-titre, le tĂ©nor amĂ©ricain Carl Tanner qui possède vĂ©ritablement une voix capable de rendre justice au personnage d’Otello : sombre, chaleureuse, sĂ»re, arrogante dans l’aigu et robuste dans le mĂ©dium, avec une diction et une tenue musicale par ailleurs probantes. ScĂ©niquement, il campe un Otello aux abois, Ă©corchĂ© vif, incapable de se maĂ®triser, dont il parvient Ă  exprimer les tourments, notamment dans un bouleversant « Dio ! Mi potevi scagliar » et un non moins Ă©mouvant « Niun mi tema ».
De son cĂ´tĂ©, la soprano mexicaine Maria Katzarava prĂŞte Ă  DesdĂ©mone son timbre dense et riche, sensuel et lumineux, qui convient parfaitement Ă  l’épouse du Maure, et qui fait merveille dans le premier duo « GiĂ  nella notte densa », qu’elle dĂ©livre avec d’infinies nuances. On mettra Ă©galement Ă  son crĂ©dit des phrasĂ©s magnifiquement diffĂ©renciĂ©s, des piani de toute beautĂ©, un « air du saule » – puis un « Ave Maria » – Ă  vous tirer les larmes.
Iago très intĂ©riorisĂ©, d’une noirceur qui sourd de chacun de ses gestes, le baryton italien Ivan Inverardi incarne de saisissante façon cette figure shakespearienne, incarnation mĂŞme du Mal. Très homogène et remarquablement puissante, sa voix impressionne par sa noirceur et son mordant, notamment dans le fameux « Credo », Ă  faire froid dans le dos. On admire Ă©galement chez l’artiste sa maĂ®trise du mot, qui flatte l’oreille dans son rĂ©cit du rĂŞve de Cassio. Ce dernier rĂ´le est tenu par le jeune tĂ©nor sibĂ©rien Alexey Dolgov Ă  la belle prestance et Ă  la voix claire mais bien projetĂ©e. Quant aux voix de la basse moldave Roman Ialcic et du baryton andalou DamiĂ n del Castillo, elles permettent aux personnages de Lodovico et de Montano de se profiler comme d’authentiques ressorts de l’intrigue. Quant Ă  Vicenç Esteve Madrid, il campe un Roderigo convaincant tandis qu’Olesya Petrova Ă©corche l’oreille des auditeurs avec un timbre dĂ©jĂ  usĂ© (l’artiste est pourtant jeune).

A la tĂŞte d’un orchestre « maison » superbement sonnant, le chef français Philippe Auguin – directeur musical de l’Orchestre Philharmonique de Nice – dirige un Verdi sanguin, âpre, peu enclin Ă  l’introspection: l’accompagnement soulignant les coups de théâtre et dĂ©peignant les conflits psychologiques avec une luxuriance sonore absolument jouissive. Enfin, le ChĹ“ur du Gran Teatre del Liceu – admirablement prĂ©parĂ© par Conxita Garcia – fait montre d’une virtuositĂ© impressionnante, qui lui permet d’aborder notamment le long finale du troisième acte sans baisse rythmique.

Compte-rendu, Opéra. Barcelone, Gran Teatre del Liceu, le 30 janvier (et 1er février) 2016. Verdi : Otello. Avec Carl Tanner (Otello), Maria Katzarava (Desdemona), Ivan Inverardi (Iago), Alexey Dolgov (Cassio), Vicenç Esteve Madrid (Roderigo), Roman Ialcic (Lodovico), Damiàn del Castillo (Montano), Olesya Petrova (Emilia). Andreas Kriegenburg (mise en scène). Philippe Auguin (direction musicale).

Anna Netrebko chante la nouvelle Giovanna d’Arco de la Scala

VERDI_442_Giuseppe_Verdi_portraitMilan, Scala. Verdi : Giovanna d’Arco. Anna Netrebko, 7-23 dĂ©cembre 2015. Pour lancer sa nouvelle saison lyrique 2015-2016, La Scala produit un opĂ©ra créé sur ses planches en 1845, Giovanna d’Arco, ardente fresque historique Ă  laquelle Verdi offre un Ă©clairage psychologique particulier en soulignant le lien entre le père de Giovanna (au dĂ©but opposĂ© Ă  sa fille qu’il dĂ©nonce comme sorcière) puis proche et loyal Ă  ses cĂ´tĂ© jusqu’Ă  sa mort. On sait quelle importance revĂŞt ensuite, opĂ©ra par opĂ©ra, le rapport père  / fille dans les opĂ©ras verdiens. Giovanna d’Arco est le dernier des ouvrages de jeunesse de verdi, ses fameuses annĂ©es de galère oĂą il Ă©crivait plus de un ouvrage par an, s’affirmant par un sens de l’occupation et du nombre mais surtout par une sensibilitĂ© dramatique alors inouĂŻe faisant imploser les conventions de l’opĂ©ra italien.

 

Netrebko performs as Leonora during a dress rehearsal of Giuseppe Verdi's "Il trovatore" in SalzburgSur un sujet qui se passe en France en 1429 quand Charles VII abdique sous la pression des anglais, mĂŞme introspectif, Verdi Ă©blouit par son sens et de l’architecture (enchaĂ®nement d’Ă©pisodes contrastĂ©s) et dans ses scènes collectives (finale vers la CathĂ©drale du I, et aussi dĂ©nonciation par le père devant la foule prĂŞte au lynchage Ă  la fin du II). Le profil de Giovanna qui s’Ă©lève vers son sacrifice final est particulièrement bien traitĂ© : dans ce rĂ´le qui annonce les grandes hĂ©roĂŻnes angĂ©liques et fortes (Leonora, Traviata, Gilda…), Tebaldi ou Anderson se sont particlièrement illustrĂ©es. Aujourd’hui une diva charnelle, intense et voluptueuse relève le dĂ©fi, avec d’autant plus de maĂ®trise annoncĂ©e qu’elle a fait de Verdi, son compositeur presque exclusif : dĂ©voilant sa fĂ©minitĂ© expressive dans le rĂ´le de Leonora (Le Trouvère / Il Trovatore), surtout plus rĂ©cemment Lady Macbeth (Macbeth : prise de rĂ´le que beaucoup jugeait suicidaire). En dĂ©cembre 2015, voici donc sa Giovanna : Ă  la puretĂ© de la ligne, Netrebko saura-t-elle ajouter l’Ă©lĂ©gance vocale, entre expressivitĂ© et finesse ? RĂ©ponse Ă  partir du 7 dĂ©cembre 2015 Ă  Milan. Deutsche Grammophon a Ă©ditĂ© l’enregistrement de l’opĂ©ra  Giovanna d’Arco avec la diva austrorusse Anna Netrebko (avec Placido Domingo dans le rĂ´le du père Giacomo, et Francesco Meli en Carlo, 2013).

 

 

Prochains rĂ´les pour Anna Netrebko :

PARIS, Opéra bastille : du 28 janvier au 15 février 2016. VERDI : Il Trovatore (Leonora)
DRESDE, Semperoper : Du 19 au 29 mai 2016. WAGNER : Lohengrin (Elsa)
VIENNE, Staatsoper : Du 20 au 30 juin 2016. PUCCINI : Manon Lescaut (Manon)
BERLIN, Schiller Théâtre : Les 8,11 et 14 juillet 2016. VERDI : Il Trovatore (Leonora)

 

 

 

 

boutonreservationLes 7,10,13,15,18,21, 23 décembre 2015
Giovanna d’Arco de Verdi Ă  la Scala de Milan

inauguration de la nouvelle saison lyrique scaligène 2015 – 2016
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Nouvelle production

 

Anna Netrebko, Giovanna D’Arco
Francesco Meli, Carlo VII
Carlos Alvarez, Giacomo
Riccardo Chailly, direction
M Leiser et P Caurier, mise en scène

Durée : 2h20mn avec entractes

arte_logo_2013TĂ©lĂ©. DiffusĂ© sur l’antenne d’ARTE en diffĂ©rĂ© le 7 dĂ©cembre 2015, 22h20

Compte rendu, opĂ©ra. Bordeaux. Auditorium de l’OpĂ©ra National de Bordeaux, le 24 septembre 2015. Verdi : Don Carlo (version milanaise de 1884). Leonardo Caimi, Tassis Christoyannis, Elza van den Heever, Keri Alkema… Ensemble Aedes, choeur. Le Cercle de l’Harmonie, orchestre. Paul Daniel, direction.

Vague verdienne en juin 2014L’ouverture de la saison lyrique de l’OpĂ©ra National de Bordeaux a lieu dans le nouvel Auditorium de la maison en cette soirĂ©e d’automne. Le dĂ©but de la fin du mandat de Thierry Fouquet, directeur sortant, commence avec le Don Carlo de Verdi, dans une nouvelle production signĂ©e Charles Roubaud. Après quelques annulations, souffrances et remplacements, la direction musicale des deux premières prĂ©sentations est tenue admirablement par le directeur de l’Orchestre National Bordeaux Aquitaine, Paul Daniel. La distribution tourne autour de la fabuleuse Elsa van den Heever dans le rĂ´le d’Elisabeth de Valois et compte avec des personnalitĂ©s frappantes mĂŞme si inĂ©gales. Un retour Ă  Bordeaux pour la soprano citĂ©e, après Anna Bolena et Norma les deux annĂ©es prĂ©cĂ©dentes, retour de facto, Ă  ne pas manquer !

Don Carlo ou le grand-opéra revisité

La nouvelle production frappe immĂ©diatement par l’absence presque totale de dĂ©cors (il y a quand mĂŞme une croix quelque part, Ă  un moment). Remarquons d’ores et dĂ©jĂ  la fabuleuse crĂ©ation vidĂ©o de Virgile Koering ; ses projections sur la scène ingrate (sans cintres ni coulisses), habillent le plateau en costumes espagnols, de façon plus qu’habile. Une très belle excuse pour faire une mise en scène qui est plutĂ´t mise en espace. Les costumes d’Ă©poque de Katia Duflot sont très beaux et donnent davantage de caractère et d’Ă©lĂ©gance Ă  la mise en scène dĂ©pouillĂ©e. Les chanteurs rentrent et sortent du plateau (mais pas les chĹ“urs, aux sièges derrière la scène), certes. Le directeur scĂ©nique laisse donc, «parler la musique ». Soit. Une idĂ©e non dĂ©pourvue de poĂ©sie, surtout en ce qui concerne la partition de Verdi, des plus rĂ©ussies d’un point de vue orchestral, mais trop souvent la chose qu’on dit quand on n’a vraiment rien Ă  dire. Matière Ă  rĂ©flexion pour la prochaine direction de la maison.

verdi don carlo bordeaux paul danielAprès l’excellente performance de l’orchestre sous la baguette de Paul Daniel, malgrĂ© un rĂ©pertoire auquel ne va pas sa prĂ©dilection, le maestro a des choses Ă  dire. IntĂ©ressantes en plus. Sa direction est Ă  la fois passionnante et raffinĂ©e, avec des belles subtilitĂ©s au cours des quatre actes. Les contrastes sont privilĂ©giĂ©s, sans pourtant offenser l’ouĂŻe par des procĂ©dĂ©s faciles (rappelons qu’il s’agĂ®t d’un grand opĂ©ra Ă  la française sous la plume de Verdi). Le choix de produire la quatrième version de l’opus (Milan,1884), Ă  la base Don Carlos, en français, créé pour l’OpĂ©ra de Paris en 1867, non sans d’innombrables pĂ©ripĂ©ties culturelles et stylistiques-, s’avère très juste. La dernière version de Modena Ă©tant en vĂ©ritĂ© la version Milanaise + le premier acte de la version de Paris, donc avec une certaine discordance stylistique, puisque le compositeur remania l’orchestration et parties vocales pour Milan. Cette version, plus concise, raconte toujours l’histoire très librement inspirĂ©e de la vie de l’Infant Don Carlos, petit-fils de Charles-Quint, devenu personnage romantique sous la plume de Schiller, modèle des librettistes de Verdi, Joseph MĂ©ry et Camille du Locle. Amoureux d’Elisabeth de Valois, nouvelle femme de son père Philippe II, Carlo termine dans les mains de l’Inquisition Ă  cause de cet amour impossible.

L’Elisabeth d’Elsa van den Heever est remarquable par son interprĂ©tation d’une Reine tourmentĂ©e, aux motivations sincères et dont la noblesse de caractère ne la quitte jamais. La voix large de la jeune cantatrice s’adapte Ă  souhait aux besoins expressifs de la partition et elle campe une performance fantastique, en dĂ©pit d’une certaine froideur. Le Don Carlo de Leonardo Caimi (remplaçant de Carlos Ventre) touche par la beautĂ© du timbre et par le charme et la candeur juvĂ©niles qu’il imprime au rĂ´le, mais le chanteur se trouve très souvent dĂ©passĂ© par celui-ci. Seulement l’intensitĂ© douloureuse de son jeu et vocal et théâtral (et ce dans une mise en scène, disons, Ă©conome) touche l’auditoire. Le Marquis de Posa de Tassis Christoyannis quant Ă  lui, touche le public de plusieurs façons. Une belle et bonne projection, une articulation distinguĂ©e mais chaleureuse, et le jeu d’acteur remarquable qui lui est propre, font partie des qualitĂ©s de son interprĂ©tation des plus rĂ©ussies. Le Philippe II d’Adrian Sâmpetrean, prise de rĂ´le, peine Ă  convaincre de son statut. Si ses qualitĂ©s vocales sont toujours lĂ , et nous sommes contents de le dĂ©couvrir dans ce rĂ©pertoire, son attribution paraĂ®t un contresens. Ainsi dans le très beau quatuor vocal du III : « Giustizia, Sire! » avec Elisabeth, Eboli, Posa et Philippe, il est le maillon faible comparĂ© Ă  ses partenaires qui y excellent. De la Princesse Eboli de Keri Alkema, dans une prise de rĂ´le, nous retenons Ă©galement l’intensitĂ© mais aussi l’agilitĂ©, Ă©tonnamment. La chanson mauresque qu’elle interprète au II : « Nel giardin del bello saracin ostello » est tout Ă  fait dĂ©licieuse. Remarquons aussi l’Inquisiteur de la basse Wenwei Zhang Ă  la profondeur sinistre Ă  souhait, et les choeurs de la maison avec le choeur Intermezzo, en bonne forme, avec un dynamisme de grand ferveur.

Enfin, un dĂ©but de saison plein de qualitĂ©s et plutĂ´t gagnant en dĂ©pit des pĂ©ripĂ©ties et incomprĂ©hensions… Une distribution inĂ©gale mais engageante, une mise en scène très belle mais absente. Surtout un orchestre fabuleux et un moment d’intensitĂ© lyrique comme on les aime. Encore Ă  l’affiche le 30 septembre puis le 2 octobre 2015 Ă  l’OpĂ©ra National de Bordeaux.

Compte rendu, opĂ©ra. Bordeaux. Auditorium de l’OpĂ©ra National de Bordeaux, le 24 septembre 2015. Verdi : Don Carlo (version Milanaise 1884). Leonardo Caimi, Tassis Christoyannis, Elza van den Heever, Keri Alkema… Ensemble Aedes, choeur. Le Cercle de l’Harmonie, orchestre. Paul Daniel, direction.

En direct, Anna Netrebko chante Leonora au Met

Anna Netrebko : Leonora de braiseCinĂ©ma. Verdi. Le Trouvère, Anna Netrebko, le 3 octobre 2015, 18h55. Dans les salles de cinĂ©ma, en direct du Metropolitan Opera de New York, l’hyperfĂ©minine et ardente Anna Netrebko reprend après Berlin (2011) et Salzbourg, le rĂ´le de Leonora, âme passionnĂ©e et dĂ©terminĂ©e jusqu’au sacrifice, inaugurant la nouvelle saison lyrique du théâtre New yorkais. Elle y avait crĂ©er Lady Macbeth du mĂŞme Verdi : plus verdienne que jamais, la superdiva chante les vertiges de l’amour (son fameux air suspendu irradiant exigeant un vrai soprano lyrico spinto, agile et dramatique, subtil et puissant : “Di tale amor che dirsi “, d’un rythme haletant, Ă©perdu…), comme inspirĂ©e et portĂ©e par le charme du Trouvère, jusqu’Ă  l’extase sacrificielle. D’autant que dans ce drame noir et resserrĂ©, une BohĂ©mienne (rĂ´le Ă©crasant mais spectaculaire pour mezzo, cf son air “Stride la vampa”) se perd mais triomphe en conjectures hallucinatoires et brĂ»lantes, deux frères s’entretuent sans savoir qu’ils sont du mĂŞme sang. Le trouvère serait-il l’opĂ©ra sentimental et fantastique, le plus rĂ©ussi avec Macbeth ?
Direct incontournable dans toutes les salles de cinĂ©ma partenaires de l’opĂ©ra les opĂ©ras du Metropolitan en live et au grand Ă©cran.

Anna Netrebko Verdi album leonoraSirène lyrique. A 44 ans, Anna Netrebko (né en 1971) est la tête d’affiche de cette production produite à Salzbourg en août 2014 ; la diva russe a donné quelques indices (déjà très convaincants) de sa prise de rôle de Leonora, dans un disque Verdi, salué par la Rédaction cd de classiquenews (cd Verdi par Anna Netrebko, 1 cd Deutsche Grammophon). Voici les termes de la critique de notre rédacteur au moment de la sortie du cd Verdi par Anna Netrebko en octobre 2013 :

…dans Il Trovatore : sa Leonora palpite et se déchire littéralement en une incarnation où son angélisme blessé, tragique, fait merveille : la diva trouve ici un rôle dont le caractère convient idéalement à ses moyens actuels (s’il n’était ici et là ses notes vibrées, pas très précises)… mais la ligne, l’élégance, la subtilité de l’émission et les aigus superbement colorés dans ” D’amore sull’ali rosee ” …  (dialogués là encore avec la flûte) sont très convaincants. Elle retrouve l’ivresse vocale qu’elle a su hier affirmer pour Violetta dans La Traviata. Que l’on aime la soprano quand elle s’écarte totalement de tout épanchement vériste : son legato sans effet manifeste une musicienne née. Sa Leonora, hallucinée, d’une transe fantastique, dans le sillon de Lady Macbeth, torche embrasée, force l’admiration : toute la personnalité de Netrebko rejaillit ici en fin de programme, dans le volet le plus saisissant de ce récital verdien, hautement recommandable. Concernant Villazon, … le ténor fait du Villazon … avec des nuances et des moyens très en retrait sur ce qu’il fut, en comparaison moins aboutis que sa divine partenaire. Anna Netrebko pourrait trouver sur la scène un rôle à sa (dé)mesure : quand pourrons nous l’écouter et la voir dans une Leonora révélatrice et peut-être subjugante ? Bravissima diva.

Verdi. Le Trouvère, Anna Netrebko, le 3 octobre 2015, 18h55. Durée : 3h. Avec Anna Netrebko, Dolora Zajick, Yonghoon Lee, Dmitri Hvorostovsky. David McVicar, mise en scène. Marco Armiliato, direction musicale.

LIRE aussi Anna Netrebko chante Leonora du Trouvère de Verdi, France Musique le 31 août 2014

CD, à paraître : Nouvelle AIDA de Verdi avec Jonas Kaufmann en Radamès chez Warner classics (octobre 2015)

jonas kaufmann aida verdi AIDA COVERCD, à paraître : Nouvelle AIDA de Verdi avec Jonas Kaufmann en Radamès chez Warner classics… Les nouvelle productions lyrique au disque sont rares. depuis des années, ce sont non plus des enregistrements studio qui se sont perpétués mais plutôt des live habilement saisis sur le vif au hasard des opportunités. Après une TURANDOT impressionnante de vitalité et de sensibilité signée Zubin Mehta (surprise de l’été 2015 (révélant entre autres le baryton mexicain German Olvera dans le rôle de Pang), voici une production qui fait suite  à l’intégrale Tristan une Isolde réalisé par Emi en 2005 : confirmant les ambitions verdiennes du plus grand ténor actuel, le munichois Jonas Kaufmann, Warner classics annonce donc début octobre 2015, une somptueuse AIDA de Verdi avec dans le rôle du général victorieux et couvert de l’or de Pharaon mais en fin de drame, saisi par l’amour de la belle esclave éthiopienne Aida, Jonas Kaufmann.

Jonas Kaufmann au sommet !Le tĂ©nor nous avait stupĂ©fait dans un rĂ©cital totalement dĂ©diĂ© Ă  la lyre verdienne, intitulĂ© sobrement solennellement ” the VERDI album” (2013) : un rĂ©cital inoubliable par sa justesse expressive, sa franchise, sa sincĂ©rité (dont un Otello anthologique sur les traces de Jon Vickers). Un cas unique oĂą le tĂ©nor aux graves harmoniques, au mĂ©dium charnu, Ă  l’élocution âpre et prĂ©cise, percutante et mĂ©tallique emboĂ®te le pas Ă  un certain…. Placido Domingo. Jonas Kaufmann devrait y renouveler le succès de son novel album Sony : Nessun forma dĂ©diĂ© aux hĂ©ros pucciniens… (critique Ă  venir sur classiquenews).

jonas kaufmann anja harteros enregistrent AIDA Antonio Pappano VERDI review announce annonce classiquenews

L’enregistrement studio a dĂ©butĂ© en fĂ©vrier 2015 : aux cĂ´tĂ©s du tĂ©nor allemand, Anja Harteros (Aida), Ekaterina Semchuk (Amneris), Ludovic TĂ©zier (Amonasro), Erwin Schrott (Ramfis)… complètent la distribution rĂ©unie autour d’Antonio Pappano qui pilote le chĹ“ur et l’orchestre dell’Accademia di Santa Cecilia. Aida de Verdi, 3 cd Warner classics. Parution annoncĂ©e le 2 octobre 2015, prochain compte rendu dĂ©veloppĂ© dans le mag cd dvd livres de classiquenews.com

 

Roberto Alagna chante Le Trouvère de Verdi

Passion Verdi sur ArteFrance 2. Verdi : Le Trouvère, en direct d’Orange, le 4 aoĂ»t 2015, 22h. Jean-François Zygel prĂ©sente l’Ă©vĂ©nement lyrique des ChorĂ©gies d’Orange 2015, il en explique les enjeux, en direct, depuis le Théâtre Antique. Sous la direction musicale du chef français Bertrand de Billy, avec le tĂ©nor Roberto Alagna associĂ© aux cantatrices Marie-Nicole Lemieux et Hui He dans les rĂ´les de Azucena et de Leonora, respectivement la mère et la fiancĂ©e du Trouvère.

france2-logoCréé en 1853 au Teatro Apollo de Rome, Il Trovatore n’est en rien cette partition compliquĂ©e voire confuse que certains aiment Ă  regretter. Verdi fin connaisseur des poètes, soucieux du drame autant que de l’enchaĂ®nement des tableaux avait suffisamment de discernement et d’autoritĂ© pour imposer ses vues et donc prĂ©server la cohĂ©rence et le rythme de son opĂ©ra; c’est mĂŞme dans l’oeuvre verdienne, l’une de ses partitions les plus spectaculaires, rĂ©gĂ©nĂ©rant ce style frĂ©nĂ©tique hĂ©ritĂ© de Gluck. Les prières de l’angĂ©lique et ardente Leonora, l’ivresse extatique de son amant le Trouvère, Manrico et face Ă  eux les noirs et diaboliques Luna comme Azucena, grand rĂ´le de mezzo-alto, la gitane Ă  demi sorcière,vraie manipulatrice au final qui venge le meurtre de son fils et expie les visions incandescentes et de flammes qui dĂ©vorent chacune de ses nuits. Verdi renouvelle ici et l’opĂ©ra romanesque et le genre fantastique : au final, l’amoureuse se suicide par poison et Luna dĂ©capite Manrico avant d’apprendre par Azucena qu’il s’agissait de son frère ! Pour relever les dĂ©fis d’une histoire aussi sanglante et noire, la musique de Verdi s’enflamme elle mĂŞme en crĂ©pitements et Ă©clairs, ajustant chaque Ă©pisode pour mieux faire rugir une action saisissante. Energie, rythme, lyrisme flamboyant : Le Trouvère / Il Trovatore fera vos dĂ©lices. Remercions France 2 de diffuser ce temps fort lyrique de l’Ă©tĂ© avec d’autant plus de pertinence que notre tĂ©nor national Roberto Alagna s’empare du rĂ´le-titre. L’opĂ©ra fait aussi les dĂ©lices des festivaliers de Salzbourg en aoĂ»t 2015 avec Anna Netrebko autre tempĂ©rament de braise, idĂ©al pour enflammer l’ardente amoureuse Leonora.

” LE TROUVĂRE ” de Giuseppe Verdi
en direct sur France 2 et sur France Musique
Opéra en 4 actes de Giuseppe Verdi,
sur un Livret de Salvatore Cammarano
d’après El Trovador d’Antonio Garcia GutiĂ©rrez


Orchestre national de France et Chœurs des Opéras de Région
Direction musicale : Bertrand de Billy
Mise en scène : Charles Roubaud
Scénographie : Dominique Lebourges
Costumes : Katia Duflot
Eclairages : Jacques Rouveyrollis
Vidéos : Camille Lebourges



Avec :
Manrico : Roberto Alagna / Leonora : Hui He / Azucena : Marie-Nicole Lemieux
Inès : Ludivine Gombert / Il Conte de Luna : George Petean / Ferrando : Nicolas Testé
Ruiz : Julien Dran/ Un Vecchio Zingaro : Bernard Imbert / Un Araldo : Yann Toussaint
Durée : 2h 40mn

Le Trouvère en direct sur France Musique

Passion Verdi sur Artelogo_france_musique_DETOUREVerdi : Le Trouvère, en direct d’Orange, les 1er et 4 aoĂ»t 2015. France musique retransmet l’opĂ©ra le 1er aoĂ»t Ă  partir de 21h30. Puis sur France 2, le 4 aoĂ»t Ă  22h, Jean-François Zygel prĂ©sente l’Ă©vĂ©nement lyrique des ChorĂ©gies d’Orange 2015, il en explique les enjeux, en direct, depuis le Théâtre Antique. Sous la direction musicale du chef français Bertrand de Billy, avec le tĂ©nor Roberto Alagna associĂ© aux cantatrices Marie-Nicole Lemieux et Hui He dans les rĂ´les de Azucena et de Leonora, respectivement la mère et la fiancĂ©e du Trouvère.

france2-logoCréé en 1853 au Teatro Apollo de Rome, Il Trovatore n’est en rien cette partition compliquĂ©e voire confuse que certains aiment Ă  regretter. Verdi fin connaisseur des poètes, soucieux du drame autant que de l’enchaĂ®nement des tableaux avait suffisamment de discernement et d’autoritĂ© pour imposer ses vues et donc prĂ©server la cohĂ©rence et le rythme de son opĂ©ra; c’est mĂŞme dans l’oeuvre verdienne, l’une de ses partitions les plus spectaculaires, rĂ©gĂ©nĂ©rant ce style frĂ©nĂ©tique hĂ©ritĂ© de Gluck. Les prières de l’angĂ©lique et ardente Leonora, l’ivresse extatique de son amant le Trouvère, Manrico et face Ă  eux les noirs et diaboliques Luna comme Azucena, grand rĂ´le de mezzo-alto, la gitane Ă  demi sorcière,vraie manipulatrice au final qui venge le meurtre de son fils et expie les visions incandescentes et de flammes qui dĂ©vorent chacune de ses nuits. Verdi renouvelle ici et l’opĂ©ra romanesque et le genre fantastique : au final, l’amoureuse se suicide par poison et Luna dĂ©capite Manrico avant d’apprendre par Azucena qu’il s’agissait de son frère ! Pour relever les dĂ©fis d’une histoire aussi sanglante et noire, la musique de Verdi s’enflamme elle mĂŞme en crĂ©pitements et Ă©clairs, ajustant chaque Ă©pisode pour mieux faire rugir une action saisissante. Energie, rythme, lyrisme flamboyant : Le Trouvère / Il Trovatore fera vos dĂ©lices. Remercions France 2 de diffuser ce temps fort lyrique de l’Ă©tĂ© avec d’autant plus de pertinence que notre tĂ©nor national Roberto Alagna s’empare du rĂ´le-titre. L’opĂ©ra fait aussi les dĂ©lices des festivaliers de Salzbourg en aoĂ»t 2015 avec Anna Netrebko autre tempĂ©rament de braise, idĂ©al pour enflammer l’ardente amoureuse Leonora.

” LE TROUVĂRE ” de Giuseppe Verdi
en direct sur France 2 et sur France Musique
Opéra en 4 actes de Giuseppe Verdi,
sur un Livret de Salvatore Cammarano
d’après El Trovador d’Antonio Garcia GutiĂ©rrez


Orchestre national de France et Chœurs des Opéras de Région
Direction musicale : Bertrand de Billy
Mise en scène : Charles Roubaud
Scénographie : Dominique Lebourges
Costumes : Katia Duflot
Eclairages : Jacques Rouveyrollis
Vidéos : Camille Lebourges



Avec :
Manrico : Roberto Alagna / Leonora : Hui He / Azucena : Marie-Nicole Lemieux
Inès : Ludivine Gombert / Il Conte de Luna : George Petean / Ferrando : Nicolas Testé
Ruiz : Julien Dran/ Un Vecchio Zingaro : Bernard Imbert / Un Araldo : Yann Toussaint
Durée : 2h 40mn

Falstaff à Saint-Céré

verdi_582_face_portrait_boldiniSaint-CĂ©rĂ©. Falstaff de Verdi : 1er-14 aoĂ»t 2015. Au Château de Castelnau Bretenoux,  Olivier Desbordes reprend une ancienne production conçue en 2006.  De l’unique opĂ©ra de Verdi, une comĂ©die dĂ©lirante oĂą l’auteur dĂ©nonce Ă  la façon de Rameau dans PlatĂ©e, que le monde est une farce, grinçante certes mais universelle, Olivier Desbordes souligne la pirouette finale d’un gĂ©nie de l’opĂ©ra italien romantique ; il dĂ©masque chez Verdi, le geste fantastique et sublime du saltimbanque, son rire salvateur, sa bouffonnerie remarquable conçue dans un “Ă©lan baudelairien”. De cette Ă©nergie qui fait exploser le cadre bourgeois du théâtre, naĂ®t une pièce ivre, sauvage, oĂą le Chevalier Falsaff en sa taverne minable/palatiale est le dindon de la farce, un ridicule magnifique qui ici rĂ©unit tous les personnages de Verdi, “dĂ©guisĂ©s dans un carnaval burlesque, une sorte de chahut d’enfant retrouvant de vieux costumes, un grotesque, un irrespect, une folie, une libertĂ© de ton…”. C’est un “bric  brac de souvenirs, un jour de carnaval”.

Pourtant derrière la comĂ©die collective oĂą les Joyeuses commères de Windsor se joue de la naĂŻvetĂ© dĂ©risoire du Chevalier vaniteux, Verdi place plusieurs scène d’une vĂ©ritĂ© irrĂ©sistible dont le duo d’amour de Nanetta et Fenton. Comme il immerge Ă  la façon de Shakespeare, toute l’action du village dans une fĂ©erie nocturne oĂą le jardin enchantĂ© se fait scène d’illusion et de dĂ©voilement, poĂ©tique puis ironique : c’est lĂ  que Falstaff apprend Ă  ses dĂ©pens qu’il est le dindon d’une farce gĂ©nĂ©rale particulièrement cruelle. Depuis 2006, Olivier Desbordes aura certainement fait Ă©voluer sa vision du dernier opĂ©ra de Verdi.

Falstaff de Verdi à Saint-Céré
ComĂ©die lyrique en 3 actes. Livret en français d’Arrigo Boito
d’après “Les Joyeuses commères de Windsor” de Shakespeare
Mise en scène : Olivier Desbordes
Direction musicale : Dominique Trottein

Falstaff : Christophe Lacassagne
Ford : Marc Labonette
Fenton : Laurent Galabru
Alice Ford : Valérie Maccarthy
Nanette : AnaĂŻs Constans
Mrs Quickly : Sarah Laulan
Meg Page : Eva Gruber
Bardolfo : Jacques Chardon
Docteur CaĂŻus : Eric Vignau
Pistola : Josselin Michalon
Nouvelle crĂ©ation d’après la production de 2006

5 représentations
Saint-Céré. Falstaff de Verdi : 1er-14 août 2015
Château de Castelnau-Bretenoux

Infos, réservations : 05 65 38 28 08
VOIR le site du festival de Saint-Céré

Nouvelle Traviata Ă  Tours

verdi La TraviataTours, OpĂ©ra. Verdi : La Traviata. Les 20,22,24,26 mai 2015. InspirĂ©e de La Dame aux CamĂ©lias (Alexandre Dumas Fils), La Traviata est avant tout une histoire d’amour bouleversante et rĂ©aliste, dans laquelle le rĂ´le principal, -focus scandaleux-, est rĂ©servĂ©, pour la première fois, Ă  une courtisane. Elle est jeune, jolie, surtout malade donc condamnĂ©e. Dumas fils doit faire mourir son hĂ©roĂŻne pour qu’elle expie ses fautes commises par irrĂ©vĂ©rence des convenances, au mĂ©pris de la morale bourgeoise…
Sobre et essentiellement intimiste, c’est Ă  dire huit clos Ă  3 personnages : la soprano amoureuse, le tĂ©nor “trahi”, le baryton (père la morale) -, La Traviata (la fourvoyĂ©e en italien), bouleverse par le sacrifice consenti par la pècheresse, soucieuse de se sacrifier pour sauver l’honneur de la famille Germont, le fils qu’elle a aimĂ©, et le père qui le lui demande.

 

 

 

Reprise de La Traviata Ă  l’OpĂ©ra de Tours

Violetta, mythe sacrificiel

 

Vague verdienne en juin 2014Verdi construit le drame par Ă©tape, chacune accablant davantage la prostituĂ©e qui entretient son jeune amant Alfredo. L’acte I est toute ivresse, Ă  Paris, dans les salons dorĂ©s de la vie nocturne : c’est lĂ  que Violetta se laisse sĂ©duire par le jeune homme ; au II, le père surgit pour rĂ©tablir les biensĂ©ances : souhaitant marier sa jeune fille, le dĂ©shonneur accable sa famille : Violetta doit rompre avec Alfredo le fils insouciant. A Paris, les deux amants qui ont rompu se retrouvent et le jeune homme humilie publiquement celle qu’il ne voit que comme une courtisane (il lui jette Ă  la figure l’argent qu’il vient de gagner au jeu) ; enfin au III, mourante, au moment du Carnaval, retrouve Alfredo mais trop tard : leur rĂ©conciliation finale scelle le salut et peut-ĂŞtre la rĂ©demption de cette Madeleine romantique. LIRE notre dossier spĂ©cial La Traviata Ă  Tours

 

 

 

boutonreservationLa Traviata de Verdi Ă  l’OpĂ©ra de Tours
Nadine Duffaut, mise en scène
Jean-Yves Ossonce, direction

Reprise d’une production reprĂ©sentĂ©e Ă  Avignon en 2002

Mercredi 20 mai 2015 – 20h
Vendredi 22 mai 2015 – 20h
Dimanche 24 mai 2015 – 15h
Mardi 26 mai 2015 – 20h

Opéra en quatre parties
Livret de Francesco Maria Piave, d’après Alexandre Dumas Fils
Création le 6 mars 1853 à Venise
Editions Salabert-Ricordi (édition critique)

Direction : Jean-Yves Ossonce
Mise en scène : Nadine Duffaut

Violetta Valéry : Eleonore Marguerre *
Flora Bervoix : Pauline Sabatier
Annina : Blandine Folio Peres *
Alfredo Germont : Sébastien Droy
Giorgio Germont : Enrico Marrucci
Baron Douphol : Ronan Nédelec
Docteur Grenvil : Guillaume Antoine *
Gastone : Yvan Rebeyrol
Le Marquis : François Bazola

Orchestre Symphonique Région Centre-Tours
Choeurs de l’OpĂ©ra de Tours et Choeurs SupplĂ©mentaires

*débuts à l’Opéra de Tours

 

 

DVD, compte rendu critique. Verdi : Otello. Fleming, Botha (Bychkov, Metropolitan, octobre 2012, 1 dvd Decca)

Otelo verdi renee fleming semyon bichkov metropolitan opera dvd decca 2012 critique compte rendu operaDVD, compte rendu critique. Verdi : Otello. Fleming, Botha (Bychkov, Metropolitan, octobre 2012, 1 dvd Decca). Le dernier Verdi sait crĂ©er de sublimes atmosphères psychologiques dont profite Ă©videmment son Otello. Suivant son cher Shakespeare dans l’expression d’un drame noir et Ă©touffant, le compositeur outre le rĂ´le d’Otello confiĂ© Ă  un tĂ©nor stentor (au format wagnĂ©rien) offre surtout au rĂ´le de Desdemona, l’Ă©pouse abusivement outragĂ©e d’Otello, par son mari mĂŞme, un sublime personnage lyrique pour les sopranos, qui tire sa dignitĂ© et sa profonde loyautĂ©, sa bouleversante sincĂ©ritĂ© dans l’air du saule et sa prière au IV, avant que le maure ivre de jalousie (et manipulĂ© par Iago) ne la tue en l’asphyxiant dans l’oreiller de sa couche. Verdi offre sa meilleure intrigue : resserrĂ©e, nuancĂ©e, contrastĂ©e et profonde. Avec Boito, il a rĂ©visĂ© son Boccanegra (1881) et s’apprĂŞte bientĂ´t Ă  composer Falstaff. Créé en 1887 Ă  La Scala, Otello est un immense succès. Au cĹ“ur du sujet, portĂ© par les vers taillĂ©s, ciselĂ©s de Boito, Verdi rejoint l’arĂŞte vive et sanglante des drames abrupts et profonds, pourtant poĂ©tiques de Shakespeare.

DĂ©jĂ  prĂ©sentĂ©e en fĂ©vrier et mars 2008, cette production a montrĂ© ses qualitĂ©s, classiques certes mais efficaces et claires. Les vertus viennent surtout des chanteurs (en l’occurrence de la diva que l’on attendait et qui n’a pas déçu). Si sous la direction du mĂŞme chef (Semyon Bychkov), RenĂ©e Fleming (Desdemona), Johan Botha (Otello) rempilent ici en octobre 2012, le reste de la distribution a changĂ© Ă  commencer par le pĂ©ril dans la demeure, l’infâme intriguant Iago (Falk Struckmann) et Cassio (Michael Fabiano).

Fleming : bouleversante Desdemona
otello-fleming-verdi-opera-metropolitan-opera-new-york-octobre-2012-dvd-decca-classiquenews-renee-fleming-desdemona-johan-botha-otelloAu I, RenĂ©e Fleming sait revĂŞtir sa couleur vocale d’une rĂ©elle candeur, celle d’une adolescente encore pure, d’une sensualitĂ© lumineuse sans l’ombre d’aucune pensĂ©e inquiète (“GiĂ  nella notte”). La diva nuance avec habiletĂ© l’Ă©volution de son personnage, de la beautĂ© lisse Ă  l’inquiĂ©tude de plus en plus sombre enfin vers la rĂ©signation suicidaire (IV). La façon dont elle construit son personnage et le colore progressivement de prĂ©monition noire, demeure exemplaire : la chanteuse sait ĂŞtre une actrice. C’est bien ce que souhaitait Boito comme Verdi : le dernier râle de la victime Ă  l’adresse de sa suivante Emilia (Addio) rejoint la grandeur tragique et intimiste du théâtre : voilĂ  la force de Verdi et l’intelligence de RenĂ©e Fleming. L’ouvrage aurait Ă©videmment pu s’intituler Desdemona : la performance de la diva amĂ©ricaine le dĂ©montre sans rĂ©serve.
Le sens des nuance et l’intelligence intĂ©rieure de la soprano contraste de fait avec le style sans guère de finesse du sud africain Johan Botha qui a la puissance mais pas la sincĂ©ritĂ© du personnage d’Otello. Quel dommage. Certes au III, son monologue ( “Dio mi potevi scagliar”) exprime l’intensitĂ© de ses dĂ©chirements intĂ©rieurs mais le style comme la projection (faciles) demeurent unilatĂ©raux, sans ambiguitĂ©, avec force dĂ©monstration.
Il y a du Scarpia dans le Iago verdien : vivacitĂ© noire, manipulation, perversitĂ© rationalisĂ©e et donc dĂ©monisme efficace … Falk Struckmann se tire très honnĂŞtement des dĂ©fis d’un personnage aux apparitions courtes mais denses qui exigent une franchise et une subtilitĂ© crĂ©pitante immĂ©diates. Pari relevĂ© car lĂ  aussi on s’Ă©tonne de dĂ©masquer chez lui, des trĂ©fonds de souffrances silencieuses, un abĂ®me de ressentiments illimitĂ©s, en somme ce qui a intĂ©ressĂ© Shakespeare avant de fasciner Verdi et Boito : les vertiges et tourments que cause la folie humaine.
Dans la fosse Bychkov Ă©claire les orages et les passions d’une partition essentiellement shakespearienne. Du nerf, du muscle, mais peu de nuances au diapason de Fleming, pourtant souvent les brĂ»lures tragiques sont bien lĂ  et entraĂ®nent le spectateur jusqu’au choc tragique final.




DVD, compte rendu critique. Verdi : Otello. Johan Botha · RenĂ©e Fleming, Falk Struckmann… The Metropolitan Opera Orchestra, Chorus and Ballet. Semyon Bychkov, direction. Elijah Moshinsky, mise en scène.  Enregistrement live rĂ©alisĂ© au Metropolitan Opera de new York en octobre 2012. Parution internationale le 4 mai 2015. 1 dvd 0440 074 3862 6. DurĂ©e : 2:42. 1 dvd Decca

CD. Compte rendu critique. Verdi : Requiem (Lorin Maazel,février 2014, 1 cd Sony classical)

Maazel verdi messa da requiem 1 cd classical sonyCLIC D'OR macaron 200CD. Compte rendu critique. Verdi : Requiem (Lorin Maazel,fĂ©vrier 2014, 1 cd Sony classical). L’adage veut que parvenus au soir de leur carrière, les artistes offrent le meilleur d’eux-mĂŞmes, faisant surgir un je ne sais quoi de sublime et de supĂ©rieur sans forcer leur nature. Ce disque comme le dernier Abbado (9ème Symphonie de Bruckner, DG) ne dĂ©roge pas Ă  la règle. Le Maazel de Munich vaut bien l’Ababdo de Lucerne… des prophètes qui semblent nous parler depuis l’autre monde. Heureuse fin, bouleversante et d’une gravitĂ© qui suscite l’admiration. EnregistrĂ© en fĂ©vrier 2014 soit quelques mois avant sa disparition (juillet 2014 Ă  84 ans), ce Requiem verdien peut ĂŞtre vĂ©cu comme le chant du cygne du chef Lorin Maazel. De fait Ă  Munich, le maestro exprime avec les qualitĂ©s que nous lui connaissons l’ample ferveur incarnĂ©e si dramatique de la Messe des morts de Giuseppe Verdi. Nous sommes bel et bien Ă  l’opĂ©ra ici, tant la violence juste des chĹ“urs (superbes vagues chorales des basses surtout), l’engagement des solistes, l’orchestre très expressif et souple Ă  la fois (cuivres flamboyantes et mordantes) tissent une lecture vive, parfois attendrie donc intĂ©rieure, Ă  mille lieues de bien des approches plus pĂ©remptoires et purement dĂ©monstratives. Le chef n’oublie pas le sens du recueillement, le souffle des tĂ©moignages en particulier dans le Recordare, suite d’interventions pour les quatre solistes : le tĂ©nor corĂ©en seul montre d’abord d’Ă©videntes faiblesses dans la tenue de la ligne, avec une propension malgrĂ© la beautĂ© du timbre Ă  surjouer et en faire trop. Heureusement, il se reprend en cours de flux, s’accordant progressivement Ă  la ligne d’humilitĂ© de ses partenaires. L’unitĂ© de ton entre les solistes est donc Ă  souligner grâce Ă  la baguette scrupuleuse du chef.

 

 

 

En fĂ©vrier 2014, Lorin Maazel enregistre Ă  Munich le Requiem de Verdi, avant de dĂ©cĂ©der 5 mois plus tard…

Testament spirituel de Maazel

 

 

maazel-lorin-582-594-maestro-verdi-messa-da-requiem-sony-classical-clic-de-classiquenews-avril-2015L’Offertoire qui ouvre le cd 2 saisit par son introspection tendre, presque innocente : Hostias remarquablement tenu et d’une douceur surprenante. La basse (Georg Zeppenfeld) comme l’alto (Daniela Barcellona) sont irrĂ©prochables : exaltĂ©s, vivants, humains avec humilitĂ©. Idem pour Le lux aeternam : autre moment d’effusion dans la communion. Le ton est constamment justes. Le soprano parfois vibrĂ© et instable d’Anja Harteros, malgrĂ© elle aussi la distinction du timbre, faiblit en cours de cycle mais dans le cd 2 rĂ©vèle ses qualitĂ©s expressives en particulier dans le Libera me final, vraie confession panique d’une âme pĂŞcheresse en quĂŞte de salut comme de paix : comment ne pas penser ici Ă  la Desdemona d’Otello, et aussi dans sa prière exacerbĂ©e enivrĂ©e Ă  la Tosca de Puccini. De toute Ă©vidence, avec son nez lĂ©gendaire, au dĂ©part, Maazel rĂ©unit de très solides solistes. L’ultime section Ă  l’Ă©noncĂ© du Requiem par la soprano atteint une puretĂ© d’intention rĂ©ellement jubilatoire, d’autant que les chĹ“urs sont prĂ©sents, murmurĂ©s, palpitants eux aussi (superbe prise de son spacialisĂ©e).
En maĂ®tre lyrique incontestĂ©, Maazel mène ses troupes avec une tension somptueuse, soulignant les arĂŞtes vives d’essence opĂ©ratiques de la partition. Les passages et les transitions sont ciselĂ©es dans le sens de l’intĂ©rioritĂ© suave. Cet hĂ©donisme qui puise ses racines dans l’opĂ©ra ravira les amateurs du Verdi opĂ©ratique, de fait si prĂ©sent dans son Requiem : les puristes pour des voix plus angĂ©liques moins Ă©paisses maintiendront d’Ă©videntes rĂ©serves. Pourtant la cohĂ©rence du style, l’Ă©quilibre de l’intention sans dĂ©bordement composent une lecture prenante, dĂ©veloppe un juste accord entre expressivitĂ© et ferveur. VoilĂ  qui laisse un tĂ©moignage plutĂ´t convaincant s’agissant du dernier Maazel. Par sa sincĂ©ritĂ© rayonnante qui s’affirme peu Ă  peu la Missa da Requiem du dernier Maazel mĂ©rite le meilleur accueil, c’est donc un CLIC de classiquenews d’avril 2015. In memoriam maestro.

 

 

Maazel verdi messa da requiem 1 cd classical sonyVerdi : Messa da Requiem. Anja Harteros, Daniela Barcellona, Wookyung Kim, Georg Zeppenfeld. Münchner Philharmoniker. Philharmonischer Chor München. Lorin Maazel, direction. Enregsitrement réalisé à Munich en février 2014. 1 cd Sony classical

 

 

Le Trouvère de Verdi

logo_francemusiqueFrance Musique. Dimanche 29 mars 2015, 20h30. Verdi : Le Trouvère. La tribune des critique s’intéresse à l’opéra le plus prenant et fantastique (scène de magie, feux évocatoires, meurtre d’enfants et vengeance irrésistible…) de Verdi : un chef d’œuvre au dramatise noir qui appartient à la maturité triomphale de Verdi, et qui curieusement est toujours taxé de complexité et de faiblesse à cause d’un livret « trop confus ». Or l’écoute précise de l’ouvrage révèle un drame fort, sauvage, aux contrastes incandescents (angélisme amoureux de Leonora, ivresse éperdue du Trouvère Manrico, diabolisme du Conte de Luna : soit la sublimation du trio vedette à l’opéra : soprano, ténor, baryton).  Les critiques de France Musique sauront-ils  discerner les qualités de l’ouvrage et distinguer les meilleurs interprètes ? Dont Callas dirigée par Karajan entre autres… L’opéra depuis a trouvé une nouvelle soprano de choc : Anna Netrebko (Berlin, 2013 ; Salzbourg, été 2014) : sensuelle, pure, lumineuse et ardente.

Giuseppe VerdiCréé à Rome en 1853, d’après El Trovador de Gutiérrez, 1836), Le Trouvère de Verdi saisit par sa fièvre dramatique, une cohérence et une caractérisation musicale indiscutable malgré la complexité  romanesque de l’intrigue. L’action se déroule en Espagne, dans la Saragosse du XVème, où le conte de Luna est éconduit par la dame d’honneur de la princesse de Navarre, Leonora dont il est éperdument amoureux : la jeune femme lui préfère le troubadour Manrico.  Dans le camps gitan, Azucena, la mère de Manrico, est obsédée par l’image de sa mère jetée dans les flammes d’un bûcher, et de son jeune frère, également consommé par le feu. Manrico décide de fuir avec Leonora. Mais il revient défier Luna car sa mère est condamnée à périr sur le bûcher elle aussi.  Emprisonné par Luna avec sa mère, Manrico maudit Leonora qui semble s’être finalement donnée au Conte : elle a feint et s’est versée le poison pour faire libérer son aimé. En vain, Luna comprenant qu’il n’aura jamais celle qu’il aime (à présent morte), ordonne l’exécution par les flammes de Manrico. Au comble de l’horreur, Azucena lui avoue qu’il vient de tuer son propre frère : leur mère avait échanger les enfants sur le bûcher. De sorte que l’opéra s’achève sur la vengeance d’Azucena (elle a enfin vengé la mort de sa mère par Luna) et le sacrifice des deux amants (Leonora et Manrico). La mezzo apparemment démunie a manipulée le baryton jaloux, vengeur… aveuglé par sa haine.

Drame gothique tragique… Dans la production parisienne de l’ouvrage, Verdi ajoute un ballet selon le goût français du grand opéra (3ème partie : la Bohémienne). La violence de l’écriture, l’omniprésence des flammes dans la résolution du jeu dramatique, l’exacerbation des passions qui s’opposent (Luna contre Leonora et Manrico, l’apparente impuissance de la sorcière bohémienne Azucena…)…tout œuvre ici pour l’essor d’une tragédie gothique prenante, à l’expressivité progressive. D’après le roman gothique romantique de Gutiérrez, Verdi offre une remarquable caractérisation des rôles solistes : Manrico (ténor), Leonora (soprano), Luna (baryton), surtout Azucena (mezzo soprano) dont il fait une sorte d’autorité féminine sombre et lugubre (cf. le Miserere, chœur funèbre de la 4ème partie : intitulée ” Le Supplice”). Contemporain de La Traviata, Le Trouvère est une partition flamboyante, sur un prétexte emprunté au roman historique dont la vocalité très investie des 4 solistes frappe immédiatement : Verdi réussit un tour de force. Chaque air répond à la nécessité de l’action.

France Musique. Dimanche 29 mars 2015, 20h30. Verdi : Le Trouvère

La tribune des critique

Otello de Verdi Ă  Sao Paolo

VERDI_402_Giuseppe-Verdi-9517249-1-402Sao Paolo, Teatro Municipal. Verdi : Otello. Les 12, 14, 15, 17, 18, 21, 22, 24, 27 mars 2015. Avec Kunde, Kos, Esteves, sous la direction de Neschling et dans la mise en scène de Del Monaco.  Ici s’affronte deux virilitĂ©s : l’une manipulatrice et destructrice, Iago ; l’autre, lumineuse mais influençable, Otello. Chypre est le théâtre de la vengeance haineuse du premier : Iago (baryton) qui prĂ©cipite la chute de son rival le capitaine Cassio (qu’il enivre) et dont il fait insidieusement l’amant supposĂ© de DesdĂ©mone ; ainsi, Iago suscite aussi la folie du gĂ©nĂ©ral victorieux : rongĂ© par le soupçon quant Ă  la loyautĂ© fidèle de son Ă©pouse DesdĂ©mone. DĂ©truit et atteint, Otello finit par la tuer puis se suicider en comprenant son erreur et la machination dont il est la victime aveugle. Verdi et Boito ont portraiturĂ© avec soin le visage diabolique de Iago dont il font un ĂŞtre façonnĂ© par le mal et la jalousie (son credo mephistofĂ©lique au dĂ©but du II). C’est lui qui tire les ficelles, avec d’autant plus de facilitĂ© que DesdĂ©mone, Otello, Cassio paraissent bien crĂ©dules voire passifs sur l’Ă©chiquier de ses intrigues. Otello semble mĂŞme impressionnable et faible : il gifle et violente son Ă©pouse devant les ambassadeurs vĂ©nitiens (III), avant d’Ă©touffer son Ă©pouse au IV… Fervent admirateur de Shakespeare (avec Schiller), Verdi atteint au sublime tragique dans ce drame noir et crĂ©pusculaire oĂą le hĂ©ros s’aperçoit trop tard de son aveuglement haineux et criminel. Après avoir composĂ© surtout de sublimes rĂ´les pour voix de baryton (souvent des pères aimants et gĂ©nĂ©reux : tels Stiffelio, Rigoletto, Boccanegra…), Verdi offre Ă  tous les tĂ©nors les plus dramatiques, un superbe rĂ´le mettant en avant surtout leur performance d’acteur. C’est logiquement dans ce rĂ´le que la planète lyrique attend l’indiscutable et charismatique Jonas Kaufmann.

boutonreservationOtello de Verdi au Teatro Municipal de Sao Paolo.
Les 12,14,15,17,18,21,22,24,27 mars 2015.
Avec Kunde, Kos, Esteves,
sous la direction de Neschling et dans la mise en scène de Del Monaco.

Simon Boccanegra Ă  Avignon

le doge Dandolo par TitienAvignon, OpĂ©ra. Verdi : Simon Boccanegra. Les 20,22 mars 2015. Simon Boccanegra de Verdi est l’histoire d’un homme de pouvoir, le doge de Gènes, touchĂ© par la vertu et le sens du bien public auquel Verdi attribue, pour renforcer la charge humaine, une histoire familiale difficile : après l’avoir perdue, Simon Boccanegra retrouve sa fille Maria… Comme Rigoletto, Stiffelio, Simon Boccanegra aborde une thème cher Ă  Verdi : la relation père / fille : amour total qui rĂ©vèle souvent une force morale insoupçonnĂ©e. Simon Boccanegra offre un superbe rĂ´le Ă  tous les barytons de la planète lyrique : homme fier au dĂ©but, dans le Prologue, encore manipulĂ© par l’intriguant Paolo ; puis politique fin et vertueux qui malgrĂ© l’empoisonnement dont il est victime, garde Ă  l’esprit, sans sourciller l’intĂ©rĂŞt du peuple.

 

 

Père et doge Ă  la fois…

Particulièrement dense, le livret pose de façon inĂ©dite, histoire politique et drame individuel sur le mĂŞme plan. Ancien corsaire Ă©lu doge, Boccanegra fait l’expĂ©rience du pouvoir, confrontĂ© aux intrigues des puissants, aux remous d’une foule rĂ©active et manipulable, et aussi aux rebondissements de sa propre saga familiale.
La genèse de l’opéra fut longue et difficile : dans sa version révisée plus tardive, Verdi s’associe au jeune poète et compositeur Arrigo Boito (avec lequel il composera Otello, 1887 et Falstaff, 1893) : il resserre l’intrigue, la rend plus clair. L’ouvrage est créé en 1857 à La Fenice, puis recréé dans sa version finale à La Scala en 1881. Outre l’intelligence des épisodes dramatiques, vraies séquences de théâtre, Simon Boccanegra touche aussi par la coloration marine de sa texture orchestrale, miroitements et scintillements nouveaux révélant toujours le génie poétique de l’infatigable Verdi.

 

 

 

 

boutonreservationSimon Boccanegra de Verdi Ă  l’OpĂ©ra d’Avignon
Vendredi 20 mars 2015 Ă  20h30
Dimanche 22 mars 2015 Ă  14h30

Opéra en un prologue et trois actes de Giuseppe Verdi
Livret de Francesco Maria Piave et Arrigo BoĂŻto
Direction musicale : Alain Guingal
Direction des chœurs : Aurore Marchand
Etudes musicales : Kira Parfeevets
Mise en scène : Gilles Bouillon
Décors : Nathalie Holt
Costumes : Marc Anselmi
Lumières : Michel Theuil

Amelia : Barbara Haveman
Un ancella di Amelia : Violette Polchi
Simon Boccanegra : George Petean
Jacopo Fiesco : Wojtek Smilek
Gabriele Adorno : Giuseppe Gipali
Paolo Albiani : Lionel Lhote
Pietro : Patrick Bolleire
Un capitano : Patrice Laulan

Orchestre Régional Avignon-Provence
Chœur de l’Opéra Grand Avignon

DVD. Verdi : Les VĂŞpres Siciliennes (Volle, Schrott, Hymel, Pappano, 2013. 2 dvd Warner)

dvd-verdi-vepres-siciliennes-volle-hymel-schrott-dvd-warner-pappano-londres-octobre-2013-clic-de-classiquenews-fevrier-2015DVD. Verdi : Les VĂŞpres Siciliennes (Volle, Schrott, Hymel, Pappano, 2013. 2 dvd Warner). Rares les productions des VĂŞpres verdiennes chantĂ©es en français selon la crĂ©ation parisienne de 1855 (Salle Le Peletier). Cette production très honnĂŞte et souvent convaincante sait soigner les accents du pur drame psychologique (Monfort en quĂŞte de son fils Henri) en dĂ©pit des nombreuses scènes collectives historiques qui font basculer Les VĂŞpres vers le grand opĂ©ra français façon HalĂ©vy, Meyerbeer… La mise en scène traite froidement la barbarie et le cynisme du pouvoir politique, la violence qui sous-tend toute l’intrigue puisqu’il est question ici d’un thème essentiel Ă  l’Ă©poque de Verdi : la rĂ©sistance d’un peuple (les siciliens menĂ©s par Jean Procida) contre l’oppression d’une autoritĂ© Ă©trangère (les Français). De fait, le livret de Scribe s’inspire du soulèvement des Siciliens de mars 1282 contre les Français… Les cloches de la noce finale d’Henri et d’HĂ©lène donnent le signal du soulèvement : l’amour bascule dans le sang. Triste progression oĂą les armes sont plus fortes que la volontĂ© des coeurs. Ici, le dĂ©cor prolonge l’espace du théâtre d’opĂ©ra : preuve que la rĂ©alitĂ© des spectateurs peut bientĂ´t ĂŞtre contaminĂ©e par le règne de la tyrannie et des manipulations reprĂ©sentĂ© sur scène. Tout cela fonctionne bien car l’enjeu des situations demeure lisible.

L’homme de théâtre norvĂ©gien Stefan Herheim fait cependant du tĂ©nor hĂ©roĂŻque Henri, l’amant de la sicilienne HĂ©lène, pris dans les rets de son amour filiale pour Monfort, le tyran français, la figure archĂ©typale de l’artiste romantique, comme Tannhäuser, hĂ©ros sacrifiĂ©, maudit, incompris sur l’autel de la bourgeoisie du Second Empire Ă  naĂ®tre. L’OpĂ©ra de Paris, celui de Garnier, ses ors et sa pompe théâtrale sont copieusement citĂ©s, crĂ©ant le cadre des enjeux politiques Ă  l’Ă©poque de Verdi : nationalismes en rĂ©sistance, conscience libertaire des artistes, politique barbare de l’ordre bourgeois.

La battue de Pappano, nerveuse, parfois fougueuse jusqu’Ă  l’Ă©clair, Ă©vite justement le grandiloquent pour un continuum haletant oĂą l’on sent la pression de la machine politique Ă©prouvant chaque individu dans ses aspirations les plus intimes : Henri, le fils dĂ©chirĂ© entre l’amour filial qui le lie Ă  son père, et son dĂ©sir d’HĂ©lène, la Sicilienne aimĂ©e.

Verdi aime ciseler le relief intĂ©rieur des âmes, fussent-elles au sommet de la hiĂ©rarchie politique : solitude et dĂ©sarroi des puissants qui prĂ©sentent ainsi au dĂ©but du III, Monfort le tyran français, en quĂŞte de l’amour d’un fils auquel il s’est jusque lĂ  cachĂ© : Michael Volle affirme une profondeur dĂ©chirĂ©e, une noblesse de sentiments qui attendrit le personnage du potentat, de surcroĂ®t dans un français intelligible ; face Ă  lui, ardent et tendu, le tĂ©nor montant Bryan Hymel affirme ses aspirations romantiques et amoureuses avec un aplomb, mĂŞme si son français reste diluĂ©, et si l’on note une faiblesse de rĂ©gime en fin d’action. Le relief de l’intrigue tient aussi Ă  l’opposition des deux rĂ´les de barytons : si Monfort s’humanise en cours d’action (en se rapprochant de son fils qui bientĂ´t va le reconnaĂ®tre en effet), la figure du Sicilien revanchard, chefs des partisans, Jean Procida gagne progressivement en autoritĂ©, en force contre l’oppresseur : l’uruguyen Erwin Schrott, ex compagnon d’Anna Netrebko, impose sa prestance virile et sauvage, une force noire et fĂ©line qui contraste idĂ©alement avec ses ennemis (hĂ©las dans un français bien peu ciselĂ©). Participant au pied levĂ© Ă  la production, la soprano armĂ©nienne Lianna Haroutounian chante tant bienque mal HĂ©lène : elle dĂ©ploie son beau timbre intense, mais ne convainc pas dans un français mou et approximatif, et des vocalises guère prĂ©cises.

La production londonienne s’impose indiscutablement par le nerf expressif qui se dĂ©gage de la direction capable d’exprimer et les Ă©clairs intĂ©rieurs du drame hugolien et le souffle de la passion alla Schiller, deux sources si bien cultivĂ©es par le gĂ©nie théâtral de Verdi, et qui font des VĂŞpres l’inverse d’une grande machine artificielle ; la tenue très honnĂŞte des 3 protagonistes : Monfort, Henri et Procida ajoutent Ă  la caractĂ©risation dramatique. Les chĹ“urs magnifiquement prĂ©parĂ©s savent restĂ©s articulĂ©s, prenants. Superbe expressivitĂ© collective. L’Ĺ“uvre fait partie des partitions les moins bien estimĂ©es de Verdi, Ă©tiquettĂ©e “grand bazar Ă  la française” ; c’est mal connaĂ®tre l’esprit de la partition et le gĂ©nie verdien Ă  l’oeuvre. La production dirigĂ© par Pappano a le mĂ©rite d’Ă©claircir la rĂ©ussite d’un ouvrage rarement donnĂ© en français. d’oĂą notre CLIC de fĂ©vrier 2015.

CLIC_macaron_2014DVD. Verdi : Les Vêpres siciliennes (version française de 1855). Lianna Haroutounian (Hélène), Bryan Hymel (Henri), Michael Volle (Monfort), Erwin Schrott (Procida), Royal Opera Chorus, Orchestra of the Royal Opera House. Antonio Pappano, direction. Stefan Herheim, mise en scène. 2 dvd Warner Classics 2564616434. Live enregistré à Londres en octobre 2013.

Lianna Haroutounian – Helene
Bryan Hymel – Henri
Erwin Schrott – Procida
Michael Volle – Guy de Montfort
Michelle Daly – Ninetta
Neal Cooper – Thibault
Nico Darmanin – DaniĂ©li
Jung Soo Yun – Mainfroid
Jihoon Kim – Robert
Jean Teitgen – Le Sire de BĂ©thune
Jeremy White – Le Comte de Vaudemont

Royal Opera Chorus
Orchestra of the Royal Opera House
Antonio Pappano, direction
Stefan Herheim, mise en scène, régie

Nouveau Rigoletto Ă  Clermont-Ferrand

VERDI_442_Giuseppe_Verdi_portraitClermont-Ferrand, OpĂ©ra. Verdi : Rigoletto. Les 14 et 17 janvier 2015. Le bossu maudit. En jouant l’arrogance des courtisans infects, le fou du Duc (de Mantoue) croit tirer les ficelles : mais en devenant le dindon trompĂ©, il perd jusqu’Ă  la vie de son bien le plus prĂ©cieux : sa fille Gilda… âme trop angĂ©lique sacrifiĂ©e dans l’arène d’une humanitĂ© parfaitement barbare et cynique. Le ton est donnĂ© et la musique de Verdi suit Ă  la lettre, la plume acerbe et touchante, critique, voire satirique et brĂ»lante du grand Victor Hugo qui lui a soufflĂ© sa trame (l’opĂ©ra de Verdi reprend le sujet du Roi s’amuse). Sous couvert d’un drame de cour, Verdi brosse le portrait d’une assemblĂ©e de politiques ignobles et railleurs, parfaits libertins, dont le seul souci est de meurtrir les cĹ“urs surtout purs. Voyez comment Gilda, jeune femme innocente et trop naĂŻve, se fait dĂ©vorer par cette humanitĂ© corrompue.
De la pièce hugolienne, Verdi et son librettiste Piave font un huit clos à 3  : le Duc prédateur ; le bouffon dépassé ; sa fille manipulée, sacrifiée ; soit le ténor, le baryton, la soprano. A trop avoir raillé, on est raillé et perdu soi-même : voilà la triste fable de Rigoletto, bossu amuseur à Mantoue qui sans le savoir, offre au Duc son patron, sa propre fille comme offrande sacrificielle.
L’acte I  dĂ©bute par la malĂ©diction de Rigoletto par l’une de ses victimes, Monterone, que le bossu a raillĂ© alors que le Duc a dĂ©shonorĂ© sa fille… un tel sort attend le bossu. Mais il ne le sait pas encore.
Au II, Rigoletto Ă  qui on vient d’enlever sa fille Gilda, la dĂ©couvre sortant (dĂ©pucelĂ©e) de la chambre du Duc. Dans un air final, Rigoletto  jure de se venger.
Au III, le Duc magnifique s’enflamme Ă  l’Ă©vocation de ses conquĂŞtes et de la lĂ©gèretĂ© des femmes (air fameux : la donna è mobile...). Mais Rigoletto lui a prĂ©parĂ© un piège en payant le service du tueur Sparafucile et de sa sĹ“ur Maddalena. En une nuit de terreur oĂą Verdi fait souffler la violence d’une tempĂŞte, Rigoletto croit tenir le sac qui contient le corps assassinĂ© du Duc impi : c’est sa fille Gilda qui s’est prĂ©sentĂ©e Ă  sa place sous la lame vengeresse. L’agneau a sauvĂ© le dĂ©cadent.

 

 

 

Un père maudit et meurtri

 

Vague verdienne en juin 2014En une action violente et terriblement efficace, Verdi aborde la barbarie humaine, surtout la souffrance d’un père qui pleure difficilement la perte de sa fille (dès la fin de l’acte I, quand les courtisans ont enlevĂ© Gilda pour la livrer au Duc ; surtout dans la scène finale oĂą le père dĂ©couvre le corps de son enfant sacrifiĂ© dans son sac/linceul…). La force de Verdi vient de la justesse et de la profondeur des sentiments qu’il est capable d’exprimer : n’a-t-il pas lui-mĂŞme Ă©tĂ© particulièrement frappĂ© par la perte de ses filles et de son Ă©pouse ? ApretĂ© cynique, tendresse Ă©perdue, barbarie noire… l’opĂ©ra manière Verdi atteint un souffle et un rĂ©alisme jamais vu avant lui, d’une violence grotesque Ă  la mesure de sa source hugolienne. Après Macbeth et Luisa Miller, – inspirĂ© par Shakespeare et Schiller, Rigoletto, créé Ă  La Fenice en mars 1851, incarne avec Le Trouvère et La Traviata, la trilogie de la maturitĂ© triomphante : un sommet Ă  trois couronnes qui scelle dĂ©finitivement le gĂ©nie de Verdi sur la scène lyrique italienne et europĂ©enne.

 

 

Lars_Fosser-rigoletto-clermont-ferrandRigoletto de Verdi Ă  l’OpĂ©ra de Clermont-Ferrand
Opéra en 3 actes. 
Livret de Francesco Maria Piave d’après Le Roi s’amuse de Victor Hugo. Création : Venise, 11 mars 1851. Les 14 (20h) et 17 janvier 2015 (15h).

Direction musicale / Amaury du Closel
Mise en scène / Pierre Thirion-Vallet
Décor / Frank Aracil
Création Costumes / Véronique Henriot
Réalisation Costumes / Véronique Henriot, Céline Deloche,
Laure Picheret et Charlotte Richard
Lumières / Véronique Marsy
Surtitrage / David M. Dufort

Le Duc de Mantoue / Alex Tsilogiannis
Rigoletto / Lars Fosser
Gilda / Mercedes Arcuri
Sparafucile / Federico Benetti
Maddalena / Juliette de Banes Gardonne
Le Comte Monterone / Ping Zhang
Marullo et un huissier de la cour / Matthias Rossbach
Matteo Borsa / Pablo Ramos Monroy
Comte Ceprano / Ronan Airault
Giovanna / Emmanuelle Monier
Comtesse Ceprano et un page / Héloïse Koempgen-Bramy
Hommes de cour / Renaud de Rugy et Joseph Kauzman

Orchestre Opéra Nomade

Représentations:
boutonreservationOpéra-Théâtre de Clermont-Ferrand
Mercredi 14 janvier 2015 / 20h00

Samedi 17 janvier 2015 / 15h00


De 10 à 48€
2h30 entracte compris
Chanté en italien, surtitré en français