LIVRE événement, critique. Chantal Cazaux : Rossini, mode d’emploi (Premières Loges)

chantal-cazaux-rossini-livre-clic-de-classiquenews-rossini-mode-d-emploiLIVRE événement, critique. Chantal Cazaux : Rossini, mode d’emploi (Premières Loges) – Comme tous les « Modes d’emploi », le guide bien illustré dresse un bilan sur la Rossinimania qui continue de déferler sur la scène lyrique internationale (Rossini est le 4è compositeur le plus joué au monde, après Verdi, Mozart, Puccini), tout en se posant les bonnes questions s’agissant de son interprétation, des Å“uvres fétiches, comme de l’évolution de l’écriture rossinienne. A ce propos, le texte très clair met à mal un certain nombre d’idées reçues (comme par exemple contrairement à ce qui est dit et écrit… l’ex directeur du Théâtre-Italien), Rossini a continué d’écrire et de composer tout au long de sa vie, certes moins d’opéras à l’âge de sa retraite précoce (37 ans, l’âge de son ultime ouvrage lyrique), mais inventeur de formes nouvelles, entre l’opéra et l’église : Petite Messe solennelle, Stabat Mater…). Pour éclairer aussi profondément qu’il est possible la stature et la créativité du « Napoléon de la musique », du « Cygne de Pesaro », le livre s’articule en cinq parties destinées à aborder tous les aspects du vaste univers rossinien : « l’homme, sa musique, ses opéras clés, ses plus grands interprètes et tous les outils pratiques pour partir à sa rencontre ». Et déjà sous le bon vivant, l’ensemble des articles et commentaires dévoilent et précisent la finesse et la subtilité de Rossini, son écriture belcantiste; la séduction irrésistible de son drame, comique ou héroïque, toujours juste et sincère.

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LIVRE événement, critique. Chantal Cazaux : Rossini, mode d’emploi (Premières Loges) – Version papier : 28 € – Ouvrage disponible à partir du 14 octobre 2020
- ISBN : 978-2-84385-497-2 – 240 pages.
PLUS d’infos sur le site asopera / éditions Premières Loges
https://www.asopera.fr/fr/modes-d-emploi/3908-rossini-mode-d-emploi.html

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Avant-propos

I. Points de repères

1. Rossini dans l’histoire de la musique
2. Gioachino Rossini, une vie (1792-1868)
3. Un homme en son temps

II. Études

1. Allegro virtuoso e crescendo
2. Cache-cache avec la muse
3. Figaro ci, Figaro là

III. Regards sur les opéras

    Tancredi
L’Italienne à Alger
Le Turc en Italie
Elisabetta, regina d’Inghilterra
Le Barbier de Séville
Otello
La Cenerentola
La Pie voleuse
Armida
Mosè in Egitto
La Dame du lac
Maometto II
Sémiramis
Le Voyage à Reims
Le Siège de Corinthe
Moïse et Pharaon
Le Comte Ory
Guillaume Tell

IV. Écouter et voir

1. Chanter Rossini
2. Diriger Rossin
3. Mettre en scène Rossini
V. Repères pratiques

Discographie
Vidéographie
Bibliographie

Chronologie des opéras ; Table des extraits audio
Index des noms ; Index des titres

TOURCOING. La Cambiale di Matrimonio de ROSSINI à L’Atelier Lyrique

TOURCOING, ROSSINI : La Cambiale di Matrimonio, 20 – 24 mars 2020. Fidèle à LA COMMEDIA DELL’ARTE, l’opera buffa de Rossini met en musique le fameux trio loufoque, tragicomique du barbon épais, rustre auquel sont opposés un couple de jeunes amoureux…
rossini-portrait-gioachino-rossini-bigDe fait, l’histoire met en scène un riche négociant anglais qui vend par correspondance sa fille unique (amoureuse d’un pauvre) à un riche propriétaire canadien… ce dernier au début de l’opéra, débarque du nouveau monde, dans l’ancien pour prendre possession de son « bien ». D’une situation assez choquante, surgissent maints effets de théâtre, ceux que Rossini adore : quiproquos, menace de mort, coups de théâtre, duel aux pistolets, en un délire effréné et jubilatoire. La farce même si elle se termine bien, produit plusieurs situations tendues voire touchante, qui révèlent le cœur et l’âme de certains personnages.
Rossini aime les renversements salvateurs : ainsi le jeune et pauvre amoureux deviendra riche et épousera la belle ; tandis que permanence des positions sociales âprement défendues, depuis des lustres, « les vieux riches » (le négociant et le Canadien) seront certes déçus, mais toujours riches ! précise Laurent Serrano, metteur en scène.

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ROSSINI : La Cambiale di Matrimonio
reprise du spectacle présenté en 2016
Vendredi 20 mars 2020 / 20 h
Dimanche 22 mars 2020 / 15 h 30
Mardi 24 mars 2020 / 20 h
Tourcoing, Théâtre Municipal R. Devos

RÉSERVEZ VOS PLACESboutonreservation
directement sur le site de l’Atelier Lyrique de Tourcoing
http://www.atelierlyriquedetourcoing.fr/spectacle/la-cambiale-di-matrimonio/

 

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Gioacchino Rossini (1792-1868)
La Cambiale di matrimonio
Le Mariage par lettre de change
Farce créée au Théâtre San Moisè à Venise en 1810
Livret de Gaetano Rossi
Création Atelier Lyrique de Tourcoing  2016

Direction musicale : Emmanuel Olivier
Mise en scène : Laurent Serrano

Tobia Mill, un commerçant anglais : Sergio Gallardo
Fanny, fille de Mill : Clémence Tilquin
Edoardo, amant de Fanny : Jérémy Duffau
Slook, agent de Mill au Canada : Nicolas Rivenq
Norton, caissier de Mill : Ugo Guagliardo
Clarina, secrétaire : Pauline Sabatier

La Grande Écurie et la Chambre du Roy
(Fondateur Jean Claude Malgoire)

TOURS, Opéra. Le Barbier de Séville de ROSSINI de Pelly et Pionnier

babrier-pelly-rossini-tours-critique-trio-terzetto-acte-II-opera-critique-classiquenewsTOURS, Opéra. ROSSINI : Le Barbier de Séville : 29 janv – 2 fév 2020. Eblouissant Barbier de Rossini par Laurent Pelly et Benjamin Pionnier. jusqu’au 2 février 2020. On ne saurait souligner la réussite totale de cette production, pour certains, déjà vue (créée à Paris en 2017), mais à Tours réactivée sous la direction de Benjamin Pionnier et avec une distribution qui atteint l’idéal.

Rossini en 1816, à peine âgé de 25 ans, ouvre une nouvelle ère musicale avec ce Barbier sommet d’élégance et de pétillance et qui semble sublimer le genre buffa. La réalisation à l’Opéra de Tours en exprime toutes les facettes, tout en soulignant aussi la justesse de Laurent Pelly qui signe ici l’une de ses meilleures mises en scène rossiniennes. Directeur des lieux, le chef d’orchestre Benjamin Pionnier est bien inspiré de programmer ce spectacle en le proposant aux tourangeaux. Une manière inoubliable de fêter l’année nouvelle et de poursuivre la saison lyrique 2019 – 2020 à Tours.

LIRE NOTRE PRÉSENTATION du Barbier de Séville de Rossini par Laurent Pelly et Benjamin Pionnier à l’Opéra de Tours, jusqu’au 2 février 2020. Production événement

barbier-seville-rossini-pelly-pionnier-opera-de-tours-janv-2020-critique-opera-critique-concert-classiquenews

Opéra de Tours : Le Barbier de Séville par Pelly et Pionnier

rossini-portrait-gioachino-rossini-bigTOURS, Opéra. 29 janv – 2 fév 2020. ROSSINI : Le Barbier de Séville. Rossini, après avoir traité le genre seria, s’affirme réellement dans la veine du melodramma buffo (et en deux actes) comme l’atteste la réussite triomphale de son Barbier de Séville, d’après Beaumarchais, créé au Teatro Argentina de Rome, en février 1816. Fin lui aussi, mordant et d’une facétie irrésistible par sa verve toute en subtilité, le compositeur se montre à la hauteur du drame de Beaumarchais : il réussit musicalement dans les ensembles (fin d’actes) et aussi dans le profil racé, plein de caractère de la jeune séquestrée, Rosine : piquante, déterminée, une beauté pleine de charme… Comment le jeune comte Almaviva réusira-t-il à libérer la belle Rosina des griffes de son tuteur âgé (Bartolo) qui a décidé de séquestrer la jeune femme pour mieux l’asservir puis l’épouser ? Grâce à la complicité du factotum de Séville, Figaro, jeune âme aussi conquérante et positive… leur duo, tout en facétie et ingéniosité, est l’agent de libération. Rossini… féministe ? Deux hommes redoublent de saine entente, de jubilante inventivité pour émanciper la prisonnière. Leurs talents qui allie grâce, jeunesse, astuces s’entend dans la musique du jeune Rossini (24 ans), dont l’orchestration et le génie mélodique exprime une même pétillance. Ici c’est l’insolence et l’esprit de conquête d’une jeunesse sûre d’elle qui s’affirme contre le vieil ordre. Rossini met en musique l’épisode inspiré de Beaumarchais et qui précède ce que Mozart avant lui avait mis en musique avec la complicité de Da Ponte, Les Noces de Figaro : après l’élan du désir naissant lié à la libération de la belle séquestrée, Almaviva, tyran domestique harcèle la servante Suzanne et délaisse Rosina, devenue comtesse négligée… Pour l’heure en 1816, retentit la formidable rire et la finesse d’un Rossini d’une précoce maturité.

Avec le Figaro de Guillaume Andrieu, la Rosina d’Anna Bonitatibus… Direction musicale : Benjamin Pionnier / mise en scène : Laurent Pelly.
3 représentations événements à l’Opéra de Tours, les 29, 31 janvier puis 2 février 2020.

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Opéra de Toursboutonreservation
Mercredi 29 janvier 2020 – 20h00
Vendredi 31 janvier – 20h
Dimanche 2 février – 15h

RÉSERVEZ :
http://www.operadetours.fr/le-barbier-de-seville

 

 

 

 

Direction musicale : Benjamin Pionnier

Mise en scène, décors et costumes : Laurent Pelly
Lumières : Joël Adam

Figaro : Guillaume Andrieux
Rosina : Anna Bonitatibus
Comte Almaviva : Patrick Kabongo
Bartolo : Michele Govi
Basilio : Guilhem Worms
Berta : Aurelia Legay
Fiorello : Nicholas Merryweather
Ambrogio et Notaire : Thomas Lonchampt

Choeur de l’Opéra de Tours
Orchestre Symphonique Région Centre-Val de Loire / Tours

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Melodramma buffo en deux actes
Livret de Cesare Sterbini d’après Le Barbier de Séville de Beaumarchais
Créé au Teatro Argentina de Rome le 20 février 1816

Coproduction Théâtre des Champs-Elysées – Opéra National de Bordeaux -
Opéra de Marseille – Théâtres de la Ville de Luxembourg – Opéra de Tours – Stattheater Klagenfurt

Durée : environ 2h30 avec entracte

Conférence gratuite
Samedi 25 janvier – 14h30
Grand Théâtre – Salle Jean Vilar
Entrée gratuite – réservation recommandée
places limitées

Grand Théâtre de Tours
34 rue de la Scellerie
37000 Tours

02.47.60.20.00

Billetterie
Ouverture du mardi au samedi
10h30 à 13h00 / 14h00 à 17h45

02.47.60.20.20
theatre-billetterie@ville-tours.fr

 

 

 


Après PAISIELLO, Le Barbier de ROSSINI…

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barbier-de-seville-rossini-opera-de-tours-pelly-pionnier-classiquenews-opera-annonce-critique-classiquenews34 ans avant l’opéra de Rossini, en sept 1782, Paisiello, alors auteurs en vogue, crée au Théâtre de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg et à la demande de sa protectrice Catherine II, Il barbiere di Siviglia, ovvero La precauzione inutile. Inspiré de Beaumarchais, le dramma giocoso suscite un succès immédiat. Car Paisiello trouve l’écho musical juste à la verve et l’impertinence de l’écrivain français. C’était compté sans le Barbier du jeune Rossini, de 1816. A peine âgé de 25 ans, Rossini baptise d’abord sa partition « Almaviva » du nom du Comte, complice de Figaro, – précaution respectueuse pour Paisiello pour ne pas créer de confusion entre les deux ouvrages. La première le 20 février 1816 au Teatro Argentina de Rome, est un fiasco.
Tout dans la musique de Rossini indique a volonté de rompre avec l’ancien monde et le style ancien : quand Rosina, belle séquestrée par son tuteur Bartolo qui veut l’épouser, chante le rondo de l’opéra factice, L’Inutil precauzione, la jeune femme revendique à la barbe de son géolier, et en présence d’Almaviva déguié en prof de musique, sa liberté et son désir d’émancipation (leçon de chant à l’acte II, scène 3). Ridiculisé le vieux barbon, use de stratagèmes éculés (inutiles précautions comme le clame Rosina de facto) : il ne peut empêcher les deux amants, Rosina et Almaviva, de se marier, grâce aussi à l’intervention de l’astucieux Figaro. Le Comte Almaviva, d’abord déguisé sous son nom de Lindoro, et aussi du professeur de musique comme on l’a vu, peut dérober à Bartolo, la fiancée qu’il s’est choisie.
La séquestration qu’impose Bartolo est bien celle d’un monde autoritaire et phalo, voire misogyne que Rossini exacerbe par sa musique pétillante. La puissance et l’imagination de l’écriture montrent l’audace d’un Rossini qui synthétise alors tous les opéras buffas napolitains précédents; en extrait l’essence de liberté et de sédition, sans omettre le miel d’une séduction irrésistible qui passe par l’amplification de la partie dévolue au chœur, comme le raffinement de son orchestration.
Héros de cette énergie révolutionnaire, Figaro chante dès le début son Largo al factotum… air démesuré, libre, délirant, … inouï en vérité, car jamais entendu auparavant. Figaro c’est Bacchus ou Mercure : un être hors normes, un génie de l’action intelligente dont les malices et les astuces emportent toute l’action, et la précipitent même pour le dénouement de la situation qui contraint Rosina. Le jeune comte Almaviva s’allie à ce personnage haut en couleurs, et profite de l’intelligence de Figaro. De son côté, la vielle servante Berta, du fait de son âge, est prête à « crever » hors de ce mouvement libertaire : un beau contraste avec le Figaro libre et brillant. Elle fustige le danger de la liberté, agent du chaos : le final du Ier acte est dans ce sens aussi orgiaque et frénétique que l’opéra précédent L’Italienne à Alger (1813 : présentée en février 2019 à l’Opéra de Tours). Comme dans les Noces de Figaro de Mozart, Rossini imagine alors dans un tutti assourdissant par son brio, chaque personnage réfléchissant à haute voix sur sa situation personnelle, empêchée, contrainte, atteinte…

 

LAURENT PELLY
La musique pilote l’action…

Mais ici les plus délurés et les plus fantaisistes sont vocalement les mieux caractérisés ; cette passion de la virtuosité porte l’intelligence et l’impertinence de Rossini lui-même, alors maître de son art. Dans cette émulation d’une jeunesse volubile : où perce l’acuité savoureuse du trio Rosina / Landoro,Almaviva / Figaro, soit le futur trio romantique principal chez Verdi (soprano, ténor, baryton)-, se distingue d’autant mieux la vieillesse bilieuse de l’infect Bartolo.

Le metteur en scène Laurent Pelly aime les ressources théâtrales des partitions lyriques : il sait en extraire les rebonds, la drôlerie, l’intelligence active. Ce discernement fait la saveur de ses lectures des opéras des faiseurs de comédies, génies reconnus tels Offenbach, Rossini… La verve et l’imagination l’inspirent. C’est le cas des ouvrages giocosos de Rossini. Pelly suit la tempête musicale qui imprime à l’action ses accents et ses jalons dramatiques.
Il imagine alors un décor fait de partitions où les acteurs habillés de noir incarnent les notes sur les mesures… pour autant la musique n’inféode pas le théâtre car le metteur en scène recherche un équilibre entre les deux. Derrière la virtuosité, Pelly traque et révèle la facétie voire le poésie des situations. Chaque profil est affiné selon sa sensibilité propre : FIgaro est un gangster sympathique qui tire les ficelles de chaque rencontre / confrontation ; Almaviva, un doux amoureux ; … Souvent Pelly revient à la source du livret et préfère tel aria plutôt qu’un autre, surtout si l’habitude est de le couper. Ainsi l’air terrible de la vieille Berta. La virtuosité des airs dans les finales en particulier dévoile en réalité un drame intime que Pelly entend rendre manifeste. Il y a donc de la profondeur et de l’intime dans ce qui paraît ailleurs bien souvent comme agile et artificiel.
Première vertu, et si appréciée chez lui : le respect de la partition originale « Je suis un artisan au service de l’œuvre. Je n’ai pas de concept à faire entrer au forceps, c’est l’œuvre qui commande «  rappelle-t-il. Toujours dans le respect de l’œuvre, faciliter et expliciter le jeu de l’acteur chanteur. Année buffa assoluta en 2017 pour Pelly qui cette année là, livre sa vision de Viva la mamma de Donizetti à Lyon et met en scène Le Barbier de Séville de Rossini au TCE Paris. L’Opéra de Tours a bien raison de présenter aux tourangeaux, l’une des mises en scène de Laurent Pelly les plus astucieuses et les plus rythmées.

EXPOSITION : LE GRAND OPÉRA, 1828 – 1867, LE SPECTACLE DE L’HISTOIRE, les 5 volets clés de l’exposition

exposition-grand-opera-specacle-de-l-histoire-palais-garnier-BNF-opera-de-paris-annonce-critique-visite-presentation-classiquenews-CLASSIQUENEWSEXPOSITION : LE GRAND OPÉRA, 1828 – 1867, LE SPECTACLE DE L’HISTOIRE – PARCOURS DE L’EXPOSITION ; les 5 volets clés de l’exposition parisienne. Amorcé sous le Consulat, le grand opéra à la française se précise à mesure que le régime politique affine sa propre conception de la représentation spectaculaire, image de son prestige et de son pouvoir, instrument phare de sa propagande. Le genre mûrit sous l’Empire avec Napoléon, puis produit ses premiers exemples aboutis, équilibrés
à la veille de la Révolution de 1830. La « grande boutique » comme le dira Verdi à l’apogée du système, offre des moyens techniques et humains considérables – grands chœurs, ballet et orchestre, digne de sa création au XVIIè par Louis XIV.
Les sujets ont évolué, suivant l’évolution de la peinture d’histoire : plus de légendes antiques, car l’opéra romantique français préfère les fresques historiques du Moyen Âge et de la Renaissance.
Louis-Philippe efface l’humiliation de Waterloo et du Traité de Vienne et cultive la passion du patrimoine et de l’Histoire, nationale évidemment. Hugo écrit Notre-Dame de Paris ; Meyerbeer compose Robert le Diable et Les Huguenots. Les héros ne sont plus mythologiques mais historiques : princes et princesses du XVIè : le siècle romantique est passionnément gothique et Renaissance.

A l’opéra, les sujets et les moyens de la peinture d’Histoire

Comme en peinture toujours, les faits d’actualité et contemporain envahissent la scène lyrique ; comme Géricault fait du naufrage de la Méduse une immense tableau d’histoire (Le Radeau de la Méduse), dans « Gustave III », Auber et Scribe narrent l’assassinat du Roi de Suède, survenu en 1792, tout juste quarante ans auparavant. Cela sera la trame d’un Bal Masqué de Verdi.

Après la Révolution de 1848, l’essor pour le grand opéra historique faiblit sensiblement. Mais des œuvres capitales après Meyerbeer sont produites, souvent par des compositeurs étrangers soucieux d’être reconnus par leur passage dans la « grande boutique », sous la Deuxième République et le Second Empire. Le wagnérisme bouleverse la donne en 1861 avec la création parisienne de Tannhäuser, qui impressionne l’avant garde artistique parisienne, de Baudelaire à fantin-Latour, et dans le domaine musical, Joncières, militant de la première heure.
Le goût change : Verdi et son Don Carlos (en français) hué Salle Le Peletier en 1867 (5 actes pourtant avec ballet), est oublié rapidement ; car 6 mois plus tard, le nouvel opéra Garnier et sa façade miraculeuse, nouvelle quintessence de l’art français est inaugurée. C’est l’acmé de la société des spectacles du Second Empire, encore miroitante pendant 3 années jusqu’au traumatisme de Sedan puis de la Commune (1870).

 

 

Le parcours de l’exposition est articulé en 5 séquences.

1. GÉNÉALOGIE DU GRAND OPÉRA
2. LA RÉVOLUTION EN MARCHE
3. MEYERBEER : LES TRIOMPHES DU GRAND OPÉRA
4. DERNIÈRES GLOIRES
5. UN MONDE S’ÉTEINT

 

 
 

 

Illustration : Esquisse de décor pour Gustave III ou Le bal masqué, acte V, tableau 2, opéra, plume, encre brune, lavis d’encre et rehauts de gouache. BnF, département de la Musique, Bibliothèque- musée de l’Opéra © BnF / BMO

 

 
 

 

DATES ET HORAIRES
Du 24 octobre 2019 au 2 février 2020
Tous les jours de 10h à 17h (accès jusqu’à 16h30), sauf fermetures exceptionnelles.
LIEU
Bibliothèque-musée de l’Opéra
Palais Garnier – Paris 9e
Entrée à l’angle des rues Scribe et Auber
INFORMATIONS PRATIQUES
TARIFS
Plein Tarif : 14€ Tarif Réduit : 10€

 

 

 

COMPTE-RENDU, critique, opéra. LYON, Opéra, le 5 oct 2019. ROSSINI, Guillaume Tell. Tobias Kratzer / Daniele Rustioni

rossini-vieux-opera-anonce-critique-opera-classiquenews-classique-news-musique-classique-infos-actualitesCOMPTE-RENDU, critique, opéra. LYON, Opéra, le 5 oct 2019. ROSSINI, Guillaume Tell. Tobias Kratzer / Daniele Rustioni. Production très attendue pour l’ouverture de la saison lyonnaise, le Guillaume Tell donné dans sa version originale en français, déçoit scéniquement, mais bénéficie d’une distribution (quasi) idéale et surtout d’une direction exceptionnelle.
Le Grand Opéra, dont Guillaume Tell constitue l’un des titres emblématiques, est un genre extrêmement codé : sujet historique, grandes masses chorales, ballets obligés (dans cette production, près de quarante minutes sont passés à la trappe), nombreux personnages et figurants, attention portée aux détails des décors et des scènes. Cependant, force est de constater que la lecture de Tobias Kratzer ne s’est pas embarrassée de ces contraintes : il en résulte un spectacle terne et abstrait, qui plus est sans véritable direction d’acteurs. Sur scène un décor unique constitué d’un grand tableau noir et blanc représentant un massif alpin qui se recouvre progressivement de coulées de peinture noire. Une ouverture illustrée par un solo de violoncelle et l’arrivée d’hommes en blanc et chapeaux melon, clin d’œil aux méchants d’Orange mécanique de Kubrick qui avait fait de l’ouverture de l’opéra, l’un de ses leitmotive musicaux. On comprend après coup que ces derniers représentent les Autrichiens oppresseurs du peuple suisse.

Guillaume Tell à l’Opéra de Lyon…

La Pomme de la discorde

Un décor bichromatique – la couleur n’apparaît que dans les costumes folkloriques que les Suisses captifs revêtent au 3e acte – qui finit par se confondre avec l’obscurité de la salle lyonnaise, et par ne pas être en phase avec le discours des interprètes, comme lors du célèbre éloge de la nature (que le spectateur ne voit guère) et l’hymne à la liberté sur lesquels s’achève l’opéra. La vision minimaliste du metteur en scène rompu aux outrances du regietheater ne pouvait s’accommoder d’une version intégrale de l’ultime chef-d’œuvre de Rossini : les 4h30 de la partition sont raccourcies de plus d’une heure de musique (outre une partie des ballets et quelques répliques, plusieurs airs et duos sont amputés de leur reprise), ce qui nuit à l’équilibre de l’ensemble dans lequel le livret et la musique comptent autant que la scénographie et les divertissements chorégraphiques – ici, il faut bien l’avouer, particulièrement réussis.

La distribution réunie pour affronter cet opus redoutable s’en tire plutôt avec les honneurs. Dans le rôle-titre, Nicola Alaimo, déjà présent à Orange cet été, affronte son personnage avec fermeté : timbre bien projeté, rondeur et mordant magnifient le célèbre « Sois immobile » ; toutefois, l’amplitude vocale limitée et la relative instabilité dans le registre aigu finissent par décevoir et escamoter la dimension héroïque du personnage, entaché par une prononciation du français pas toujours irréprochable. De ce point de vue, l’Arnold de John Osborn est autrement plus vaillant, en adéquation avec les exigences terrifiantes du rôle. Beauté d’un timbre clair, diction impeccable combinée à un ambitus sans aspérité, le ténor américain vole sans difficulté la vedette à tous ses partenaires. Mathilde est incarnée par Jane Archibald, dont l’aisance vocale indéniable ne saurait faire oublier une certaine verdeur et acidité du timbre, heureusement atténuée dans la belle romance « Sombre forêt » du 2e acte ou l’air magnifique « Pour notre amour, plus d’espérance », en ouverture du 3e acte. Plus convaincante s’est révélée, dans le rôle d’Hedwige, l’épouse de Guillaume Tell, Enkelejda Shkoza, mezzo de caractère, au timbre d’airain, et si parfois, elle a tendance à faire montre de son large vibrato avec un peu trop d’excès, elle compense ces écarts belcantistes par une réelle présence scénique qu’on ne peut que saluer face à une indéniable indigence dramaturgique. En contrepoint, le timbre juvénile de Jennifer Courcier, double vocal du fils de Guillaume Tell, fait merveille par une grâce certaine conjuguée à des accents colorature parfaitement maîtrisés.

Les autres rôles masculins ne méritent que des éloges : le superbe Ruodi de Philippe Talbot, révèle d’emblée son talent dans l’air liminaire de l’œuvre, « Accours dans ma nacelle », ainsi que les trois basses irréprochables, Tomislav Lavoie, Melcthal intrépide, Jean Teitgen, dans le rôle de l’infâme Geisler, assassin du précédent : s’il n’apparaît qu’au 3e acte, sa voix caverneuse et assurée, à l’élocution limpide, impressionne jusque dans la brièveté de ses interventions, tout comme le sombre Walter Furst de Patrick Bolleire. Une mention spéciale pour le Rodolphe de Grégoire Mour : si la voix n’a pas la même épaisseur qu’Osborn, elle est techniquement irréprochable, magnifiquement projetée, et scéniquement très crédible.
Les chœurs, pour lesquels Rossini a écrit sans doute la plus belle musique (« Hyménée, ta journée fortunée ») de cet opéra en grande partie patriotique – dans le genre du Grand Opéra, le chœur incarne l’identité collective du peuple, tel qu’il sera théorisé par Mazzini dans sa Philosophie de la musique – sont de bout en bout remarquables, de présence, de clarté, d’engagement dramatique : ils ont, avec leur chef Johannes Knecht, reçu des ovations amplement méritées.

Dans la fosse, Daniele Rustioni se révèle une fois de plus un chef exceptionnel : la précision et l’équilibre des pupitres distillent une fabuleuse énergie qui jamais ne recouvre les voix ou ne s’y substitue, à une époque – depuis la Medea in Corinto de Mayr – où l’orchestre avait atteint une puissance dramatique qui en faisait un personnage et un acteur du drame à part entière.

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Compte-rendu. Lyon, Opéra de Lyon, Rossini, Guillaume Tell, 5 octobre 2019. Nicola Alaimo  (Guillaume Tell), John Osborn (Arnold), Jane Archibald (Mathilde), Jean Teitgen (Geisler), Enkelejda Shkoza (Hedwige), Jennifer Courcier (Jemmy), Tomislav Lavoie (Melcthal), Grégoire Mour (Rodolphe), Patrick Bolleire (Walter Furst), Philippe Talbot  (Ruodi), Antoine Saint-Espes (Leuthold), Kwung Soun Kim (Un chasseur), Tobias Kratzer (Mise en scène), Rainer Sellmaier (Décors et costumes), Reinhard Traub (Lumières), Demis Volpi (Chorégraphie), Bettina Bartz (Dramaturgie), Johannes Knecht (Chef des chœurs), Orchestre et chœur de l’Opéra de Lyon / Daniele Rustioni (direction).

MAESTRO… PORTRAIT de Marco Guidarini, chef d’orchestre

GUIDARINI-MARCO-Palmanova_Marco_Guidarini_175_LdA---copieMAESTRO… PORTRAIT de Marco Guidarini, chef d’orchestre. Classiquenews assistait aux séances de travail de l’Atelier lyrique d’été de l’Académie Bellini, début août 2019 à Vendôme (41). L’offre pédagogique destinée au jeune interprète se focalise sur la maîtrise du chant romantique… Pendant une semaine les jeunes chanteurs perfectionnent leur métier : technique vocale, scènes solistes et en duo ; intéraction et écoute, mais aussi travail scénique car le maestro a souhaité réaliser en extraits, plusieurs séquences des Nozze de Figaro de Mozart, entre autres. A propos du bel canto, ce style d’art vocal spécifique au romantisme italien du début du XIXè, le maestro né à Gênes, qui fut un remarquable directeur musical au Philharmonique de Nice, évoque les défis qui l’occupent actuellement ; il reprécise aussi les enjeux de l’Académie de Belcanto qu’il a cofondé avec Youra Nimoff-Simonetti (MusicArte) et qu’il pilote avec la diva Viorica Cortez, chaque été à Vendôme (Campus Monceau). C’est aussi un fin lettré, épris de littérature qui évoque le livre qu’il a récemment fait publier : « Gulda in viaggio verso Praga » / Gulda en voyage pour Prague… « nouvelles mozartiennes ». Le chef d’orchestre s’engage pour mieux faire connaître le beau chant lyrique et transmettre les clés d’une production réussie : bénéfices d’une expérience musicale unique à présent, qu’il aime léguer aux jeunes chanteurs et aux jeunes chefs, désireux de se perfectionner encore et encore. L’Académie Bellini est une émanation du fameux Concours Bellini (fondé en 2010) et dont les lauréates sont depuis devenues de jeunes divas demandées, célébrées sur les scènes internationales : Pretty Yende (qui chantera Traviata sur les planches de l’Opéra Garnier du 12 sept au 4 oct 2019), Anna Kassian, et récemment en 2018, la sœur cadette de Pretty Yende, Nombulelo dont le timbre et la technique égale celle de son ainée, en finesse comme en intonation…

 

 

 

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PORTRAIT… Marco Guidarini dirige actuellement l’orchestre régional du Frioul en Italie, l’Orchestre Mittel Europa, réunissant presque 50 instrumentistes permanents dont le répertoire central concerne les Viennois classiques (Mozart, Haydn) et romantiques (Beethoven, Schubert), mais englobe aussi Stravinsky ou Ravel (Ma mère l’Oye). L’élève de Claudio Abbado ou de Carlo Maria Giulini, qui fut à Lyon l’assistant de JE Gardiner peut y transmettre ce respect absolu des œuvres, dans la finesse et l’élégance, entre expressivité et intériorité. Parmi les œuvres récemment enregistrées, Marco Guidarini s’est intéressé aux 2 concertos pour piano de Brahms (Lire ici notre critique du cd BRAHMS : Concertos n°1 et 2, V Maltempo. Mitteleuropa Orch / Marco Guidarini (2 cd Piano classics, Brilliants classics / CLIC de classiquenews, déc 2018 :
https://www.classiquenews.com/cd-critique-brahms-concertos-n1-et-2-v-maltempo-mitteleuropa-orch-marco-guidarini-2-cd-piano-classics-brilliants-classics/ )

Outre l’opéra romantique, le maestro interroge le répertoire moderne et contemporain, explicitant la génération des compositeurs italiens des années 1920 – 1930 : de Casella à Malipiero ; mais aussi les compositeurs français du XXè, de Debussy, Ravel … au Groupe des 6 (Poulenc, Honegger, Milhaud… orbitant autour des idées de Satie et de Cocteau).
Ses prochaines productions lyriques sont à suivre en Italie, au Caire et en France. A Lucca, patrie de Puccini, au Teatro del Giglio (Théâtre du Lys), Marco Guidarini dirige Tosca (28 au 30 août 2019) ; en janvier, à l’Opéra de Ravenne (Teatro Alighieri), Gianni Schichi et Suor Angelica (janvier 2020). Puis à Paris, il reviendra poursuivre son cycle des opéras de Rossini, et donc transmettre sa passion et sa connaissance du bel canto italien, au CNSMD, dans La scala di Seta (Ludovic Lagarde, mise en scène, avec les élèves chanteurs du Conservatoire de Paris, 16 – 20 mars 2020). Enfin en avril 2020, le maestro dirige Le Barbier de Séville à l’Opéra du Caire (Cairo Opera house).
Fin connaisseur de l’opéra romantique italien, Marco Guidarini n’a aucune difficultés pour distinguer ce qui différencie les styles de Bellini et de Rossini : deux écritures qui concernent le travail réalisé à Vendôme pendant l’Atelier lyrique d’été de l’Académie Bellini.
Maîtriser chaque langue lyrique, c’est pouvoir tout chanter ensuite, autant sur le plan de l’interprétation que de la technique ; réussir phrasés, legato, entre subtilité, agilité, intensité et profondeur.
Dans le cas de Rossini, il s’agit d’un chant coloratoure, de pure agilité, un style où il faut maîtriser la fioritura, toutes les variations sur une mélodie ; il est nécessaire d’avoir une excellente technique, alliant légèreté, flexibilité, mais aussi élégance (cf. «  Cessa di piu resistere », air d’Almaviva dans le Barbier de Séville de 1816, sommet de l’art rossinien que peu de ténors parvient à interpréter intégralement). Rossini a écrit des airs virtuoses, prolongements des airs des castrats du XVIIIè, qu’il a façonnés pour les divas de son époque, mezzo et altos fameuses (Colbran entre autres)… Leur vocalité est proche de celle des castrats baroques.

Chez Bellini, la virtuosité est écrite et déployée en fonction de l’expressivité du rôle et de la situation dramatique (Norma). La beauté de la vocalité dépend directement de l’action : le chant est relié au drame. Bellini excelle dans les airs de langueur et d’extase. Il n’a pas qu’écrit pour les cantatrices. Le rôle du ténor dans il Pirata (Gultiero / Montalto, créé en 1827 par le légendaire Giovanni Rubini) égale ses plus grands rôles pour soprano (bien sûr aussi celui d’Imogène dans l’ouvrage concerné).

Génial, Rossini ne se cantonne pas à la pure virtuosité ; il a maîtrisé tous les genres, seria et comique. On lui doit aussi à Paris, le premier modèle de grand opéra à la française, avec Guillaume Tell (1829).

guidarini-marco-maestro-sublimo-actualites-news-on-classiquenews-Guidarini_3_-_c_Josef_RabaraCHEF ECRIVAIN… Homme de lettres, Marco Guidarini est l’un des rares musiciens qui enrichit son expérience musicale en la croisant avec les autres disciplines dont la littérature. Lecteur passionné, le maestro a récemment fait paraître un ouvrage (en italien, non encore traduit en français) qui, en 11 petites nouvelles (« raconti mozartiani ») évoquent sa relation à Mozart et à l’univers mozartien. L’ouvrage édité par Il melangolo, s’intitule « Gulda in viaggio verso Praga », un concentré de finesse suggestive au verbe riche et aux images plurielles, inspiré par sa propre expérience des opéras et de la musique de Mozart comme chef et interprète. Le maestro y glisse aussi des éléments autobiogaphiques et personnels (dont la figure de son frère). Il y est question de ce qui compose la vie car Mozart c’est la vie elle-même : le désir, la sensualité, l’enfance ; Marco Guidarini auteur y aborde des thèmes essentiels comme celui de l’ingénuité et de la candeur. Les contes ou nouvelles imaginent diverses situations qui toutes, tendent à exprimer la richesse mozartienne, voire son mystère : il y est question d’une jeune fille dans le ventre de sa mère qui écoute Mozart ; des derniers jours de l’astronaute Amstrong qui sentant sa fin approcher écoute la musique des sphères (le Concerto pour clarinette) ; Marco Guidarini évoque surtout les causes de la mort de Wolfgang, une autre vision du contexte qui a précipité sa fin… tout chez Mozart est passionnant ; « avant Balzac, Mozart comprend et exprime toutes les facettes humaines ; il a composé un théâtre musical qui est une captivante comédie humaine ».
Des projets ? en octobre 2019, paraîtra un nouvel ouvrage intitulé « opera sofia », un essai non pas musicologique mais personnel sur l’histoire de la musique et de l’opéra ; des origines (Peri, Caccini) aux jalons décisifs (Monteverdi, Mozart…), jusqu’aux modernes (Einstein on the beach). C’est un ouvrage général qui englobe l’histoire du genre lyrique à travers une série de réflexions et de commentaires, recueillis et approfondis au fur et à mesure de son travail dans les théâtres et les maisons de musique. Le maestro ne cache pas son admiration pour une discipline qui a réussi à traverser les siècles grâce à sa capacité à sa renouveler. L’hybridation, l’intégration des dernières innovations technologiques, la plasticité étonnante du genre opéra y seront abordés, témoignant de la sincère admiration de Marco Guidarini pour une forme de spectacle musical qui se transforme à mesure qu’il questionne, et dont il est un interprète intègre, souvent très pertinent.

 

 

 

 

Approfondir

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https://www.bellinibelcanto-internationalcompetition.com/les-ateliers-de-l-academie
https://www.mitteleuropaorchestra.it
https://www.teatrodelgiglio.it/it/home/
http://www.teatroalighieri.org
https://www.cairoopera.org/?lan=Fr

 

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Annonce du livre Gulda in viaggio verso Pragua (sept 2018)
https://www.classiquenews.com/paris-signature-le-chef-marco-guidarini-presente-gulda-in-viaggio-verso-praga-le-28-sept-2018-19h/

 

 

 

 

 

 

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BEL CANTO, Rossini et Bellini :

 

Air d’agilité et de virtuosité rossinienne avec variations
Cessa di piu resistere par Juan Diego Florez :
https://www.youtube.com/watch?v=L4ejIdo8mxo

Anna Kassian, soprano, lauréate du grand prix Bellini 2013 chante Imogène dans Il Pirata de Bellini : http://www.classiquenews.com/video-anna-kassian-chante-imogene-du-pirate-de-bellini-grand-prix-du-concours-bellini-2013/

 

 

 

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bellini-belcanto-academie-guidarini-cortez-opera-stage-vendome-classiquenews-musicarteVIDEO, reportage  BELLINI belcanto Académie, été 2019. C’était du 1er au 9 août dernier (2019) à VENDÔME (41), au Campus Monceau : les jeunes chanteurs stagiaires de la BELLINI belcanto Académie suivaient les sessions de travail et d’approfondissement prodigués par les deux maîtres de stage : le chef Marco Guidarini, et la mezzo-soprano Viorica Cortez (avec au piano, Maguelone Parigot, chef de chant). Tous maîtrisent, expérience oblige, l’art si délicat et raffiné du belcanto italien : phrasés, articulation, agilité et élégance, sans omettre le legato et la précision… autant de qualités et prérequis qui font de l’art du bel canto, l’une des disciplines lyriques les plus difficiles.
Pendant cette nouvelle édition de l’Atelier Lyrique d’été, l’Académie a innové en proposant aux jeunes chanteurs le travail scénique de leurs airs : chanter c’est savoir jouer avec son corps. VOIR LA VIDEO Académie BELLINI 2019 à Vendôme ici

De la technique vocale à l’interprétation avec jeu scénique… l’Académie Bellini propose aujourd’hui la meilleure formation et la plus complète pour le jeune interprète lyrique, de surcroit appliqué au bel canto (Rossini, Bellini, Donizetti). Intitulé « de Mozart à Puccini », l’Atelier estival 2019 permettait de perfectionner encore et encore sa compréhension des styles vocaux depuis Mozart jusqu’à Puccini. Parmi les stagiaires cet été, la présence du dernier Grand Prix Bellini 2019, la sud-africaine Nombulelo Yende a été particulièrement remarquée, comme celle de ses consÅ“urs, les sopranos françaises Cécile Achile et Déborah Salazar… Best of video de la session 2019. © CLASSIQUENEWS.TV –  MUSICARTE – Réalisation : Philippe Alexandre PHAM

 

 

Le même reportage vidéo sur YOUTUBE :

 

 

 

VOIR aussi notre reportage vidéo ACADEMIE BELLINI Atelier estival 2017 à Vendôme
 

TOURCOING, Atelier Lyrique : 17 – 21 mai 2019. ROSSINI : L’occasione fa il ladro

atelier lyrique tourcoing logo_siteTOURCOING, Atelier Lyrique : 17 – 21 mai 2019. ROSSINI : L’occasione fa il ladro. L’occasion fait le larron… A 20 ans, Rossini compose 5 farces lyriques (burletta, burla ou encore burlettina) en 1812 pour la scène vénitienne, le théâtre San Moisè : ainsi naissent La Cambiale di matrimonio, L’Inganno felice, La Scala di seta, Il Signor Bruschino et L’Occasione fa il ladro. Ces petits opéras miniature sont joués comme intermèdes entre les actes d’un opéra seria.
Génie précoce, réformateur audacieux, insolent, Rossini cultive ce qui relance toujours la tension et les surprises du drame : quiproquos, travestissements, échanges d’identité, féminisme avant l’heure (Bérénice chante ici sa détermination comme plus tard Rosina, habile à réussir son émancipation…). Et sur le plan de l’écriture, ivresse des mélodies, virtuosité vocale et bau chant… car Rossini demeure le maître des élégances, y compris dans le registre comique, déluré, délirant.

Parmenione / Berenice
USURPATEURS, OPPORTUNS & DÉLURÉS


rossini_portraitL’HISTOIRE
 : Avec son serviteur Martino,  Don Parmenione part à la recherche de la sœur d’un de ses amis ; les deux complices fuient une tempête et se réfugient dans une auberge. Ils y rencontre le jeune Comte Alberto, sur la route pour épouser sa future femme (Bérénice), jamais vue. Par mégarde, les deux compères prennent la valise d’Albert dans laquelle se trouve un portrait… serait ce la fameuse qu’ils recherchent ? Alors Parmenione prend l’identité d’Alberto et se passe comme tel vis à vis de la belle Bérénice à Naples… qui entre temps, méfiante devant son mariage arrangé, a demandé à sa servante, Ernestina, de prendre sa place… ainsi le faux Alberto s’pérend de la fausse Bérénice. Qui est qui ? Qui trompe qui ? Dans ce jeu d’usurpateur, la vérité jaillit, inspirée par la sincérité des cœurs épris (ou piégés)…

Laurent Serrano met en scène cette burla rossinienne en soulignant sa nature musicale burlesque (burletta per musica), et rappelle combien le livret de Rossini s’inspire d’une pièce française, à succès – Le Prétendu par hasard– du poète Eugène Scribe, alors génie du vaudeville. Le metteur en scène promet de polir et ciseler sa lecture de la verve et du délire rossiniens, d’autant qu’il retrouve ainsi en mai 2019, la même équipe à Tourcoing, celle de l’Atelier lyrique déjà dirigée pour La cambiale di matrimonio, un autre sommet rossinien, mis en scène en janvier 2017. Nouvelle production événement à Tourcoing, confirmant la belle continuité de l’Atelier lyrique de Tourcoing, toujours pertinente, défricheuse, surprenante…

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TOURCOING, Théâtre Municipal Raymond Devos
Gioacchino Rossini (1792-1868) : L’Occasione fa il ladro,
DU 17 AU 21 MAI 2019

RESERVEZ VOTRE PLACE ici /
http://www.atelierlyriquedetourcoing.fr/spectacle/loccasione-fa-il-ladro/

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CRÉATION
Dès 8 ans – 1h30
ITALIEN SURTITRE FRANÇAIS
L’Occasion fait le larron ou L’Échange de valise
Burletta per musica (farce en musique)
en un acte, créée au Teatro san Moisè de Venise le 24 novembre 1812
Livret de Luigi Prividalli
Basé sur le vaudeville d’Eugène Scribe le prétendu par hasard, ou l’occasion fait le larron

TOURCOING, Atelier Lyrique : 17 – 21 mai 2019. ROSSINI : L’occasione fa il ladro

atelier lyrique tourcoing logo_siteTOURCOING, Atelier Lyrique : 17 – 21 mai 2019. ROSSINI : L’occasione fa il ladro. L’occasion fait le larron… A 20 ans, Rossini compose 5 farces lyriques (burletta, burla ou encore burlettina) en 1812 pour la scène vénitienne, le théâtre San Moisè : ainsi naissent La Cambiale di matrimonio, L’Inganno felice, La Scala di seta, Il Signor Bruschino et L’Occasione fa il ladro. Ces petits opéras miniature sont joués comme intermèdes entre les actes d’un opéra seria.
Génie précoce, réformateur audacieux, insolent, Rossini cultive ce qui relance toujours la tension et les surprises du drame : quiproquos, travestissements, échanges d’identité, féminisme avant l’heure (Bérénice chante ici sa détermination comme plus tard Rosina, habile à réussir son émancipation…). Et sur le plan de l’écriture, ivresse des mélodies, virtuosité vocale et bau chant… car Rossini demeure le maître des élégances, y compris dans le registre comique, déluré, délirant.

Parmenione / Berenice
USURPATEURS, OPPORTUNS & DÉLURÉS


rossini_portraitL’HISTOIRE
 : Avec son serviteur Martino,  Don Parmenione part à la recherche de la sœur d’un de ses amis ; les deux complices fuient une tempête et se réfugient dans une auberge. Ils y rencontre le jeune Comte Alberto, sur la route pour épouser sa future femme (Bérénice), jamais vue. Par mégarde, les deux compères prennent la valise d’Albert dans laquelle se trouve un portrait… serait ce la fameuse qu’ils recherchent ? Alors Parmenione prend l’identité d’Alberto et se passe comme tel vis à vis de la belle Bérénice à Naples… qui entre temps, méfiante devant son mariage arrangé, a demandé à sa servante, Ernestina, de prendre sa place… ainsi le faux Alberto s’pérend de la fausse Bérénice. Qui est qui ? Qui trompe qui ? Dans ce jeu d’usurpateur, la vérité jaillit, inspirée par la sincérité des cœurs épris (ou piégés)…

Laurent Serrano met en scène cette burla rossinienne en soulignant sa nature musicale burlesque (burletta per musica), et rappelle combien le livret de Rossini s’inspire d’une pièce française, à succès – Le Prétendu par hasard– du poète Eugène Scribe, alors génie du vaudeville. Le metteur en scène promet de polir et ciseler sa lecture de la verve et du délire rossiniens, d’autant qu’il retrouve ainsi en mai 2019, la même équipe à Tourcoing, celle de l’Atelier lyrique déjà dirigée pour La cambiale di matrimonio, un autre sommet rossinien, mis en scène en janvier 2017. Nouvelle production événement à Tourcoing, confirmant la belle continuité de l’Atelier lyrique de Tourcoing, toujours pertinente, défricheuse, surprenante…

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TOURCOING, Théâtre Municipal Raymond Devos
Gioacchino Rossini (1792-1868) : L’Occasione fa il ladro,
DU 17 AU 21 MAI 2019

RESERVEZ VOTRE PLACE ici /
http://www.atelierlyriquedetourcoing.fr/spectacle/loccasione-fa-il-ladro/

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CRÉATION
Dès 8 ans – 1h30
ITALIEN SURTITRE FRANÇAIS
L’Occasion fait le larron ou L’Échange de valise
Burletta per musica (farce en musique)
en un acte, créée au Teatro san Moisè de Venise le 24 novembre 1812
Livret de Luigi Prividalli
Basé sur le vaudeville d’Eugène Scribe le prétendu par hasard, ou l’occasion fait le larron

COMPTE-RENDU, opéra. BORDEAUX, le 11 fév 2019. ROSSINI : Il Barbiere di Siviglia. Pelly / Leroy-Calatayud

rossini-portrait-gioachino-rossini-bigCOMPTE-RENDU, opéra. BORDEAUX, le 11 fév 2019. ROSSINI : Il Barbiere di Siviglia. Pelly / Leroy-Calatayud. Il est des œuvres que l’on ne présente pas, que l’on se plairait presque à dire que c’est inutile de les revoir ou les retrouver du fait qu’elles sont les fondations du répertoire lyrique universel. L’inévitable Barbiere di Siviglia / Le Barbier de Séville de Rossini, qui a réussi le pari de la postérité face à son illustre prédécesseur signé Paisiello, et que dire ce celui de Morlacchi hélas voué à l’oubli. Mais si un tel poncif opératique semble ne garder aucune surprise pour nous, il est stupéfiant quand l’on redécouvre une œuvre telle, grâce au travail d’une équipe artistique !

 

 
 
 

Nouveau Barbier à Bordeaux par un Pelly le plus inspiré
LAURENT il magnifico !

 
 
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Coproduction impressionnante entre le Théâtre des Champs-Elysées, l’Opéra National de Bordeaux, les Opéras de Marseille et de Tours, les Théâtres de la ville de Luxembourg et le Stadttheater de Klagenfurt, cette réalisation réussie voyage d’un bout à l’autre de la France et offre à son cast souvent des prises de rôle. Si bien le premier cast a offert au public Le Figaro puissant de Florian Sempey et le Bartolo idéal de Carlo Lepore, le deuxième cast possède une énergie et une fraîcheur qui convient plus à Rossini et à son Barbier.

Dépoussiérer un “classique” est une affaire délicate, il suffit d’avoir l’imagination débordante de Laurent Pelly. Finis les décors débordant d’ocres style pizzeria du Port d’Hyeres, les personnages telles des noires ou des blanches évoluent sur d’immenses feuillets de papier à musique et la portée devient tour à tour balcon, prison et rideau, une magnifique idée pour présenter l’ambiguïté des situations. Laurent Pelly développe dans ce Barbiere, le meilleur de son talent.

 

 

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Face à cette mise en scène, en fosse l’extraordinaire Orchestre National de Bordeaux-Aquitaine allie une richesse fabuleuse de couleurs et des timbres d’une justesse fascinante. Il faut reconnaître que c’est l’un des meilleurs orchestres de France. Grâce à l’aplomb des musiciens, on redécouvre des bijoux dans la partition de Rossini que l’on croyait connaître. Évidemment c’est aussi la direction vive et spirituelle de Marc Leroy-Calatayud qui imprime une belle énergie dans les tempi et une battue claire et raffinée. Son enthousiasme communicatif nous séduit, un talent à suivre absolument. Si Marc Leroy-Calatayud réussit avec simplicité à polir une des partitions les plus jouées au monde, vite qu’on lui donne des raretés pour qu’il leur donne un souffle nouveau !

Cependant, la fosse surélevée n’aide aucunement à la balance entre les chanteurs et la salle. Souvent on entend davantage l’orchestre et c’est bien dommage, surtout pour un cast de jeunes solistes.

Or, nous retrouvons une belle équipe, dont certains profils se détachent nettement. Adele Charvet est une Rosine idéale. Tour à tour garçon manqué et femme de poigne, elle sait jouer son rôle à merveille avec une voix dont les graves de velours nous enveloppent dans une ravissante pelisse d’une musicalité inégalable.
De la même sorte, Anas Seguin campe un Figaro tout en finesse et avec l’énergie picaresque qui sied à merveille au rôle. Sa voix au timbre riche et brillant nous offre un « Largo al factotum » d’anthologie. Un immense artiste à suivre.
Le Basilio de Dimitri Timoshenko a un timbre aux beaux graves mais reste quelque peu timide notamment dans l’inénarrable air de la calomnie.
Nous retrouvons au début de l’opéra le Fiorello de Romain Dayez, qui a la voix et l’énergie pour être un Basilio d’exception. Souhaitons l’entendre bientôt dans un rôle qui nous offre toute l’entendue de sa musicalité.
Dans le petit rôle de Berta, Julie Pasturaud est incroyable. Le seul air du personnage, qui, habituellement est anecdotique, est une petite merveille dans son interprétation. La voix est belle, colorée dans toute son étendue. Vivement une prochaine rencontre avec ce talent.
Dans les rôles de pantomime d’Ambrogio et du Notaire, le comédien Aubert Fenoy excelle dans l’art de faire rire sans artifices. Ses interventions sont remarquées, notamment à l’entracte. La subtilité de son jeu nous rappelle dans la précision de son geste, le comique naturel de Charles Chaplin.

Hélas, nous ne pouvions pas passer outre Elgan Llyr Thomas qui offre à Almaviva une incarnation tout juste physique. Si certaines couleurs semblent belles, l’émission est très diminuée par un souffle inégal. Ce qui est dommage c’est que toutes les vocalises manquent de naturel et de légèreté. C’est bien dommage pour un rôle aussi important. De même, le Bartolo de Thibault de Damas reste vocalement assez peu investi alors que théâtralement il se révèle un interprète intéressant.

En somme nous saluons la belle scénographie imaginée par Laurent Pelly et son équipe et les étoiles montantes de cette distribution, gageons que leur avenir est pavé de productions qui nous offriront leur éclat et l’étendue de leur talent.

 

 

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COMPTE-RENDU, opéra. BORDEAUX, Grand Théâtre, le 11 fév 2019. ROSSINI : Il Barbier di Siviglia. Pelly / Leroy-Calatayud.
Gioachino Rossini – Il Barbiere di Siviglia / Le Barbier de Séville
 
Conte Almaviva – Elgan Llyr Thomas
Rosina – Adèle Charvet
Figaro – Anas Seguin
Don Bartolo – Thibault de Damas
Don Basilio – Mikhail Timoshenko
Berta – Julie Pasturaud
Fiorello – Romain Dayez
Ambrogio / Notario – Aubert Fenoy
Un Ufficiale – Loïck Cassin

Choeur de l’Opéra National de Bordeaux
Orchestre National Bordeaux-Aquitaine
Direction: Marc Leroy-Calatayud
Mise en scène: Laurent Pelly

 
 
Illustrations : © Maitetxu Etchevarria / Opéra National de Bordeaux 2019

 
 

L’Italienne à Alger de Rossini à l’Opéra de Tours

rossini-portrait-gioachino-rossini-bigTOURS, Opéra. ROSSINI : L’Italienne à Alger. 1er, 3, 7 fév 2019. A l’époque où Rossini doué d’une inspiration débordante, jaillissante, multiple, compose serias et buffas, avec une déconcertante facilité, l’heure est à la facétie confrontant non sans équivoques savoureuses et travestissements délicieux voire sulfureux, Occident et Orient. En un aller retour des mieux inspirés. A Venise, Rossini présente en mai 1813, L’Italienne à Alger ; puis à Milan sur la scène de La Scala, en août 1814, c’est Le Turc en Italie. En si peu de temps, croiser les regards, jouer des points de vue pour nourrir des situations de plus en plus délirantes, relève d’un génie exceptionnel. Et tout cela prépare au sommet du genre buffa que demeure Le Barbier de Séville créé sur la scène de l’Argentina de Rome en 1816.

Isabella, maîtresse à Alger

L’italienne est un dramma giocoso (dans la tradition piquante, libre de Mozart) : l’intelligence féminine y est célébrée, tandis que les hommes qu’ils soient algériens ou italiens (le bey, Lindoro, Taddeo…) n’y paraissent que trop faibles ou crédules… Même l’épouse en titre du sultan, Elvira, bien que répudiée, tient tête, reste loyal à celui qui l’a écartée ; elle reçoit même pour son édification, une belle leçon de domestication conjugale, de la part de l’Occidentale par laquelle se réalise le drame …

SYNOPSIS. Acte I : Isabella, héroïne centrale, est aimée de Lindoro, tenu en esclavage à Alger par le bey Mustafa. Ce dernier entend se débarrasser de son épouse encombrante Elvira en la donnant justement à Lindoro. Lequel résiste car il aime toujours sa belle Isabella, laquelle surgit après un naufrage sur les côtes algériennes… Le bey découvre les charmes de la belle italienne Isabella et s’en éprend aussitôt.
Dans l’acte II, Isabella victorieuse a assujetti le bey Mustafa. Elle prend soin de garder auprès d’elle Lindoro qu’elle aime toujours. Isabella entend réconcilier Mustafa avec son épouse Elvira ; le bey fulmine, à la fois frustré et décontenancé par cette italienne incontrôlable (fameux quintette « Ti presento di mia mano… »). L’Italienne va plus loin : elle souhaite élever la dignité du bey à celle de « Papataci », titre fantaisiste et invention pure, grâce à laquelle, en une cérémonie parodique digne de Molière (le Bourgeois Gentilhomme), elle moque la naïveté et l’orgueil du sultan… lequel doit rester muet et sage devant toute adversité (s’il veut se montrer digne de cette insigne dignité).
En effet, les italiens (Isabella, Lindoro et Tadeeo qui accompagnaient la jeune femme) quittent le palais du bey et se sauvent en bateau. Obligé au silence et à l’inaction, Mustafa n’a plus que sa belle Elvira pour le reconforter et lui pardonner.

Avant Rosina, dans le Barbier de Séville (mezzo-soprano), Rossini confie à une alto, le personnage volontaire et redoutable d’Isabella, femme forte, au tempérament bien trempé. C’est une furie calculatrice qui a l’intelligence d’une stratège : séduisante et manupulatrice.
La verve de Rossini est à son sommet : jamais plus, après l’Italienne à Alger, le compositeur ne développera une telle facilité génial dans le genre buffa délirant. Le raffinement et l’invention de l’écriture s’y montrent égaux dans l’acte I et puis II, ce qui n’est pas forcément le cas dans les opéras qui suivent.

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ROSSINI : L’Italienne à Alger à L’Opéra de TOURS
3 représentations seulement

Vendredi 1er février 2019 – 20hboutonreservation
Dimanche 3 février 2019 – 15h
Mardi 5 février 2019 – 20h

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RESERVEZ VOTRE PLACE
http://www.operadetours.fr/l-italienne-a-alger

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ROSSINI : L’Italienne à Alger
Dramma giocoso en 2 actes
Créé le 22 mai 1813 au Teatro San Benedetto de Venise
Livret de Angelo Anelli

Coproduction Opéra National de Lorraine, Opéra-Théâtre de Metz Métropole

Direction musicale: Gianluca Martinenghi
Mise en scène: David Hermann
Assisté de Karin Maria Piening
Décors: Rifail Ajdarpasic
Costumes: Bettina Walter
Lumières: Fabrice Kebour
Assistant: lumières Alexis Koch
Masques: Cécile Kretschmar

Isabella: Chiara Amarù
Mustafà: Burak Bilgili
Lindoro: Patrick Kabongo
Elvira: Jeanne Crousaud
Taddeo: Pierre Doyen
Zulma: Anna Destraël
Haly: Aimery Lefèvre

Choeur de l’Opéra de Tours
Orchestre Symphonique Région Centre-Val de Loire/Tours
La production créée en 2012, passée par Nancy en juin 2018, brille par son efficacité, une intelligence dramatique qui révèle le génie buffa de Rossini. Belle réussite.

L’Italienne à Alger à TOURS

rossini-portrait-gioachino-rossini-bigTOURS, Opéra. ROSSINI : L’Italienne à Alger. 1er, 3, 7 fév 2019. A l’époque où Rossini doué d’une inspiration débordante, jaillissante, multiple, compose serias et buffas, avec une déconcertante facilité, l’heure est à la facétie confrontant non sans équivoques savoureuses et travestissements délicieux voire sulfureux, Occident et Orient. En un aller retour des mieux inspirés. A Venise, Rossini présente en mai 1813, L’Italienne à Alger ; puis à Milan sur la scène de La Scala, en août 1814, c’est Le Turc en Italie. En si peu de temps, croiser les regards, jouer des points de vue pour nourrir des situations de plus en plus délirantes, relève d’un génie exceptionnel. Et tout cela prépare au sommet du genre buffa que demeure Le Barbier de Séville créé sur la scène de l’Argentina de Rome en 1816.

Isabella, maîtresse à Alger

L’italienne est un dramma giocoso (dans la tradition piquante, libre de Mozart) : l’intelligence féminine y est célébrée, tandis que les hommes qu’ils soient algériens ou italiens (le bey, Lindoro, Taddeo…) n’y paraissent que trop faibles ou crédules… Même l’épouse en titre du sultan, Elvira, bien que répudiée, tient tête, reste loyal à celui qui l’a écartée ; elle reçoit même pour son édification, une belle leçon de domestication conjugale, de la part de l’Occidentale par laquelle se réalise le drame …

SYNOPSIS. Acte I : Isabella, héroïne centrale, est aimée de Lindoro, tenu en esclavage à Alger par le bey Mustafa. Ce dernier entend se débarrasser de son épouse encombrante Elvira en la donnant justement à Lindoro. Lequel résiste car il aime toujours sa belle Isabella, laquelle surgit après un naufrage sur les côtes algériennes… Le bey découvre les charmes de la belle italienne Isabella et s’en éprend aussitôt.
Dans l’acte II, Isabella victorieuse a assujetti le bey Mustafa. Elle prend soin de garder auprès d’elle Lindoro qu’elle aime toujours. Isabella entend réconcilier Mustafa avec son épouse Elvira ; le bey fulmine, à la fois frustré et décontenancé par cette italienne incontrôlable (fameux quintette « Ti presento di mia mano… »). L’Italienne va plus loin : elle souhaite élever la dignité du bey à celle de « Papataci », titre fantaisiste et invention pure, grâce à laquelle, en une cérémonie parodique digne de Molière (le Bourgeois Gentilhomme), elle moque la naïveté et l’orgueil du sultan… lequel doit rester muet et sage devant toute adversité (s’il veut se montrer digne de cette insigne dignité).
En effet, les italiens (Isabella, Lindoro et Tadeeo qui accompagnaient la jeune femme) quittent le palais du bey et se sauvent en bateau. Obligé au silence et à l’inaction, Mustafa n’a plus que sa belle Elvira pour le reconforter et lui pardonner.

Avant Rosina, dans le Barbier de Séville (mezzo-soprano), Rossini confie à une alto, le personnage volontaire et redoutable d’Isabella, femme forte, au tempérament bien trempé. C’est une furie calculatrice qui a l’intelligence d’une stratège : séduisante et manupulatrice.
La verve de Rossini est à son sommet : jamais plus, après l’Italienne à Alger, le compositeur ne développera une telle facilité génial dans le genre buffa délirant. Le raffinement et l’invention de l’écriture s’y montrent égaux dans l’acte I et puis II, ce qui n’est pas forcément le cas dans les opéras qui suivent.

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ROSSINI : L’Italienne à Alger à L’Opéra de TOURS
3 représentations seulement

Vendredi 1er février 2019 – 20hboutonreservation
Dimanche 3 février 2019 – 15h
Mardi 5 février 2019 – 20h

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RESERVEZ VOTRE PLACE
http://www.operadetours.fr/l-italienne-a-alger

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ROSSINI : L’Italienne à Alger
Dramma giocoso en 2 actes
Créé le 22 mai 1813 au Teatro San Benedetto de Venise
Livret de Angelo Anelli

Coproduction Opéra National de Lorraine, Opéra-Théâtre de Metz Métropole

Direction musicale: Gianluca Martinenghi
Mise en scène: David Hermann
Assisté de Karin Maria Piening
Décors: Rifail Ajdarpasic
Costumes: Bettina Walter
Lumières: Fabrice Kebour
Assistant: lumières Alexis Koch
Masques: Cécile Kretschmar

Isabella: Chiara Amarù
Mustafà: Burak Bilgili
Lindoro: Patrick Kabongo
Elvira: Jeanne Crousaud
Taddeo: Pierre Doyen
Zulma: Anna Destraël
Haly: Aimery Lefèvre

Choeur de l’Opéra de Tours
Orchestre Symphonique Région Centre-Val de Loire/Tours
La production créée en 2012, passée par Nancy en juin 2018, brille par son efficacité, une intelligence dramatique qui révèle le génie buffa de Rossini. Belle réussite.

Compte-rendu, opéra. Paris, le 24 nov 2018. Rossini : La Cenerentola. Brownlee, Sempey, Crebassa… Pido, Gallienne

rossini-pesaro-582-390-festival-pesaro-rossini-juan-diego-florezCompte rendu, opéra. Paris. Palais Garnier, le 24 novembre 2018. Rossini : La Cenerentola. Lawrence Brownlee, Florian Sempey, Marianne Crebassa… Orchestre de l’Opéra. Evelino Pido, direction musicale. Guillaume Gallienne, mise en scène. Reprise automnale de La Cenerentola de Rossini / version Guillaume Gallienne à l’Opéra de Paris. Le chef italien Evelino Pido dirige l’orchestre de la Grande Boutique et une distribution rayonnante, avec Marianne Crebassa dans le rôle titre et dans une fabuleuse prise de rôle. Les bijoux, musicaux, de cette reprise brillent tellement, que nous oublions presque les incongruités de la mise en scène.

 
 
   
 
 

Cenerentola, des cendres toujours, … et quelques bijoux au fond

 
 
 

Composé un an après la première du Barbier de Séville, en 1816, La Cenerentola de Rossini ne s’inspire pas directement de Perrault mais plutôt de l’opéra comique Cendrillon d’un Nicolas Isouard (crée en 1810 à Paris, lui d’après Perrault). Ainsi, on fait fi des éléments fantastiques et fantaisistes et l’histoire devienne une comédie bourgeoise, où l’on remplace la chaussure de Cendrillon par un bracelet, entre autres. La mise en scène de Gallienne, créée l’année dernière, est toujours fidèle à elle-même, avec son décors unique bipartite inspiré d’une Naples vétuste, un travail d’acteur à la pertinence pragmatique, sans plus.

La vrai bonheur est dans la partition. Les protagonistes sont interprétés par le ténor Lawrence Brownlee et la mezzo Marianne Crebassa. Le ténor américain interprète le rôle avec une aisance confondante. Sa voix est toujours très en forme et il chante l’air du 2e acte « Si, ritrovarla io giuro » avec brio. Bon acteur, il est excellent aussi dans les nombreux ensembles, notamment dans le duo du 1e acte « Un soave non so che». Marianne Crebassa dans sa prise de rôle est particulièrement impressionnante, tant au niveau théâtral comme musical. Le timbre est beau, elle est touchante dans sa projection, élégante dans sa diction et même lors des vocalises-mitraillettes abondantes. Ainsi elle réussi l’air final « Nacqui all’affanno » avec maîtrise et émotion.

Florian Sempey interprète le rôle de Dandini avec une facilité. Il est drôle à souhait et réussi dignement la coloratura difficile de sa partition. Le Don Maginifico d’Alessandro Corbelli captive par le style et le jeu d’acteur. Alidoro, interprété par le jeune Adam Plachetka, est une très agréable surprise. Faisant ses débuts à l’Opéra de Paris, s’il paraît un peu timide au début, il suscite les tout premiers bravo de la soirée lors de son air redoutable du 1e acte « Là del ciel, nell’arcano profondo », où il révèle une technique sans défaut et des aigus stables, solides. Chiara Skerath et Isabelle Druet, interprétant les sœurs, sont drôles et légères, excellentes chanteuses et comédiennes. Félicitons de passage également les choeurs très en forme dirigés par José Luis Basso.

 
 
   
 
 

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Rossini n’est pas forcément célèbre grâce à son écriture instrumentale, mais la direction du chef Evelino Pido est si bonne, enthousiaste et enjouée, tout en étant d’une précision particulière, qu’on arrive à mieux apprécier les moments de beauté. Sa baguette sans excès et sans lenteur, inspire sans doute les chanteurs, il y a une complicité sur le plateau et avec la fosse qui était absente à la création l’année dernière. A l’affiche au Palais Garnier de l’Opéra national de Paris les 1, 3, 6, 9, 11, 13, 17, 20, 24, 26 décembre 2018.

 
 
 

CD événement, annonce. FRANCO FAGIOLI : ROSSINI (1 cd Deutsche Grammophon, à venir le 30 septembre 2016)

Franco Fagioli il divinoCD événement, annonce. FRANCO FAGIOLI : ROSSINI (1 cd Deutsche Grammophon, à venir le 30 septembre 2016). Nouveaux défis rossiniens pour Franco Fagioli… C’est son second album chez Deutsche Grammophon : après un Orfeo ed Euridice de Gluck (version 1762, paru en octobre 2015), assez passe partout, paru il y a peu dont classiquenews  (mitigé) a rendu compte, voici « Rossini » , un nouveau album dans lequel le contre-ténor argentin Franco Fagioli entend démonter outre son agilité vocale, ses talents de bel cantiste. Sa rage coloratoure, cette agilité de passage passant du grave à l’aigu (en voix de tête admirablement maîtrisée, rappelant une Cecilia Bartoli pétaradante en ses débuts faramineux), un timbre généreux, charnu, et cette furie immédiatement remarquée ont affirmé le talent vocal et dramatique du chanteur.
Engagé, vif-argent, c’est à dire, doué d’une agilité dans la caractérisation tragique des personnages, Franco Fagioli aborde dans « Rossini », nouvel album à paraître le 30 septembre 2016, les rôles avant lui dévolus aux mezzos féminins particulièrement agiles (telles hier Maryline Horne ou aujourd’hui Vivica Genaux voire Joyce DiDonato…).
Mais le contre-ténor argentin ajoute la couleur de sa voix, qui tout en troublant l’écoute, par sa densité, son intensité, reste immédiatement reconnaissable. Voici donc les Ottone et Edoardo des opéras Adelaïde di Borgogna (airs des actes I, et II), surtout Matilde de Shabran et son grand air (introduit par un fabuleux solo de cor… naturel évidemment) : « Ah, perché, perché la morte »… prière et lamento pour lesquels Fagioli dit aussi « Monsieur Bartoli » (en raison de sa parenté évidente avec l’art vocal de la mezzo romaine Cecilia Bartoli), offre de superbes graves, ronds et gras, des aigus claironnants et brillants, affichant cette santé vocale et l’ampleur d’une tessiture exceptionnellement étendue, qui assure tous les passages dont nous avons parlé : dans les rôles travestis ici choisis (en général ceux d’hommes, composés par Rossini pour les mezzos féminins après l’interdiction des castrats sous Napoléon), l’expressivité de la voix se met au diapason des instruments d’époque (l’orchestre sur instruments d’époque, Armonia Atenea sous la direction de George Petrou) ; accents, rugosité, intensité. Ce qui frappe chez le phénomène Fagioli, ce sont sa capacité à caractériser un personnage, et son expressivité portée par un organe élastique d’une sureté musicale souvent très juste.

 

 

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Outre Adelaïde et Matilde, figurent aussi les opéras Demetrio e Polibio, Tancredi (« O sospirato lido », avec violon solo, et « Dolci d’amor parole »), Semiramide (airs d’Arsace), Eduardo e Cristina (opéra recyclant des airs d’Adélaïde…). Voilà qui ressuscite aujourd’hui cette fascination légendaire de Rossini pour les voix mâles et aigus, et évidemment les castrats dont précisément Giambattista Velluti pour lequel le compositeur écrivit les rôles d’Arsace dans Aureliano in Palmira et celui d’Alceo dans la cantate Il Vero omaggio… Les rôles blessés, celui des princesses trahies mais dignes, dont les vocalises en tunnels et toboggans expriment les langueurs ineffables, permettent aujourd’hui à l’interprète de ciseler un chant certes de virtuosité mais aussi de justesse et souvent de vérité. Un défi relevé avec une verve et un panache indiscutable, d’autant que les instrumentistes qui l’accompagnent colorent et trépignent à ses pieds, nous régalant des timbres finement caractérisés. Assurément voici le second cd événement qu’édite Deutsche Grammophon, en cette rentrée 2016, aux côtés de “VERISMO”  l’album vedette où Anna Netrebko ose chanter Turandot de Puccini, avec … un aplomb admirable. Car comme Fagioli, Anna Netrebko sait heureusement allier audace et musicalité, gage de défis saisissants. Sur a couverture, derrière San Michele à Venise, l’audacieux et rossinien contre-ténor tombe ou envole la veste : il est prêt à tout, torse bombé, bras levés…

 

 

rossini franco fagioli rossini cd review critique classiquenews cdCD événement : Franco Fagioli : Rossini, 1 cd Deutsche Grammophon, à paraître le 30 septembre 2016. CLIC de CLASSIQUENEWS de la rentrée 2016. Prochaine critique complète de l’album Rossini de Franco Fagioli sur CLASSIQUENEWS, le jour de la sortie de l’album, soit le 30 septembre 2016.

 

 

 

 

 

AGENDA : Franco Fagioli est l’affiche du Palais Garnier à Paris, dans le rôle-titre d’Eliogabalo de Cavalli, en septembre et octobre 2016 (du 16 septembre au 15 octobre) ; autre défi d’ampleur dans l’opéra de maturité de Cavalli, jamais joué de son vivant et figure trouble du pouvoir, fascinant et repoussant à la fois. Un rôle taillé pour la démesure ambivalente et la fièvre dramatique du chanteur dont l’engagement vocal ne laisse jamais de marbre. LIRE notre présentation d’Eliogabalo de Cavalli recréé à l’Opéra de Paris…

LIRE aussi notre présentation complète d’Eliogabalo de Cavalli au Palais Garnier à Paris avec Franco Fagioli

LIRE notre compte rendu critique complet du cd PORPORA, opéras napolitains par Franco Fagioli (édité en septembre 2014)

 

Compte-rendu, opéra. Toulouse, Capitole, le 29 mai 2016; Gioacchino Rossini : L’Italienne à Alger ; Laura Scozzi ; Antonio Fogliani.

Avant de parler de cette mise en scène qui ne plaît pas à tout le monde, il est important de saluer une distribution rossinienne intéressante. Tout d’abord Isabelle est incarnée par une grande spécialiste du rôle, l’italienne Marianna Pizzolato. Cette grande et belle voix claire de projection et profonde de timbre fait merveille. La technique vocale est parfaite avec lors des reprises des abellimenti de grande virtuosité. Les aigus sont dardés et les graves pulpeux. L’homogénéité du timbre, la longueur du souffle, les trilles parfaitement réalisés confirment une belcantiste de haut vol. Son amoureux le ténor Maxim Mironov est un Lindoro de rêve tant vocalement que scéniquement. Le ténor russe a une voix agréablement sucrée sans mièvrerie. Lui aussi a un timbre d’une homogénéité parfaite et vocalise admirablement. C’est pourtant son legato et son utilisation de nuances et des couleurs qui font tout le prix de ses délicieuses cavatines. Pietro Spagnoli est un Mustafà intéressant, connu du monde entier. Sans avoir la beauté vocale du duo d’amoureux, il sait utiliser sa technique impeccable pour rendre hommage à la diabolique partition de Rossini. L’aisance scénique lui permet de traverser toutes les épreuves que lui réservent Rossini et Scozzi, avec flegme.

 

 

 

L’humour est aux commandes et certains rient jaune

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En Taddeo, Joan Martín-Royo sait rendre sympathique ce rôle peu valorisant. La Zulma de Victoria Yarovaya est agréable de timbre et sa présence dans les ensembles est remarquable. Seuls Gan-ya Ben-gur Akselrod en Elvira au timbre acide et Aimery Lefèvre en Haly à la voix ce jour trop discrète sont un peu en dessous des attentes. Le choeur d’homme du Capitole est agréable à tout moment, très présent sans trop de brutalité dans les choeurs un peu rustres.
L’orchestre dirigé par Antonio Fogliani est virtuose mais un peu trop présent. Les tempi manquent  de souplesse et les crescendi ne sont pas assez grisants dans les finals. La direction est un peu trop ferme et manque de rubato.
MISE EN SCENE. Quand à la mise en scène, il faut bien dire que son humour est décapant et que le visage de l’exploitation de la pauvreté, de la prostitution ainsi dénoncé, n’est forcement pas au goût de tous. Pourtant notre beau pays a du mal a lutter contre la prostitution et les mâles de notre pays n’y renoncent pas, tout civilisés qu’ils se prétendent. Alors le sexe dans sa violence ainsi mis en scène avec en gros plan un couple sexy qui se massacre dès avant le lever de rideau … et qui finira avec des visage tuméfiés fait choc. Et ces danseurs doués, Elodie Ménadier et Olivier Sferlazza, vont décliner à la manière d’une bande dessinée satyrique le mal qu’un homme et une femme peuvent se faire qui est sans limites… Match qui sera gagné au filet par la femme.

Et le message est au final assez bienveillant. C’est l’amour d’Isabella et Lindoro qui justifie tous les moyens employés pour retrouver son droit d’exister. Le sexe banal et frénétique, (comme un lapin) de Mustafa, décrit bien une forme d’activité que ne renient pourtant pas les plus puissants, avec l’argent plus généreusement donné que toute autre chose. Isabella bien en chaire et imaginative (l’initiation de Mustafa au rite sado-maso) sait rendre un peu de vie au puissant Bey qui s’ennuie ferme dans sa vie comme au lit…

Elles, prostituées sur talon aiguilles, pauvres filles calibrées,  sans vie propre, habillées des fantasmes les plus ringards, sont bien fades. Même le strip-tease intégral est moribond. Le sexe si banalement robotisé est mortel. L’audace de Laura Scozzi a donc été de tendre un miroir à notre société dite cultivée qui ne sait pas faire évoluer la bestialité tapie au fond de trop d’hommes. C’est leur tendre un miroir de mortel ennui sur leur sexualité, à la manière du film Shame, alors que la vie exulte en Isabella, qui sait ne pas se laisser enfermer et libère les esclaves (du sexe pour le sexe?).
Le seul regret sera celui d’avoir été trop distrait de la perfection vocale du couple d’amoureux. Occuper les chanteurs à tout moment et leur faire faire des choses pour faire quelque chose… n’est pas notre conception du jeu à l’opéra.
La suavité du chant de Maxim Mironov en Lindoro ne gagne rien à faire du bricolage ou tailler un bosquet… Isabella au bain est bien venue, mais lui faire éplucher des légumes ou s’agiter au ménage n’apporte rien. Les décors tournants sont la vraie originalité qui permet très rapidement de changer de pièce tout en percevant le huis-clos de l’ennui.
Laura Scozzi a fait mieux que moderniser cet opéra emplumé et enturbanné : elle a décapité le mythe de la prétendue liberté sexuelle actuelle qui autorise l’asservissement.

Compte-rendu, opéra.Toulouse,Capitole,le 29 mai 2016; Gioacchino Rossini (1792-1868): L’Italienne à Alger, dramma giocoso en deux actes sur un livret d’Angelo Anelli créé le 22 mai 1813 au Teatro San Benedetto,Venise; Nouvelle coproduction avec le Staatstheater de Nuremberg (février 2017); Laura Scozzi,mise en scène; Natacha Le Guen de Kerneizon, décors; Tal Shacham, costumes; François Thouret, lumières; Avec: Marianna Pizzolato, Isabella; Maxim Mironov, Lindoro; Gan-ya Ben-gur Akselrod, Elvira; Pietro Spagnoli, Mustafà; Joan Martín-Royo, Taddeo; Victoria Yarovaya, Zulma; Aimery Lefèvre, Haly; Elodie Ménadier et Olivier Sferlazza, le couple de danseurs; Orchestre National du Capitole; Choeur du Capitole, Alfonso Caiani direction; Antonio Fogliani, direction musicale.

Illustration : © Patrice Nin

Jean-Claude Malgoire dirige L’Italienne à Alger

TOURCOING italienne a alger malgoire opera presentation compte rendu classiquenews italiennePARIS, TCE, les 8 et 10 juin. L’Italienne à Alger de Rossini. Nouveau Rossini subtil et facétieux, pour lequel Jean-Claude Malgoire retrouve le metteur en scène Christian Schiaretti, soit 10 ans de coopération inventive, colorée, poétique. La production de l’Atelier Lyrique de Tourcoing est présentée telle une “création prometteuse” : Malgoire retrouve ainsi la verve rossinienne, après l’immense succès de son Barbier de Séville qui en 2015 avait souligné la 30ème saison de l’ALT (Atelier Lyrique de Tourcoing). Pour le chef Fondateur de La Grande Ecurie et la Chambre du Roy, revenir à Rossini c’est renouer avec l’adn de sa fine équipe de musiciens et de chanteurs : Cyrus à Babylone, Tancrède / Tancredi (2012) L’échelle de soie en marquent les jalons précédents. Pour L’Italienne à Alger (créé en 1813 à Venise par un jeune auteur de … 21 ans), le chef aborde une nouvelle perle théâtrale et lyrique qui diffuse le goût exotique pour le Moyen Orient et les Indes, un monde lointain et fantasmatique qui fascine et intrigue à la fois… curiosité tenace depuis l’Enlèvement au Sérail de Mozart et avant, Les Indes Galantes de Rameau, pour le XVIIIè, sans compter Indian Queen, ultime opéra (laissé inachevé) de Purcell à la fin du XVIIè. On voit bien que l’orientalisme à l’opéra fait recette, mais Rossini le traite avec une finesse jubilatoire et spirituelle de première qualité. Jean-Claude Malgoire a à cÅ“ur de caractériser la couleur comique et poétique de l’ouvrage (bien audible dans la banda turca, les instruments de percussion métalliques : cymbale, triangle, etc…). Délirant et souverainement critique, Rossini produit un pastiche oriental – comme Ingres dans sa Grande Odalisque, mais revisité sous le prisme de sa fabuleuse imagination. Avec Schiaretti, précédent partenaire de L’Echelle de soie, Jean-Claude Malgoire ciblera l’intelligence rossinienne, faite d’économie et de justesse expressive. Soulignons dans le rôle centrale d’Isabella, la jeune mezzo Anna Reinhold et son velouté flexible déjà applaudie au jardin des Voix de William Christie, et récemment clé de voûte du cd / programme intitulé Labirinto d’Amore d’après Kapsberger (CLIC de classiquenews de juillet 2014)

L’italienne à Alger
Opéra — création
Opéra bouffe en deux actes de Gioachino Rossini (1792-1868)
Livret d’Angelo Anelli
Créé le 22 mai 1813 au Teatro San Benedetto à Venise

Direction musicale : Jean Claude Malgoire
Mise en scène : Christian Schiaretti

Isabella, Anna Reinhold
Lindoro, Artavazd Sargsyan
Taddeo, Domenico Balzani
Mustafa, Sergio Gallardo
Elvira, Samantha Louis-Jean
Haly, Renaud Delaigue
Zulma, Lidia Vinyes-Curtis

Ensemble vocal de l’Atelier Lyrique de Tourcoing
La Grande Ecurie et la Chambre du Roy

Vendredi 20 mai 2016, 20h
Dimanche 22 mai 2016, 15h30
Mardi 24 mai 2016, 20h
TOURCOING, Théâtre Municipal Raymond Devos

Mercredi 8 juin 2016 19h30
Vendredi 10 juin 2016 19h30
PARIS, Théâtre des Champs Elysées

Représentation du vendredi 20 mai en partenariat avec EDF
Représentation du mardi 24 mai en partenariat avec la Banque Postale
Tarifs de 33 à 45€ / 6€ – 18 ans /10€ – 26 ans / 15€ demandeurs d’emploi

RENSEIGNEMENTS /RÉSERVATIONS
03.20.70.66.66
www.atelierlyriquedetourcoing.fr

 

 

SYNOPSIS. Orient / occident : une sexualité pimentée, renouvelée, terreau fertile aux rebondissements comiques. Si Rossini dans sa musique recherche des couleurs orientalisantes (percussions et cuivres très présents), le bey d’Alger, Mustafa (basse) s’étant lassé de son épouse en titre (Elvira) recherche plutôt une nouvelle compagne italienne (Isabella, alto) afin de pimenter son quotidien domestique / érotique. Mais cette dernière aime Lindoro (ténor) qui comme elle, est prisonnier de l’oriental. Au sérail, les deux amants italiens parviennent à s’échapper grâce à la confusion d’une mascarade fortement alcoolisée : après avatars divers et moult quiproquos, en fin d’action, Mustafa revenu à la raison, retrouve sa douce Elvira, délaissée certes, mais toujours amoureuse…

La verve comique, la saveur trépidante, l’esprit et la finesse sont les qualités d’une partition géniale, où le jeune et précoce Rossini sait mêler le pur comique bouffon, souvent délirant et décalé (trio truculent de la grosse farce du trio “Pappatacci”), et la profondeur psychologique qui approche le seria tragique. Le profil d’Isabella, à la féminité noble, les airs virtuoses pour ténor (Lindoro) saisissent par leur profondeur et leur justesse, d’autant que les couleurs de l’orchestre rossinien, touchent aussi par leur raffinement nouveau. Après l’Italienne, Rossini affirme son jeune génie et la précocité de ses dons lyriques versatiles dans l’ouvrage suivant Il Turco in Italia (1813), autre bouffonnerie d’une élégance irrésistible. Toujours en avance sur les tendances du goût, la musique marque ainsi une curiosité que Delacroix (Les femmes d’Alger, 1834) ou Ingres (Le Bain turc, 1864), illustreront à leur tour selon leur goût, mais des décennies plus tard.

 

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Compte rendu, opéra. Massy, opéra, le 11 mars 2016. G. Rossini : L’Italienne à Alger. Aude Extrémo… Dominique Rouits.

rossini-portrait-gioachino-rossini-bigIl était une fois un dramma giocoso composé en 18 jours… Il s’agît seulement du premier véritable chef d’œuvre comique de Rossini, l’Italienne à Alger, créé à Venise en 1813. Une coproduction de qualité signé Nicolas Berloffa vient divertir le public massicois. L’Opéra de Massy propose une nouvelle distribution des jeunes talents pour la plupart, pour une soirée haute en couleurs et riche en comédie.

Italienne d’amour, Italienne d’humour : épatante Aude Extremo !

Si la soirée commence avec la soprano Eduarda Melo annoncée souffrante, ceci ne l’a pas empêché d’assurer la prestation, ni l’opéra de se dérouler avec l’éclat et l’entrain qu’impose la musique piquante de Rossini. L’Italiana in Algeri (titre original en italien) raconte l’histoire d’Isabella, éprise de Lindoro, emprisonnée par le bey d’Alger Mustafa. Celui-ci est las de sa femme Elvira et souhaite désormais épouser une Italienne. Isabella assume un rôle héroïque et décide de sauver son pauvre Lindoro. En soi, l’histoire n’est pas de grande importance et le livret et aussi riche en incohérences que la partition en morceaux de bravoure ! L’importance réside donc plutôt dans la performance et la représentation.

Pour remporter le défi, Nicolas Berloffa signe une mise en scène pragmatique et habile, tout à fait respectueuse des spécificités drolatiques de l’histoire, malgré une apparence irrévérencieuse. Dans le programme nous lisons qu’il a voulu faire du personnage d’Isabella quelqu’un de plus ambigu et complexe, et il traduit ceci par une Isabella « très colérique ». Or, le personnage d’Isabella est en vérité le plus complexe de l’opus, et devant une écoute libre de préjugés nous constatons facilement que le personnage est en effet à la fois coquin et dévoué. On a voulu nous convaincre que l’idée vient du metteur en scène, mais nous savons que cette héroïne délicieuse est 100% Rossini. Nous adhérons à la proposition surtout parce qu’elle veut insister sur le comique et qu’elle prétende l’enrichir (elle n’en arrive pas forcément, mais ça marche). Cependant, un aspect vraiment remarquable de la mise en scène, à part le travail de comédien, qu’on l’aime ou pas, est le dispositif scénique tournant qui ajoute une fluidité supplémentaire à l’œuvre (décors de Rifail Ajdarpasic). Enfin, l’Isabella colérique et volupteuse de Berloffa, mais surtout de Rossini, est superbement incarnée par la mezzo-soprano Aude Extrémo. Quel délice de performance ! A part son magnétisme sur scène, elle campe des graves veloutés et ne déçoit pas dans les variations vocalisantes, si nécessaires dans Rossini. Si sa performance nous séduit totalement, nous éprouvons d’autres sentiments vis-à-vis à celle du jeune ténor Manuel Nunez Camelino, dont nous féliciterons surtout l’effort et la candeur (remarquons qu’il s’agît d’un rôle particulièrement difficile à interpréter et quelque peu ingrat vis-à-vis au drame). Eduarda Melo, quant à elle, s’abandonne dans sa performance théâtrale tout à fait réussie malgré son état. Elle chante les notes les plus aiguës de la partition non sans difficulté, chose compréhensible, mais nous transporte avec facilité dans le monde irréel et invraisemblable de l’histoire par son excellent jeu d’actrice. Donato di Stefano en Mustafa est tout aussi bon acteur, mais nous ne sommes pas forcément séduits par sa performance vocale qui manque un peu de brio. Celle du baryton italien Giulio Mastrototaro en Taddeo, par contre, nous surprend : il est peut-être celui qui a le style le plus rossinien de la distribution et c’est tout un bonheur !

Les rôles secondaires de Zulma et Ali sont interprétés dignement par Amaya Rodriguez et Yuri Kissin respectivement. Ils sont excellents en vérité ; elle avec un timbre séduisant et lui, une voix imposante. Les choeurs de l’Opéra de Massy quant à eux auraient pu être plus dynamiques pourtant. L’orchestre maison ne dérange pas, si nous pensons qu’il aurait pu gagner en entrain, il reste respectueux de la partition, peut-être trop. La belle folie scénique sur le plateau et la performance d’Aude Extrémo dans le rôle-titre peuvent être à elles seules les raisons fondamentales d’aller voir ce spectacle. Une soirée à la fois drôle et sage qui est bonne pour la morale !

Compte rendu, opéra. Massy. Opéra de Massy. 11 mars 2016. G. Rossini : L’Italienne à Alger. Aude Extrémo, Eduarda Melo, Giulio Mastrototaro … Choeur et Orchestre de l’Opéra de Massy. Dominique Rouits, direction musicale. Nicola Berloffa, mise en scène.

Illustration: © Françoise Boucher

NDLR : Ceux qui souhaitent écouter Aude Extremo, classiquenews était venu à l’Opéra de Tours découvrir et capter quelques scènes de la production de L’Heure espagnole de Ravel où la mezzo captivait déjà dans le rôle de Concepcion… VOIR le reportage L’heure Espagnole de Ravel à l’Opéra de Tours avec Aude Extremo

DOSSIER. Les 200 ans du Barbier de Séville de Rossini

rossini_portraitDOSSIER. Bicentenaire du Barbier de Séville de Rossini : 20 février 1816 – 20 février 2016. La partition est l’une des plus enjouées et palpitantes du jeune Gioacchino ; certainement son chef d’oeuvre dans le genre buffa. Pourtant, l’on aurait tort d’y voir rien qu’un ouvrage comique de pure divertissement ; car le profil psychologique des caractères, leur évolution tout au long de l’action, révèle une profondeur et une cohérence globale… digne du Mozart des Nozze di Figaro / Noces de Figaro. D’ailleurs, Le Barbier de Séville se déroule précisément AVANT l’action de l’opéra mozartien. Rosine, jeune fille à marier, n’est pas encore la comtesse esseulée voire dépressive chez Mozart ; et Figaro a déjà tout d’un serviteur loyal mais épris de liberté et d’égalité, en somme un héros digne des Lumières. Une jeune beauté qu’on enferme, des classes sociales qui s’effacent pour que règne l’amour et l’émancipation d’une jeune femme (voir le duo entre le jeune comte, faux soldat, Lindoro le jeune comte et son “double” fraternel ici, le barbier Figaro), sans omettre l’air de la calomnie de Basilio (maître de musique)… Rossini signe en vérité, sous couvert d’un vaudeville léger, faussement badin, la critique en règle de la société. Ses rythmes trépidants, ses finales endiablés, se formules répétées qui semblent même trépigner, tout indique une nouvelle ambition qui élève l’opéra buffa en genre “noble”, le miroir juste et vrai de la société contemporaine. En cela Rossini avait parfaitement compris dans sa musique, l’acidité déguisée, la charge satirique joliment troussée de Beaumarchais dont Les Noces de Figaro et le Barbir de Séville sont les enfants.

rossini opera buffa rossini barbier de seville turco in italiaCréé à Rome au Teatro Argentina, le 20 février 1816, Le Barbier de Séville est l’Å“uvre d’un génie précoce de 24 ans. Cette notoriété acquise très tôt lui permettra de devenir à Paris, en novembre 1823, le compositeur unanimement célébré, personnalité incontournable de la France de la Restauration (le compositeur écrit même une pièce tout autant délirante pour le Sacre du Souverain : Le Voyage à Reims de 1825). En 1816, Rossini incarne le nouvel âge d’or, de la comédie napolitaine. Celle magnifiée sublimée par ses prédécesseurs, Cimarosa et Paisiello. Avant Rossini, les deux musiciens italiens apportent au genre buffa, un raffinement inédit, une fraîcheur de ton qui renoue en fait avec les comédies irrésistibles des Napolitains du XVIIème (Vinci, Leo… remis à l’honneur par Antonio Florio dans les années 2000). Alors que l’Autriche et toute l’Europe se passionne pour l’opéra buffa, mieux apprécié que le seria qui s’asphyxie sous ses propres codes et règles musicales, Rossini élève la comédie en un genre aussi riche et profond grâce à de nouveaux éléments, pathétiques, héroïues voire tragiques. C’est un mélange des genres qui renoue de facto avec la pétillance des opéras baroques du XVIIè, quand sur la scène vénitienne par exemple avec Monteverdi, Cavalli et Cesti, tragique et comiques étaient fusionnés avec grâce.

VOCALITA. Des Baroques italiens, Rossini prolonge aussi la vocalità virtuose : l’ornementation, l’agilité sont des caractères du bel canto rossinien, avec cette élégance et cette subtilité du style qui écarte d’emblée la seule technicité mécanique. Le chant de Rossini suit un idéal expressif qui tranche directement avec la violence réaliste des Donizetti et Verdi à venir. En cela la leçon de Rossini sera pleinement cultivée par son cadet, Bellini, qui partage le même modèle d’élégance et de finesse, portant et favorisant un legato d’une souplesse agile exceptionnelle. Chez Rossini, toutes les tessitures (ténor et basses compris) doivent être d’une fluidité volubile ; puissantes mais flexibles. Ce sont les Callas, Sutherland, Caballe, Horne qui dans les années 1960 et 1970, au moment de la révolution baroqueuse, retrouvent les secrets d’un art vocal parmi les plus exigeants et difficiles au monde.

rossini-portrait-gioachino-rossini-bigINTRIGUE. Après les turqueries savamment exploitées que sont L’Italienne à Alger et le Turc en Italie, croisement Orient – Occident des plus cocasses, Rossini reprend l’intrigue sulfureuse du Barbier de Séville de Beaumarchais (1775), pour 40 ans plus tard, en produire sa propre version musicale. En cela il entend surpasser Le Barbier de Séville de son prédécesseur Giovanni Paisiello, créé en 1782 à Saint-¨étersbourg, et depuis considéré comme un ouvrage comique insurpassable. Quand Paisiello fait du vieux barbon obscène Bartolo, le pilier de l’intrigue, figure aussi délirante que ridicule (Donizetti allait bientôt s’en inspirer dans Don Pasquale, mais avec une nouvelle profondeur pathétique), Rossini préfère organiser son propre drame autour de Rosina, dont en en accentuant avec finesse la caractérisation, le compositeur faisait une nouvelle figure, ambivalente, séductrice et suave mais aussi malicieuse et ambitieuse : formant trio avec Figaro et Lindoro / Almaviva, la sémillante beauté crée une série de situations bondissantes, confrontations et quiproquos rocambolesques, dramatiquement savoureux comme l’intelligence de Rossini savait les cultiver. La caractérisation des personnages, la construction dramatique qui cultive des somptueux ensembles finaux, la saveur mélodique, le raffinement du chant et de l’écriture orchestrale (Rossini était en cela héritier des Viennois Haydn et Mozart) distinguent le génie rossinien, si naturel et diversifié dans le déroulement du Barbier de Séville de 1816.

Elsa Dreisig, la mezzo dont on parle

VOIR notre grand reportage vidéo dédié au 26è Concours international de Chant de Clermont-Ferrand où les épreuves de sélection comprenaient les rôles de Rosine et de Figaro pour une nouvelle production du Barbier de Séville pour la saison 2015 – 2016. Au terme du Concours d’octobre 2015, c’est la jeune mezzo Elsa Dresig qui remportait les sessions sélectives, incarnant une Rosine de rêve, palpitante, ardente, fraîche et pourtant volontaire comme déterminée, maîtrisant surtout l’écriture agile et virtuose de Rossini.

Cenerentola à l’Opéra de Tours

ANGERS NANTES OPERA affiche le Turc en Italie de RossiniTours, Opéra. Rossini : la Cenerentola. Les 22,24,26 janvier 2016. Cendrillon comme Peau d’âne rétablit la dignité des pauvres et des humbles. La souillon domestique devient par la magie d’un conte captivant, princesse : l’élue est enfin réhabilitée… la simplicité des tableaux rappelle cet enchantement né de nos théâtres d’enfants miniaturisés… dans lequel l’esprit libre anime des figurines pour exprimer l’action du conte. Aucun doute, Perrault a laissé un mythe enchanteur où l’esprit de justice est grâce à Rossini, teinté d’une subtile et très juste facétie, voire d’un sentiment satirique car le portrait social qui y est dépeint frôle la dénonciation et la lutte des classes. Côté voix, il faut une diva piquante et agile (comme Rosina du Barbier de Séville, autre tempérament féminin prometteur), dans le rôle d’Angelina – Cendrillon, taillé pour le velours stylé d’un timbre radieux… suave et angélique, toujours subtil évidemment – la marque de Rossini.

Ses partenaires masculins doivent aussi tout autant partager et répandre la même séduction dramatique, alliant aisance expressive et finesse du jeu vocal: comique et burlesque don Magnifico, très fin Alidoro (le philosophe protecteur de la jeune femme éprouvée), Dandini – ces trois rôles masculins sont directement empruntés à la Comedia italienne entre Buffa et comique léger, allusif.  Même les deux sÅ“urs Clorinda et Tisbé doivent être d’un délire juste (a contrario de tant de dérapages bouffes ailleurs pas toujours très nuancés)…

rossini_portraitEnjeux et libertés d’une fable morale… Dramma giocoso en deux actes sur un le livret de Jacopo Ferretti, d’après Cendrillon de Charles Perrault, La Cenerentola est l’ultime ouvrage comique, écrit par Rossini pour le public italien. Créé le 25 janvier 1817 au Teatro Valle de Rome, l’action lyrique respecte les codes de bienséances de l’époque: la pantoufle de vair est remplacée par un bracelet: à l’opéra, les actrices ne doivent pas exhiber leurs chevilles ni leurs pieds, sur les planches d’un théâtre respectable. De même, Rossini écarte la figure de la bonne fée, qui est remplacée par le philosophe Alidoro, mentor du Prince Don Ramiro dont Angelina (Cendrillon) est amoureuse. Idem pour la marâtre qui accable chez Perrault, la belle enfant: l’opéra met en scène un père omnipotent, voire brutal et violent, Don Magnifico, tuteur finalement dépassé par le tempérament de ses deux filles expansives, Clorinda et Tisbe; surtout vil et vénal solitaire qui ne s’affaire que pour s’enrichir. Mais le compositeur et son librettiste se plaisent à réviser la trame initiale de Perrault, en privilégiant surtout les situations comiques, délirantes, à répétition… tout est prétexte au travestissement (entre le Prince Ramiro et son valet Dandini), rien n’est trop éloquent pour démonter les fonctionnements hypocrites, intéressés, bassement calculateurs de l’activité humaine. La fable musicale est hautement moralisatrice: devenue reine, Cendrillon sait pardonner à ses bourreaux d’hier… Le rôle-titre exige une voix agile et timbrée, celle d’un mezzo coloratoure, comme le personnage de Rosina dans Le Barbier de Séville, composé l’année précédente (1816). Le prince Ramiro est chanté par un ténor, “encadré†par deux barytons, son valet Dandini et son tuteur et philosophe, Alidoro (en fait baryton-basse).

 

 

 

boutonreservationLa Cenerentola de Rossini à l’Opéra de Tours
Vendredi 22 janvier 2016, 20h
Dimanche 24 janvier 2016, 15h
Mardi 26 janvier 2016, 20h
Réservez votre place sur le site de l’Opéra de Tours

 

 

 

Dramma giocoso en deux actes
Livret de Jacopo Ferretti
Création le 25 janvier 1817 à Rome

Direction : Dominique Trottein
Mise en scène : Jérôme Savary *, réalisée par  Frédérique Lombart *
Décors et costumes : Ezio Toffolutti *, assisté de Lucia Lucchese *
Lumières : Alain Poisson *
Chorégraphie : Frédérique Lombart *

Angelina : Carol Garcia *
Clorinda : Chloé Chaume
Tisbe : Valentine Lemercier *
Don Ramiro : Manuel Nunez-Camelino
Don Magnifico : Franck Leguérinel
Dandini : Philippe Estèphe *
Alidoro : Sévag Tachdjian *

Orchestre Symphonique Région Centre-Val de Loire / Tours
Choeurs de l’Opéra de Tours et Choeurs Supplémentaires

*débuts à l’Opéra de Tours

Compte rendu opéra. Marseille, Opéra. Le 27 octobre 2015. Rossini : Semiramide. Giuliano Carella, direction.

1 gCompte rendu opéra. Marseille, Opéra. Le 27 octobre 2015. Rossini : Semiramide. Semiramide, opera seria de Rossini, nous revient après dix-huit ans d’absence et, par la beauté extraordinaire de son chant, d’une virtuosité à couper notre souffle (pas celui des chanteurs !) a embrasé le public amateur de lyrisme pyrotechnique en ces temps de froidure soudaine. Temps de froidure économique aussi, ce fut non une version scénique, avec mise en scène, mais une version concertante, finalement non distraite par les décors et le jeu, attention plus concentrée donc sur la musique et le chant, prodigieux, il est vrai, menés de main de maître par Giuliano Carella. Cet opera seria en deux actes, le dernier de Rossini en Italie avant son départ définitif pour la France, d’après la Sémiramis de Voltaire de 1748, fut créé à Venise, au Teatro de La Fenice, en 1823. L’esthétique de Rossini, regarde encore vers le XVIIIe siècle, c’est le crépuscule, les derniers feux du bel canto au sens précis du terme, l’art vocal virtuose des castrats, qu’il contribua à éclipser en imposant, à leur place, des femmes travesties dans des rôles héroïques. Giocchino Rossini, dans l’esprit et l’oreille des auditeurs, est associé non à l’opéra sérieux, c’est-à-dire tragique, mais à l’opera bouffa, comique : on pense alors à sa trilogie fameuse, Le Barbier de Séville, l’Italienne à Alger, au Turc en Italie, et aussi à la mi-sérieuse Cenerentola, Cendrillon. Cependant, ou oublie trop qu’il passait également pour maître de ces drames fastueux qui allaient puiser leurs sujets non plus tellement dans la mythologie comme à l’époque baroque, mais dans l’histoire ancienne. Et ici, nous allons nous trouver dans l’Assyrie antique (aujourd’hui la Syrie déchirée par la guerre et la barbarie), alors foyer de notre civilisation puisque autant les Égyptiens que les Grecs anciens furent tributaires de la science, de l’astronomie des Chaldéens et des Assyriens.

Une intrigue policière

Le lieu : Babylone. Tout le monde a entendu parler ou a vu au musée de Berlin partie des reproductions des murs en briques émaillées de bleu, la porte aux lions, de Babylone, la ville immense de Mésopotamie, au sens grec, ’région entre deux fleuves’, le Tigre et l’Euphrate. Les ruines se trouvent, à quelque quatre-vingt-dix kilomètres au sud de Bagdad. Capitale, pendant près de douze siècles, d’une des plus brillantes civilisations de l’Antiquité, Babylone, où la Bible situe la tour de Babel immense qui, faute d’une langue commune entres les peuples qui l’édifiaient, s’écroula, était célèbre pour ses jardins suspendus, dont la création est prêtée à Sémiramis, historique et légendaire reine guerrière.

Protagonistes et intrigues

On arrive rarement au pouvoir dans l’innocence. Épouse d’un roi, Sémiramis épousa en secondes noces Ninus (Nino dans l’opéra), qui contraignit son premier mari au suicide pour convoler avec elle. À son tour, Ninus meurt, mais assassiné, on ne sait par qui, et, veuve de deux rois, Sémiramis règne sans partage. Leur fils, Ninias, autre mystère, a disparu depuis vingt ans. De quoi titiller les fameuses petites cellules grises d’un Hercule Poirot archéologue. Car il faudra résoudre les deux énigmes, mort du roi et disparition de l’héritier du trône, un peu comme dans la Thèbes d’Œdipe-roi, la première pièce ou roman policier de l’histoire, pour que s’apaise la colère apparemment inexplicable des dieux dont est victime Babylone. Des dieux, en somme, qui permettent les crimes, et châtient les pauvres humains de ne pas résoudre les énigmes qu’ils ont eux-mêmes causées, leur imputant de n’en pas punir les coupables. Le grand prêtre de Baal, Oroe, leur interprète, proclame cependant l’avènement prochain de la justice, de la vengeance et d’un nouveau roi. Tout en posant, d’emblée, l’enjeu, le suspense, c’est l’occasion de grands chÅ“urs à la fois de déploration et d’allégresse. Sémiramis confirme, mais sans autre précision, qu’elle va désigner son successeur : autre suspense, qui ? Le prince Assur, assure, cela coule de source onomastique, qu’il sera l’élu et prétend épouser son élue, la princesse Azema.

Mais voici qu’arrive Arsace, jeune général victorieux de l’armée assyrienne, qui chante sa joie de revenir et de revoir la princesse Azéma qu’il aime —et réciproquement— et veut épouser : autre nÅ“ud, deux prétendants pour une même femme, banal. Mais un troisième larron ambitionne aussi le cÅ“ur de la belle ! Qui sera vainqueur ? Mais voilà que Sémiramis, qui attendait ardemment Arsace, croyant être aimée en retour, lui déclare sa flamme, lui propose sa main et le trône. Les affaires de cour et de cÅ“ur se corsent à Babylone. Sémiramis, de toute son autorité absolue, fait jurer à tous de respecter son choix du successeur sur le trône, qu’elle entend épouser : Arsace !  Désespoir d’Azéma et du jeune général amoureux, fureur d’Assur frustré dans son ambition. Même le fantôme apparu de Ninus, le roi assassiné, tonne et détonne sur ce qui devait être une fête. Pourquoi l’ombre du roi est-elle courroucée ? Bien sûr, il réclame vengeance (depuis le temps ?) de sa mort. Mais est-ce tout ?

Non, ce n’est pas tout : le grand prêtre reconnaît en Arsace le fils disparu du roi, donc, horreur ! fiancé à sa propre mère, on comprend l’indignation du royal spectre du père et époux. Il appartient donc à Arsace, accablé, pour apaiser les dieux et le fantôme de Ninus son père, de venger l’assassin ou les assassins. Mieux encore : un aparté haineux et menaçant entre Assur et la reine nous révèle qu’ils furent amants et les assassins du roi Ninus ! Bref, c’est déjà Hamlet à Babylone devant tuer sa mère et son amant (comme Oreste tue la sienne et son complice pour venger son papa Agamemnon). Il a du mal à s’y résoudre, même si Sémiramis, mise au courant, l’en implore pour expier ses fautes : régicide et inceste, bien que non consommé.

Et tout le monde de se retrouver dans le ténébreux caveau du roi Ninus, Assur pour y assassiner Arsace, Sémiramis pour tuer ce dernier et sauver son fils, et, celui-ci, tremblant, pour immoler dans le noir, à l’exhortation du Grand prêtre, l’assassin du roi. Arsace lève le glaive pour tuer sans trop savoir qui. Le Grand prêtre lui ordonne de frapper. La lame s’abat, un corps tombe. Mais de qui ? Suspense final. Arsace, dans un Å“dipe freudien inversé, a occis sa propre mère. Bref, ce drame si long répond bien aux réquisits de l’intrigue policière en posant les questions qui la constituent : Où? Quoi? Qui? Comment? et enfin : pourquoi?

Interprétation

semramide rossini opera de marseille octobre 2015 giuliano CarellaOn le disait ici même à propos du Trovatore, Giuliano Carella, à la tête de l’Orchestre de l’Opéra de Marseille à son mieux est incontestablement un grand maître de cette musique italienne à laquelle il insuffle, sans boursoufler, une vivacité, une vie au sens propre du terme, qui en est une authentique marque : il polit les cuivres, affûte en douceur les flûtes rossiniennes, chérit les chœurs bien préparés par Emmanuel Trenque et les chanteurs sont choyés par sa battue attentive, mais sans complaisance rythmique, au confort d’un chant d’une exigence périlleuse. Il sait magnifier les lignes majestueuses de cette grande partition, en détailler, en faire briller, sans fouillis, les trouvailles de timbres et couleurs, avec un rare équilibre de l’ensemble et du détail. Les récits obligés, comme il convient à l’opera seria dramatique, sont animés et amenés dans un habile fondu avec l’aria sans la cassure mécanique qui en est souvent l’écueil. Il obtient de la masse choriste, orchestrale et soliste, une palette de nuances qui rend à cette musique monumentale sa variété, sans laquelle on serait un peu écrasé par la rhétorique massive du genre. Il revisite avec intelligence l’œuvre, fait vivre de l’intérieur et justifie une esthétique qu’on aurait crue, à tort, reléguée au musée des curiosités.

Il dispose, il est vrai, d’une phalange exceptionnelle, à tous les niveaux, de chanteurs pliés à l’exigence technique de ce style brillant qui exclut la médiocrité dans la moindre des parties. Ainsi, dans les rôles les plus courts, Samy Camps, ténor, sait poser toute l’autorité de Mitrane, capitaine de la garde royale, et Azema, l’épisodique princesse disputée par rien de moins qu’Assur, Arsace et Idreno, est joliment justifiée par Jennifer Michel dont le soprano mûrit sans rien perdre, même en brune, de sa douce blondeur de timbre. Dans une œuvre dont les rivaux principaux sont des voix graves, et l’héroïne une soprano dramatique, Rossini exalte malgré tout la voix de ténor dans ce rôle ingrat d’amant transi, Idreno, lui prêtant des airs diaboliques par la tessiture et la virtuosité. Le timbre de David Alegret qui, l’incarne, est guère séduisant, mais sa technique à surmonter cette partition terrible est indiscutable et le public marseillais ne se trompe pas en lui réservant une ovation.

 Ces personnages ne sont là que pour nourrir l’intrigue amoureuse secondaire, de mise dans la convention du dramma per musica avec ses héros tragiques, dont l’amour, comme le disait Corneille pour la tragédie, est la part humaine de leur surhumaine dimension. Le quatuor, noyau essentiel du drame, est exceptionnel : la basse Patrick Bolleire campe un imposant Oroe, se glissant dans la peau et la voix ténébreuse du Grand prêtre et astrologue (les Assyriens inventèrent l’astrologie), oraculaire et majestueux interprète des dieux et de leurs insondables desseins, par ailleurs, voix d’outre-tombe du spectre de Ninus. Dans sa prise de rôle du prince Assur, intriguant, ambitieux et régicide, Mirco Palazzi est magistral d’emblée : timbre sombre, voix large et égale sur toute la tessiture de basse, il surmonte avec aisance toutes les épreuves stylistiques et techniques que Rossini se plaît à semer dans sa partition, et sait velouter de vénéneuses insinuations piano ses menaces à son ex-amante Sémiramis, mais aussi clamer, déclamer ses fureurs et frustrations, délirer son air de folie, dont Verdi se souviendra pour son Nabucco, qui n’était pas, comme on le croit, l’apanage exclusifs des folles prima donnas.

Arsace, personnage féminin travesti en général, est exalté par la mezzo,Varduhi Abrahamyan, la meilleure interprète sans doute du rôle depuis Marilyn Horne, avec l’avantage d’un physique avantageux (de femme) qu’elle ne masculinise heureusement pas et d’un jeu passionné mais sans les outrances de son illustre devancière. Elle se rit avec aisance de toutes les difficultés de la partition et nous régale d’un timbre charnu du grave à l’aigu, velouté, sensuel, aux somptueuses couleurs. À ses côtés, en Semiramide, Jessica Pratt, qui n’est pas le soprano dramatique exactement requis par le rôle, pourrait pâlir et pâtir d’un grave et d’un médium trop doux pour l’absolutisme d’une reine guerrière et régicide, mais, prise ici dans les inquiétudes d’une incertaine fin de règne, tenaillée par le remords et l’amour d’un garçon plus jeune, cette fragilité lui donne une touchante humanité qui, d’avance, l’absout de ses crimes, l’assassinat d’un monarque et mari et le penchant incestueux inconscient vers son image juvénile désormais incarnée par son fils. La beauté lumineuse de son timbre, la sûreté de sa technique, son époustouflante agilité, ses pianissimi filés et ses attaques suraiguës limpides, sans bavure, en font une interprète exceptionnelle.

Une soirée de jouissance vocale sensuelle qu’aurait pu savourer Stendhal, l’amoureux de Rossini.

Rossini : Semiramide à l’Opéra de Marseille. Opéra en deux actes. Livret de Gaetano Rossi. Opéra de Marseille, le 27 octobre 2015. Orchestre et chÅ“ur de l’Opéra de Marseille. Giuliano Carella, direction. Distribution : Semiramide : Jessica Pratt ; Arsace : Varduhi Abrahamyan ; Azema : Jennifer Michel ; Assur : Mirco Palazzi ; Idreno : David Alegret ; Oroe / L’Ombre de Nino : Patrick Bolleire ; Mitrane : Samy Camps.

Illustrations : Giuliano Carella, saluts © Christian Dresse

Genève. Grand Théâtre, les 11 et 13 septembre 2015. Gioachino Rossini : Guillaume Tell. Jean-François Lapointe, John Osborn / Enea Scala, Nadine Koutcher / Saioa Hernandez, Doris Lamprecht, Amelia Scicolone, Franco Pomponi. Jesús López-Cobos, direction musicale. David Poutney, mise en scène

En 1879, la ville de Genève inaugure son Opéra. Quel ouvrage pouvait être davantage approprié pour ce premier lever de rideau que le testament lyrique de Rossini, symbole cher au cœur du pays helvète ? Nous voulons bien entendu parler de Guillaume Tell. En outre, voilà près d’un quart de siècle que ce Grand-Opéra n’avait plus été représenté à Genève, c’est dire ce retour était attendu avec impatience.

Ce Guillaume Tell aura-t-il été une réussite ? Incontestablement oui. Aura-t-il comblé toutes attentes et nos espoirs ? Seulement en (grande) partie. Une bonne raison de faire la moue : les coupures. L’œuvre intégrale, en conservant tous les ballets, est longue, on le sait, près de 5 heures de musique.
Fallait-il pour autant retirer plus d’une heure à cette partition foisonnante ? La construction dramatique s’en ressent douloureusement, notamment dans le dernier acte, au dénouement confus. Néanmoins, la qualité musicale demeure pleinement au rendez-vous, défi d’autant plus brillamment relevé que le théâtre genevois s’est offert le luxe d’une double distribution pour certains des rôles principaux. A la tête d’un Orchestre de la Suisse Romande en plein forme, aux cordes soyeuses et aux cuivres brillants, Jesús López-Cobos dirige l’ensemble du plateau avec un amour évident pour cette musique, toujours élégant dans le geste et le phrasé mais jamais à court de dramatisme.

 

Guillaume Tell

 

L’Helvétie retrouve son héros

 

 

Dans le rôle-titre, on salue la performance de Jean-François Lapointe, qui incarne pour la première fois le héros suisse. Un Tell tel qu’on peut se l’imaginer, tendrement paternel mais grondant d’une sourde colère qui ne s’apaisera qu’une fois son pays libéré. L’incarnation vocale se révèle sans reproche, aux graves certes pudiques mais à l’aigu vainqueur et au legato de haute école, notamment dans son air « Sois immobile », teinté d’une belle émotion. L’émission sonne enfin plus haute et plus claire que par le passé, ce que nous vaut un texte magnifiquement dit, surtout lors de la seconde soirée, le souci de la seule ligne vocale nous privant parfois de consonnes durant la première.

Face à lui se dressent deux Arnold affrontant crânement les pièges tendus par leur partie. Désormais familier de ce rôle réputé inchantable, John Osborn apparaît à l’aise dans cette écriture impossible, seul le bas de la tessiture manquant parfois de largeur. La diction, remarquable de précision, n’apparaît jamais sacrifiée au profit du seul aigu ; et pourtant, les notes hautes se projettent avec facilité, permettant jusqu’à des nuances osées : ainsi un crescendo périlleux mais réussi sur l’ut cadentiel refermant « Asile héréditaire ». La cabalette qui suit, arrogante et éclatante, achève de dresser un portrait en tous points convaincant du personnage.

Le lendemain, c’est au tour d’Enea Scala, qui chantait la veille les lignes du Pêcheur, de porter les habits d’Arnold. Et force est de constater que, s’il n’a pas encore la fière assurance de son aîné, le jeune ténor italien se révèle parfaitement à la hauteur des enjeux tant dramatiques que vocaux. Si la prosodie française mériterait d’être affinée, on salue une belle maîtrise de cette tessiture meurtrière, jusqu’à un registre aigu jamais forcé – émis étrangement toutefois, comme une voix mixte serrée pour lui donner de l’impact – et une palette de couleurs qui augurent du meilleur pour l’avenir.

La belle Mathilde se voit partagée entre deux profils vocaux très dissemblables, mais ces deux portraits se rejoignent dans notre déception… que la grande scène, ouvrant le troisième acte, qui incombe à la jeune héritière des Habsbourg, ait été purement et simplement coupée, alors que les deux interprètes auraient pu y faire merveille.

Le premier soir, on tombe en quelques phrases sous le charme de la biélorusse Nadine Koutcher, dotée d’un magnifique instrument de soprano lyrique aigu : somptuosité d’un timbre opalin, maîtrise technique totale, pianissimi suspendus, son « Sombre forêt » demeure l’un des grands moments de la soirée. On enrage vraiment face cette coupure aussi inexplicable que regrettable, qui réduit ainsi le rôle à sa portion congrue, d’autant plus que la chanteuse manque un peu d’autorité pour exister pleinement lors de son affrontement avec Gessler, quelques scènes plus tard – et ce malgré quelques aigus insolents qui traversent le chœur achevant l’acte –.

Avec l’espagnole Saioa Hernandez, qui incarne la princesse le lendemain, le rôle retrouve la vocalité de soprano dramatique qui était d’usage jusqu’à une époque encore récente. De larges moyens certes, mais pliés à la discipline belcantiste. On est ainsi heureux de réentendre cette artiste qui nous avait fait grande impression lors du Concours Bellini de Puteaux voilà cinq ans. La voix n’a rien perdu de son velours corsé ni de sa terrible puissance, sachant pourtant se parer de nuances quand il le faut. Ce qui nous vaut un magnifique « Sombre forêt », d’une souplesse étonnante et serti d’une très belle diction. Le duo avec Arnold la trouve au contraire moins à l’aise dans cette écriture rapide et le texte s’en ressent fortement, soudain difficilement compréhensible, toute entière concentrée qu’elle est à assurer sa ligne de chant.

En revanche, l’interprète explose littéralement à la fin du troisième acte, déployant toute l’ampleur de ses immenses moyens, allant jusqu’à paraître menaçante et dangereuse pour Gessler lui-même ! Son magnétisme scénique faisant le reste, elle concentre sur elle tous les regards et occupe le plateau avec une intensité rare. Ce n’est plus Mathilde, c’est Norma !

Aux côtés de ce trio – ou quintette –, les seconds rôles sont globalement très bien tenus.  Doris Lamprecht trouve enfin un rôle à sa mesure, le premier depuis bien longtemps. Fière, généreuse, vocalement percutante, son Hedwige prouve qu’elle est encore une artiste de premier plan, et qu’elle mérite bien mieux que les rôles comiques dans lesquels on la cantonne trop souvent.

Son fils, le courageux Jemmy, trouve en Amelia Scicolone une interprète de choix, plein de fraicheur et d’énergie, d’une crédibilité sans faille.

Parfaitement détestable, le Gessler de Franco Pomponi, davantage baryton que basse, ne quittant jamais son fauteuil roulant, sadique autant qu’haineux.

D’abord Melchthal, puis Watler Furst, Alexander Milev remplit son office, mais d’une voix souvent rocailleuse et fruste, et au français perfectible.

Protagoniste essentiel et véritable cœur de la partition, le chœur maison offre une prestation remarquable d’homogénéité, de style et de souci du texte.

On se souviendra longtemps de cette fin du troisième acte où le flot sonore véritable torrent vocal autant qu’orchestral, emporte tout sur son passage, sur ces simples mots vengeurs : « Anathème à Gessler ! ».

Saluons également les danseurs qui, grâce aux chorégraphies à la fois drôles et violentes d’Amir Hosseinpour, réussissent à traduire les états d’âmes d’un peuple oppressé et ivre de liberté.

Tous évoluent avec justesse dans la mise en scène à la fois dépouillée et très évocatrice de David Poutney, faite de glace et de métal, au sein de laquelle les couleurs de la fraternité du peuple suisse habille peu à peu la triste grisaille de son existence. Car le message principal de cette scénographie se voit tout entier résumé dans la célèbre scène de la pomme : point d’effet spectaculaire pour représenter l’exploit de Tell, mais simplement une flèche qui passe de main en main, le temps paraissant suspendu, comme si cette victoire n’était pas simplement celle de l’archer, mais également celle de l’Helvétie toute entière.

Et nous voulions garder pour la fin le soliste central de cette production : Stephen Rieckoff, violoncelle solo au sein de l’OSR. C’est sur lui que le rideau s’ouvre, pour son superbe solo ; c’est son instrument qui représente le destin de la Suisse, d’abord volé par les Autrichiens puis disloqué et suspendu depuis les cintres. C’est encore lui, depuis le fond de la scène, qui accompagne Guillaume Tell durant son air, comme un duo à l’émotion poignante. Et c’est lui, véritable double du héros, qui le rejoint une fois le pays délivré.

Deux très belles soirées, qui confirment la place que tient cet ouvrage dans le paysage lyrique actuel et la nécessité de le monter dans son entièreté.

 

Genève. Grand Théâtre, 11 et 13 septembre 2015. Gioachino Rossini : Guillaume Tell. Livret d’Etienne de Jouy et Hyppolyte-Louis-Florent Bis, d’après la pièce du même nom de Friedrich von Schiller. Avec Guillaume Tell : Jean-François Lapointe ; Arnold : John Osborn / Enea Scala ; Mathilde : Nadine Koutcher / Saioa Hernandez ; Hedwige : Doris Lamprecht ; Jemmy : Amelia Scicolone ; Gessler : Franco Pomponi ; Walter Furst / Melchthal : Alexander Milev ; Rodolphe : Erlend Tvinnereim / Jérémie Schütz ; Ruodi : Enea Scala / Erlend Tvinnereim ; Leuthold : Michel de Souza ; Un chasseur : Peter Baekeun Cho. Chœur du Grand Théâtre de Genève ; Chef de chœur : Alan Woodbridge. Orchestre de la Suisse Romande. Jesús López-Cobos, direction musicale. Mise en scène et décors : David Poutney ; Assistant à la mise en scène : Robin Tebbutt ; Décors : Raimund Bauer ; Costumes : Marie-Jeanne Lecca ; Lumières : Fabrice Kebour ; Chorégraphie : Amir Hosseinpour.

CD, compte rendu critique. Rolando Villazon, ténor : Treasures Of Bel Canto (2014, 1 cd Deutsche Grammophon)

villazon rolando treasures of bel canto, rolando villazon cd CLIC de classiquenews octobre 2015 cd review compte rendu account of critique cdCD, compte rendu critique. Rolando Villazon, ténor : Treasures Of Bel Canto (2014, 1 cd Deutsche Grammophon). Rolando retour au bel canto… prolongeant ou approfondissant son exploration récente dans Mozart, qui est, tous les grands chanteurs le savent, un baume pour les voix, Rolando Villazon éprouve les défis du bel canto : bellinien, verdien, donizettien, s’accordant aussi la légèreté érudite du dernier Rossini. Plus qu’une épreuve, ce récital libère un chant maître de ses effets : plus économes, plus précis aussi dont plus touchant. Timbre flexible, aigus couverts et timbrés, parfois serrés, mais l’intonation cherchant à servir le texte rien que le texte et pas l’expressivité… font ici la réussite totale de ce récital qui signe le grand retour du ténor mexicain. Nous l’avions quitté chez Mozart, dans L’Enlèvement au sérail où nouveau jalon de l’intégrale en cours avec son complice à Baden Baden, le chef Yannick Nézet-Séguin, il chantait la partie de Pedrillo, plutôt fort bien : les mêmes qualités se retrouvent ici dans le sens (méritant) de la mesure, de l’élégance, écartant tout clin d’oeil ou pochade dans un surjeu douteux : les quatre mélodies d’ouverture de Bellini permettent de chauffer en douceur et en intensité réservée, une voix qui sait se reconstruire dans le respect précis et sobre du texte (belle douceur mozartienne du mini drame Torna, vezzosa Filide… y compris dans sa dernière séquence plus passionnelle et dramatique où le berger trahi, crie et pleure l’absence du cher visage de Phyllis) : le chef et l’orchestre florentin savent se mettre au diapason de cet chant direct, sobre, sincère, sans effets factices.

Le récital enregistré en septembre 2014, il y a donc un an, après son Pedrillo précité, confirme donc une régénération salutaire et même prometteuse : que le chanteur reprenne le chemin des grandes prises de rôles, c’est tout le mal que nous lui souhaitons.

Bellini, Verdi, Rossini, trois mélodistes pour une résurrection vocale

Grand retour de Villazon par le chant romantique

Comme s’il devait se ménager, le ténor retrouve une certaine candeur, une fraîcheur stylistique qui lui permet de phraser et de colorer avec un tact stimulant. Le pas vers une expressivité plus franche et sauvage (comparée à la distinction et la finesse du bel canto bellinien) est évidemment clairement réalisé dans les 4 Verdi, dont la première mélodie (Deh, pietoso, o Addolorata…) celle d’un coeur amoureux désespéré s’adressant à la Vierge miséricordieuse et compatissante permet un contrôle tout aussi intelligent des possibilités : expressif et proche du texte (d’après Goethe), plutôt que démonstratif et exclamatif. L’expérience du chanteur se ressent dans ce geste contrôlé en permanence qui évite les débordements du pathos. Le feu ardent, intérieur, lui aussi mesuré en surface mais dévorant, et culminant dans l’enfouissement reste l’emblème de ce récital très incarné, mais habité dans l’introspection : la dernière mélodie verdienne est à ce tire emblématique de cette acuité vocale, intensité incandescente qui pourrait se déverser mais sait grâce au style du ténor, mesurer, et canaliser son élocution : la maîtrise du nouveau Villazon s’expose avec vérité et sincérité dans la confession de l’amant qui avoue ainsi son terrible secret (le titre de la séquence) : un torrent de feu qui le consume de l’intérieur. Ce Mistero, sur un texte de Felice Romani, le librettiste de Bellini, assurant ainsi le passage de Bellini à Verdi) recueille tous nos suffrages pour son économie et son intensité rentrée qui dans une projection franche pourtant, reste toujours souple et phrasée. La classe qui révèle en Villazon, un grand diseur.

CLIC D'OR macaron 200A mi chemin au sein du récital, que donnent ses Donizetti, apôtre d’un réalisme parfois sauvage ? L’amor funesto conserve un style impeccable : ni ports de voix impétueux, ni effets de gorge ni appuis surexpressifs… Le ténor nous gratifie de la Mère et l’Enfant chanté en français, une séquence conçue dans le registre larmoyant mais digne. Même si l’air semble trop grave pour le chanteur, sa gestion du souffle, la pureté de la ligne, l’expressivité très mesurée, et des aigus nets et perçants (Du pain, du pain pour mon enfant), avec certes un abattage très accentué (mais cela fait partie de son charme) font toute l’intensité de son interprétation, s’agissant de l’une des rares mélodies françaises de Donizetti, à écouter en urgence.

Les Rossini permettent de conclure ce récital avec toute la subtilité dont est capable le compositeur romantique épris de finesse et de subtilité : le chef et l’orchestre s’accordent et réservent un tapis instrumentalement raffiné qui porte de toute évidence le chant toujours sobre du ténor (L’éxilé) ; jouant de façon très efficace des registres poétiques, la noblesse et l’héroisme de façade n’étant jamais éloignés d’une certaine couleur facétieuse, Rossini excelle dans la mélange des genres, mine de rien : une érudition très inspirée qui sied idéalement à Villazon.

 

 

Villazon tresures of bel canto cd review critique compte rendu CLASSIQUENEWS  CLIC de classiquenews octobre 2015 Rolando-Villazón-720x400Plus exposé dans La Danza, mais sur un tempo allegro ma non troppo, le ténor soigne son articulation, évitant soigneusement les cracs, exprimant ce vertige de la danse la plus féline, essor d’une voluptueuse extase où la frénésie sait garder le cap. Propre aux délicieux Péchés de vieillesse, Villazon, empruntant les chausses du ménestrel enamouré à Elvira, se met au diapason de la verve toute en finesse d’un Rossini souvent imprévisible et toujours d’une séduction irrésistible. Villazon sans appuyer, sans forcer, sans démontrer nous offre ce sentiment d’abandon, d’ivresse, de plénitude voluptueuse (accordé à la harpe) là aussi avec un style simple, réellement délectable. Du grand art.
Presque moqueur pour son duo d’amoureux, pour lequel Villazon est rejoint par Cecilia Bartoli, La Tiranna pour deux voix : Les Amants de Séville, chanté en français, sonne très opéra comique. La finesse millimétrée des deux solistes qui soignent la fusion des timbres, éclairent cet humour insigne du dernier Rossini. On ne peut imaginer meilleurs diseurs en français dans cet épisode d’une finesse amusée, qui semble parfois railler le genre amoureux. La délicatesse et le souci de simplicité que préserve toujours Rolando Villazon font la réussite de ce récital admirable en tout point, vrai indice de sa nouvelle santé vocale, de son style d’une intelligence recouvrée. Bravissimo !

 

 

 

villazon rolando treasures of bel canto, rolando villazon cd CLIC de classiquenews octobre 2015 cd review compte rendu account of critique cdCD, compte rendu critique. Rolando Villazon, ténor : Treasures Of Bel Canto. Mélodies avec orchestre de Bellini, Verdi, Donizetti, Rossini. Avec Cecilia Bartoli, mezzo soprano (Rossini). Orchestra del Maggio Musicale Fiorentino. Marco Armiliato, direction. Enregistré à Florence en septembre 2014. 1 cd Deutsche Grammophon 00289 479 4959.

 

 

 

CD, compte rendu critique. Rossini ! Olga Peretyatko, soprano. 1 cd Sony classical

Olga Peretyatko Rossini Alberto Zedda Sony Classical CD Arias and ScenesCD, compte rendu critique. Rossini ! Olga Peretyatko, soprano. 1 cd Sony classical. On voudrait croire à la magie vocale, le charisme de la soprano russe née en 1980 à Saint-Pétersbourg, Olga Peretyatko (épouse à la ville du chef Michele Mariotti, – depuis 2012), et qui connaît depuis ces 3 dernières années, une exposition fulgurante sur la scène lyrique internationale. La couverture de ce nouveau disque la met en scène en nymphe lolita à l’italienne, style vita à la romana, dans un style rétro fifties…  L’image marketing joue à fond : on comprend que les producteurs de chez Sony classical « développe » l’artiste en la positionnant comme l’exacte petite soeur d’Anna Netrebko, dont pourtant « la Peretyatko » ne partage ni le timbre blessé ni le médium charnu et délicieusement sensuel. Car tout ici est une question de format : si la soprano séduit par la beauté à la fois ronde et perçante du timbre, ses limites dans les aigus sont vite atteintes et dévoilées, comme côté style et caractère, la couleur de la voix convient mieux aux héroïnes alanguies qu’aux piquantes facétieuses (Il Viaggio a Reims, surtout Rosina du Barbier).  Sa Traviata diffusée sur Arte récemment avait de fait affirmé ses talents de tragédienne verdienne… mais dans une palette d’expressions assez réduite et dans une tessiture serrée.

depuis leur coopération à Pesaro en 2006, la diva suit les conseils du chef Zedda… 

Olga Peretyatko est-elle une rossinienne d’exception ?

Pour autant, chanter Rossini, indique un déplacement complet du curseur expressif et stylisique, vers ce premier XIXème siècle, c’est à dire aux origines du romantisme italien d’avant Bellini, et qui nécessite de vraies dispositions belcantistes. D’autant que la soprano a choisi pour ce 3ème album Sony, un programme magnifiquement accompagnée, ciselé par un spécialiste du répertoire, Alberto Zedda (partenaire de la diva depuis 2006, l’année de leur rencontre au festival Rossini de Pesaro) dont on se délecte de la subtilité du trait, de la vivacité des accents, de l’euphorie générale d’une baguette qui sait articuler, respirer, taquiner… L’agilité, la précision quasi mécanique des vocalises, le style surtout positionné beau chant (bel canto) exige un talent de diseuse doté de souffle et de finesse. Le programme se déroule en deux parties, indiquant les deux veines poétiques rossiniennes : la pure agilité ouvre le bal (deux airs de Folleville et de Corinne du Voyage à Reims), une prière extatique héroïque (Matilde de Shabran… qui depuis des décades fait le tremplin jusqu’aux étoiles d’une certaine Edita Gruberova), puis les seria Tancredi et Semiramide (le fameux Bel raggio lusinghier adapté pour la voix légère d’Isabella Colbran) ; enfin en seconde et dernière section, deux airs comiques, ou deux standards rossiniens : alliant virtuosité et expressivité : Una voce poco fa – version soprano-, du barbier de Séville et L’infelice, che opprime sentira du Turc en Italie. Le récital est consistant. Est-il pour autant idéalement convaincant ?

Le timbre est beau, la technique sûre (ceux d’une lyrique colorature), mais…. le format réduit et les aigus vite courts, en particulier dans les deux airs les plus exigeants : Matilde de Shabran et Semiramide. Reste Rosina : question de couleur et de caractère, l’abattage et l’intonation exacte lui manquent : pas assez de mordant, de facétie, et l’italien manque parfois de tenue comme d’exactitude. Même sa Fiorilla du Turc en Italie – autre femme émancipée, libertaire à la facétie grave et profonde, manque singulièrement de trouble, de subtilité. Le programme suit exactement les emplois que le chef Zedda a confié depuis leur première coopération à Pesaro à la cantatrice : Folleville et Corinna, Matilde, Amenaide, Semiramide, Rosina et Fiorilla…

C’est donc un programme en demi teintes avec l’impression, en guise de conclusion que la soprano a ciblé trop grand, trop haut dans ce récital surdimensionné pour ses réelles aptitudes. La palette de nuances expressives n’offre pas assez de richesse émotionnelle, d’ambivalence vertigineuse aux rôles que Rossini a écrit pourtant dans une déconcertante subtilité de tons et d’intonation.

Quoiqu’il en soit, Rossinienne, « la Peretyatko l’est bel et bien : sur la scène milanaise en juillet (Scala de Milan), où elle vient de chanter (4-24 juillet) Desdemona dans Otello, aux côtés de Juan Diego Florez, un rôle déjà abordé à Pesaro dès 2007. Le disque mettrait-il l’accent sur ses vraies possibilités ?

CD, compte rendu critique. Rossini ! Olga Peretyatko, soprano. 1 cd Sony classical 8887057412.

DVD, compte rendu critique. Rossini : Guillaume Tell. Diego Florez, Rebeka, Alaimo (Pesaro 2013, 2 dvd Decca)

Tell guillaume rossini Juan diego florez decca dvdDVD, compte rendu critique. Rossini : Guillaume Tell. Diego Florez, Rebeka, Alaimo (Pesaro 2013, 2 dvd Decca). Pesaro retrouve un ambassadeur de rêve en la personnage du ténor péruvien Juan Diego Florez, trésor national vivant dans son pays, et ici, nouveau héros toutes catégories en matière de beau chant rossinien. Les détracteurs ont boudé leur plaisir en lui reprochant une absence de medium charnu et une vrai assise virile dans un style rien que… idéalisé non incarné : or la vaillance et l’intonation sont continument époustouflants et le grand genre, celui du grand opéra à la française que Rossini inaugure ainsi sur la scène parisienne en 1829 marque évidemment l’histoire lyrique, grâce à l’éclat de cette voix unique à ce jour. Juan Diego Florez reste difficilement attaquable et les puristes déclarés qui brandissent les mannes d’Adolphe Nourrit (créateur du rôle) auront bien du mal à démontrer la légitimité de leur réserve.

 

 

A l’été 2013, le festival de Pesaro offre l’un de ses meilleurs spectacles…

Le superbe Tell de Pesaro 2013

 

CLIC_macaron_20dec13juan diego florez arnold guillaume tell pesaro 2013Florez apporte la preuve que le rôle d’Arnold peut être incarné par un ténor di grazia non héroïque, tant l’intelligence de son jeu et de son chant donnent chair et âme au personnage de Rossini : d’autant que Pesaro n’a pas lésiné sur les moyens ni surtout la qualité artistique pour réussir manifestement l’une de ses plus belles réalisations. Aux côtés du solaire Florez, Arnold noble et lumineux, aux aigus ardents, la Mathilde de Marina Rebeka n’est que tendresse et miel vocal ; le baryton Nicola Alaimo affirme lui aussi une noblesse humaine totalement convaincante, d’autant plus méritoire que la mise en scène de Graham Vick est comme à son habitude claire et politique mais clinique et très glaciale. Vick transpose le drame suisse gothique dans l’Italie du Risorgimento où la soldatesque autrichienne humilie continument les paysans suisses, offrant de facto à la figure ignoble et abjecte du conquérant Gessler (le meurtrier du père d’Arnold), une rare perversité souvent insupportable. Le ballet du III (qui précède la fameuse épreuve de la pomme) est totalement restitué en une scène collective de soumission / oppression du petit peuple par les occupants arrogants. Alberghini fait un père d’Arnold très solide. Dommage que les répétiteurs du français pour les comprimari (seconds rôles) et les choeurs n’aient pas réussi totalement leur objectif : beaucoup de scènes échappent à la compréhension, le texte français étant inintelligible. De là à penser que le spectacle reste déséquilibré : rien de tel. Ce Tell comble les attentes, car le duo miraculeux (Arnold / Mathilde) et porté comme tous par la baguette fine et nerveuse du chef Michele Mariotti. Ce pourrait être même de mémoire de festivalier depuis l’après guerre, l’un des meilleurs spectacles rossiniens de Pesaro, festival italien qui semble avoir renoué avec les grands moments de son histoire.

rossini guillaume tell juan diego florez nicola alaimo pesaro aout 2013 2 dvd Decca clic de classiquenews avril 2015

 

Juan Diego FLorez et Nicola Alaimo (Arnold et Guillaume Tell)

Rossini : Guillaume Tell, 1829. Juan Diego Florez (Arnold Melcthall), Nicola alaimo (Guillaume Tell), Marina Rebeka (Mathilde)… Michele Mariotti, direction. Graham Vick, mise en scène. Enregistré en août 2013 au Festival Rossini de Pesaro (Italie). 2 dvd Decca.

 

 

Tancredi de Rossini à Lausanne

ANGERS NANTES OPERA affiche le Turc en Italie de RossiniLausanne, Opéra. Rossini : Tancredi. Les 20,22,25, 27, 29 mars 2015. Ottavio Dantone, fin baroqueux, pilote en Suisse, le seria le plus virtuose de Rossini dans la mise en scène d’Emilio Sagi. Avec Bonitatibus, Pratt, Golossov, Y. Shi, Camille Merckx…
Avant de briller dans la veine comique avec Le Barbier de Séville de 1816, Rossini éblouit tout autant dans le genre seria comme l’atteste en 1813, son melodramma eroico, Tancredi, Tancrède inspiré de Voltaire. A Syracuse, Tancredi – héros normand conquérant de la Sicile, réhabilite l’honneur bafouée d’Aménaide, accusée d’intelligence avec l’ennemi sarrasin. Selon les versions, Tancredi succombe à ses blessures de guerre ou épouse sa bien aimée enfin lavée de tout soupçon. En 1813,  l’écriture de Rossini incarne ce bel canto délicat et virtuose où le raffinement de la ligne vocale exprime la vertu morale du héros. Le rôle titre est traditionnellement réservé à un mezzo travesti (hier l’éblouissante Maryline Horne). Pour la création parisienne de 1822, Rossini réécrivit le rôle de Tancredi pour la Pasta.

Tancredi, 1813 de Rossini à l’Opéra de Lausanne
Les 20,22,25, 27, 29 mars 2015.
Ottavio Dantone, direction
Emilio Sagi, mise en scène

Nouveau Voyage à Reims de Rossini au CNSMD de Paris

rossini_portraitParis, CNSMD: Rossini, Le voyage à Reims. Les 13,14,16, 19 mars 2015. Giocoso en un acte créé à Paris (Théâtre Italien le 19 juin 1825), Le voyage à Reims confirme le génie rossinien d’essence délirant et comique, même dans le cas d’une oeuvre circonstancielle. En 1824, quand Charles X devient roi de France, Rossini, nommé directeur du Théâtre Italien généreusement payé, écrit une nouvelle partition pour le public français. Donné en version de concert, l’Å“uvre est ensuite pour partie recyclée dans Le Comte Ory (1828).

 

 

Galerie de portraits

L’argument fait écho au sacre du nouveau roi, récemment en poste : en 1825, à l’auberge du Lys d’or à Plombières, plusieurs nobles se retrouvent pour se rendre au couronnement royal. Mais plus aucune voiture n’étant disponible pour se rendre à Reims, les compagnons fêtent à Plombières l’avènement du souverain. Rossini mêle les nationalités, tisse les intrigues et les flirts, offre une subtile et fantasque galerie de portraits. Le manuscrit que l’on croyait perdu, est reconstitué petit à petit et une version complète est finalement créée au festival de Pesaro en 1984. La difficulté du Voyage à Reims vient de la présence de 10 personnages haut en couleurs et plutôt très caractérisés, chacun devant réaliser aussi une partir vocale des plus délicates. Le beau chant rossinien ne doit jamais y être sacrifier et l’on se tromperait à ne vouloir soigner que la charge drôlatique et parodique. Avant Guillaume Tell, modèle du futur grand opéra français, Rossini propose sa propre lecture souvent critique de l’opéra italien. Non sans ironie, le compositeur mesure les limites et les charmes du style italien à l’opéra.
Parmi les personnages emblématiques, se détâchent : la poétesse italienne Corinna qui fait l’éloge de Charles X, une parisienne frivole, une marquise polonaise, un lord anglais, un général russe, un archéologue italien, un militaire allemand heureusement mélomane… et la directrice de l’auberge pension, Mme Cortèse. pour chaque tessiture et personnalité vocale, Rossini écrit plusieurs airs à la fois virtuose et d’une rare justesse poétique. C’est pour tous les chanteurs et pour le chef, un immense défi interprétatif. Le chef Marco Guidarini, fin musicien et bel cantiste réputé, pilote les équipes du Conservatoire parisien, tout en ayant réécrit de façon inédite la dernière partie de l’opéra : une maîtrise conciliant sensibilité et nouveauté. Production incontournable.

 

 

boutonreservationGioacchino Rossini 
Le Voyage à Reims
Il viaggio a Reims, 1825

Livret de Luigi Balocchi
CNSMD Paris, Salle d’art lyrique, les 13,17 et 19 mars 2015 à 19h30. Les 14 mars à 14h30 (familles) et 16 mars 2015 à 11h (scolaires).

L’esprit tourmenté du personnage Lord Nelvil transfigure le livret anémique de Luigi Balocchi. Dans l’hôtel des Thermes où il traîne son spleen, se croisent les fantômes de son passé. Ils parlent français et chantent dans toutes les langues d’Europe. La patronne du lieu et son inquiétant personnel, fervents lecteurs du roman de Madame de Staël, se garderont de laisser partir ces clients si ressemblants. Pour leur donner l’illusion du voyage, on organisera pour eux une fête sans limite, avec la complicité de l’Orchestre du Conservatoire de Paris, des élèves des disciplines vocales et chorégraphiques et du chef d’orchestre Marco Guidarini, briscard du répertoire lyrique italien.

 

 

Orchestre du Conservatoire de Paris
Marco Guidarini, direction musicale
Emmanuelle Cordoliani, mise en scène et adaptation
Julie Scobeltzine, création des costumes et scénographie
Bruno Bescheron, création lumières
Romain Dumas, chef assistant
Antoine Arbeit, chorégraphie
Chefs de chant : Delphine Armand, Masumi Fukaya et Thibaud Epp
Danseurs : Antoine Arbeit, Justine Lebas, Marie Leblanc, Baptiste Martinez, Anthony Roques et Fyrial Rousselbin
Musique de scène : Rémy Reber – guitare ; Nn – violoncelle ; Marcel Cara – harpe ; Delphine Armand, Thibaud Epp et Masumi Fukaya – pianoforte

 

Eléves du Département des disciplines vocales :
Pauline Texier, soprano – Corinna
Eva Zaïcik, soprano – Melibea
You-Mi Kim, soprano – Folleville
Axelle Fanyo, soprano – Cortese
Fabien Hyon, ténor – Belfiore
Benjamin Woh, ténor – Liebenskof
Florian Hille, baryton – Profondo
Romain Dayez, baryton – Trombonok
Aurélien Gasse, baryton – Alvaro
Igor Bouin, baryton – Prudenzio
Marina Ruiz, soprano – Delia
Mathilde Rossignol, mezzo-soprano – Maddalena
Claire Péron, mezzo-soprano – Modestina
Jean-Christophe Lanièce, baryton – Antonio
Jean-Jacques L’Anthoën, ténor – Luigino
Arnaud Guillou, baryton – Lord Nelvil

Compte rendu, opéra. Paris. Théâtre des Champs Elysées, le 13 février 2015. Rossini : L’Occasione fa il ladro. Desirée Rancatore, Bruno Taddia, Yijie Shi, Umberto Chiummo, Sophie Pondjiclis… Orchestre National d’Ile de France. Enrique Mazzola, direction.

Paris a finalement l’occasion d’écouter L’Occasione fa il ladro, opéra de jeunesse de Rossini, dans une version de concert amusante et décontractée au Théâtre des Champs Elysées. Le chef Enrique Mazzola dirige un Orchestre National d’ÃŽle-de-France pétillant et une distribution de talent à l’humeur rafraîchissante !

L’occasion extraordinaire

rossini_portraitDès l’ouverture (qui n’en est pas une, s’agissant en vérité de la Tempête de La Pietra del Paragone, qu’on réécoutera au deuxième acte du Barbier de Séville), l’auditoire est saisi par une mise en espace un peu déjantée … surtout hyper efficace. Des parapluies s’ouvrent sur scène, le vent impalpable mis en musique par l’orchestre ravage le plateau ! Le pianofortiste lutte contre le vent pour couvrir le chef avec un autre parapluie. A un moment le ténor Krystian Adam chantant Eusebio (dont nous préférons les talents au service du jeune Rossini que du jeune Mozart : lire notre compte rendu critique du Re pastore au Châtelet) vole la place du pianofortiste et continue le récitatif, pour se faire ensuite réprimander par le chef d’orchestre qui… lui tire l’oreille ! Il y a aussi des valises qui s’échangent et d’autres prétextes comiques qui donnent davantage de théâtralité au concert. En plus, en principe, cela aurait même un sens dramaturgique s’il s’agissait d’une version scénique. Mais le livret, circonstanciel, n’est qu’une excuse pour le beau chant et les quiproquos comiques, une raison pour mettre en musique des feux d’artifices concertés au milieu de l’œuvre, lors du grand quintette « Quel Gentil, quel vago oggetto », qui fait penser aux opéras de Da Ponte et Mozart.

Le couple amoureux de Yijie Shi et Desirée Rancatore en Alberto et Berenice respectivement est fabuleux. Le ténor chinois est sans doute celui qui a le style rossinien le plus solide (lauréat et habitué du Festival Pesaro, l’autorité rossinienne ultime !), il chante avec une aisance, une facilité et une clarté impressionnantes. S’il chante avec un contrôle immaculé de l’instrument, plus qu’avec une débordante passion, il cause néanmoins des frissons lors de son air « D’ogni più sacro », vivement récompensé par le public. Désirée Rancatore est une Berenice ravissante, rayonnante de beauté et de piquant ! Une mozartienne que nous aimons et aimerions voire davantage en France. Ce soir, elle se montre maîtresse de sa technique vocale tout en faisant preuve de flexibilité, de nuances au son sincère, de complicité, de brio lors des ensembles… Si lors de sa cavatine « Vicino è il momento », délicieuse, nous remarquons quelques audaces stylistiques, réussies, mais inattendues pour Rossini, c’est dans sa grand scène finale en trois parties qu’elle bouleverse totalement l’auditoire ébahi par l’impressionnante agilité de son instrument mise en évidence dans les nombreuses acrobaties vocales et feux de coloratures ! Une scène qui sera difficile à oublier, un concerto pour Diva et orchestre en vérité !

Le couple mondain de Bruno Taddia et Sophie Pondjiclis en Parmenione et Ernestina est interprété avec un panache théâtral non moins impressionnant. Lui, un véritable comédien, captive par le jeu d’acteur grandiloquent et exagéré. Un pari qu’il réussit et qui réussit à distraire l’audience de ses quelques soucis dans le médium et d’une articulation pas toujours claire, souvent accélérée. Elle est tout aussi comique et a des graves charnus et une facilité évidente dans le style rossinien. Enfin remarquons également la voix alléchante du baryton-basse Umberto Chiummo en Martino, tout aussi investi dans la mise en espace, et le bel canto facile du ténor Krystian Adam en Eusebio.

L’italien Enrique Mazzola, s’amuse et amuse le public avec sa baguette pétillante, pleine d’entrain. L’Orchestre National d’ÃŽle-de-France en très bonne forme s’accorde à l’énergie du chef, et si parfois l’équilibre entre chanteurs et orchestre n’est pas idéal, les instrumentistes débordent de swing et de vivacité, comme cela doit être pour le Cygne de Pesaro, aussi nommé Il Tedeschino (« le petit allemand », dû à son intérêt pour l’œuvre de Mozart et de Haydn lors de ses études musicales à Bologne, dans l’institut de l’Accademia Filarmonica di Bologna où Mozart étudia dans les années 1770). Remarquons en particulier le brio des cordes et surtout la beauté scintillante des vents !

Une Occasione que nous aimerions revivre sans modération ! Fabuleuse occasion au Théâtre des Champs Elysées !

Compte-rendu , opéra. Marseille. Opéra, le 8 novembre 2014. Rossini : Moïse et Pharaon. Annick Massis… Paolo Arrivabeni, direction.

L’Opéra de Marseille nous a habitués à la découverte ou redécouverte, sous forme de concert, d’œuvres rares ou inédites, injustement oubliées, jalon intéressant dans l’histoire de la musique ou simplement dans la carrière d’un grand compositeur de la sorte éclairée d’un maillon négligé de sa production. Ainsi ce Moïse et Pharaon de 1827, enfin créé ici.

 

rossini marseille moise annick massisL’Œuvre   : brûlante actualité. Tiré du fameux Livre de l’Exode de la Bible, fondamental, car le héros central, Moïse, est le premier prophète et le fondateur de la religion dite mosaïque ou juive. On sait que, né en Égypte, sauvé des eaux du Nil dans son berceau, il arrachera son peuple dit-on (mais Égyptien de naissance, son peuple est-il celui du sol ou du sang ?) à la captivité égyptienne et lui donnera, en route vers la Terre Promise, les Tables de la Loi, les Dix Commandements. Le sujet a été traité par tous les arts, même le cinéma, avec ses divers épisodes au romanesque impressionnant, les Dix plaies d’Égypte et, surtout, les Hébreux menés par Moïse passant à pied sec la Mer Rouge où les poursuivants Égyptiens seront engloutis par les flots. Bref, un Proche-Orient déjà en conflit entre mêmes peuples sémites, affrontement d’un Dieu contre les dieux, également présent dans Nabucco, avec aussi déportation, esclavage des Juifs, menaces d’extermination et solution, sinon finale, in extremis, suivie de l’exode salvateur des Hébreux libérés.

1824 : l’italianissime Rossini s’exporte à Paris. Mais qu’importe ? Il y importe et apporte son italianitá, son savoir faire, et faire vite —et bien— et va vite le faire savoir très bien. Dans une logique culturelle nationaliste, on lui confie la direction du Théâtre des Italiens où il sert le répertoire adéquat, et le sien. Mais il vise la chasse gardée, héritage de l’Ancien régime récemment restauré après la tourmente révolutionnaire et l’épopée napoléonienne, l’Académie Royale de Musique, temple national des productions françaises passées et compassées, d’un art du chant français vainement décrié par Rousseau au siècle précédent qui le trouvait, dirai-je pour résumer ses longues diatribes, pompeux, pompier, pompant.

Rossini, avec prestesse et élégance, y fera une éclatante démonstration de son sens de l’adaptation au génie du lieu sans rien perdre du sien avec la création, en 1827, de Moïse et Pharaon, reprise francisées, nationalisée française, de son Mosè in Egitto créé au San Carlo de Naples en mars 1818, où il faisait la part belle à la virtuosité de sa femme, la cantatrice espagnole Isabel Colbrán. Un habile librettiste, Etienne de Jouy
, adapte en français le livret original de Luigi Balocchi. On y remarque la plaisante transformation des noms de l’original italien avec des désinences fleurant, en plein romantisme, le néo-classicisme du siècle précédent : Anaïde, Sinaide, Aufide, Osiride, qui ne déparerait pas quelque tragédie d’un épigone tardif de Racine, de Voltaire.

Pour ce qui est de la musique, tout en conservant sa patte originelle, l’espiègle signature de ses flûtes et piccolo, et la pâte italienne d’une orchestration transparente, Rossini nourrit davantage son orchestre et gonfle ses chœurs qui deviennent, très loin de l’opéra italien et des siens en particulier, de véritables protagonistes antagonistes de l’action, Hébreux contre Égyptiens. Enfin, il se moule avec aisance dans un type de déclamation française un peu solennelle, du moins dans les récitatifs, tous obligés, accompagnés par l’orchestre, qui donne un tissu musical continu non haché par le recitativo secco au clavecin. Il concède une noblesse de ton remarquable aux personnages primordiaux, notamment Moïse et Pharaon, au discours à la virtuosité assagie ; mais, bon chant pour tous, il réserve le bel canto au sommet, vertigineux par la tessiture élargie et les sauts, par une ornementation acrobatique extrême, à l’improbable couple inter-ethnique de jeunes premiers amoureux : Anaïde, Juive, et Aménophis, Égyptien, parallèle et chiasme que l’on retrouvera plus tard dans celui de Fenena et Ismael du babylonien Nabucco de Verdi, et, dans les deux opéras, une sublime prière des Hébreux qui conduiront les deux compositeurs à leur dernière demeure., Anaïde Juive, et Aménophis, Égyptien, parallèle et chiasme que l’on retrouvera plus tard dans celui de Fenena et Ismael du babylonien Nabucco de Verdi, et, dans les deux opéras, une sublime prière des Hébreux qui conduiront les deux compositeurs à leur dernière demeure. C’est dire si Rossini, l’air de rien, ouvre des portes, tant du grand opéra à la française que de l’italien.

L’ouverture n’est plus simplement un morceau simplement destiné à meubler le temps d’ouverture du théâtre et d’installation du public et, pour cela souvent interchangeable : elle crée une atmosphère, laisse présager, sinon la houle, les vagues du passage de la Mer Rouge, qui devait être le clou spectaculaire du mythe juif. Les divers épisodes des Dix plaies d’Égypte donnent aussi lieu à des passages d’une musique figurale expressive.

Interprétation. Libérée des contingences représentatives, bien complexes à mettre en scène, forcément oblitérées par trop d’images grandioses de cinéma, la version scénique a le mérite de concentrer l’attention sur la musique et le chant, ce qui laisse forcément les interprètes impitoyablement à nu.

À la direction musicale, Paolo Arrivabeni, est l’élégance en personne : avec une économie gestuelle remarquable, il tire de l’Orchestre de l’Opéra de Marseille au mieux les meilleurs des effets sans effectisme, étageant clairement les plans, caressant les cordes lumineuses, dorant doucement les cuivres, si rares chez Rossini, sans renflement ni ronflement, faisant surgir les couleurs de certains pupitres, flûtes, clarinette, hautbois dans une clarté générale qui montre combien Rossini a assimilé les leçons viennoises classiques de Mozart et Haydn. Attentif en bon chef de chant également, sans jamais les mettre en danger, il guide souplement les chanteurs dans les périlleuses ascensions et descentes ornées de ce bel canto qui est aussi l’élégance suprême de la voix, où les plus redoutables obstacles vocaux deviennent une voluptueuse victoire du souffle et d’une technique travestie, investie par la grâce, ravissant d’effroi le spectateur de la difficulté vaincue avec aisance, apparemment sans effort : la politesse du beau chant. Et de ce vaste chœur, admirablement préparé par Pierre Iocide, Arrivabeni tire les effets musicaux et émotionnel d’un vrai personnage, vaste horizon sonore, belle fresque ou frise de laquelle se détachent, sans solution de continuité dans le flot musical, les solistes.

N’était-ce l’intrigue amoureuse obligatoire pour le temps mais superfétatoire, cet opéra est en fait un magnifique oratorio qui nous dévoile encore une facette du facétieux (en apparence) cher Rossini aux visages finalement très divers.

Quant à la distribution, des petits (par la durée) aux grands rôles, c’est un bonheur que n’avoir qu’un même hommage à rendre à leur qualité et cohésion. En quelques phrases, le jeune ténor Rémy Mathieu laisse en nous le désir de l’entendre plus longuement ; connu et entendu déjà souvent depuis ses débuts, Julien Dran fait plus que confirmer des promesses : il se tire de la partie d’Eliézer, hérissée de difficultés, avec une vaillance pleine de maestria et il montre et démontre qu’il est prêt pour le saut de grands rôles autres que de ténor di grazia où on l’a vu exceller. Philippe Talbot, ténor d’une autre teneur, dans l’ingrat personnage d’Aménophis, peut-être le seul héros de quelque dimension psychique bien que trop symétriquement contrasté par des affects contraires, déchiré, entre haine et amour, pardon et vengeance, déploie une voix franche, brutale parfois, dont la rudesse acérée à certains moments de cette partition follement virtuose qu’il affronte héroïquement, sert l’expressivité émotionnelle et fiévreuse du personnage et rend crédible son tourment, se pliant en douceur aux duos avec la femme aimée. Familier de notre scène, dans un rôle trop bref pour le plaisir que l’on a toujours à l’entendre, Nicolas Courjal, basse, affirme l’étoffe rare du velours sombre et profond de sa voix. Quant au baryton québécois, Jean-François Lapointe, chez lui à Marseille, que dire qu’on n’ait déjà dit de ce grand artiste ? Beauté de la voix, égale sur toute la tessiture ici très longue, élégance du phrasé, aisance dans un emploi apparemment inhabituel par des traits bel cantistes, brillant de l’aigu, il est souverain par la noblesse et justesse de l’expression convenant au personnage d’un Pharaon traversé par le doute. Aucun de ces chanteurs, dans leur juste place, n’est écrasé par la présence imposante de Ildar Abdrazakov en Moïse, voix immense mais humaine, puissante et parfois confidentielle, large, d’une égalité de volume et de couleur dans toute la tessiture, en rien affligée du vibrato souvent excessif des basses slaves : vrai voix de prophète, d’airain, propre à graver dans le roc les Tables de la Loi.

Et que dire des dames ? En peu de répliques, Lucie Roche, réactive à la musique et aux propos de ses partenaires, immergée dans toute la partition et non seulement sa partie, impose le velouté de sa voix de mezzo, sa belle ligne de chant et l’on goûte pleinement cette douceur de mère symétrique de l’autre mère amère et douce du futur Pharaon, Sonia Ganassi, mezzo moins sombre, cuivré, chaud, défiant tous les pièges d’un rôle qui, pour être relativement bref, relève de la plus haute volée du bal canto le plus acrobatique. En Anaïde, stéréotype féminin hésitant entre l’amour humain et divin, la soprano Annick Massis se joue avec une grâce angélique de sa diabolique partition, hérissée de sauts terribles du grave à l’aigu, avec des intervalles de gammes véloces vertigineuses, brodés de trilles, dentelés de toutes les fioritures expressives du bel canto ; sur un soupir, la caresse d’un souffle, elle fait rayonner des aigus impondérables aux harmoniques délicatement scintillantes, une infinie palette de nuances iridescentes : mille rossignols, mille musiques dans une seule voix. Un triomphe amplement mérité.

Rossini : Moïse et Pharaon, 1827

Opéra en quatre actes livret de Luigi Balocchi et Etienne de Jouy

Musique  Gioacchino Rossini

Version de concert

Marseille, Opéra. Le 8 novembre 2014

A l’affiche, les 8, 11, 14, 16 novembre 2014.

Moïse et Pharaon de Giocchino Rossini

Orchestre et Chœur de l’Opéra de Marseille,

Direction musicale :  Paolo Arrivabeni
 ; Chef du chœur Pierre Iodice

Distribution : Anaïde : Annick Massis ; Sinaïde : Sonia  Ganassi ; 
 Marie : Lucie Roche ;    Moïse : Ildar Abdrazakov ; Pharaon : Jean-François Lapointe ; Aménophis : Philippe Talbot : Eliézer   Julien Dran ; 
 Osiride / une voix mystérieuse : Nicolas Courjal ; 
 Aufide : Rémy Mathieu
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 Photos : Christian Dresse : A. Massis et L. Roche…

Livres. François Bronner : François Antoine Habeneck (1781-1849)

habeneck francois antoine HABENECKCLIC D'OR macaron 200Livres. François Bronner : François Antoine Habeneck (1781-1849). Voici enfin une biographie dédiée à François Antoine Habeneck (1781-1849), figure majeure dans le Paris romantique et musical propre à la Restauration (le très rossinien Charles X) puis sous le règne de Louis-Philippe. Le sujet est d’autant plus important que la France  ignore toujours que Paris fut avant Vienne, une capitale symphonique européenne, concevant 14 ans avant les concerts philharmoniques viennois (fondés en 1842 par Otto Nicolaï), la Société des concerts du Conservatoire dès 1828 à l’initiative  du visionnaire Habeneck. L’idée était de constituer un orchestre indépendant d’une salle, entièrement dédié aux concerts, en s’appuyant sur la richesse des classes d’instruments du Conservatoire : défense d’un répertoire, professionnalisation des jeunes instrumentistes. Il est vrai que le répertoire qui y est joué, défendu par Habeneck lui-même reste majoritairement germanique, centré surtout autour des Symphonies de Beethoven, modèle pour tous : de 1828 à 1840, le chef d’orchestre estimé fait jouer toutes les symphonies de Beethoven, mais aussi les oeuvres de Mozart, sans omettre de donner sa chance aux jeunes compositeurs dont… le fougueux Berlioz : dans le temple de la musique beethovénienne, Habeneck crée la Fantastique le 1er novembre 1830, un événement décisif de l’histoire de la musique qui montre combien Paris grâce à Habeneck était devenu l’année de la Révolution bourgeoise, un foyer musical particulièrement actif sur le plan symphonique. Après avoir soutenu de la même façon Mendelssohn, les méconnus Farrenc ou Onslow (le Beethoven français), Schneitzhoeffer (compositeur pour La Sylphide) et Elwart, sans omettre ses confrères, Ries ou Spohr, Habeneck aura moins de curiosité, l’institution créée basculant dans une certaine routine. Dans le Paris post napoléonien, Habeneck, déterminé, assidu grava les échelons obstinément au sein de l’orchestre de l’Opéra : son génie de la direction d’orchestre (plus de bâton, plus de violon directeur) le distingue parmi ses pairs. Le chef s’impose irrésistiblement à Paris, comme chef principal à l’Académie royale (créant les opéras de Rossini dont Guillaume Tell en 1829), puis à l’Opéra. Travail en profondeur, sens des nuances, respect de la partition : tout indique chez lui l’un des premiers chefs d’orchestre, ambassadeur d’une éthique nouvelle, celle qui fit l’admiration entre autres de Wagner, le seul musicien parmi ses contemporains, sincère et tenace à lui rendre hommage ; mais aussi de Balzac qui le cite expressément comme l’emblème de la précision et de l’énergie. Cette exactitude lui inspire une autre réforme, celle de l’abaissement du ton de l’orchestre de l’Opéra devenu nécessaire au regard de l’évolution des styles et du répertoire joué. Habeneck est un boulimique, doué d’une grande activité, passionné par la question de l’écriture symphonique, beethovénien convaincu.

 

 

Habeneck, premier chef moderne

 

habeneck_02Pourtant engagé à défendre ses Å“uvres, Habeneck fut bientôt critiqué vertement par Berlioz dont la carrière de chef  (lui aussi) rivalisa rapidement avec celle de son contemporain…. triste retournement d’estime pour celui qui créa la Symphonie Fantastique (1830) puis le Requiem (1837). Après avoir recherché pour la réussite de ses concerts au Conservatoire, la direction foudroyante de son ancien ami, Berlioz n’aura plus bientôt d’adjectifs assez dépréciatifs pour enfoncer son premier défenseur… Violoniste dans l’Orchestre de l’Opéra de Paris (1804), Habeneck devient aussi professeur au Conservatoire (1808) ; nommé premier violon de l’Orchestre de l’Opéra en 1817 à 26 ans, il devient directeur de l’Académie royale de musique en 1821, puis premier chef d’orchestre à l’Opéra en 1825. Il assure la création des opéras majeurs de son temps : Guillaume Tell de Rossini, Robert le diable de Meyebeer, Benvenuto Cellini de Berlioz… A l’Académie, autour d’un recréation de l’Iphigénie en Aulide de Gluck (1822), il tente de soutenir les opéras français signés (Reicha, Berton, Hérold, Kreutzer)… sans grands résultats car le goût est italien et rossinien : un autre échec demeure la création du Freischutz de Weber, finalement accueilli par l’Odéon (certes déformé et dénaturé en 1824). Son grand Å“uvre demeure la création de la Société des concerts du Conservatoire en 1828, l’ancêtre de notre Orchestre de Paris institué par Charles Munch en 1967. Outre ses travaux pour la qualité d’un orchestre permanent à Paris, défenseur du répertoire symphonique, Habeneck en créant la nouvelle Société des concerts, institua le premier, une caisse de retraite en faveur des membres et musiciens sociétaires. Mort en 1849, Habeneck participe indiscutablement au milieu musical parisien, constatant l’engouement pour l’opéra italien et  la faveur unanime pour Rossini. Elément finalement dérisoire de la grande machine officielle française, son périmètre d’action est cependant fort étroit, confronté aux dysfonctionnements multiples et aux intrigues d’une administration paralysée, sans guère de moyens, mais aux ambitions affichées, contradictoires, toujours conquérantes.

L’auteur auquel nous devons chez le même éditeur : La Schiassetti, Jacquemont, Rossini, Stendhal… une saison parisienne au Théâtre-Italien, signe là une nouvelle réussite : il ne s’agit pas tant de préciser le portrait d’un chef et musicien exceptionnel (l’esquisse historique est en soi réussie) que de restituer surtout le bouillonnement d’une période musicale extrêmement riche sur le plan des initiatives nouvelles et de la création des Å“uvres. Le destin et l’oeuvre d’Habeneck malgré les tensions, oppositions multiples, jalousies qui sèment son parcours, n’en sont que plus admirables. Passionnant.

 

 

Livres. François Bronner : François Antoine Habeneck (1781-1849).  Collection Hermann Musique. ISBN: 978 2 7056 8760 1. 288 pages (15 x 23 cm). Prix indicatif : 35 €.

Lire aussi notre entretien avec l’auteur, François Bronner

 

 

Rossini: nouvelle production de La Gazzetta à Liège

boilly-tetes-expressions-opera-rossini-575Liège, Opéra royal. Rossini: La Gazzetta, 20>28 juin 2014. Le 20 juin 2014, l’Opéra royal de Wallonie présente un nouveau joyau lyrique de Rossini, totalement méconnu et pourtant redevable de sa meilleure inspiration : La Gazzetta, créé en 1816, l’année du Barbier de Séville, son chef d’oeuvre comique délirant. Liège, grâce au discernement de son directeur Stefano Mazzonis di Pralafera, qui met en scène cette résurrection attendue, affirme une curiosité enthousiasmante pour les partitions oubliées… Après L’Equivoco stravagante, L’inimico delle donne de Galuppi, et plus récemment l’autre Guillaume Tell, non pas celui de Rossini mais celui jamais joué de Grétry, la scène liégeoise offre toutes ses équipes au service de ce nouvel événement lyrique de fin de saison.
La prochaine production est d’autant plus prometteuse qu’elle intègre les dernières trouvailles de la recherche musicologique : le fameux quintette du premier acte, que l’on croyait perdu et qui vient d’être redécouvert à Palerme en 2011. Créé à Naples le 26 septembre 1816, La Gazzetta impose dès l’ouverture son excellente inspiration : Rossini la reprend in extenso pour La Cenerentola. En deux actes, l’action s’inspire de la pièce de Goldoni, Il matrimonio per concorso. Titre oblige, Rossini cite le monde de la presse: en faisant paraître une annonce ciblée dans un journal de Paris, un riche parvenu (Pomponio) veut marier sa fille (Lisetta) au meilleur parti de la place…  Rien n’est trop grand  pour ses projets matrimoniaux. Hélas, la fille est amoureuse du propriétaire de l’hôtel (Filippo) où elle loge avec son père. Brodant sur le thème de l’amour capricieux, Rossini ajoute une intrigue secondaire celle de Doralice (la fille de l’ami de Pomponio : Anselmo, venu lui aussi à Paris) qui aime Alberto, voyageur insatisfait en quête de l’amour absolu… Pomponio cèdera-t-il aux vÅ“ux de sa fille Lisetta en lui permettant d’épouser Filippo ?
Dans le rôle de Filippo, Laurent Kubla, jeune ténor belge à suivre, fait ses premiers pas sur la scène liégeoises aux côtés de Cinzia Forte (Lisetta), Monica Minarelli (Madama la Rose), Edgardo Rocha (Alberto)…

Rossini : La Gazzetta, 1816. Nouvelle production
Liège, Opéra royal de Wallonie, les 20,22,24,26,28 juin 2014

Live web, le 26 juin 2014, 20h (dernière représentation de la production)
en direct de l’Opéra royal de Wallonie

Illustrations : Louis Leopold Boilly (35 têtes d’expression, vers 1823)

DVD. Rossini : Otello (Bartoli, Zurich, 2012)

rossini otello bartoli osborn tang zurich 2012DVD. Rossini : Otello (Bartoli, Tang, Zurich, 2012). Cecilia Bartoli fait toute la valeur de cette production zurichoise enregistrée ici lors de sa première présentation en 2012 avant sa reprise récente à Paris (TCE, avril/mai 2014). La mezzo est Desdemona, soulignant combien avant Verdi, le profil des protagonistes est finement ciselé sur le plan musical. L’amoureuse victimisée saisie par la jalousie dévorante du maure y paraît dans toute l’étendue du mythe romantique. A l’aune du ténébrisme shakespearien, soulignons comme une arche progressive, l’intensité d’une voix furieuse au I et II, jusqu’à la prière intérieure, déchirante du III. Les contrastes sont éblouissants, l’intelligence dramatique fait feu de tout bois avec un raffinement expressif et vocal, indiscutable. Sa stature tragique s’impose sur scène, à l’écran et de toute évidence en objet uniquement sonore : sans la réalisation scénique et visuelle, sa Desdemona marquerait de la même façon les esprits et les oreilles.

Pour Bartoli et rien que pour elle …

A ses côtés, l’Otello d’Osborn est honnête malgré des aigus plutôt serrés ; plus vibrant et palpitant, donc libre dramatiquement, le Rodrigo de Camarena. Moins évident et naturel le Iago de Rocha, plus contraint et poussé. Evidemment, la mécanique seria rossinienne n’échappe pas au chef Muhai Tang mais son manque de « laisser respirer », ses absences de suspensions sur le fil du verbe languissant ou frénétique, marque les limites d’une direction pointilleuse, étrangère à tout souffle embrasé. Heureusement les instruments d’époque de La Scintilla (l’orchestre sur instruments anciens de l’Opéra de Zurich) apporte une couleur spécifique, très à propos avec le souci linguistique de l’excellente Bartoli.

Moins inspiré qu’auparavant, le filon jusque là poétique Caurier et Leiser dessine un drame vénitien sans aucune ombre ni finesse : une succession de gags et d’idées gadgets qui rétrécisse le mythe romantique et passionnel, en fait divers vériste, misérabiliste, d’une austérité asphyxiante qui atteint les idées même de l’actualisation. Pas sûr que l’image lolita addicted à la bière de Desdemona renforce ou éclaire le jeu de la diva romaine qui n’a pas besoin de tels détails anecdotiques pour sortir et déployer sa fabuleuse furià lyrique (on atteint un comble de ridicule quand la chanteuse s’asperge de bière : mais bien sûr pour rafraîchir son tempérament embrasé ??!!)… L’intelligence eut été d’éviter de tels écarts. Décidément, pour Bartoli et rien que pour elle.

Gioachino Rossini (1792-1868): Otello ossia Il Moro di Venezia. Cecilia Bartoli, John Osborn, Peter Kalman, Javier Camarena, Edgardo Rocha, Liliana Nikiteanu, Nicola Pamio, Ilker Arcayürek. Orchestra La Scintilla. Muhai Tang, direction (1 dvd Decca).

Compte rendu, opéra. Paris. Théâtre des Champs-Elysées, le 19 mai 2014. Gioachino Rossini : Tancredi. Marie-Nicolas Lemieux, Patrizia Ciofi, Antonino Siragusa, Christian Helmer. Enrique Mazzola, direction musicale. Jacques Osinski, mise en scène

rossini_portraitAprès Jean-Claude Malgoire et sa Grande Ecurie en 2009, le Théâtre des Champs-Elysées présente une seconde fois au public parisien le premier opera seria du cygne de Pesaro : Tancredi. Une fortune rare pour une œuvre belcantiste dans la capitale. La production a choisi pour ces représentations d’achever l’ouvrage sur son final tragique, dit de Ferrare, dans lequel la musique s’éteint en même temps que le héros, dans une nudité sonore proprement bouleversante.
On passe rapidement sur la mise en scène de Jacques Osinski qui, en voulant actualiser l’ouvrage, l’engonce dans une modernité qu’on a déjà vue trop souvent, faite de costumes trois pièces, de parquets et de boiseries, et qui rappelle furieusement la scénographie de l’Otello rossinien ici-même voilà quelques semaines. La direction d’acteurs parait laissée au bon vouloir des chanteurs, chacun évoluant dans son jeu scénique, sans grande unité.

Tancredi ? Non, Aménaïde !

Triomphatrice de la soirée, Patrizia Ciofi joue des particularités de son timbre voilé pour faire de la belle Amenaide une sœur de Lucia di Lammermoor, écrasée par l’autorité des hommes. Ces figures de femmes ballotées par l’amour et le destin conviennent particulièrement bien à la soprano italienne, qui offre ce soir-là sa meilleure prestation depuis longtemps. Si l’extrême aigu se révèle inutilement douloureux – alors qu’il n’était pas nécessaire de le tenter –, le reste de la voix recèle des beautés opalines qui font merveille, notamment durant le second acte. C’est dans la scène de la prison que la musicienne déploie tous ses sortilèges, emplissant le théâtre sans effort et parsemant la partition d’ineffables nuances, imposant ainsi le silence à toute la salle et suspendant le temps.
A ses côtés, Marie-Nicole Lemieux aborde Tancredi avec respect et probité, et réussit cette prise de rôle attendue bien mieux qu’on s’y attendait. La mezzo canadienne joue ses meilleures cartes dans les moments d’intimité, où elle trouve une émission haute et claire qu’on ne lui connaissait pas. Cependant, la technicienne affronte courageusement les passages de virtuosité contenus dans la partition, malgré des vocalises manquant encore de panache mais qui s’assoupliront avec la pratique de ce répertoire. Le grave sonne aisé, et la chanteuse nous gratifie de quelques aigus impressionnants qui ne manquent pas de faire mouche auprès du public. Une excellente surprise, à laquelle on espère une suite dans cette écriture exigeante et salutaire pour la voix.
En père déchiré entre tendresse et devoir, Antonino Siragusa s’améliore au fur et à mesure de la représentation et vient crânement à bout de l’écriture impossible d’Argirio. Si l’instrument sonne à présent un peu raide – ainsi que le comédien – et le suraigu atteint parfois en force, la prestation du ténor italien reste à saluer, notamment au cœur de sa scène ouvrant le deuxième acte, où son amour paternel se fait palpable grâce à de subtiles demi-teintes et une grande élégance dans le phrasé.
Davantage baryton que basse, Christian Helmer retrouve avec fougue le rôle d’Orbazzano et fait de son mieux dans une tessiture trop grave pour lui, obligé qu’il est à chercher des notes basses qu’il ne possède pas, la voix demandant audiblement à monter.
Etrange Isaura de Josè Maria Lo Monaco à l’émission vocale souvent artificielle, chantant pourtant mieux son air que les récitatifs, souvent pâteux et incompréhensibles. Sarah Tynan, quant à elle, incarne un adorable Roggiero, à voix petite mais charmante.
Excellent, le chœur réuni pour l’occasion fait montre d’une cohésion sans faille, précis et percutant de bout en bout.
Amoureux de ce répertoire, Enrique Mazzola fait superbement sonner l’Orchestre Philharmonique de Radio-France, mettant en valeur les soli, trouvant les justes tempi et laissant la musique respirer grâce à de judicieux silences.
Un très beau travail musical, salué par un public visiblement conquis.

Paris. Théâtre des Champs-Elysées, 19 mai 2014. Gioachino Rossini : Tancredi. Livret de Gaetano Rossi, d’après la tragédie éponyme de Voltaire. Avec Tancredi : Marie-Nicolas Lemieux ; Amenaide : Patrizia Ciofi ; Argirio : Antonino Siragusa ; Orbazzano : Christian Helmer ; Isaura : Josè Maria Lo Monaco ; Roggiero : Sarah Tynan. Chœur du Théâtre des Champs-Elysées ; Chef de chœur : Alexandre Piquion. Orchestre Philharmonique de Radio-France. Enrique Mazzola, direction musicale. Mise en scène : Jacques Osinksi ; Décors et costumes : Jacques Ouvrard ; Lumières : Catherine Verheyde

Enrique Mazzola dirige Tancredi de Rossini

rossini_portraitFrance Musique. Rossini : Tancredi. Lemieux, Ciofi. Mazzola. Le 31 mai 2014, 19h30. A Paris, le chef Enrique Mazzola triomphe en mai et juin comme défenseur et interprète subtil de Rossini. Un nouveau Tancredi dès le 19 mai, puis La Scala di Seta le 13 juin (version de concert, également au TCE), le chef italien, directeur musical de l’Orch national d’Ile de France (depuis 2012), ne cesse de nous révéler la richesse protéiforme de ce bel canto italien, d’une infinies séduction entre Rossini, Bellini, Donizetti et le premier Verdi. A Paris, Mazzola présente la version Ferraraise de Tancredi (mars 1813) présentée quelques semaines après celle de Venise : le jeune compositeur révèle en sa fin tragique, une partition accomplie traversée par l’annonce de la mort, une sensibilité déjà romantique se profile déjà ici. Avant Cenerentola, avant Il Barbiere di Seviglia, Rossini trouve des éclairs mélodiques dont la saveur met en avant les sentiments : ils en soulignent la profondeur poétique, la justesse émotionnelle. Tout cela passe par une hypersensibilité instrumentale, en particulier l’écriture inventive et exceptionnelle réservée aux bois…  La scala di Seta (1812) est une comédie qui va d’emblée à l’essentiel, pochade fulgurante en un acte créée un an avant Tancredi : preuve de la diversité expressive dont fut capable le jeune homme génial. La Scala di seta (l’échelle de soie) inaugure une nouvelle série de l’Orchestre national d’ÃŽle de France, initié par Enrique Mazzola et dédiée aux premiers opéras de Rossini. Chez Rossini, l’idéal reste souverain sur l’expressivité et le réalisme dramatique : la suavité vocale, le legato naturel, qui fait jeu avec la discipline imposée par le cadre si technicien, offre aux chanteurs, un terrain propice au dépassement tant vocal que théâtral. En fin connaisseur de la scène imaginée par Rossini, Enrique Mazzola apporte à Paris, les fruits de sa longue et profonde expérience du chant lyrique rossinien.

Compte rendu, opéra. Paris. Palais Garnier, le 31 mars 2014. Gioacchino Rossini : L’Italiana in Algeri. Varduhi Abrahamyan, Antonino Siragusa, Ildebrando d’Arcangelo, Tassis Christoyannis. Riccardo Frizza, direction musicale. Andrei Serban, mise en scène

rossini_portraitLa première représentation pour une reprise est souvent risquée, la cohésion de l’équipe présente sur le plateau se faisant davantage durant les soirées suivantes que pendant les répétitions. Cette Italiana in Algeri ne fait pas exception à la règle, les différents éléments apparaissant en place, mais sans l’âme qui devrait les habiter. La production bien connue d’Andrei Serban fait moins rire ce soir, les choristes et figurants semblant peu convaincus par leur actions, elles-mêmes manquant de minutie dans leur réalisation. Plus encore, une certaine trivialité se fait soudain davantage sentir, le rire n’étant plus là pour la masquer ou la détourner. Vocalement, il en va de même : de bons professionnels, aux voix cependant trop petites pour remplir le vaste espace de Garnier, mais le vent de la folie rossinienne refuse obstinément de souffler. Aux côté de la Zulma corsée et bien chantante d’Anna Pennisi, l’Elvira de Jaël Azzaretti se révèle parfois acide de timbre, malgré des aigus faciles et un jeu prêtant à sourire.

Une Italienne de routine

Très beau Haly de Nahuel di Pierro, qui, avec sa présence scénique toujours évidente, paraît libérer peu à peu son aigu, l’instrument gardant tout son intérêt et l’interprète toute sa musicalité, même pour un seul air.

Le Mustafà d’Ildebrando d’Arcangelo déconcerte, tant son mimétisme vocal est grand avec les inflexions de Samuel Ramey dans le même rôle. Néanmoins, cette imitation millimétrée révèle vite ses limites, le chanteur italien ne possédant par l’arrogance vocale ni la souplesse dans les coloratures de son illustre aîné, l’aigu se détimbrant en outre souvent. C’est pourquoi il surprend d’autant plus dans ses « Pappataci » où il lance des sols parfaitement émis, semblant avoir trouvé la clef des notes hautes. Son jeu scénique de bellâtre se déroule pourtant sans conviction, et on rit peu de ce bey ridiculement amoureux.

Remplaçant Kenneth Tarver initialement prévu, Antonino Siragusa fait étalage de son humour et de son émission claironnante, mais semble avoir perdu en agilité et en aigu, les notes les plus hautes sonnant souvent forcées, instables et caricaturalement nasalisées. On admire l’artiste qui paie comptant et prend des risques, mais on déplore l’usure des moyens chez un ténor qu’on a toujours beaucoup apprécié pour sa sécurité technique et musicale, en espérant qu’il ne s’agisse là que d’une fatigue passagère.

Dans le rôle-titre, Varduhi Abrahamyan, grande habituée de la première scène française, vient à bout des vocalises du personnage sans encombre et se coule avec délice dans la nature dominatrice de cette femme. Toutefois, il faut attendre le lent balancement de « Per lui che adoro » pour que la mezzo devienne pleinement musicienne, et, pour clore un « Penso alla patria » bien négocié – mais manquant encore de liberté comme de fantaisie dans l’agilité – la chanteuse tente un aigu courageux mais qui n’était pas nécessaire.

Celui qui domine la distribution reste incontestablement le Taddeo de Tassis Christoyannis. Comme toujours admirablement chantant, à l’émission riche et naturelle, il croque son personnage avec une grande finesse, regards levés au ciel et moues boudeuses, absolument irrésistible costumé en Kaimakan.

Le chœur et l’orchestre maison assurent pleinement leurs parties, emmenées par un Riccardo Frizza qui prend la musique de Rossini très au sérieux, mais qui n’évite pas ce soir de nombreux décalages notamment dans les grands ensembles, dont l’efficacité implacable repose sur une précision absolue.

Gageons cependant que cette reprise trouvera son rythme de croisière au fil des représentations, c’est tout ce qu’on lui souhaite.

Paris. Palais Garnier, 31 mars 2014. Gioacchino Rossini : L’Italiana in Algeri. Livret d’Angelo Anelli. Avec Isabella : Varduhi Abrahamyan ; Lindoro : Antonino Siragusa ; Mustafà : Ildebrando d’Arcangelo ; Taddeo : Tassis Christoyannis ; Haly : Nahuel di Pierro ; Elvira : Jaël Azzaretti ; Zulma : Anna Pennisi. Chœur de l’Opéra National de Paris ; Chef de chœur : Alessandro di Stefano. Orchestre de l’Opéra National de Paris. Direction musicale : Riccardo Frizza. Mise en scène : Andrei Serban ; Décors et costumes : Marina Draghici ; Lumières : Guido Lievi, réalisées par Andrei Serban et Jacques Giovanangeli ; Chorégraphie : Niky Wolcz

Compte rendu, opéra. Avignon. Opéra du Grand Avignon, le 2 février 2014. Rossini : L’Italienne à Alger. Roberto Rizzi-Brignoli, direction. Nicola Berloffa, mise en scène.

L’œuvre. Rossini a vint et un ans et en est à son onzième ouvrage lyrique. Il a connu un grand succès à Venise avec La Cambiale di matrimonio en 1810 et le Teatro San Benedetto lui commande en urgence un autre opéra en 1813, bouclé et monté en moins d’un mois, qui sera son quatrième en un an… Pris par le temps, Rossini prend le livret de L’Italiana in Algeri de Mosca et Anelli (1808) confie les récitatifs et l’air d’Haly à un assistant, pratique courante à l’époque, dont même Mozart usa pour La Clemenza di Tito. Le 22 mai 1813, donc, la création de L’Italiana in Algeri remporte un triomphe à Venise, puis dans toute l’Italie. Stendhal, qui n’est pas de la première mais assiste à une représentation avec les interprètes de la création raconte dans sa Vie de Rossini, que le public riait aux larmes. Rossini, qui feint de s’étonner d’avoir osé cette « folie », conclura avec humour, face au succès, que les Vénitiens sont plus fous que lui.

Stendhal encore rapporte que, pour balayer les soupçons qu’on insinue qu’il a utilisé dans le dernier air de l’héroïne la musique de Mosca, imposait à la Marcolini, créatrice du rôle titre, de chanter, après le sien, pour qu’on fît la différence, celui de son prédécesseur, ce qui n’est pas un mince exploit vu la difficulté, déjà, en fin de parcours, pour la cantatrice, de finir sur une aria héroïque à l’aigu acrobatique. Ce qui laisse entendre l’excellence de l’interprète et explique aussi, avec la décadence du chant due au wagnérisme et au vérisme à la fin du XIXe siècle et pratiquement jusqu’au milieu du XXe l’éclipse de Rossini à part celle du Barbier mais transposé abusivement pour soprano colorature aigu pour le rôle de Rosine, les voix légères vocalisant plus aisément alors qu’il est pour contralto : dans l’esthétique vocale rossinienne, qui est encore celle du bel canto du XVIIIe siècle, toutes les voix, les graves et les hautes, devaient vocaliser avec aisance, agilité, volubilité et, à cet égard, L’Italiana est exemplaire : aucune voix n’échappe à cette exigence stricte de « beau chant» virtuose.

 

Le livret : de la réalité à la dérision


Rossini italienne alger avignon
Le sujet repose sur la réalité des otages, esclaves, que la piraterie barbaresque fournit sur les marchés ottomans. Les récits abondent en Méditerranée, l’Espagne, en particulier, s’en fait une spécialité, fourmillant de romances de cautivos, ‘poèmes de captifs’ et ce n’est pas un hasard si les héros de l’Enlèvement au sérail ont des noms espagnols, Belmonte, Pédrillo. Mais avec l’échec des Turcs à prendre Vienne en 1683, marquant le début de leur recul en Europe, le danger s’éloignant, la dérision approche. Le livret d’Anelli est dans la veine des opéras turcs qui hantent l’opéra italien depuis longtemps mais en inverse plaisamment les codes : ce n’est pas le héros qui va délivrer sa belle des griffes d‘un despote oriental, l’enlever au sérail comme dans Mozart, mais l’inverse. Ici c’est la femme qui, usant des armes du charme et de son intelligence (elle dépasse celle de tous les personnages masculins), vient arracher son amoureux et passif Lindoro à l’esclavage et au mariage que lui impose le Bey capricieux Mustafa, lassé de sa propre femme Elvira (une Espagnole enlevée ?) et de son harem. Mais la belle Isabelle vient aussi escortée d’un amant, qui montre que, pendant l’absence de l’aimé captif, elle n’est pas restée sans ressources. L’héroïne, réussit aussi le tour de réconcilier Mustafa et sa femme, et de délivrer les esclaves italiens, entonnant un insolite chant patriotique.

Cet air final héroïque d’Isabella , « Pensa a la patria », ‘Pense à la patrie’, serait dû à l’influence de Napoléon selon Stendhal, ce qui peut étonner, puisque ce fut Bonaparte qui mit fin en 1797 à la République de Venise où fut créée cette Italienne… Cette aria fut  refusée par la censure à Naples devint “Pensa alla sposa…â€, ‘Pense à ta femme’ ! Pendant le premier chÅ“ur, une citation de La Marseillaise à la flûte et aux violons, fut aussi censurée à Naples.

La musique joue habilement des stéréotypes de la turquerie. On connaît Le Bourgeois Gentilhomme (1670) de Molière et Lully et sa farce turque finale du Mamamouchi. La lignée est longue qui passe  par Rameau (L’Egyptienne, 1731, Les Indes Galantes, 1735), par Gluck et ses Pèlerins de La Mecque (1764), Mozart et sa « Marche turque » (1778), Beethoven plus tard. Les oppositions mineur/majeur, les effets de percussion sont une stylisation musicale que l’on retrouve dans Die Entführung aus dem Serail ‘L’Enlèvement au sérail’ (1782) qui use d’instruments typés comme turcs (piccolo, timbales, triangle, cymbales, grosse caisse) et Osmin a quelques mélismes orientalisants. On peut citer encore Il Serraglio di Osmano (1784) de Gazzaniga, et Gl’intrighi del serraglio (1795) de Paër, Le Calife de Bagdad, de Boïeldieu (1800)et toute la famille des bouffes napolitains qui, comme les Autrichiens par le continent, aux premières loges face aux côtes encore turques de la Grèce et de l’Adriatique. Rossini use joyeusement de ce bagage légué par le folklore de la parodie turque dans une Venise qui a toujours côtoyé, rudoyé l’empire ottoman. Et pactisé avec lui.

Réalisation

On connaissait cette production (à la distribution près), donnée à Marseille en décembre 2012. Elle n’a pas pris une ride, sinon de rire et s’est même bonifiée. Les décors astucieux de Rifail Ajdarpasic, cette boîte à malice tournante, avec plus d’un tour dans son sac, devenant tour à tour, harem, hammam, palais à moucharabiehs avec trophées africains de chasse, cuisine, terrasse d’hôtel oriental de luxe, avaient paru d’un technicolor hollywoodien trop criard, toc et mastoc, plastoc : miracle ou mirage oriental de lumières mieux adaptées de Luca Antolini, l’effet d’estompe, plus sombre, des couleurs assagies (ou repeintes) mettent davantage en valeur les beaux costumes dans le goût années 30 de Nicola Berloffa qui signe aussi la mise en scène, avec des réminiscences en contre emploi d’uniformes de la légion (coloniale) au service des corsaires et soldats pas encore colonisés. Cet apaisement des tons de mille et une nuits en carton-pâte délibéré me semble rendre plus étonnante, détonante, trépidante la folie qui règne sur scène.

Stendhal dira de cette Italienne à Alger, qu’elle est la perfection du genre bouffe, « une folie organisée et complète » : on peut l’appliquer à cette mise en scène qui organise minutieusement un désordre et une folie dont on s’épuiserait à dire, sans les épuiser, les trouvailles, les gags qui arrivent en rafale, sans temps mort, dans le tempo, dans la musique, avec le prodige que le plus farfelu acquiert un naturel bouffe irrésistible. À partir de cette grande malle débarquée par les mâles soldats, dès qu’Isabella débarque, tel un diable, une belle diablesse, non une poupée sortant de sa caisse —ou Pandora, ou Cléopâtre de son tapis— après sa lamentation  Cruda sorte ! Amor tiranno, dès la strette de la cavatine, ça décolle, àa carambole, ça craque, se détraque, sauf l’esprit de cette femme de tête qui va mener le jeu. Chaque air de chaque interprète est traité parfaitement en vrai travail d’acteurs ; les chœurs superbement préparés (Aurore Marchand), si nombreux, sont tout aussi intégrés au jeu trépidant et les ensembles, si délicats dans leur frénésie rythmique, et syllabique pour le plus fameux, sont incroyablement mobiles : un désordre ordonné au millimètre, une réussite.

 

Interprétation

rossini italienne à alger, avignonDès la fameuse ouverture, ces sortes de pas de loup feutrés qu’on croirait d’une anticipation de malicieuse musique de dessin animé, ponctués fermement, à peine interrompus par la ligne voluptueuse de la clarinette, avant que le crescendo, l’accélération vive, nerveuse, rieuse, qui deviendra l’un des traits typiques de Monsieur « vaccarmini », ne s’empare en fièvre grandissante de l’orchestre, course, cavalcade, galop effréné, on sent que le chef Roberto Rizzi-Brignoli tient sa baguette comme une cravache ni vache ni rêche, chevauche en maître cette musique menée à un train d’enfer : sans temps mort, mais tendre dans les airs amoureux et voluptueux, enjoué, vif, le tempo est d’une vitalité exaltante, électrique, dynamique. Sur un nappage de cordes transparentes, il pointe les piccolos pépiants, flûtes futées, affûtées, tout l’humour piquant de Rossini, avec une netteté de dessin, ciselé, et le sens de la dynamique pétaradant, trépidant, tout est là dans sa légèreté juvénile, vivifiante. C’est un bouffe élégant qui n’élague rien de la bouffonnerie.

Les chanteurs se coulent, sans couler, dans ce rythme haletant sans failles, sans défaillances, du premier au dernier. En Haly haletant persécuté par le maître, Giulio Mastrototaro, baryton, détaille avec raffinement la morale de l’histoire, musique de l’assistant. En barbon barbu berné, imbu d’Isabelle, le baryton Armando Noguera est unTaddeo au superbe timbre, voix large, agile, et jeu d’une grande drôlerie. La basse
Donato di Stefano est un Mustafa infatué, inénarrable dans le jeu et le chant : il se tire avec aisance des diaboliques staccatos volubiles et virtuoses du rôle ; sans esbroufe, il s’ébroue dans les trilles, grimace dans le son sans préjudice de la musique. Il est le tyran content de l’être, redoutable et ingénu. En Lindoro, le ténor Julien Dran justifie l’estime qu’on lui portait déjà depuis le temps du CNIPAL, il a la grâce rossinienne dans la voix, l’agilité, et malgré le trac du premier air, « Languir per una bella », le moelleux dans les aigus et le charme dans la souplesse du jeu.

Malgré le rôle trop bref de Zulma, la mezzo Amaya Domínguez laisse percevoir la beauté d’un timbre prometteur. Quant à la soprano Clémence Tilquin, elle est une belle Elvira au prénom prédestiné à l’abandon d’un Don Giovanni que n’est pas son époux à toutes mains d’un sérail fourni, digne d’un meilleur sort, exaspérée, désespérée touchante même dans son hystérie de femme soumise au caprice de l’homme : sous le voile bouffe, le drame. La ruse étant l’arme des faibles, Isabella sera une justicière des femmes en payant l’homme de sa pièce : elle est campée, pimpante, piquante, coquine, taquine, câline, sensuelle, à croquer, à craquer, par la contralto Silvia Tro Santafé, voix voluptueuse de velours, ronde, profonde, charnue, égale sur tous ses registres, aux aigus éclatants. Les vocalises les plus acrobatiques de Rossini, elle donne perlées, détachées par le staccato, avec une précision et une musicalité admirables : un bonheur.

Bref, dynamique, tonique, vitaminée, euphorisante, en ces temps de morosité générale, cette Italiana devrait être remboursée par la Sécurité Sociale.

Avignon. Opéra du Grand Avignon, le 2 février 2014. Rossini : L’Italienne à Alger. Direction musicale : Roberto Rizzi-Brignoli. Mise en scène / costumes : Nicola Berloffa Orchestre Régional Avignon-Provence.

 Chœur de l’Opéra Grand Avignon, direction des Chœur : Aurore Marchand.

Etudes musicales / continuo : Mathieu Pordoy ; décors : Rifail Ajdarpasic  ; lumières : Luca Antolini.

Distribution :
Isabella : Silvia Tro Santafé; Elvira : Clémence Tilquin ;
Zulma : Amaya Dominguez;
Lindoro : Julien Dran ;
Mustafa : Donato di Stefano
; Taddeo : Armando Noguera ;
Haly : Giulio Mastrototaro.

Production présentée les 2 et 4 février 2014

Illustrations : Cédric Delestrade ACM-STUDIO

Compte rendu, opéra. Toulon, Opéra. le 26 janvier 2014. Rossini : La Cenerentola. Direction musicale : Edmon Colomer. Mise en scène : Clarac et Delœuil.

Cenerentola_toulon_opera_rossiniL’œuvre. L’Opéra de Toulon prolonge encore la magie ou la rêverie heureuse des fêtes en programmant une œuvre à la fois cruelle par le sujet puis heureuse par le dénouement auquel on voudrait croire, La cenerentola, Cendrillon », festive et joyeuse par la musique de Gioacchino Rossini, car le chant rossinien est une fête malgré ses pointes ici, inévitables, de mélancolie. Il existe, à travers le monde, un grand nombre de variantes de cette histoire dans laquelle, un joli et petit soulier perdu par une toute jeune fille, permettra à un prince éperdu d’amour pour cet objet, quelque peu fétichiste du pied, de remonter jusqu’à elle—le pied ! de la pointe à la jambe— et de l’épouser. On en trouve des traces dans l’Égypte ancienne, dans l’Antiquité, dans le monde entier, de l’Europe à l’Asie, S’y greffe la promotion extraordinaire de la pauvre fille réduite, sinon en cendres, à être aussi grise et sale qu’elles, une souillon, par l’injuste situation que lui fait sa propre famille qui la traite en servante : un père faible, lâche, laisse ainsi traiter et maltraiter sa fille d’un premier mariage, par sa seconde femme, la marâtre et deux pimbêches de demi-sœurs aussi prétentieuses que laides et méchantes. Sorte de besoin humain de compassion, de compensation on y verra un être persécuté récompensé par la vie : la bergère ou la cendrillon épousée par le prince et qui, au lieu de se venger quand elle atteint le sommet de la puissance, pardonnera à ses persécuteurs. La victime sublimée par la bonté.
La Cendrillon ou la petite pantoufle de verre de Charles Perrault (1697), tiré de ses Contes de ma Mère l’Oie, qui fixe chez nous l’histoire, est précédée, en Europe, par le conte de la Gatta cennerentola (‘Chatte des cendres’) de Giambattista Basile, extrait  de o cunto de li cunti, ‘Le conte des contes ’, publiés après sa mort, en 1635 et 1636, à Naples, recueil de contes napolitains où se trouvent déjà Le Chat botté, Peau d’âne, La Belle au bois dormant, que reprendra Perrault, ainsi que  Hansel et Gretel, qui aura un grand succès dans les pays nordiques. Perrault est suivi l’année d’après de Finette Cendron de la baronne d’Aulnoy, de son recueil Contes nouveaux ou Les Fées à la mode l’année d’après, en 1698, puis de celle des frères Jacob et Wilhelm Grimm, Aschenputtel, Aschenbrödel  (Contes, 1812).
La Cendrillon de Ferretti (1817), qui écrivit le livret, n’est pas très féerique : sans fée, sans citrouille, sans pantoufle de verre. Perrault écrit verre, comme la matière, dont on fait les vitres, les verres, et le film de Walt Disney en a popularisé l’image brillante : bien fragile pantoufle et difficile chaussure à porter. En réalité, il s’agit non de verre cassable mais de vair, anciennement, fourrure d’une espèce d’écureuil, du même nom, qui était grise par-dessus et blanche par-dessous, aujourd’hui on l’appelle petit-gris. Des souliers de vair : c’est-à-dire fourrés de vair. Mais peu importe, gardons la magie de l’ambiguïté du son du mot qui fait sens.
Notons cependant que de verre ou de vair, la fameuse pantoufle est remplacée, en ce début de XIXe siècle pudibond après le libertinage charmant du siècle précédent, puritanisme bourgeois oblige, par un pudique bracelet : chassez ce pied que je ne saurais voir dirait Tartuffe. La grisaille cendreuse est cependant sauvée par les coloris de la partition. La seule magie, ici, est la féerie musicale d’un Rossini déchaîné, qui enchaîne ensemble sur ensemble des plus étourdissants et des airs vertigineux de virtuosité qui requièrent de tous les interprètes une technique à toute épreuve : le bel canto du siècle virtuose précédent dans sa plus exaltante palette.

Réalisation
Signant mise en scène, scénographie et costumes, réalisateurs complets donc, Jean-Philippe Clarac et Olivier Delœuil, qu’on avait jugés à la peine, peinant laborieusement à faire sentir la peine des Carmélites en dialogue par une distanciation, sinon brechtienne, trop froidement constructiviste pour émouvoir, sont ici en veine, en verve virtuose, en osmose rossinienne par le tempo toujours vif, sans temps mort, réussissant la gageure de faire jouer tout ce monde, de crédible et plaisante façon, chœurs compris, sans statisme des redoutables ensembles, sans solution de continuité. On ne dira pas qu’on trouve un sens profond dans ce fond de théâtre brut (effet trop vu) éclairé ironiquement dans des teintes de bonbons acidulés par 
les lumières de Rick Martin, encore que, mis joyeusement en boîte par celle au premier plan, ce nu est peut-être signe de dénuement, ou peur du recul, du déclassement social, qui menace le baron Don Magnifico, en rien magnifique, et ses pécores pimbêches chipies de filles, dont les ambitions aristocratiques, au lieu d’avancer, risquent d’aller à reculons s’écraser contre ce mur de béton de leur bêlante bêtise : aspirant au sommet, ils écrasent celle d’en bas, réduite, sinon en poudre, en cendres, Cendrillon.
Noblesse bidon de bidonville, occupant, squattant peut-être une baraque baroque, une brinquebalante bicoque de bric et de broc, sans abracadabrantesque effet de fée, sans doute pointant au chômage, dans un monde désenchanté, déjanté, d’un néo-réalisme déréalisé par la dérision de comédie italienne, annoncée, d’entrée, par le modeste linge étendu comme autant de bannières, drapeaux, oripeaux, flammes et oriflammes d’une grandeur déchue : la misère générale, même sans misérabilisme, est sûrement le cadre qui suscite le rêve, l’espoir, le monde de télé-roman, de roman-photo où les princes épousent encore des bergères, des grisettes cendreuses, des cendrillons. Noblesse aussi sans fonction de chevaliers sans cheval, dont les suites et joutes guerrières sont réduites à d’inoffensives rencontres de polo, ou de hockey, ok pour le cocktail, brandissant des maillets au lieu d’épées : le jeu des apparenc. Car, carcasse, caisse de casse, boîte à outil, boîte à malices, tournant sur elle-même pour devenir palais en bois, de langue de bois de la politique de la bonté à laquelle personne ne croit, son mouvement tournant est celui de la roue de la Fortune revenant à son point de départ, quels que soient les avatars, les carnavalesques travestissements momentanés endossés de façon interchangeable dans la mascarade qu’offre cette penderie de théâtre où chacun trouve, sinon chaussure à son pied, costume d’heureuse fantaisie, avant le retour probable au début.
Bref, de cette Cendrillon, conte intemporel qui berce en nous un besoin de justice où les bons sont récompensés, nos deux compères ont fait une allégorie baroque, presque un auto sacramental espagnol, où le théâtre dans le théâtre dit la vanité des apparences de ce monde : la cendre du bûcher des vanités.

Interprétation
On saluera aussi le travail d’acteur sensible sur tout le plateau, dans toute une équipe, homogène par le jeu et la qualité du chant : tout est juste dans le geste, dans le bouffe ou le grave.
Jan Stava, la basse tchèque, sombre timbre puissant, fait un Alidoro chaleureux, vibrant, mais philosophe emphatique un peu trop. Evgeny Stavinskiy, basse russe, illustre aussi la belle école slave et campe un magnifique Don Magnifico, rogue, rugueux avec sa belle-fille reléguée, étourdissant de légèreté dans le rhétorique rossinienne de l’accélération, de la stressante strette finale de son air de bravoure, son rêve d’âne ailé. Dandini, valet travesti en prince, est le prince réel de cet opéra, non seulement parce qu’il en revêt l’aspect rêvé mais par le rôle chantant sans doute le plus long et le plus varié de l’œuvre avec celui de l’héroïne titre ; il est le lien comique, que l’opera buffa, né à Naples, a hérité du théâtre espagnol, entre la salle et le plateau, soulignant à la fois l’action dont il fait partie, et la mettant à distance par la parodie pour en souligner et dénoncer l’incongruité, le scandale : excellent comédien, voix puissante et agile, le baryton David Menéndez y est irrésistible, d’une faconde féconde en drôleries, tant par le jeu que par le chant jamais facile de Rossini, il est même humainement touchant, découvrant, avec résignation, la vanité des apparences qui ne lui a accordé qu’une majesté de carnaval, le déguisement d’un moment de par le caprice du Prince. C’est une sorte de Sancho du long et mince don Quichotte que, près de lui, pourrait être le Prince Don Ramiro de David Alegret, ténor léger si grand que sa voix en semble petite, délicate mais un peu étriquée dans un aigu qui devrait s’élargir.
Côtés dames, c’est aussi le bonheur : les pimbêches pépiantes sœurs d’Angelina, drôlement attifées et ébouriffées, sont deux mezzo-soprani aux timbres différents, Caroline Meng et Elisa Cenni, mais également bien chantantes. Quant à Cendrillon, Angelina, elle n’a rien d’un ange gris grisé de sa  béate et bétifiante bonté : par le timbre solide de mezzo, on sent en elle des amorces de révolte dignes d’une Rosine, sinon les ruses séductrices d’une Isabella à Alger ; elle a pleine conscience de l’injustice de son sort et son pardon en sera moins angélique qu’humain. Physiquement, Jose Maria Lo Monaco, a une solidité terrienne dans son agréable minceur et sa souplesse de jeu. D’emblée, elle touche par son air mélancolique, rêveur, cantilène d’une saveur ancienne où la jeune fille rêve et chantonne : «Una volta, c’era un ré… »  , ‘Il était une fois un roi triste d’être seul…’, prémonition de son avenir proche. Ses appoggiatures sont larges nettes, aisées, qualités que l’on goûtera tout au long. Le timbre est plein, d’une belle couleur, les vocalises, perlées ; elle sait garder volume et couleur dans le feu d’artifice vocal jubilatoire de son air sublime du pardon (« Naqui all’ affano ed al pianto… »), sommet de la partition, semé d’embûches, d’où elle se tire en virtuose des trilles, des vocalises vertigineuses les plus acrobatiques, staccato admirable de la leçon, de l’épreuve de bel canto que Rossini impose à tous ses chanteurs, dont cette fameuse accélération finale et ici, justement, à la toute fin de l’œuvre, quand la voix risque d’être fatiguée. C’est bien le « Triomphe de la bonté », disons, du buon canto selon l’expression des maîtres du baroque, du bon, du beau chant.
À la tête de l’Orchestre de Toulon au mieux de sa forme, Edmon Colomer, remarquable dans la discrétion subtile des récitatifs, sait trouver la bonne distance entre le sérieux et le bouffe de cet opéra de demi-caractère, qui, comme Don Giovanni est un dramma giocoso : un drame joyeux. Bonne mention, également, pour les chœurs bien préparés de  Christophe Bernollin.
Signalons justement que le chœur de l’Opéra de Toulon, avec celui de l’Opéra du Grand Avignon ainsi que la Maîtrise des Bouches-du- Rhône, est invité, avec l’Orchestre National de France sous la baguette de Kristjan Jarvi, à participer à la Vingt-et-unième soirée des Victoires de la musique classique en direct du Grand Théâtre de Provence le lundi 3 février, retransmis à 20h45 sur France 3, France-Inter et France-Musique.
La cenerentola, Ossia La Bontà in Trionfo de Gioacchino Rossini
Opéra de Toulon, nouvelle production de l’Opéra de Toulon
24 janvier 2014, 26 janvier, 28 janvier 2014
Orchestre et choeur de l’Opéra. 
Direction musicale : Edmon Colomer.
Mise en scène, scénographie et costumes : Jean-Philippe Clarac et Olivier Delœuil
. Lumières :  Rick Martin
Angelina :  José Maria Lo Monaco
 ; Tisbe : Caroline Meng ; 
Clorinda : Elisa Cenni
. Don Ramiro : David Alegret
 ; Dandini : David Menéndez ; 
Don Magnifico : Evgeny Stavinskiy 
 ; Alidoro : Jan Stava
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Photos : ©Frédéric Stéphan

Compte rendu, opéra. Paris. Théâtre du Châtelet, le 20 janvier 2014. La Pietra del paragone de Gioachino Rossini (1792-1868). Direction : Jean-Christophe Spinosi. Mise en scène, scénographie, video, Giorgio Barberio Corsetti et Pierrick Sorin.

Rien ne pouvait mieux réchauffer les cœurs en ces temps de crise, que la reprise de cette production de la Pietra del paragone de Gioachino Rossini, créée dans le même théâtre, celui du Chatelet, en 2007. Une mise en scène brillante, un orchestre scintillant et une nouvelle distribution tout aussi enthousiaste que la première, nous ont permis de vivre une soirée de bonheur comme les théâtres français ne nous en offre que trop rarement à notre goût.
Cet opéra de jeunesse, – Rossini a tout juste vingt ans quand il le compose à la suite d’une commande du Teatro alla Scala de Milan, est créée le 26 septembre 1812. C’est un triomphe qui lui vaudra d’être redonné une cinquantaine de fois durant la même saison.
Dans le livret en deux actes de la Pietra del Paragone, Rossini trouve tout ce qui lui permet de mettre en valeur ce don du rire fin et enlevé, qui nous emporte dans un univers de plaisir, où tout n’est que jeux et travestissements. L’on pense bien évidemment et instantanément à Mozart et à son Cosi fan tutte. Mais loin d’être sur le fil du drame, ici, la musique et le théâtre en une folle vivacité, nous offrent des marivaudages tout à la fois profondément drôles, un rien cyniques, mais tellement humains … que l’on s’y plonge sans réserve.

 

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Trépidante reprise au Châtelet

 

Entre Jean-Christophe Spinosi à la direction et le tandem Giorgio Barberio Corsetti/ Pierrick Sorin à la mise en scène, le courant passe. Leurs sensibilités et leurs énergies réunies, font sourdre la théâtralité de la musique. On trouve ici un mélange subtil et intelligent de loufoqueries et d’élégance qui ne peut que nous charmer. Voici une mise en scène digne de ce nom, riche d’imagination, d’une fantaisie débordante qui donne la part belle au jeu d’acteurs. On y trouve un vrai sens du rythme qui fait totalement oublier le temps qui passe.
Tout ici est ingénieux. Sur un fond bleu, que l’on trouve en fond de scène et sur des éléments mobiles, viennent s’incruster sur six écrans, -grâce à une installation vidéo en temps réel – conçue par le vidéaste Pierrick Sorin-, les décors miniatures qui prennent ainsi leur dimension humaine. C’est avec une précision millimétrés que les chanteurs viennent prendre place dans cet univers d’un luxe très vintage. Les costumes aux couleurs chatoyantes, celle de la joie de vire, nous ensorcellent par leur beauté entre dandysme et new look fringant.
Jamais on ne s’ennuie sur scène : tous, solistes et chœurs, grâce au gros plans assurés par la caméra, nous rendent complices de leurs petits et grands mensonges, de leurs doutes, de leurs émotions.
On adore ce maître d’hôtel, petit personnage rajouté. Le charme du mime-acrobate Julien Lambert tient de la poésie hilarante et lunaire d’un Buster Keaton.
La distribution jeune et tonique est un vrai bonheur. Tous savourent les situations et les mots de cette langue si chantante qu’est l’italien. La virtuosité rossinienne aussi difficile soit-elle leur est un plaisir faisant oublier quelques petites anicroches sans conséquence. Le couple formé par la Marchesa Clarice de Teresa Iervolino et le Conte Asdrubale de Simon Lim, fonctionne parfaitement tant vocalement que scéniquement. Les deux charmantes pestes que sont Donna Fulvia et la Baronessa Aspasia sont interprétées avec brio par Raquel Camarinha et Mariangela Sicilio. Au timbre fruité de la première, répond celui plus juvénile et impertinent de la seconde. Les rôles masculins sont très bien distribués. Brudo Taddia, fait de Macrobio, le journaliste vénal, une crapule terriblement séduisante, tout comme Davide Luciano, en Pacuvio, est un rimailleur inénarrable, un rien vaurien. Dans le rôle de l’ami fidèle et de l’amant/rivale malheureux, Giocondo, Krystian Adam sait tout à la fois nous émouvoir par son interprétation vocale très fine, ses aigus brillants et sa tendre constance. N’oublions dans le rôle de Fabrizio, Biogio Pizzuti, complice idéal et jubilatoire du comte dans l’utilisation de la Pietra del paragone (pierre de touche).
Le chœur de l’Armée française est excellent. Bouillonnant d’énergie, de verve et de présence. Quant à l’Ensemble Mattheus, sous la direction tout à la fois précise et fougueuse, passionnée et attentive aux chanteurs de Jean-Christophe Spinosi, il rivalise de couleurs avec la scène, de nuances avec les chanteurs. Sur instruments anciens, les musiciens rendent à la musique de Rossini toute sa fulgurante flamboyance.
C’est par une standing ovation et un bis dédié à Claudio Abbado que s’est conclu cette soirée si généreuse. Ce spectacle est un véritable don du cœur que l’on ne peut que vous recommander.

 

 

Paris. Théâtre du Chatelet, le 20 janvier 2014. La Pietra del paragone de Gioachino Rossini (1792-1868) melodramma giocoso sur un livret de Luigi Romanelli. Avec. La marchesa Clarice, Teresa Iervolino ; Il conte Asdrubale, Simon Lim ; Il Cavalier Giocondo, Krystian Adam ; Macrobio, Bruno Taddia ; Pacuvio, Davide Luciano ; Donna Fulvia, Raquel Camarinha ; La Baronessa Aspasia, Mariangela Sicilia ; Fabrizio, Biagio Pizzuti. Chœur de l’Armée Française ; Chef de Chœur de l’Armée Française, Aurore Tillac. Ensemble Matheus. Direction : Jean-Christophe Spinosi. Mise en scène, scénographie, video, Giorgio Barberio Corsetti et Pierrick Sorin. Costumes et collaboration aux décors, Cristian Taraborrelli. Lumières, Gianluca Cappelleti.

 

 

Illustration : © M-N. Robert pour le Théâtre du Châtelet

 

Livres. L’Avant-Scène Opéra n°278. Rossini : Otello

Rossini_otello_278_avant_scene_operaL’Avant-Scène Opéra n°278. Gioachino Rossini : Otello. Le nouveau volume de l’Avant Scène Opéra s’intéresse à l’Otello rossinien (Naples, 1816), à l’occasion de la production événement avec Cecilia Bartoli programmée au TCE à Paris en avril 2014, elle même créée à Zurich en février 2012. Voici le cas emblématique d’un opéra méconnu, qui appartenant au cycle des opéras napolitains du jeune compositeur surdoué (il a à peine 23 ans alors), souligne combien le musicien avait à cÅ“ur de renouveler le genre lyrique, sur le mode tragique et pathétique. Outre les entrées et parties désormais traditionnelles de chaque Avant-Scène Opéra (livret intégral publié annoté scène par scène avec le guide d’écoute permettant de suivre l’action en identifiant les partis pris musicaux et les enjeux scéniques et dramatiques en jeu…), l’apport de la publication éclaire remarquablement ce en quoi l’ouvrage est d’une modernité rare, voire d’une violence (acte III) déjà toute romantique, une intensité qu’avait bien comprise l’une de ses interprètes fameuses, Maria Malibran (après La Pasta) : n’hésitant pas à affiner encore, soir après soir, un jeu expressif et passionnel au mépris des bienséances (le témoignage de Delacroix est ici emblématique), toujours soucieuse de l’impact émotionnel de son personnage au moment du double crime de la fin.

Sommet tragique de 1816

Très intéressant également, le portrait du librettiste Berio, – le marquis Berio di Salsa, noble lettré engagé atypique à Naples, qui n’hésite pas à reprendre l’arche tragique du drame légué par Shakespeare.
Ce qui fait la force de l’Otello rossinien – en comparaison avec celui de Verdi par exemple, plus proche de la source Shakespearienne, c’est la violence et la barbarie avec laquelle est peinte la relation de Desdémone avec les hommes : son père Elmiro d’abord réticent à son mariage avec le Maure noir ; le fils du Doge qui l’aime, Rodrigo ; Iago lui-même amoureux de la belle, et enfin Otello (avec lequel elle s’est secrètement mariée) : l’ouvrage met en lumière l’impuissance et la passion fatale de l’héroïne qui affronte avec dignité une société phallocratique et cruelle.

A la lecture du présent ouvrage, on comprend la modernité et l’audace du livret, la construction de la musique, surtout dans l’acte III, véritable “modèle” du romantisme rossinien à l’époque. En 1816, Rossini fait montre d’une diversité de registres poétiques exceptionnelle : 1816 est aussi l’année de son triomphe dans la veine comique avec joyau buffa absolu, Le Barbier de Séville.
Un tel chef-d’oeuvre mérite ce dossier complet, captivant grâce à ses entrées multiples et complémentaires.

Sommaire

L’Å“uvre
Points de repères
Hélène Cao : Argument
Hélène Cao : Introduction et Guide d’écoute
Francesco Berio di Salsa : Livret intégral italien
Laurent Cantagrel : Nouvelle traduction française
Regards sur l’Å“uvre
Paul-André Demierre : La carrière napolitaine de Rossini
Jean Cabourg : Desdemona et les trois ténors, profils vocaux
Céline Frigau Manning : Une panthère sur la scène romantique, Maria Malibran dans l’Otello de Rossini
Giuseppe Montemagno : Pérégrinations et fortune de l’Otello de Berio
Lady Sydney Morgan : Le salon du Marquis Berio
Stendhal : Un conte de Barbe-Bleue ?

Dossier sur la production d’Otello au Théâtre des Champs-Elysées (avril 2014)
Témoignages de Cecilia Bartoli, John Osborn, Patrice Caurier et Moshe Leiser, Jean-Christophe Spinosi
Revue de presse de la création de la production, par Tancrède Scherf (Opernhaus Zürich 2012)

L’Å“uvre à l’affiche. Recherche : Hélène Malard
Les grandes distributions au XIXe siècle
Otello à travers le monde (1964-2014)

L’Avant-Scène Opéra n°278. Gioachino Rossini : Otello. Parution : 06/01/2014. 128 pages. ISBN : 978-2-84385-311-1. Consultez le site de L’Avant-Scène Opéra. Options d’achat (27 euros), version PDF téléchargeable (25 euros).

Compte-rendu : Paris. Théâtre des Champs-Elysées, le 14 juin 2013. Gioacchino Rossini : Il Barbiere di Siviglia. Cyrille Dubois, Julia Lezhneva, Roberto De Candia, Carlo Lepore, Giorgio Giuseppini. Sir Roger Norrington, direction musicale.

rossini_portraitL’Orchestre de chambre de Paris et son principal chef invité, Sir Roger Norrington, présentent dans la capitale un nouveau Barbier rossinien, une œuvre que le public parisien apprécie visiblement et ne se lasse pas de réentendre.
Suite au forfait soudain du ténor chinois Yijie Shi – remplaçant lui-même Antonino Siragusa initialement prévu – le jeune ténor français Cyrille Dubois est arrivé à la rescousse pour sauver la soirée, faisant semble-t-il par la même occasion sa prise de rôle dans le rôle du Comte Almaviva. Saluons son beau timbre, ainsi que sa technique sûre, son émission brillante et sa belle maîtrise de la voix mixte, parfaites pour le répertoire français – il vient d’être annoncé dans Gérald de Lakmé à Saint-Etienne pour la saison prochaine – mais peu rompu aux exigences rossiniennes.
Les vocalises sonnent prudentes et le suraigu se fait discret, tant et si bien que son ultime air, le redoutable « Cessa di più resistere » a été prudemment coupé.

 

 

Un Barbier inégal mais réjouissant

 

Une belle découverte, qui se révèlera sans doute idéal dans un autre répertoire. A ses côtés, le baryton italien Roberto De Candia fait admirer sa faconde gourmande dans Figaro, imposant dès son entrée sa voix mordante et ample autant que son aigu facile et percutant. Et c’est avec cette même assurance tranquille et cette gouaille ravageuse à l’œil malicieux qu’il traversera la soirée, salué aux saluts par une ovation méritée.
La Rosine de la très jeune Julia Leznheva, annoncée partout comme une révélation, laisse davantage songeur. Si le timbre révèle par instants de beaux reflets irisés et la vocalise impressionne par sa précision d’apparence facile et de belles variations, l’instrument demeure d’un volume modeste, au grave confidentiel et à l’aigu à peine esquissé, le soutien se dérobant à chaque montée. Parfois, la voix perd en outre soudainement toute rondeur sur certaines voyelles ouvertes à l’excès, des sonorités enfantines et droites le disputant à d’autres plus féminines, mais presque trop matures, comme artificielles. Elle laisse en outre paraître un tempérament d’une agréable fraicheur, mais aux émotions encore peu différenciées.
On retrouve avec bonheur les talents de comédien de Carlo Lepore, toujours parfait dans ces emplois de basse bouffe, passant en un éclair d’un affect à l’autre. Par ailleurs, il semble avoir éclairci son émission, et nous gratifie de quelques aigus parfaitement timbrés. Beau Basilio de la Giorgio Giuseppini, à la voix un rien usée mais toujours percutante et efficace dans l’air de la Calomnie, et faisant bruisser la salle par un grave sépulcral et sonore dans « Buona sera » à la seconde partie. Excellente surprise également que la Berta en pleine forme vocale de Sophie Pondjiclis, rendant de l’importance à ce personnage souvent sacrifié.
Le chœur du Théâtre des Champs-Elysées, quant à lui, offre une prestation solide et convaincante. Nous sommes moins convaincus, en revanche, par les affinités de Sir Roger Norrington avec l’univers du cygne de Pesaro. Si les fameux crescendi sont correctement exécutés – mais sans grande flamme – par un Orchestre de chambre de Paris en petite forme, la pâte instrumentale sonne souvent pesante, alourdie encore par la cymbale omniprésente et envahissante, sans parler des nombreuses coupures opérées dans la partition – pas de reprise avant la fin des airs, des morceaux de récitatifs disparaissent, une grande partie de l’air de Bartolo passe à la trappe -.
Une soirée pas exempte d’imperfections et de doutes, mais néanmoins agréable, grâce, surtout, au génie de Rossini.

Paris. Théâtre des Champs-Elysées, 14 juin 2013. Gioacchino Rossini : Il Barbiere di Siviglia. Livret de Cesare Sterbini. Avec Il Conte d’Almaviva : Cyrille Dubois ; Rosina : Julia Lezhneva ; Figaro : Roberto De Candia ; Bartolo : Carlo Lepore ; Basilio : Giorgio Giuseppini ; Berta : Sophie Pondjiclis ; Fiorello : Renaud Delaigue. Chœur du Théâtre des Champs-Elysées. Orchestre de chambre de Paris. Sir Roger Norrington, direction musicale.

Compte-rendu : Paris. TCE, Théâtre des Champs Elysées, le 14 juin 2013. Rossini : Le Barbier de Séville. Roberto de Candia, Julia Lezhneva… Sir Roger Norrington, direction.

roger norrington portrait faceLe Théâtre des Champs Élysées accueille Sir Roger Norrington dirigeant l’Orchestre de Chambre de Paris pour leur coproduction du Barbier de Séville de Rossini en version de concert.  Accompagnés par une excellente et enthousiaste distribution de chanteurs, les instrumentistes jouent de façon presque baroqueuse avec le grand maestro. L’éclat et la vivacité sont au rendez-vous.

 

 

Barbier de Séville historique

 

Sir Roger Norrington est l’une des figures emblématiques du mouvement historiquement informé (méthode HIP pour “Historically informed performance” ou pratique historiquement informée), où chaque interprétation est précédée d’une recherche organologique et musicologique particulièrement poussée. C’est l’un des génies qui ont osé s’éloigner des standards post-romantiques de performance musicale au 20e siècle. Non seulement par l’utilisation des instruments d’époque, optionnelle, mais notamment par la façon de jouer la musique, même avec instruments modernes. La notion de style et de jeu sont donc au cÅ“ur d’une recherche captivante. En ce qui concerne la musique du 18e siècle et avant, la pratique est logique et cohérente. Mais il s’attaque également au répertoire du 19e et l’effet est, pour dire le moindre, rafraîchissant! Le vibrato excessif cède la place aux timbres contrastés et à une certaine clarté contrapuntique. Dans ce sens l’Orchestre de chambre de Paris se montre plus brillant que jamais, plein de gaîté et d’esprit, souvent spectaculaire, excellent toujours! Les vents souvent vedettes, sont suprêmes  dans de l’orage au deuxième acte comme ils sont gracieux et vifs accompagnant le chant. Comme d’habitude, les musiciens sont fortement investis et leur enthousiasme est évident et … contagieux.

De même pour les chanteurs, très engagés et engageants malgré l’absence de mise en scène. Tous les rôles sont interprétés avec coeur. Roberto de Candia incarne Figaro avec panache. Il gère les acrobaties vocales peu fréquentes pour un baryton avec aisance et charisme. Il est toujours très présent et se projette brillamment en solo et dans les ensembles. Il n’éclipse pourtant pas le Comte de Cyrille Dubois (excellent Ferrando à Saint-Étienne), à la fois noble et drôle, ma non troppo. Si le public offre les plus chaleureux applaudissements pour leurs interventions, celle qui crée une plus grande excitation est sans doute la Rosina de la jeune soprano Julia Lezhneva. Quant elle chante “Una voce poco fa” au premier acte l’audience a du mal à arrêter les applaudissement. Ses aigus stratosphériques et insolents sont spectaculaires : ils inspirent la fureur d’un public très impressionné. Nous apprécions ses ornements réussis et la maîtrise incontestable qu’elle a de son instrument virtuose. C’est une voix puissante et pleine de caractère, qui se montre superbe technicienne. Cependant nous sommes de l’avis qu’elle peine à trouver un équilibre entre force et légèreté, et sa performance paraît plus démonstrative et concertante que sincère. Faute minuscule qu’elle améliorera sans doute avec l’expérience, et qui passe au second plan tant l’agilité de son instrument reste indiscutable.

Carlo Lepore et Giorgio Giuseppini interprètent Bartolo et Basilio respectivement. Ils sont tous les deux très présents,  particulièrement le dernier : la voix et la prestance, magnifiques dans son air de la calomnie demeure mémorable. Une mention également pour la superbe Berta de Sophie Pondjiclis pétillante, très présente, démontrant qu’il n’y a pas de petits rôles mais de … petits chanteurs. Le choeur du Théâtre des Champs Elysées est de même investi et d’une grande vivacité. Nous rejoignons au final le public pour la formidable et brillante coproduction, à la fois historique et innovante sous la baguette du pétillant Sir Roger.

Paris. Théâtre des Champs Elysées, le 14 juin 2013. Rossini : Le Barbier de Séville.  Choeur du Théâtre des Champs Élysées. Alexandre Piquion, direction. Roberto de Candia, Julia Lezhneva… Orchestre De chambre de Paris. Sir Roger Norrington, direction.

Illustration : Sir Roger Norrington (DR)