PARIS, Exposition Camille Saint-Saëns : 25 juin > 10 oct 2021

SAINT-SAENS-camille-portrait-centenaire-mort-de-camille-saint-saensPARIS, Exposition : « SAINT-SAĂ‹NS, un esprit libre » : 25 juin – 10 oct 2021. Le Palais Garnier Ă  PARIS, Ă  travers la Bibliothèque MusĂ©e de l’OpĂ©ra cĂ©lèbre le centenaire de la mort (1921 – 2021) du plus grand romantique français de la seconde moitiĂ© du XIXè : Camille Saint-SaĂ«ns (1835 – 1921), jamais couronnĂ© par le Prix de Rome ni reconnu Ă  sa juste valeur par les institutions Ă©tatiques ; aux cĂ´tĂ©s de Massenet, Saint-SaĂ«ns offre un visage diffĂ©rent du romantisme Ă  la française grâce Ă  son sens du drame (ses opĂ©ras Samson et Dalila ou Ascanio rĂ©cemment réévalué…), son Ă©lĂ©gance souveraine, sa virtuositĂ© pianistique (lui-mĂŞme pianiste, il a composĂ© pas moins de 5 concertos pour piano Ă©tonnants dont le dernier dit “Egyptien”, créé en 1896, dĂ©montre une voie artistique Ă  l’Ă©poque de l’acadĂ©misme et du wagnĂ©risme), le gĂ©nie de son orchestration (Symphonie avec orgue)… sont associĂ©s Ă  un don mĂ©lodique saisissant, d’une acuitĂ© aussi sĂ©duisante et onirique  que Ravel plus tard… (les Ă©lĂ©ments de sa suite du Carnaval des animaux continuent d’être utilisĂ©s pour exprimer la magie du Festival de Cannes, Ă  chaque Ă©dition…), le raffinement instrumental de sa Bacchanale conçue pour l’opĂ©ra Samson et Dalila est un modèle de transparence et de scintillements prĂ©figurant les Debussy et Roussel Ă  venir… Un choix de 200 pièces Ă©voque le parcours du compositeur hors normes dont le catalogue regroupe plus de 600 opus dont 13 opĂ©ras.

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Exposition : Saint-Saëns, un esprit libreexposition-saint-saens-paris-esprit-libre-classiquenews
BnF I OpĂ©ra national de Paris – 25 juin > 10 oct 2021
Bibliothèque – MusĂ©e du Palais Garnier/ EntrĂ©e Ă  l’angle des rues Scribe et Auber, Paris 9e
Tous les jours 10h > 17h
Plein tarif : 14€ – Tarif rĂ©duit : 10€
Entrée gratuite pour les moins de 12 ans et les demandeurs d’emploi – réservation recommandée sur bnf.tickeasy.com et via le réseau FNAC

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Commissariat
Marie-Gabrielle Soret, conservatrice au département de la Musique, BnF

 

 

 

 

 

Autour de l’exposition

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Mardi 11 mai 2021 – 18h15 / 19h30
Les Trésors de Richelieu : Concert conférence
Première Sonate pour violoncelle et piano de Saint-Saëns, par Marie-Gabrielle Soret Emmanuelle Bertrand, violoncelliste et Pascal Amoyel, pianiste
BnF I Richelieu – Auditorium Colbert (2, rue Vivienne – Paris 2e) – EntrĂ©e libre sur rĂ©servation Ă  rsvp@inha.fr

Vendredi 8 octobre 2021 – Petit Auditorium – 10h / 18h
3eme journée du colloque « Saint-Saëns d’un siècle à l’autre : héritage, réception, interprétation »
BnF I François-Mitterrand
EntrĂ©e libre – rĂ©servation recommandĂ©e via l’application Affluences ou sur affluences.com (rubrique Bibliothèques)

Vendredi 8 octobre 2021 – Grand Auditorium – 18h30 / 20h30
Concert de clĂ´ture du colloque
BnF I François-Mitterrand
Entrée tarif unique 10 euros – Réservation recommandée sur bnf.tickeasy.com et via le réseau Fnac Entrée gratuite pour les détenteurs d’un Pass lecture /culture ou recherche
réservation recommandée sur bnf.tickeasy.com

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Publication
Catalogue de l’exposition Saint-SaĂ«ns, un esprit libre 22 x 27 cm, 192 pages, env. 100 images, 39 euros – prĂ©sentation critique Ă  venir sur classiquenews.com

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APPROFONDIR, LIRE AUSSI

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saint-saens_camille_age_ioioioLIVRE Ă©vĂ©nement, compte-rendu critique. StĂ©phane LeteurĂ© : Camille Saint-SaĂ«ns, le compositeur globe-trotter (1857 – 1921), Actes Sud. MUSIQUE et POLITIQUE. Voici l’étendue des dĂ©placements et un premier portrait du Saint-SaĂ«ns voyageur, en Europe (Allemagne, Angleterre, Italie), dans cet Orient « africain » qu’avant lui Delacroix ou FĂ©licien David ont parcouru (AlgĂ©rie et Egypte), mais aussi en USA. L’auteur entend nous dĂ©voiler Ă  travers l’expĂ©rience du compositeur romantique français, une première analyse inĂ©dite celle dĂ©veloppĂ©e sous le prisme d’une « gĂ©opolitique musicale ». A l’heure de la mondialisation artistique, et aux projets esthĂ©tiques qui s’expatriant en atteignant une internationalisation saint_saens_globe-trotter-voyageur-sur-classiquenewsstandardisĂ©e, le cas Saint-SaĂ«ns confrontĂ© aux convulsions politiques de son Ă©poque, met a contrario en avant l’obligation pour l’artiste crĂ©ateur de prendre parti, selon le mouvement des nationalismes affrontĂ©s (en particulier entre France et Allemagne), selon les postures de la diplomatie dont, dans ses propres dĂ©placements, il ne peut Ă©carter les implications. IntĂ©ressant d’interroger ainsi la conscience politique d’un compositeur au hasard de ses dĂ©placements… Surtout Ă  notre Ă©poque oĂą bien peu (trop peu) de musiciens, artistes ou compositeurs, prennent parti pour tel ou tel combat : ce n’est pourtant pas les causes qui manquent dans notre monde dĂ©rĂ©glĂ©, perverti, corrompu. Bref. Ici, le monde de Saint-SaĂ«ns ne connaĂ®t pas l’horreur de nos temps prĂ©sents. LIRE notre critique complète de CAMILLE SAINT-SAĂ‹NS, compositeur globe-trotter : 1857 – 1921 (Actes Sud)

 

LIVRE, Ă©vĂ©nement, annonce.”LE FANTĂ”ME DE L’OPÉRA », LĂ©gendes et mystères au Palais Garnier par GĂ©rard FONTAINE (LES ÉDITIONS DU PATRIMOINE).

LIVRE, Ă©vĂ©nement, annonce.”LE FANTĂ”ME DE L’OPÉRA », LĂ©gendes et mystères au Palais Garnier par GĂ©rard FONTAINE (LES ÉDITIONS DU PATRIMOINE). GĂ©rard FONTAINE publie un texte richement illustrĂ© qui rĂ©capitule le mythe du fantĂ´me de l’opĂ©ra : depuis le roman originel de l’écrivain et enquĂŞteur Gaston Leroux (1910) qui cumule les rĂ©fĂ©rences propres Ă  la littĂ©rature fantastique… jusqu’à la comĂ©die musicale toujours jouĂ©e Ă  Londres et Ă  Broadway, musique de Andrew Loyd Weber (1986).

fantome-de-l-opera-fontaine-gerard-legendes-et-mysteres-palais-garnier-livre-annonce-critique-classiquenewsDu roman fameux, à la comédie musicale des années 1980, l’auteur mène sa propre enquête ; confronte les extraits forts du texte de Leroux à la réalité du Palais construit par Charles Garnier. De la fiction romanesque à la réalité de l’architecture, le texte fouille ce qui fonde le mythe : description du fantôme, bestiaire et réserve décorative de l’opéra inauguré en 1875… On y découvre combien l’Opéra Garnier est un monde à part, propice au délire poétique et à l’imaginaire. Dans la vision de Leroux puis les extrapolations qui ont suivi, le fantôme de l’Opéra fusionne avec le masque de la mort rouge fixé par Poe, et réalisé par Leroux dans la fameuse scène du bal masqué à l’opéra… Peu à peu grâce aux premiers illustrateurs pour le roman de Leroux, grâce aux films et photos du palais Garnier, les personnages du roman prennent vie. Oy détecte comment de filtres en fantasmes, le fantôme originel prend une tout autre face et allure que celle conçue par Leroux (qu’est devenu son masque de soie noire ?) ; on y comprend mieux le rôle des directeurs de l’opéra, de Christine, de Raoul… des danseuses et des musiciens, des décorateurs et des machinistes qui composent le premier plan et l’arrière scène, le contexte social et humain du roman de Leroux ; chaque élément du roman est confronté à la réalité du Palais Garnier tel que nous le connaissons. Mais plutôt que de mesurer de quelle façon Leroux a respecté la configuration réelle de l’Opéra de Charles Garnier, Georges Fontaine interroge le mythe, ses avatars, et aussi la formidable architecture de Garnier, laboratoire à produire du merveilleux et de l’illusion, technologiquement avancé ; autant de performances qui inspirent en réalité le texte de Leroux.

Ainsi sont dĂ©voilĂ©es entre autres les techniques rĂ©volutionnaires de Garnier, dĂ©tournĂ©es par Gaston Leroux : cuve Ă  double coque, colonnes creuses, fondations Ă  l’Ă©preuve des marĂ©cages… Et quand est-il du lac souterrain ? OĂą vivait rĂ©ellement le FantĂ´me ? Grande critique Ă  venir le jour de la parution du livre, le 31 octobre 2019.

 

 

 

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Présentation du Fantôme de l’Opéra par Gérard Fontaine
par les éditions du Patrimoine :

« Le fantôme de l’Opéra est une légende qui hante l’imaginaire collectif depuis plus d’un siècle et a été le sujet de nombreux films, sans compter les ballets ou les comédies musicales dont la principale tient l’affiche à Londres ou à Broadway depuis 1986. Mais sait-on qui se cache derrière cette histoire ?
Journaliste et romancier génial, Gaston Leroux est aussi l’auteur du Mystère de la chambre jaune ou du Parfum de la dame en noir. Fasciné par l’extraordinaire bâtiment inventé par Charles Garnier quelques décennies plus tôt, il y trouve l’inépuisable source qui a donné naissance à son Fantôme de l’Opéra. L’édifice regorge d’innovations techniques, relevant presque, pour l’époque, de la magie. La beauté du lieu, son atmosphère et les oeuvres qu’il abrite sont autant de points d’ancrage pour sa création.

fantome-de-l-opera-georges-fontaine-opera-palais-garnier-charles-garnier-critique-editions-du-patrimoine-classiquenewsAprès une parution en feuilleton dans le journal Le Gaulois, Leroux publie son roman en 1910. Auteur de nombreux ouvrages sur le Palais Garnier, Gérard Fontaine utilise ce prétexte pour nous entraîner à la découverte du mythe du fantôme et des personnages de Leroux, à travers les couloirs, avec les mystères de l’Opéra en filigrane, nous donnant les clés des trucs et astuces de Leroux. Il démêle pour nous le vrai du faux et instaure un dialogue à trois entre l’architecte talentueux, l’écrivain prolixe et le narrateur. Au fil d’une visite du bâtiment — qui parcourt notamment le bureau des directeurs, la salle, la fameuse loge n°5 du fantôme, la loge de Christine, les dessous de l’édifice, jusqu’à la demeure du lac où se tapit le fantôme pour écrire son « Opéra des opéras »…–, l’auteur nous invite à plonger au coeur d’une époque et du Palais Garnier.
Une mise en page brillante ressuscite l’art lyrique, la danse et tous les arts pour nous faire vibrer, avec le Paris 1900 en arrière-plan. »

 

 

 

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CLIC D'OR macaron 200LIVRE Ă©vĂ©nement, annonce. Le FantĂ´me de l’OpĂ©ra : LĂ©gendes et mystères au Palais Garnier par GĂ©rard Fontaine Parution : 31 octobre 2018 / Editions du Patrimoine – Prix : 35 € – 25 . 32 cm – 192 pages – 180 illustrations / ReliĂ© – EAN 9782757706831 – En vente en librairie

 

 

 

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Sommaire

LA VÉRITÉ DES APPARENCES,
MASQUES ET VISAGE DU FANTÔME
Les « Rats », rêves et réalités — Petits secrets du cabinet directorial — La Sorelli

LE DON JUAN TRIOMPHANT
La Loge truquée de Christine

LE SECRET DE LA PREMIĂRE LOGE N° 5
La vraie-vraie loge du directeur de l’Opéra en 1881

LA CHUTE DU LUSTRE DU PALAIS GARNIER COMME VOUS AURIEZ PU Y ĂŠTRE
Comment peut-on ĂŞtre Persan?

LA DEMEURE ET SON LAC
Ponts et merveilles

LE BAL MASQUÉ DE L’OPÉRA
Masques et mascarades — Travestissements et travestis

SIGNÉ LEROUX
Épilogue
Filmographie

 

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L’auteur
Docteur en philosophie, administrateur culturel, Gérard Fontaine est un spécialiste réputé de l’opéra auquel il a rendu maintes fois hommage, notamment avec Décor d’opéra : un rêve éveillé (Flammarion, 1996), Palais Garnier, le fantasme de l’opéra (Agnès Viénot Éditions, 1999). Il a publié aux Éditions du patrimoine, en partenariat avec l’Opéra national de Paris : L’Opéra de Charles Garnier, architecture et décor extérieur (2000) ; Palais Garnier, Opéra national de Paris, collection « Itinéraires » (2001) ; Visages de marbres et d’airain, la collection des bustes du Palais Garnier, collection «Thématiques» (2003), L’Opéra de Charles Garnier, architecture et décor intérieur (2004), L’Opéra de Charles Garnier, collection « Monographies d’édifices » (2018).

EXPO. PARIS, Palais Garnier, Le grand opéra 1828-1867, jusqu’au 2 février 2020.

exposition-grand-opera-specacle-de-l-histoire-palais-garnier-BNF-opera-de-paris-annonce-critique-visite-presentation-classiquenews-CLASSIQUENEWSEXPO. PARIS, Palais Garnier, Le grand opĂ©ra 1828-1867 : Le spectacle de l’Histoire, jusqu’au 2 fĂ©vrier 2020. A partir du 24 octobre 2019, le Palais Garnier Ă  Paris (Bibliothèque musĂ©e de l’opĂ©ra), accueille sa nouvelle exposition intitulĂ©e « Le grand opĂ©ra, 1828-1867, le spectacle de l’Histoire ». L’exposition cĂ©lèbre les 350 ans de la naissance de l’Institution de l’OpĂ©ra, ex AcadĂ©mie de musique, royale ou impĂ©riale… selon les rĂ©gimes. C’est une nouvelle initiative de cĂ©lĂ©bration Ă  laquelle participe aussi l’exposition du MusĂ©e d’Orsay : Degas Ă  l’OpĂ©ra. Le Palais Garnier expose tableaux, maquettes de dĂ©cors, manuscrits musicaux qui composent une traversĂ©e analytique et critique sur la crĂ©ation lyrique et chorĂ©graphique – entre 1828 et 1867. La prĂ©cĂ©dente exposition «  Un air d’Italie » (jusqu’au 1er septembre 2019) Ă©voquait l’histoire de l’OpĂ©ra de Paris de Louis XIV Ă  la RĂ©volution, et retraçait l’histoire de la première scène lyrique française de 1669 Ă  1791 ; le nouvel accrochage « le grand opĂ©ra » prend la relève et prĂ©cise l’histoire lyrique de la pĂ©riode suivante, c’est Ă  dire l’évolution de l’opĂ©ra, Ă  la fois genre et lieu de crĂ©ation tout au long du XIXè, soit le spectacle de l’Histoire, qui explore la pĂ©riode de 1828 Ă  1867.

Le parcours muséographique souligne les liens entre le sujet (le grand opéra à la française) et le siècle – le XIXe – et la ville – Paris – ; le grand opéra français se caractérise aussi par une scénographie fastueuse et la présence du ballet (très attendu des abonnés qui y font leur « marché »… ce que représente suggestivement Degas à la fin du siècle).

Sous le Premier Empire, Médée de Cherubini et La Vestale de Spontini font figure de premiers modèles. En 1828, Auber, avec La Muette de Portici, puis Rossini en 1829, inaugurent véritablement le grand opéra français.

Meyerbeer donne au grand opéra un nouveau souffle : Robert le Diable, Les Huguenots, Le Prophète rencontrent leur public : et sont célébrés par les spectateurs (bien oubliés aujourd’hui).
Equivalent sur les planches lyriques de la peinture d’histoire, le grand opéra témoignent aussi des passions du temps : A l’époque où Mérimée, Guizot ou Viollet-le-Duc valorisent l’idée du patrimoine national, la France de Louis-Philippe, se passionne pour l’Histoire ; le roi crée à Versailles son Musée « à toutes les gloires de la France ». L’opéra français suit la même direction : l’histoire s’invite sur la scène parisienne à travers la musique et la danse.

 

 

 

PARIS, exposition « Le grand opĂ©ra, spectacle de l’Histoire », Palais Garnier, bibliothèque-musĂ©e de l’OpĂ©ra de Paris – Du 24 octobre 2019 au 2 fĂ©vrier 2020. Tous les jours de 10h Ă  17h (accès jusqu’à 16h30), sauf fermetures exceptionnelles.

Bibliothèque-musée de l’Opéra
Palais Garnier – Paris 9ème
Entrée à l’angle des rues Scribe et Auber
TARIFS : Plein Tarif : 14€ Tarif Réduit : 10€

 

 

 

PALAIS GARNIER BIBLIOTHĂQUE-MUSÉE DE L’OPÉRA du 24 octobre 2019 au 2 fĂ©vrier 2020

Illustration :
Esquisse de décor pour Gustave III ou Le bal masqué, acte V, tableau 2, opéra, plume, encre brune, lavis d’encre et rehauts de gouache. BnF, département de la Musique, Bibliothèque- musée de l’Opéra © BnF / BMO

COMPTE RENDU, critique, ballet. PARIS, Opéra National de Paris, le 30 juin 2019. Mats Ek / Jonathan Darlington.

COMPTE-RENDU, ballet. Paris. Palais Garnier, le 30 juin 2019. Carmen, Another Place, Boléro. Mats Ek, chorégraphies. Staffan Scheja, piano. Orchestre de l’Opéra, Jonathan Darlington, direction. Ballet de l’opéra. Le chorégraphe contemporain suédois Mats Ek sort de sa retraite pour deux créations mondiales et une entrée au répertoire du Ballet de l’Opéra National de Paris en cette toute fin de saison 2018-2019. L’occasion de découvrir sa Carmen rouge sang de haut impact sur les planches du Palais Garnier, et de voir un nouveau « solo pour deux danseurs » ainsi qu’une nouvelle relecture de l’archicélèbre Boléro de Ravel. Il en découle un programme immanquable qui est agrémenté des performances redoutables de Staffan Scheja au piano et de l’Orchestre de l’Opéra, dirigé par le chef Jonathan Darlington.

 

 

 

Revenir Ă  Paris, y danser la Vie

 

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Le triptyque commence avec l’entrée au répertoire de « Carmen », ballet d’une cinquantaine de minutes sous la musique génialissime de Rodion Chtchedrine, une sorte de transfiguration d’après Bizet. Le couple de Carmen et Don José est interprété par l’Étoile Eleonora Abbagnato et le Coryphée (!) Simon Le Borgne. Si nous attendions de la première la performance tonique et habitée qu’elle nous a offerte, avec un magnétisme affolant dans l’incarnation de notre gitane espagnole préférée, nous sommes dans la surprise et l’admiration absolue devant la performance, électrique et dramatique, du dernier. Des belles personnalités se révèlent dans les rôles secondaires, comme la caractérielle M de Muriel Zusperreguy … aux bras expressifs à souhait, le Gipsy sympathique et même alléchant de Takeru Coste ou encore l’Escamillo de Florent Melac, théâtral et affecté dans son excellente interprétation du toréador. Le ballet narratif de Mats Ek garde toute sa fraîcheur comme sa pertinence artistique, 27 ans après sa création mondiale. Sa Carmen est à l’instar de son œuvre et de son langage chorégraphique : iconoclaste, exigeante, stimulante, une LED multicolore dans un milieu souvent monotone jaune-chandelle.

La création mondiale du duo « Another Place » a eu lieu le soir de la première dans une autre distribution. Pour notre venue, en sont les créatrices, les Étoiles Stéphane Bullion et Ludmilla Pagliero. Lui, est la perfection totale dans ce langage chorégraphique qui cherche l’étrange, l’autre, l’autre mouvement, le mouvement autrement. Il maîtrise merveilleusement la désarticulation Eksienne, et paraît toujours sans effort dans ses sauts comme sans défaut dans ses atterrissages. Il montre ce soir, en plus, des talents grandissants de comédien. Son corps est son livret, et nous aimons à en rire et à en mourir l’histoire qu’il nous raconte avec les mots de Mats Ek, toujours touchant dans l’aspect très humain de ses ballets.
La Pagliero est une révélation ! Par l’humour, par l’aplomb, par tout l’éventail des sentiments qu’elle représente en mouvement. Le tout sous la musique unique de la Sonate en si mineur de Franz Liszt, brillamment exécutée par le pianiste Staffan Scheja. Un « solo pour deux danseurs » d’une poésie indéniable, duquel nous sommes témoins privilégiés des complexités des relations humaines ; dont le fil rouge est toujours l’instabilité.

Pour clore cette fabuleuse soirĂ©e, passons au BolĂ©ro, créé Ă©galement le soir de la première, et dansĂ© presque exclusivement par le corps de ballet. Il y a une baignoire au milieu du plateau qui se remplie d’eau par le geste rĂ©pĂ©titif de Niklas Ek, frère aĂ®nĂ© du chorĂ©graphe, pendant que les danseurs font sur scène ce qu’ils doivent faire, et ce n’est pas seulement aller Ă  droite et Ă  gauche, sauter par ci et par lĂ , se porter les uns les autres… C’est comme une sorte de clin d’œil Ă  l’œuvre musicale la plus vendue au monde et qui a Ă©tĂ© largement dĂ©criĂ©e par son compositeur. Si le ballet peut paraĂ®tre vide comme la partition, presque parfaitement exĂ©cutĂ©e par l’orchestre, nous sommes de l’avis qu’il s’agĂ®t lĂ  d’un commentaire artistique. Pendant que nous sommes hypnotisĂ©s par la musique et les mouvements rĂ©pĂ©titifs, nous sommes dans l’au-delĂ , au-delĂ  des prĂ©occupations mondaines et spirituelles, dans la salle les cĹ“urs palpitent comme dans la fosse et sur scène. Dans ce continuum musical et chorĂ©graphique indescriptible, se dĂ©tachent quelques personnalitĂ©s, comme Sofia Rosolini, Roxane Stojanov, Giorgio Fourès, ou encore les plus connus Marc Moreau et Fabien RĂ©villion. RĂ©jouissante cohĂ©sion des corps.

 

 

 

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COMPTE RENDU, critique, ballet. PARIS, Opéra National de Paris, le 30 juin 2019. Mats Ek / Jonathan Darlington. Un programme de fin de saison qui a tout pour plaire pour le plus grand nombre. A voir absolument ! A l’affiche au Palais Garnier les 5, 6, 8, 9, 11, 12 et 14 juillet 2019.

 

 

   

 

 

Compte rendu, opéra. Paris, Palais Garnier, le 16 septembre 2016. Cavalli : Eliogabalo, recréation. Franco Fagioli… Leonardo Garcia Alarcon, direction musicale. Thomas Jolly, mise en scène.

eliogabalo-cavalli-compte-rendu-critique-opera-palais-garnierCompte rendu, opéra. Paris, Palais Garnier, le 16 septembre 2016. Cavalli : Eliogabalo (1667), recréation. Franco Fagioli… Leonardo Garcia Alarcon, direction musicale. Thomas Jolly, mise en scène. D’emblée, on savait bien à voir l’affiche du spectacle (un homme torse nu, les bras croisés, souriant au ciel, à la fois agité et peut-être délirant… comme Eliogabalo?) que la production n’allait pas être féerique. D’ailleurs, le dernier opéra du vénitien Cavalli, célébrité européenne à son époque, et jamais joué de son vivant, met en musique un livret cynique et froid probablement du génial Busenello : une action d’une crudité directe, parfaitement emblématique de cette désillusion poétique, oscillant entre perversité politique et ivresse sensuelle… Chez Giovanni Francesco Busenello, l’amour s’expose en une palette des plus contrastées : d’un côté, les dominateurs, manipulateurs et pervers ; de l’autre les épris transis, mis à mal parce qu’ils souffrent de n’être pas aimés en retour. Aimer c’est souffrir ; feindre d’aimer, c’est posséder et tirer les ficelles. La lyre amoureuse est soit cruelle, soit douloureuse. Pas d’issue entre les deux extrêmes.

PRINCE “EFFEMINATO”… Au sommet de cette barbarie parfaitement inhumaine, l’Empereur Eliogabalo a tout pour plaire : trahir est son but, parjurer serments et promesses, possĂ©der pour jouir, mais surtout ĂŞtre dieu lui-mĂŞme voire changer les saisons et, selon la mode lĂ©guĂ©e par l’Egypte antique, se couvrir d’or (ce qui est superbement manifeste dans un tableau parmi le plus rĂ©ussis, au III : Eliogabalo y paraĂ®t, lascif, concupiscent solitaire… en son bain d’or).
De fait, Busenello avait travailler avec Monteverdi – maĂ®tre de Cavalli- dans Le Couronnement de PoppĂ©e (L’Incoronazione di Poppea, 1643) oĂą perçait la folie politique d’un jeune empereur abâtardi par sa faiblesse et sa grande perversitĂ© : un jouisseur lui-aussi, d’une infecte dĂ©bilitĂ©, n’aspirant non pas Ă  rĂ©gner mais assoir sur le trĂ´ne impĂ©rial sa nouvelle maĂ®tresse, PoppĂ©e (quitte Ă  assassiner son conseiller philosophe SĂ©nèque, Ă  rĂ©pudier son Ă©pouse en titre Octavie). Ici rien de tel mais des dĂ©lires tout autant inouĂŻs qui dĂ©voilent l’ampleur du dĂ©règlement psychique dont souffre en rĂ©alitĂ© le jeune Eliogabalo : dĂ©cider la crĂ©ation d’un SĂ©nat composĂ© uniquement de femmes… (en rĂ©alitĂ© pour y capturer sa nouvelle proie fĂ©minine : Gemmira) ; organiser un banquet oĂą seront versĂ©s Ă 

 

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des cibles bien choisies, puissant somnifère et poison définitif ; ou bien encore, décider de nouveaux jeux avec gladiateurs… afin d’éliminer son principal ennemi, Alessandro (dont le crime n’est rien d’autre que d’être l’aimé de cette Gemmera tant convoitée).

 

 

 

Busenello et Cavalli, après Monteverdi, élaborent un âge d’or de l’opéra vénitien au XVIIème…

Perversité du prince, langueur douloureuse des justes…

 

Intrigues, manipulations, mensonges, assassinat… les tentatives d’Eliogabalo pour conquérir la femme de son choix sont multiples mais tous sont frappés d’échec et d’impuissance. Ce prince pervers est aussi celui de … la stérilité triomphante : Busenello tire le portrait d’un despote méprisable qui finit décapité. Ainsi son dernier grand air de conquête de Gemmira où l’Empereur se voit gifler par un « non » retentissant, dernière mur avant sa chute finale. Busenello s’ingénie à portraiturer l’inhumanité corrompue et débile d’un pauvre décérébré qui est aussi dans la filiation évidente de son Néron montéverdien du Couronnement de Poppée précédemment cité, la figure emblématique du roi débile « effeminato », en rien vertueux ni hautement moral comme c’est le cas a contrario, de cet Alessandro dont le couronnement conclue l’opéra (en un somptueux quatuor amoureux).

 


Sur ce fond de cynisme et de perversion continus, les « justes » en souffrance ne cessent d’exprimer en fins lamentos, la déchirante lyre de leur impuissance amoureuse. Busenello, en particulier au III, dans le duo des « empêchés » Giuliano et Eritea, exprime une poétique amoureuse pleine de raffinement nostalgique et délicieusement désespérée : une veine expressive qui tout en caractérisant l’opéra vénitien du XVIIè, particularise aussi sa manière ainsi noire mais scintillante. L’opéra compte en effet nombres de couples « impossibles », éprouvés : Alessandro aime Gemmira qui ne cesse de le défier et feint de se laisser séduire par l’Empereur ; Atilia aime Alessandro… en pure perte ; et Giuliano, le frère de Gemmira, aime désespérément la belle Eritea, laquelle se retire de toute séduction avec lui car violée par l’Empereur, elle ne cesse de réclamer cette union, promise par ce dernier, qui lui rendrait l’honneur perdu : c’est d’ailleurs sur cette revendication légitime que s’ouvre l’opéra.
Propre au théâtre vĂ©nitien du Seicento (XVIIème siècle), l’action cumule en une surenchère de plus en plus tendue, l’odieuse cruautĂ© du jeune Empereur, d’autant qu’il est en cela, stimulĂ© par sa garde rapprochĂ©e : les deux intrigants Ă  sa solde : Zotico et la vieille Lenia ; la langueur des amoureux impuissants ; et des tableaux dĂ©lirants mais furieusement poĂ©tiques comme cette apparition fantasmatique, fantastique des monstrueux hiboux, lesquels en envahissant le banquet du II, mettent Ă  mal le projet d’assassinat d’Eliogabalo… c’est avec la scène du bain d’or au III, l’épisode visuel le plus rĂ©ussi. D’oĂą vient cette idĂ©e de hiboux grotesques, colossaux, s’emparant de la scène humaine ? L’invention de Busenello s’affirme Ă©trangement moderne.

 

 

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Visuellement et dramatiquement, l’imaginaire conçu / rĂ©alisĂ© par le metteur en scène et homme de théâtre, Thomas Jolly, rĂ©ussit Ă  exprimer la laideur infantile du jeune empereur dĂ©bile et Ă  l’inverse, la grandeur morale des justes : Alessandro, Eritea, Gemmira, surtout Giuliano : chacun a de principes et des valeurs auxquels ils restent inĂ©luctablement fidèles. D’autant que les tentations Ă  rompre leur foi, sont lĂ©gions tout au long de l’opĂ©ra. Pour traduire cette opposition des sentiments et cette tension qui va crescendo, des faisceaux de lumière – comme ceux que l’on constate dans les concerts de variĂ©tĂ© et de musique pop-, concrĂ©tisent les cordes de la lyre amoureuse dont nous avons parlĂ© : faisceaux verticaux qui dĂ©limitent une arène (oĂą se joue l’exacerbation des sentiments affrontĂ©s) au I ; faisceaux indiquant une nacelle qui semble piĂ©ger les coeurs Ă©prouvĂ©s, au II ; enfin vĂ©ritable toile arachnĂ©enne (dĂ©but du III) oĂą la proie n’est pas celle que l’on pense : car dans le trio qui paraĂ®t alors, Eritea, Gemmera et Giuliano, se sont bien les victimes de la perversitĂ© impĂ©riale qui veulent la tĂŞte de l’empereur sadique. La mise en scène cultive les effets de lumière, crue ou voilĂ©e, dĂ©terminant un espace Ă©touffant oĂą s’insinuent l’intrigue et les agissements en sous-mains.

 

Vocalement, domine incontestablement la Gemmari, de plus en plus volontaire de Nadine Sierra : à la fin, c’est elle qui « ose » ce que personne ne voulait commettre ; distinguons aussi le très séduisant et raffiné Giuliano de Valer Sabadus dont la voix trouve son juste format et de vraies couleurs émotionnelles, malgré la petitesse de l’émission ; l’immense acteur, toujours juste et d’une truculence millimétrée : Emiliano Gonzalez Toro qui fait une Lenia, matriarcale, intriguant et hypocrite à souhaits : son incarnation marque aussi l’évolution des derniers rôles travestis, habituellement dévolus aux confidentes et nourrices (ce que le ténor a chanté, dans L’Incoronazione di Poppea justement). L’autre ténor vedette, Paul Groves assoit en une conviction qui se bonifie en cours de soirée, l’éclat moral d’Alessandro, l’exact opposé d’Eliogabalo : il est aussi vertueux et droit qu’Eliogabalo est retors et tordu. Marianna Flores (Atilia) déborde d’une féminité touchante par sa naïveté dépourvue de tout calcul ; enfin, Franco Fagioli, manifestement fatigué pour cette première, malgré une projection vocale (surtout les aigus dépourvus d’éclat comme de brillance) ne peut se défaire d’un chant plutôt engorgé qui passe difficilement l’orchestre, mais le chanteur reste exactement dans le caractère du personnage : son Eiogabalo n’émet aucune réserve dans l’intonation comme l’attitude : tout transpire chez lui la vanité du puissant qui se rêve dieu, comme la débilité pathétique d’un être fou, finalement fragile, aux caprices des plus infantiles : ses deux derniers airs développés (au bain d’or puis dans sa dernière étreinte sur Gemmira, au III) expriment avec beaucoup de finesse, l’impuissance réelle du décadent taré. Souhaitons que le contre ténor vedette (qui publie fin septembre un recueil discographique rossinien très attendu chez Deutsche Grammophon) saura se ménager pour les prochaines soirées.

En fosse, Leonardo Garcia Alarcon pilote Ă  mains nues, un effectif superbe en qualitĂ©s expressives : onctueux dans les lamentos et duos langoureux ; vindicatif et percussif quand paraĂ®t Eliogabalo et sa cour infecte. Le chef retrouve le format sonore originel des théâtres d’opĂ©ra Ă  Venise : musique chambriste aux couleurs et accents ciselĂ©s, au service du chant car ici rien ne saurait davantage compter que l’articulation souveraine et naturelle du livret. En cela, le geste du maestro, fondateur et directeur musical de sa Cappella Mediterranea, nous rĂ©gale continĂ»ment tout au long de la soirĂ©e (soit près de 4h, avec les 2 entractes) par sa pâte sonore claire et raffinĂ©e, sa balance idĂ©ale qui laisse se dĂ©ployer le bel canto cavalier. Saluons l’excellente prestation des chanteurs du ChĹ“ur de chambre de Namur (idĂ©alement prĂ©parĂ© par Thibaut Lenaerts) : c’est bien le meilleur chĹ“ur actuel pour toute production lyrique baroque.

 

 

En somme, une production des plus recommandables qui réactive avec délices, la magie pourtant cynique de l’opéra vénitien à son zénith. A voir à l’Opéra Garnier à Paris, jusqu’au 15 octobre 2016. Courrez applaudir la cohérence musicale et visuelle de cette récréation baroque où les spectateurs parisiens retrouvent la fascination pour les auteurs de Venise, exactement comme à l’époque de Mazarin, c’est à dire pendant la jeunesse (et le mariage) du futur Louis XIV, la Cour de France éduquait son goût à la source vénitienne, celle du grand Cavalli…

LIRE aussi notre présentation et dossier spécial : Eliogabalo de Cavalli à l’Opéra Garnier, à Paris

 

 

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PEINTURE. Voluptueux et lascif, Eliogabalo est peint par Alma Tadema, comme un jeune empereur abonné aux plaisirs parfumés et mous (DR) :

 

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PARIS, ce soir, première d’ELIOGABALO de Cavalli au Palais Garnier

Cavalli_francescoPARIS, Palais Garnier : Eliogabalo de Cavalli : 14 septembre-15 octobre 2016. RecrĂ©ation baroque attendue sous les ors de Garnier Ă  Paris… Grâce au musicologue Jean-François Lattarico (collaborateur sur classiquenews, et auteur rĂ©cent de deux nouveaux ouvrages sur l’opĂ©ra vĂ©nitien du Seicento et sur le librettiste Giovan Francesco Busenello), les opĂ©ras de Cavalli connaissent un sursaut de rĂ©habilitation. Essor justifiĂ© car le plus digne hĂ©ritier de Monteverdi aura Ă©bloui l’Europe entière au XVIIè, par son sens de la facĂ©tie, un cocktail dĂ©capant sur les planches alliant sensualitĂ©, cynisme et poĂ©sie, mĂŞlĂ©s. Avec Eliogabalo, recrĂ©ation et nouvelle production, voici assurĂ©ment l’évĂ©nement en dĂ©but de saison, du 14 septembre au 15 octobre 2016, soit 13 reprĂ©sentations incontournables au Palais Garnier. Avec le Nerone de son maĂ®tre Monteverdi dans Le couronnement de PoppĂ©e, Eliogabalo illustre cette figure mĂ©prisable et si humaine de l’âme faible, « effeminata », celle d’un politique pervers, corrompu, perverti qui ne maĂ®trise pas ses passions mais en est l’esclave clairvoyant et passif… Superbe production Ă  n’en pas douter et belle affirmation du Baroque au Palais Garnier. Leonardo Garcia Alarcon, direction musicale. Thomas Jolly, mise en scène. Avec entre autres : Franco Fagioli dans le rĂ´le-titre ; Valer Sabadus (Giuliano Gordie)… soit les contre tĂ©nors les plus fascinants de l’heure. Un must absolu.

 

 

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Elagabalo_(203_o_204-222_d.C)_-_Musei_capitolini_-_Foto_Giovanni_Dall'Orto_-_15-08-2000HISTOIRE ROMAINE. L’histoire romaine laisse la trace d’un empereur apparentĂ© aux Antonins et Ă  Caracalla (auquel il ressemblait Ă©trangement), Varius Avitus Bassianus dit HĂ©liogabale ou Elagabal, devenu souverain impĂ©rial Ă  14 ans en 218. L’adolescent, politique prĂ©coce, ne devait rĂ©gner que … 4 annĂ©es (jusqu’en 222). Le descendant des Bassianides, illustre clan d’Emèse, en raison d’une historiographie Ă  charge, reprĂ©sente la figure emblĂ©matique du jeune prince pervers et dissolu, opposĂ© Ă  son successeur (et cousin), le vertueux Alexandre SĂ©vère. En rĂ©alitĂ©, l’empereur n’Ă©tait q’un pantin aux ordres de sa mère, l’ambitieuse et arrogante Julia Soaemias / Semiamira (comme ce que fut Agrippine pour NĂ©ron). PrĂŞtre d’Elagabale, dieu oriental apparentĂ© Ă  Jupiter, HĂ©liogabale tenta d’imposer le culte d’Elagabale comme seule religion officielle de Rome. Le jeune empereur plutĂ´t portĂ© vers les hommes mĂ»rs, Ă©pousa ensuite les colosses grecs HiĂ©roclès et Zotikos, scandalisant un peu plus les romains. Les soldats qui l’avaient portĂ© jusqu’au trĂ´ne, l’en dĂ©mit aussi facilement prĂ©fĂ©rant honorer Alexandre SĂ©vère dont la rĂ©putation vertueuse sembla  plus conforme au destin de Rome. Une autre version prĂ©cise que c’est la foule romaine dĂ©chainĂ©e et choquĂ©e par ses turpitudes en sĂ©rie qui envahit le palais impĂ©rial et massacra le corps du jeune homme, ensuite trainĂ© comme une dĂ©pouille maudite dans les rue de la ville antique.

busenello_giovan_francesco_monteverdi_poppea_statiraCAVALLI, 1667. Utilisant Ă  des fins moralisatrices, le profil historique du jeune empereur, Cavalli brosse de fait le portrait musical d’un souverain “langoureux, effĂ©minĂ©, libidineux, lascif”… le parfait disciple d’un NĂ©ron, tel que Monteverdi l’a peint dans son opĂ©ra, avant Cavalli (Le Couronnement de PoppĂ©e, 1642). En 1667, Cavalli offre ainsi une action cynique et barbare, oĂą vertus et raisons s’opposent Ă  la volontĂ© de jouissance du prince. Mais s’il habille les hommes en femmes, et nomme les femmes au SĂ©nat (elles qui en avaient jusqu’Ă  l’interdiction d’accès), s’il ridiculise les gĂ©nĂ©raux et rĂ©gale le commun en fĂŞtes orgiaques et somptuaires, Eliogabalo n’en est pas moins homme et sa nature si mĂ©prisable, en conserve nĂ©anmoins une part touchante d’humanitĂ©. Sa fantaisie perverse qui ne semble connaĂ®tre aucune limite, ne compenserait-elle pas un gouffre de solitude angoissĂ©e ? En l’Ă©tat des connaissances, on ignore quel est l’auteur du livret du dernier opĂ©ra de Cavalli, mais des soupçons forts se prĂ©cisent vers le gĂ©nial Ă©rudit libertin et poète, Giovan Francesco Busenello, dont la philosophie pessimiste et sensuelle pourrait avoir soit produit soit influencĂ© nombre de tableaux de cet Eliogabalo, parfaitement reprĂ©sentatif de l’opĂ©ra vĂ©nitien tardif.

Eliogabalo de Cavalli au Palais Garnier Ă  Paris
Du 14 septembre au 15 octobre 2016
Avec
Franco Fagioli, Eliogabalo
Paul Groves, Alessandro Cesare
Valer Sabadus, Giuliano Gordio
Marianna Flores, Atilia Macrina
Emiliano Gonzalez-Toro, Lenia

La Cappella Mediterranea
Choeur de Chambre de Namur (préparé par Thibault Lenaerts)
Leonardo Garcia Alarcon, direction
Thomas Jolly, mise en scène

LIRE notre dossier spécial Eliogabalo recréé au Palais Garnier à Paris 

PARIS. Nouveau Lear Ă  Garnier

LEAR-REIMANN-palais-garnier-bo-skovhus,-presentation-annonce-classiquenewsPARIS, Palais Garnier : LEAR d’Aribert Reimann : 23 mai-12 juin2016. Nouveau spectacle Ă  partir du 23 mai au Palais Garnier. VIEILLARD DETRUIT… Le Palais Garnier Ă  Paris, remonte un ouvrage qui n’y avait pas Ă©tĂ© produit depusi sa crĂ©ation en … 1982, soit il y a 34 ans… Lear impose chez Shakespeare, la figure d’un roi prĂŞt Ă  renoncer, pour qui le pouvoir n’est que vanitĂ© et dont la gĂ©nĂ©reuse tendresse pour ses proches – ses trois filles aimĂ©es, aimantes- l’amène Ă  offrir le pouvoir au risque de transformer ses propres enfants, en monstres dĂ©naturĂ©s, parfaitement barbares, entre eux, et aussi contre celui qui leur a donnĂ© la puissance. C’est entendu, le pouvoir et la politique rendent fou : ils transforment ceux qui devraient servir les autres, en tortionnaires habiles et masquĂ©s. La politique crĂ©e des monstres cruels et sadiques, dĂ©shumanisĂ©s. Rien n’est comparable Ă  la peine solitaire d’un père qui a malgrĂ© lui suscitĂ© la transformation infecte de ses descendants. ‘enfer est pavĂ© de bonnes intentions et Shakespeare dĂ©voile tout ce qui menace l’ordre social et la famille.

Les deux pères Lear et Gloucester qui a pris son parti se rĂ©pondent dans leur impuissance : le premier est errant, en vain dĂ©fendu par les français ; le second, dĂ©chirĂ© et dĂ©truit par ses deux fils. Mais dans ce sombre tableau qui engage les morts sans compter, la figure d’Edgar, le fils illĂ©gitime se dresse contre l’ignominie. C’est lui quisauve son père du suicide et tue l’indigne frère Edmond qui Ă©tait devenue l’amant et le gĂ©nĂ©ral de l’odieuse fille ainĂ©e de Lear, Goneril. Le mythe du vieillard politique dĂ©voilant l’infecte rĂ©alitĂ© humaine au soir de sa vie a suscitĂ© bien des envies musicales, surtout des vellĂ©itĂ©s lĂ©gendaires : Berlioz (ouverture), Debussy (essais de musique de scène pour AndrĂ© Antoine), surtout Verdi, habitĂ©, terrifiĂ© par le sujet (Ă  Mascagni : ” je reste Ă©pouvantĂ© par le tableau du vieillard dĂ©truit solitaire sur la lande…”), dès 1843, mais toujours dĂ©sespĂ©remment sec Ă  son Ă©gard, comme dĂ©passĂ© par le souffle et la vĂ©ritĂ© shakespearienne qui s’en dĂ©gagent. C’Ă©tait compter sans l’intuition visionnaire d’un baryton ayant mesurĂ© l’Ă©paisseur et la dĂ©mesure troublante d’un personnage taillĂ© pour son chant intĂ©rieur et racĂ© : Dietrich Fischer Dieskau ; le diseur lĂ©gendaire sollicite d’abord Britten, puis le pianiste qui depuis 1957 avait coutume d’accompagner de grands chanteurs, soit Aribert Reimann nĂ© en 1936, lequel se montre rĂ©servĂ©, mais lui-mĂŞme hantĂ© par le sujet et saisi par la prose de Shakespeare, passe Ă  la composition, en particulier lorsque l’OpĂ©ra de Munich par un hasard heureux, confirme en 1975 la nĂ©cessitĂ© d’Ă©crire un nouvel opĂ©ra, en passant une commande officielle dans ce sens Ă  Reimann. L’opĂ©ra sera créé en en juillet 1978 avec Dietrich Fischer Dieskau dans la mise en scène de Jean-Pierre Ponnelle.
A Paris, pour ce printemps oĂą l’on fĂŞte les 400 ans de la mort de William Shakespeare, le metteur en scène fantasque et dĂ©lirant catalan, Calixto Bieito aborde la figure du vieillard saisi par l’effroi, avec Bo Skovhus dans le rĂ´le bouleversant de Lear. La production shakespearienne Ă  Garnier est d’autant plus attendue que Bieito a fait ses dĂ©buts au Festival de Salzbourg avec une mise en scène de Macbeth, puis d’Hamlet au Festival international d’Edimbourg en 2003.

 

 

LEAR d’Aribert Reimann
OPÉRA EN DEUX PARTIES
Créé à Munich en 1978
MUSIQUE : Aribert Reimann (né en 1936)
LIVRET : Claus H. Henneberg
D’APRĂS William Shakespeare,
King Lear
En langue allemande
Surtitrage en français et en anglais

Fabio Luisi, direction musicale
Calixto Bieito, mise en scène

KĂ–NIG LEAR : Bo Skovhus
KĂ–NIG VON FRANKREICH : Gidon Saks
HERZOG VON ALBANY : Andreas Scheibner
HERZOG VON CORNWALL : Michael Colvin
GRAF VON KENT : Kor-Jan Dusseljee
GRAF VON GLOSTER : Lauri Vasar
EDGAR : Andrew Watts
EDMUND : Andreas Conrad
GONERIL : Ricarda Merbeth
REGAN : Erika Sunnegardh
CORDELIA : Annette Dasch
NARR : Ernst Alisch
BEDIENTER : Nicolas Marie
RITTER : Lucas Prisor

7 représentations du 23 mai au 12 juin 2016
(3h, dont un entracte)
En langue allemande, surtitrée en anglais et en français

lundi 23 mai 2016 – 19h30
jeudi 26 mai 2016 – 19h30
dimanche 29 mai 2016 – 14h30
mercredi 1er juin 2016 – 20h30
lundi 6 juin 2016 – 19h30
jeudi 9 juin 2016 – 19h30
dimanche 12 juin 2016 – 19h30

INFORMATIONS / RÉSERVATIONS
par Internet : www.operadeparis.fr
par téléphone : 08 92 89 90 90 (0,34€ la minute)
téléphone depuis l’étranger : +33 1 72 29 35 35
aux guichets : au Palais Garnier et à l’Opéra
Bastille tous les jours de 11h30 à 18h30 sauf dimanches et jours fériés

Concertini d’accueil
Dans les minutes qui précèdent le début des
représentations de Lear, des musiciens de l’Orchestre de l’Opéra national de Paris offrent de
petits concerts qui mettent à l’honneur Aribert
Reimann dans les espaces publics du Palais
Garnier (accès gratuit pour les spectateurs
de la représentation).

Radiodiffusion sur France Musique le 18 juin 2016 à 19h08 dans l’émission Samedi soir à l’opéra

 

 
 

Pour imaginer en fin d’action, son vieux hĂ©ros, seul, errant sur la lande, abandonnĂ© et trahi par tous, Shakespeare imagine une action de très ancienne mĂ©moire, se dĂ©roulant 800 ans avant l’ère chrĂ©tienne : il s’inspire notamment de L’Historia regum Britanniae, rĂ©digĂ©e au XIIe siècle par l’historien gallois Geoffroy de Monmouth, surtout des Chroniques d’Angleterre, d’Écosse et d’Irlande (1587) de Raphael Holinshed. En terres celtiques, le roi de l’Ă®le de Bretagne, Leir, paraĂ®t tantĂ´t en potentat, tantĂ´t dĂ©muni, victime du pouvoir, père aimant pour des fils ingrats… La TragĂ©die du Roi Lear de Shakespeare est créée le 26 dĂ©cembre 1606 au Palais de Whitehall Ă  Londres en prĂ©sence du Roi Jacques Ier d’Angleterre.
En 1977, les rĂ©alisateurs et metteurs en scène Peter Brook ou Roman Polanski (respectivement dans leur adaptation de Lear et de Macbeth au cinĂ©ma) ont soulignĂ© la puissance visionnaire du drame shakespeare, sa justesse et son discernement… ils soulignent combien le regard de Shakespeare sur la folie dĂ©risoire des hommes les a conduit effectivement aux pires sĂ©vices barbares du XXè…

 

 

 

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Reimann se joue des Ă©critures anciennes (classiques et tonales, primitive et dodĂ©caphoniste) pour constituer Ă  l’instar du polonais Krzysztof Penderecki, un drame théâtral en musique, oĂą perce le chant spectaculaire et puissant des percussions, – ou le choc de blocs sonores, qui sont autant de jalons marquant l’avancĂ©e inĂ©luctable du drame tragique. Ecriture prenante, houle instrumentale particulièrement saisissante par ses effets dramatiques, la partition de Lear convoque concrètement les tensions destructrices qui agissent et mènent le roi dĂ©possĂ©dĂ©, blessĂ© sur les rives de la folie… (scène de la tempĂŞte oĂą le Roi bascule dans le cri et la dĂ©chirure intĂ©rieure, quand Ă  l’orchestre un bloc de 50 cordes s’effiloche graduellement en un chant solitaire, celui ultime de la contrebasse.
Ses deux dernières créations lyriques les plus marquantes, sont Bernarda Alba Haus (sur le texte de Garcia Lorca) en 2000 ; puis
Medea (d’après la pièce de Franz Grillparzer), commande du Staatsoper de Vienne en 2010, est consacré « World Première of the Year » par le magazine Opernwelt.

 

 

 

 

ARGUMENT

 

PREMIĂRE PARTIE. Le roi Lear convoque ses proches et les courtisans : il renonce au pouvoir en faveur de ses filles : Goneril, Regan et Cordelia, si elles lui tĂ©moignent leur affection et sont prĂŞtes Ă  partager le pouvoir. Seule Cordelia, la plus jeune, garde le silence : Lear l’exile et lui fait Ă©pouser le roi de France. Sa part Ă©choit Ă  ses ainĂ©es : Goneril et Regan. Lesquelles ne tardent pas Ă  montrer leur vrai visage : une guerre pour concentrer le pouvoir se prĂ©cise : le père encombrant est mĂŞme chassĂ© : errant sur la lande, en pleine tempĂŞte… Lear n’a plus que Kent et le fou comme fidèles amis. Reimann suit Shakespeare dans son Ă©vocation terrifique, gothique, fantastique d’un roi dĂ©chu, d’un père trahi et reniĂ©. Sauveur imprĂ©vu, Gloucester paraĂ®t pour sauver le roi.

 

 

 

DEUXIĂME PARTIE. Le duc de Cornouailles et Regan torturent Gloucester qu’ils ont fait prisonnier. Ils lui arrachent les yeux. Aveugle, Gloucester comprend la rĂ©alitĂ© de l’espèce humaine : une bĂŞte vouĂ©e Ă  la destruction collective. Il faut ĂŞtre dans le noir pour mieux voir. Son fils Edmond est devenu l’amant et le gĂ©nĂ©ral de la reine Goneril. La France dĂ©barque Ă  Douvres pour replacer sur le trĂ´ne Lear qui accueilli par les français est soignĂ© dans leur camp par Cordelia : Lear reconnaĂ®t sa fille et lui demande pardon. Edgar le fils illĂ©gitime de Gloucester, sauve son père qui voulait se suicider en se jetant d’une falaise. Mais Edmond bat les français : il fait assassiner Cordelia. Goneril empoisonne sa sĹ“ur Regan. Enfin Edgar, l’illĂ©gitime tue son frère Edmond en duel : Goneril se suicide et Lear paraĂ®t enfin, portant le cadavre de Cordelia…

 

 

 

Compte rendu, ballet. Paris. Palais Garnier, le 24 mars 2016. Ratmansky, Robbins, Balanchine, Peck : premières. Ballet de l’OpĂ©ra de Paris

Compte rendu, ballet. Paris. Palais Garnier, le 24 mars 2016. Ratmansky, Robbins, Balanchine, Peck, chorĂ©graphes. Mathias Heymann, Ludmila Pagliero, Vincent Chaillet, Daniel Stokes… Ballet de l’OpĂ©ra de Paris. D. Scarlatti, F. Chopin, I. Stravinsky, P. Glass, musiques. Elena Bonnay, Vessela Pelovska, Jean-Yves SĂ©billotte, piano. Karin Ato, violon. SoirĂ©e Made in U.S au Palais Garnier ! 4 ballets, dont 3 entrĂ©es au rĂ©pertoire Ă  l’affiche ce soir de l’OpĂ©ra de Paris ! Au chorĂ©graphe vedette Alexei Ratmansky, se joignent Balanchine, Robbins et le jeune Justin Peck. S’il n’y avait pas ce dernier, la soirĂ©e aurait pu Ă©galement s’appeler « From Russia with love », tellement la perspective nĂ©oclassique prĂ©sentĂ©e est d’origine russe. Une soirĂ©e inĂ©gale mais dont la conclusion est tout Ă  fait mĂ©ritoire et enthousiasmante !

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Frayeurs et bonheurs des néoclassiques

 

Celui qui paraĂ®trait ĂŞtre le chouchou de la danse classique, Alexei Ratmansky, ouvre la soirĂ©e avec l’entrĂ©e au rĂ©pertoire de son ballet nĂ©oclassique (musique de Domenico Scarlatti) : « Seven Sonatas ». Si nous Ă©tions de ceux Ă  ne pas avoir dĂ©testĂ© son PsychĂ©, nous avons un avis diffĂ©rent pour cet opus. 3 couples de danseurs habillĂ©s en blanc post-romantique, tout moulant, tout Ă©lĂ©gance, s’attaquent Ă  une danse nĂ©oclassique qui a Ă©tĂ© en l’occurrence pas du tout nĂ©o dans la facture, et pas très classique dans l’exĂ©cution. Quelle perplexitĂ© de voir l’abysse qui sĂ©pare les danseurs masculins Audric Bezard, Florian Magnenet et Marc Moreau… Surtout les trous dans la mĂ©moire des deux premiers par rapport au dernier, le Sujet qui se rappelle de toute la chorĂ©graphie et pas les Premiers Danseurs, l’Ă©tonnement ! Attention, Ă  part les problèmes de synchronisation, il y a du beau dans cette pièce, et si nous prenons les couples sĂ©parĂ©ment, il y a des belles choses… Florian Magnenet a une ligne bellissime, Alice Renavand a du caractère ; Laura Hecquet, de la prestance… Mais combien paraissent-ils disparates et peu complices ! Surtout, Alexei Ratmansky prĂ©sente une chorĂ©graphie qui rĂ©duit la musique de Scarlatti au divertissement dĂ©pourvu d’intĂ©rĂŞt et de profondeur, pourtant riche en prĂ©tention. Une incomprĂ©hension qui est de surcroĂ®t Ă©vidente et rapidement lassante. Mais au moins la danse est charmante, plus ou moins.

Heureusement le couple d’Etoiles composĂ© par Mathias Heymann et Ludmila Pagliero dans « Other danses » de Robbins, fait remonter l’enthousiasme. La chorĂ©graphie sur la musique de Chopin est d’une musicalitĂ© incroyable, tout comme l’interprĂ©tation des danseurs, dont le partenariat doit ĂŞtre l’un des plus rĂ©ussis Ă  l’heure actuelle Ă  l’OpĂ©ra de Paris. Elle, technicienne de rĂ©putation se montre très libre et naturelle ; lui est non seulement un solide partenaire mais fait preuve de virtuositĂ© insolente dans ses sauts impressionnants, et d’une vĂ©ritable attention Ă  la technique avec son travail du bas du corps. Ils sont poĂ©tiques, coquins voire un petit peu folkloriques et c’est pour le plus grand plaisir de l’auditoire. Le plaisir ne devra pas durer longtemps.

Après l’entracte vient l’entrĂ©e au rĂ©pertoire d’un autre Balanchine « Duo Concertant » sur la superbe musique pastorale de Stravinsky (Duo concertant pour Violon et Piano, 1931), interprĂ©tĂ© par Laura Hecquet et Hugo Marchand. Il y en a qui pensent que le ballet est l’un des plus beaux pas de deux du chorĂ©graphe russe, père de la danse nĂ©oclassique aux Etats-Unis ; pour nous, il s’agĂ®t d’un Balanchine pas très inspirĂ©. Tout y est pour faire plaisir cette nuit, la musique est superbe, les danseurs dansent bien ; elle, avec une certaine dĂ©licatesse qui contraste avec l’aspect technique important du ballet ; et lui est tout beau et tout grand, malgrĂ© l’aspect quelque peu ingrat et utilitaire de la plupart des rĂ´les pour homme conçus par Balanchine. Nous sommes mitigĂ©s comme pour Ratmansky, bien que moins surpris.

peck justin portortrait ballet everywhere we go in creases opera de paris classiquenews review critique compte rendu account ofJUSTIN PECK, la rĂ©vĂ©lation… Mais le vĂ©ritable choc esthĂ©tique, dĂ» surtout Ă  une belle dĂ©couverte inattendue, est venu Ă  la fin de la courte soirĂ©e, avec les dĂ©buts Ă  l’OpĂ©ra de Paris du jeune danseur et chorĂ©graphe amĂ©ricain Justin Peck, pour l’entrĂ©e au repertoire de son ballet « In Creases ». Si une histoire au programme expliquant un jeu-de-mot tient plus ou moins la route (In Creases devrait faire aussi rĂ©fĂ©rence Ă  une crise quelconque…), le ballet en soi est une très belle dĂ©couverte ! 4 danseuses et 4 danseurs (dont le retour sur scène du Premier Danseur Vincent Chaillet), sur la musique dĂ©licieusement rĂ©pĂ©titive de Philip Glass (deux mouvements de son opus « Four mouvements for two pianos »), enchaĂ®nant une sĂ©rie de mouvements abstraits et quelque peu gĂ©omĂ©triques dont l’entrain et l’énergie captivent l’audience et installent une cohĂ©rence narrative lĂ  oĂą il n’y a pas de narration. La fluiditĂ© est impeccable et constante au cours des 12 minutes de l’œuvre. Nous avons bien aimĂ© Valentine Colasante, Ă  la fois radieuse et imposante, tout comme les performances sans dĂ©faut ou presque de Vincent Chaillet et Daniel Stokes, mais aussi celle d’Alexandre Gasse, et surtout celle du Sujet Marc Moreau avec un certain magnĂ©tisme et ces sauts et tours insolents. In creases est une fabuleuse et très fraĂ®che cerise sur un beau gateau (quoi que plutĂ´t sec) venu d’Outre-Atlantique. Une soirĂ©e montrant les bonheurs et prĂ©occupations de la danse nĂ©oclassique aujourd’hui, et 3 entrĂ©es au repertoire au passage ! Une occasion bel et bien spĂ©ciale à voir au Palais Garnier Ă  Paris encore les 29 et 31 mars, ainsi que les 2, 4 et 5 avril 2016.

Compte rendu, opĂ©ra. Paris. Palais Garnier, le 14 mars 2016.TchaĂŻkovski : Iolanta / Casse-Noisette. Sonia Yoncheva… Dmitri Tcherniakov

SoirĂ©e de choc très attendue Ă  l’OpĂ©ra National de Paris ! Après une première avortĂ©e Ă  cause des mouvements syndicaux, nous sommes au Palais Garnier pour Iolanta et Casse-Noisette de TchaĂŻkovski, sous le prisme unificateur (ma non troppo), du metteur en scène russe Dmitri Tcherniakov lequel a eu la tâche d’assurer la direction non seulement de l’opĂ©ra mais aussi du ballet. Une occasion rare de voir aussi 3 chorĂ©graphes contemporains s’attaquer Ă  l’un des ballets les plus cĂ©lèbres du rĂ©pertoire. Le tout dans la mĂŞme soirĂ©e, avec la direction musicale d’un Alain Altinoglu plutĂ´t sage et la prĂ©sence inoubliable de la soprano Sonia Yoncheva dans le rĂ´le-titre. Une proposition d’une grande originalitĂ© avec beaucoup d’aspects remarquables, pourtant non sans dĂ©faut.

 iolanta casse noisette iolantha opera de paris

 

 

 

Iolanta, hymne Ă  la vie

yoncheva_sonya_recital_parisSonia Yoncheva est annoncĂ©e souffrante avant le dĂ©but de la reprĂ©sentation et tout le Palais Garnier soupire en consĂ©quence. Or, surprise, la cantatrice bulgare dĂ©cide quand mĂŞme d’assurer la prestation… pour notre plus grand bonheur ! Iolanta est le dernier opĂ©ra de Tchaikovsky et il raconte l’histoire de Iolanta, princesse aveugle qui regagne la vue par l’amour, histoire tirĂ©e de la pièce du danois Henrik Hertz « La fille du Roi RenĂ© ». Ici, le Roi RenĂ© occulte la cĂ©citĂ© de sa fille pour lui Ă©viter toute souffrance. Elle vit dans un monde aseptisĂ© mais soupçonne qu’on lui cache quelque chose. Elle a un certain malheur mais elle ne sait pas ce que c’est. C’est sa rencontre avec VaudĂ©mont, ami de Robert de Bourgogne Ă  qui elle est promise dès sa naissance, qui crĂ©e en elle le dĂ©sir de regagner la vue ; elle y arrive. Une histoire simple mais d’une beautĂ© bouleversante, et ce dans plusieurs strates.

Nous sommes rapidement Ă©mus par la beautĂ© de la musique de Tchaikovsky, dès la première scène introductrice, et jusqu’Ă  la fin de l’opĂ©ra. Ici le maĂ®tre russe montre la plus belle synthèse de charme charnel, et sensoriel, et de profondeur philosophique et spirituelle. L’œuvre commence par un arioso de Iolanta suivi des choeurs dĂ©licieux Ă  l’effet immĂ©diat. Sonia Yoncheva, mĂŞme souffrante, se rĂ©vèle superlative dans ce rĂ©pertoire et nous sommes complètement sĂ©duits par son chant rayonnant et glorieux (de quoi souffrait-elle ce soir-lĂ , nous nous le demandons). Son arioso initial qui sert de prĂ©sentation a une force dramatique et poĂ©tique qu’il nous sera difficile d’oublier. Le rĂ´le souvent incompris de VaudĂ©mont est interprĂ©tĂ© par le tĂ©nor Arnold Rutkowski brillamment mais avec un certain recul (il s’agĂ®t de ses dĂ©buts Ă  l’OpĂ©ra National de Paris). Au niveau vocal et dramatique il est excellent, et nous sommes de l’avis que l’apparente rĂ©serve du personnage est voulue par les crĂ©ateurs, les frères TchaĂŻkovski (Modest en a Ă©crit le livret). Ce rĂ´le est dans ce sens une vrai opportunitĂ© pour les tĂ©nors de se dĂ©barrasser du clichĂ© du hĂ©ros passionnĂ©ment musclĂ© et souvent sottement hyper-sexuĂ©. Curieusement, nous sommes tout autant sensibles au charme viril du jeune baryton Andrei Jilihovschi faisant Ă©galement ses dĂ©buts Ă  l’opĂ©ra dans le rĂ´le de Robert de Bourgogne. Il est tout panache et rayonne d’un je ne sais quoi de juvĂ©nile qui sied bien au personnage. Si la musique d’Ibn Hakia, le mĂ©decin maure interprĂ©tĂ© par Vito Priante est dĂ©licieusement orientalisĂ©e, sa performance paraĂ®trait aussi, bien que solide, quelque peu effacĂ©e. Le Roi RenĂ© de la basse Alexander Tsymbalyk a une voix large et pĂ©nĂ©trante, et se montre complètement investi dans la mise en scène. S’il demeure peut-ĂŞtre trop beau et trop jeune pour ĂŞtre le vieux Roi, il campe une performance musicale sans dĂ©faut. Remarquons Ă©galement les choeurs, des plus rĂ©ussis dans toute l’histoire de la musique russe !

Casse-Noisette 2016 ou fracasse-cerneaux, protéiforme et hasardeux

Si la lecture de Tcherniakov pour Iolanta, dans un salon (lieu unique) issu de l’imaginaire tchekhovien, est d’une grande efficacitĂ©, l’idĂ©e d’intĂ©grer Casse-Noisette dans l’histoire de Iolante (ou vice-versa), nous laisse mitigĂ©s. Il paraĂ®trait que Tcherniakov s’est donnĂ© le dĂ©fit de faire une soirĂ©e cohĂ©rente dramatiquement, en faisant de l’opĂ©ra partie du ballet. C’est-Ă -dire, Ă  la fin de Iolanta, les dĂ©cors s’Ă©largissent et nous apprenons qu’il s’agissait d’une reprĂ©sentation de Iolanta pour Marie, protagoniste du Casse-Noisette. Si les beaucoup trop nombreuses coutures d’un tel essai sont de surcroĂ®t Ă©videntes, elles ne sont pas insupportables. Dans ce sens, fĂ©licitons l’effort du metteur en scène.

Son Casse-Noisette rejette ouvertement Petipa, E.T.A Hoffmann, Dumas, et mĂŞme TchaĂŻkovski diront certains. Il s’agĂ®t d’une histoire quelque peu tirĂ© des cheveux, oĂą Marie cĂ©lèbre son anniversaire avec sa famille et invitĂ©s, et après avoir « regardĂ© » Iolanta, ils s’Ă©clatent dans une « stupid dance » signĂ© Arthur Pita, oĂą nous pouvons voir les fantastiques danseurs du Ballet carrĂ©ment s’Ă©clater sur scène avec les mouvements les plus drolatiques, populaires et insensĂ©s, elle tombe amoureuse de VaudĂ©mont (oui oui, le VaudĂ©mont de l’opĂ©ra qui est tout sauf passionnĂ© et qui finit amoureux de Iolanta, cherchez l’incongruitĂ©). Mais puisque l’amour c’est mal, devant un baiser passionnĂ© de couple, les gens deviennent très violents, autant que la belle maison tchekhovienne tombe en ruines. On ne sait pas si c’est un tremblement de terre ou plutĂ´t la modestie des bases intellectuelles de cette conception qui fait que tout s’Ă©croule. Ensuite nous avons droit Ă  l’hiver sibĂ©rien et des sdf dansant sur la neige et les dĂ©gâts, puis il y a tout un brouhaha multimedia impressionnant et complètement inintĂ©ressant, mĂ©langeant cauchemar, hallucination, fantasme, caricature, grotesque, etc. Heureusement qu’il y a TchaĂŻkovski dans tout ça, et que les interprètes se donnent Ă  fond. C’est grâce Ă  eux que le jeu se maintient mais tout est d’une fragilitĂ© qui touche l’ennui tellement la proposition rejette toute rĂ©fĂ©rence Ă  la beautĂ© des ballets classiques et romantiques.

Enfin, parlons des danses et des danseurs. Après l’introduction signĂ©e Arthur Pita, faisant aussi ses dĂ©buts dans la maison en tant que chorĂ©graphe invitĂ©, vient la chorĂ©graphie d’un Edouard Lock dont nous remarquons l’inspiration stylistique Modern Danse, Ă  la Cunningham, avec un peu de la Bausch des dĂ©buts. L’effet est plutĂ´t Ă©trange, mais il demeure très intĂ©ressant de voir nos danseurs parisiens faire des mouvements gĂ©omĂ©triques saccadĂ©s et rĂ©pĂ©titifs Ă  un rythme endiablĂ©, sur la musique romantique de TchaĂŻkovski. Il signe Ă©galement les divertissements nationaux toujours dans le mĂŞme style pseudo-Cunningham. Si les danseurs y excellent, et se montrent tout Ă  fait investis et sĂ©rieux malgrĂ© tout, la danse en elle mĂŞme Ă  un vrai effet de remplissage, elle n’est ni abstraite ni narrative, et Ă  la diffĂ©rence des versions classiques ou romantiques, le beau est loin d’ĂŞtre une prĂ©occupation. Autant prĂ©senter les chefs-d’oeuvres abstraits de Merce Cunningham, non ?

La Valse des Fleurs et le Pas de deux final, signĂ©s Cherkaoui, sauvent l’affaire en ce qui concerne la poĂ©sie et la beautĂ©. La Valse des fleurs consiste dans le couple de Marie et VaudĂ©mont dansant la valse (la chorĂ©graphie est très simple, remarquons), mais elle se rĂ©vèle ĂŞtre une valse des âges avec des sosies du couple s’intĂ©grant Ă  la valse, de façon croissante au niveau temporaire, finissant donc avec les sosies aux âges de 80 ans. Dramatiquement ça a un effet, heureusement. Le Pas de deux final est sans doute le moment aux mouvements les plus beaux. StĂ©phane Bullion, Etoile et Marion Barbeu, Sujet, offrent une prestation sans dĂ©faut. Alice Renavand, Etoile, dans le rĂ´le de La Mère se montre particulièrement impressionnante par son investissement et son sĂ©rieux, et par la maĂ®trise de ses fouettĂ©s dĂ©licieusement exĂ©cutĂ©s en talons !!! A part le corps de ballet qui s’Ă©clate et s’amuse littĂ©ralement, nous voulons remarquer la performance rĂ©vĂ©latrice d’un Takeru Coste, Quadrille (!), que nous venons de dĂ©couvrir Ă  cette soirĂ©e et qui nous impressionne par son sens du rythme, son athlĂ©tisme, sa plastique… Il incarne parfaitement l’esprit du Robert de Bourgogne de l’opĂ©ra, avec une certaine candeur juvĂ©nile allĂ©chante.

L’Orchestre et les choeurs de l’opĂ©ra de Paris quant Ă  eux offrent une prestation de qualitĂ©, nous remarquons les morceaux Ă  l’orientale de l’opĂ©ra, parfaitement exĂ©cutĂ©s, comme les deux grands choeurs fabuleux oĂą tout l’art orchestrale de Tchaikovsky se dĂ©ploie.

Si le chef Alain Altinoglu paraĂ®t un peu sage ce soir, insistant plus sur la limpiditĂ© que sur les contrastes, il explore les richesses de l’orchestre de la maison de façon satisfaisante. Un spectacle ambitieux qu’on conseille vivement de dĂ©couvrir, de par sa raretĂ©, certes, mais aussi parce qu’il offre beaucoup de choses qui pourront faire plaisir aux spectateurs… C’est l’occasion de dĂ©couvrir Iolanta, de se rĂ©galer dans une nuit « Tchaikovsky only », d’explorer diffĂ©rents types de danses modernes et contemporaines parfaitement interprĂ©tĂ©s par le fabuleux Ballet de l’OpĂ©ra de Paris. DoublĂ© Iolanta et Casse-Noisette de Tcahikovski en 1 soirĂ©e au Palais Garnier Ă  Paris : encore Ă  l’affiche les 17, 19, 21, 23, 25, 26, 28 et 30 mars ainsi que le 1er avril 2016, avec plusieurs distributions.

 

 

Compte rendu, opĂ©ra. Paris. Palais Garnier. 14 mars 2016. P.E. TchaĂŻkovski : Iolanta / Casse-Noisette. Sonia Yoncheva, Alexander Tsymbalyuk, Andrej Jilihovschi… Choeur, Orchestre et Ballet de l’OpĂ©ra de Paris. Dmitri Tcherniakov, conception, mise en scène. Arthur Pita, Edouard Lock, Sidi Larbi Cherkaoui, chorĂ©graphes. Alain Altinoglu, direction musicale.

Compte rendu, opĂ©ra. Paris, Palais Garnier, le 27 mars 2015. Jules Massenet : Le Cid. Roberto Alagna, Annick Massis, Paul Gay… Orchestre et choeurs de l’OpĂ©ra national de Paris. Michel Plasson, direction. Charles Roubaud, mise en scène.

Michel Plasson revient Ă  l’OpĂ©ra National de Paris pour Le Cid de Jules Massenet. Le Palais Garnier accueille la production marseillaise signĂ©e Charles Roubaud. La distribution largement francophone fait honneur Ă  l’occasion rare et l’orchestre et choeurs de l’OpĂ©ra de Paris rayonnent par leur un bel investissement.

 

 

 

Le Cid de Massenet au Palais Garnier : artificielle séduction servie par un grand chef

Plasson, vive Plasson !

 

SLIDE_Massenet_580_320 - copieLa première du Cid de Massenet a lieu au Palais Garnier le 30 novembre 1885 et l’œuvre est unanimement saluĂ©e par le public et la critique. OpĂ©ra ambitieux sur l’amour et sur la gloire, inspirĂ© de la pièce historique de GuillĂ©n de Castro y Bellvis et son adaptation par Pierre Corneille, il pose quelques problèmes formels Ă  l’heure actuelle. Le livret raconte l’histoire de Rodrigue dans l’Espagne de la Reconquista. Et comment pour venger l’offense faite Ă  son père, Don Diègue, il finit par provoquer et tuer le père de Chimène, sa fiancĂ©e. Elle ne peut qu’exiger le châtiment de son bien-aimĂ© mais le Roi a besoin de lui pour lutter contre les Maures. Il revient vainqueur, Chimène est terriblement partagĂ©e, mais le lieto fine arrive quand Rodrigue dĂ©cide de se donner la mort … qu’elle empĂŞche, et le Roi les unit. L’amour et l’honneur sont vainqueurs. Cette difficultĂ© contemporaine avait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© ressentie par Claude Debussy qui trouva impossible d’achever son propre essai lyrique Rodrigue et Chimène, d’après la mĂŞme histoire, sur le livret de Catulle Mendès.

En effet, fin XIXe siècle, le grand opĂ©ra historique est dĂ©jĂ  essoufflĂ©. Il l’est davantage Ă  notre Ă©poque. Or, la partition est riche en mĂ©lodies et pleine des moments de beautĂ© comme d’intensitĂ© ; Massenet se montre artisan solide des procĂ©dĂ©s grand-opĂ©ratiques, mis au point par un Meyerbeer ou un HalĂ©vy. L’influence de Verdi est aussi remarquable. Avec des interprètes de qualitĂ©, la facilitĂ© comme l’ambition mĂ©lodique de Massenet se traduisent en grands airs impressionnants. Mais il s’agĂ®t surtout du mĂ©lodrame habituel du compositeur dont la complaisance est Ă©vidente vis-Ă -vis des attentes du lieu de la crĂ©ation de son opĂ©ra. Remarquons que la dernière fois que l’œuvre a Ă©tĂ© reprĂ©sentĂ©e Ă  Paris fut en 1919 !

 

 

cid-palais-garnier-roberto-alagna-paul-gay-massenet-michel-plassonEn cette fin d’hiver 2014 – 2015, Roberto Alagna et Sonia Ganassi interprètent le couple contrariĂ© de Rodrigue et Chimène. Le tĂ©nor se montre toujours maĂ®tre de sa langue, avec une attention Ă  la diction indĂ©niable, malgrĂ© la prosodie parfois maladroite et anti-esthĂ©tique du livret. Il est aussi un acteur engageant et engagĂ©, appassionato, ma non tanto en l’occurrence. Un Divo avec plein de qualitĂ©s dans une Ĺ“uvre et une mise en scène Ă  la beautĂ© … superficielle. Remarquons nĂ©anmoins son chant passionnĂ© lors des airs « O noble lame Ă©tincelante » et « O souverain, Ă´ juge, Ă´ père », vivement rĂ©compensĂ©s par le public, malgrĂ© une certaine difficultĂ© dans le dernier. Le public rĂ©compense aussi Chimène dans son cĂ©lèbre air « Pleurez, pleurez mes yeux ». Ganassi fait preuve d’un bel investissement Ă©galement, mais sa caractĂ©risation du rĂ´le met en valeur l’aspect hautain et caractĂ©riel du personnage, quand elle aurait pu davantage le nuancer. Le timbre plutĂ´t sombre et la prestation parfois trop forte ont un effet pas toujours favorable chez l’auditoire. Inversement, le Don Diègue de Paul Gay est le vĂ©ritable sommet d’expression, de prĂ©cision, de justesse de la distribution. Le chanteur affirme une prestation largement inoubliable par la force et la beautĂ© de son instrument, en l’occurrence dĂ©licieusement nuancĂ© selon les besoins (mĂ©lo)dramatiques. Son duo Ă  la fin du premier acte avec Rodrigue est un des nombreux moments forts le concernant.
Remarquons Ă©galement la belle prestation d’Annick Massis dans le rĂ´le de l’Infante. Du cĂ´tĂ© des femmes de la distribution, elle rayonne par la beautĂ© exquise de son instrument, une prĂ©sence scĂ©nique distinguĂ©e mais sans prĂ©tention, et une vĂ©racitĂ© Ă©motionnelle Ă©vidente (et surprenante!) lors de ses morceaux terriblement beaux, pourtant très artificiels. Retenons entre autres sa pseudo-prière lors de la distribution des aumĂ´nes au dĂ©but du IIe acte. Si le Roi de Nicolas Cavallier, correct, paraĂ®t moins noble que le Don Diègue de Paul Gay, l’EnvoyĂ© Maure interprĂ©tĂ© par Jean-Gabriel Saint-Martin est, lui, tout altier, toute agilitĂ©. FĂ©licitons les chĹ“urs de l’OpĂ©ra sous la direction de JosĂ© Luis Basso, très sollicitĂ©s pour les processions, les hymnes guerriers et religieux, les marches, etc…

 

La mise en scène de Charles Roubaud, dans sa transposition de l’action vers l’Espagne de Franco, demeure pourtant sans pertinence. Elle se contente souvent de suivre l’intrigue du Moyen Age, dans des habits du XXe siècle. Dans ce sens, elle s’accorde Ă  l’opĂ©ra lui-mĂŞme, d’une beautĂ© rĂ©elle mais peu profonde, et fais très peu pour insuffler de la vitalitĂ© durable et mĂ©morable Ă  la partition. La mise en scène, avec ses qualitĂ©s plastiques (beaux costumes et dĂ©cors de Katia Duflot et Emmanuelle Favre respectivement), paraĂ®t laisser le public indiffĂ©rent, dans les meilleurs des cas. Heureusement, et comme d’habitude, il revient Ă  l’orchestre d’ĂŞtre le protagoniste rĂ©el de la pièce. Sous la baguette sincère et experte de Michel Plasson les instrumentistes parisiens savent ĂŞtre discrets et pompeux Ă  souhait. Si personne ne prĂ©tend qu’il s’agĂ®t d’un chef-d’œuvre absolu de Massenet, nous y croirions presque devant la science si juste et si belle de Plasson, et la complicitĂ© et le respect des musiciens pour sa direction. Une Ĺ“uvre rare Ă  dĂ©couvrir au Palais Garnier Ă  l’affiche les 2, 6, 9, 12, 15, 18 et 21 avril 2015.

 

 

Compte rendu, danse. Paris. Palais Garnier, le 2 dĂ©cembre 2014. Jean-Guillaume Bart : La Source. Muriel Zusperreguy, François Alu, Audric Bezard, Vamentine Colasante… Ballet de l’OpĂ©ra de Paris. Minkus, DĂ©libes, compositeurs. Orchestre Colonne. Koen Kessels, direction musicale.

la source bart carre vignetteLa Source revient au Palais Garnier Ă  Paris trois ans après sa crĂ©ation pour notre plus grand bonheur ! (LIRE notre premier compte rendu de la crĂ©ation de La Source au Palais Gariner, le 25 octobre 2011 par Alban Deags) Le professeur et chorĂ©graphe français (ancien danseur Etoile) Jean-Guillaume Bart signe une chorĂ©graphie très riche inspirĂ©e du ballet Ă©ponyme original d’Arthur Saint-LĂ©on crĂ©e en 1866. Pour cette aventure, il est rejoint par une Ă©quipe artistique fabuleuse, avec notamment les costumes de Christian Lacroix, les dĂ©cors d’Eric Ruf. L’Orchestre Colonne accompagne les diffĂ©rentes distributions sous la direction musicale de Koen Kessels.

 

 

 

Une Source éternelle de beauté

Le livret de La Source, d’après Charles Nuitter, est l’un de ces produits typiques de l’ère romantique inspirĂ© d’un orient imaginĂ© et dont la cohĂ©rence narrative cède aux besoins expressifs de l’artiste. L’actualisation Ă©laborĂ©e par Jean-Guillaume Bart avec l’assistance de ClĂ©ment Hervieu-LĂ©ger pour la dramaturgie, rapproche le spectacle, avec une histoire toujours complexe, Ă  l’Ă©poque actuelle et y explore des problĂ©matiques de façon subtile. Ainsi, nous trouvons le personnage de La Source, appelĂ© NaĂŻla, hĂ©roĂŻne Ă  la fois pĂ©tillante, bienveillante et tragique, qui aide le chasseur dont elle est Ă©prise, DjĂ©mil, Ă  trouver l’amour auprès de Nouredda, princesse caucasienne aux intentions douteuses. Elle est promise au Khan par son frère Mozdock. Un DjĂ©mil ingĂ©nu ne reconnaĂ®t pas l’amour de NaĂŻla qui se donne et s’abandonne en se sacrifiant pour que DjĂ©mil et Nouredda puisse vivre leur histoire d’amour. La Source a des elfes, des nymphes, des caucasiens caractĂ©ristiques, les odalisques du Khan exotiques, et tant d’autres figures fĂ©eriques… Si l’histoire racontĂ©e parle de la situation de la femme, toute Ă©poque confondue, il s’agĂ®t surtout de l’occasion de revisiter la grande danse noble de l’Ecole française, avec ses beautĂ©s et ses richesses. Un faste audio-visuel et chorĂ©graphique, plein de tension comme d’intentions.

 

 

 

Rafinement collectif, virtuosités individuelles…

source bart delibes opera garnier paris decembre 2014 49199La-SourceNous sommes impressionnĂ©s par la qualitĂ© et la grandeur de la production dès le levĂ©e du rideau. L’introduction fantastique rĂ©vèle non seulement les incroyables dĂ©cors d’Eric Ruf, mais prĂ©sente aussi les elfes virevoltants de La Source. ZaĂ«l, l’elfe vert en est le chef de file. Il est interprĂ©tĂ© ce soir par Axel Ibot, Sujet, sautillant et lĂ©ger, avec un regard d’enfant qui s’associe très bien Ă  l’aspect irrĂ©el du personnage, dont la danse est riche des difficultĂ©s techniques. Audric Bezard dans le rĂ´le de Mozdock, le frère de la princesse caucasienne, est magnĂ©tique sur scène. Il fait preuve d’une beautĂ© grave par son allure, amplifiĂ©e par un je ne sais quoi d’allĂ©chant dans sa danse de caractère, souple et tranchant au besoin. Si nous trouvons ses atterrissages parfois pas très propres, son investissement, sa prĂ©sence sur scène, et sa complicitĂ© surprenante avec ses partenaires, notamment avec sa sĹ“ur Nouredda, Ă©blouissent. François Alu en DjĂ©mil est aussi impressionnant. Le jeune Premier Danseur a l’habitude d’Ă©pater le public avec une technique brillante et une virtuositĂ© insolite et insolente. Ce ne sera pas autrement ce soir, mais nous constatons une Ă©volution intĂ©ressante chez le danseur. Le personnage de DjĂ©mil semble ne jamais ĂŞtre au courant des vĂ©ritĂ©s sentimentales de ses partenaires. Il subit l’action presque. Dans ce sens il n’a pas beaucoup de moyens d’expression, Ă  part la danse. C’est tant mieux. Dès sa rentrĂ©e Alu frappe l’audience avec une virilitĂ© palpitante sur scène (trait qu’il partage avec Bezard) ; tout au long de la reprĂ©sentation, c’est une dĂ©monstration de prouesses techniques Ă©poustouflantes, de sauts et de tours Ă  couper le souffle.

Indiscutablement, le danseur gagne de plus en plus en finesse, mais nous remarquons un fait intĂ©ressant… Il est si virtuose en solo qu’il paraĂ®t un tout petit peu moins bien en couple. Nous pensons surtout Ă  la fin de la reprĂ©sentation, qu’il y avait quelque chose de maladroit dans ses portĂ©s avec la Nouredda d’Eve Grinsztajn, peut-ĂŞtre une baisse de concentration… due Ă  la fatigue.

La-Source-danse-Opera_pics_390Les femmes de la distribution ce soir offrent aussi de très belles surprises. Trois Premières Danseuses dont les prestations, contrastantes, rĂ©vèlent les grandes qualitĂ©s de leurs techniques et de personnalitĂ©s. Eve Grinsztajn est une Nouredda finalement formidable, mĂŞme si nous n’en avons eu la certitude qu’après l’entracte. C’est une princesse sĂ©duisante manipulatrice et glaciale Ă  souhait, avec un cĂ´tĂ© mĂ©chant mais subtile qui montre aussi qu’il s’agĂ®t d’une bonne actrice. Mais c’est après sa rencontre avec le Khan (fabuleux Yann SaĂŻz!), et l’humiliation qui arrive, que nous la trouvons dans son mieux. Elle laisse tomber la couverture Ă©paisse et contraignante de la mĂ©chancetĂ© et de la froideur après le rejet du Khan et devient ensuite touchante, presque Ă©lĂ©giaque. La NaĂŻla de Muriel Zusperreguy est tous sourires et ses gestes sont fluides et ondulants comme l’eau qui coule. Une sorte de grâce chaleureuse s’installe quand elle est sur scène, avec une dĂ©licatesse et une fragilitĂ© particulière. Elle fait preuve d’un abandon lors de son Ă©change avec le Khan auquel personne ne put rester insensible. Une beautĂ© troublante et sublime. Finalement, Valentine Colasante campe une DadjĂ© (favorite du Khan) tout Ă  fait stupĂ©fiante ! En tant qu’Odalisque elle paraĂ®t avoir plus d’Ă©lĂ©gance et de prestance que n’importe quelle princesse mĂ©chante… Elle est majestueuse, caractĂ©rielle, ma non tanto, avec des pointes formidables… Sa performance brille comme les bijoux qui dĂ©corent son costume exotique !

Qu’en est-il du Corps de Ballet ? Jean-Guillaume Bart montre qu’il sait aussi faire des très beaux tableaux, insistons sur la tenue de ces groupes, chose devenue rare dans la danse actuelle. Les nymphes sont un sommet de grâce mystĂ©rieuse mais pĂ©tillante, elles deviennent des odalisques altières et allĂ©chantes. Les mĂŞmes danseuses plus ou moins dans le mĂŞme dĂ©cor, dans les ensembles ne se ressemblent pas, et les groupes sont tous intĂ©ressants. De mĂŞme pour les caucasiens et leur danse de caractère, Ă  la fois noble et sauvage. L’orchestre Colonne sous la direction de Koen Kessels joue aussi bien les contrastes entre la musique de Minkus, simple, pas très mĂ©morable, mais irrĂ©mĂ©diablement russe et mĂ©lancolique, et celle de LĂ©o Delibes, sophistiquĂ©e, raffinĂ©e, plus complexe. Il sert l’œuvre et la danse avec panache et sensibilitĂ©, avec des nombreux solos de violon et des vents qui touchent parfois le sublime.

 

 

Une soirée exceptionnelle dans le Palais de la danse, à voir et revoir au Palais Garnier à Paris les 2, 3, 5, 6, 7, 8, 10, 12, 13, 15, 17, 19, 20, 22, 23, 24, 26, 27, 28, 29, 30 et 31 décembre 2014. Spectacle idéal pour les fête de cette fin d’année 2014.

Compte rendu, danse. Paris. Palais Garnier, le 2 dĂ©cembre 2014. Jean-Guillaume Bart : La Source. Muriel Zusperreguy, François Alu, Audric Bezard, Vamentine Colasante… Ballet de l’OpĂ©ra de Paris. Minkus, DĂ©libes, compositeurs. Orchestre Colonne. Koen Kessels, direction musicale.

 

 

 

Paris, Palais Garnier : exposition Rameau et la scène

Rameau restout XVIII gravureParis, Palais Garnier : exposition Rameau et la scène, 16 dĂ©cembre 2014 – 8 mars 2015. La Bibliothèque nationale de France cĂ©lèbre le 250 ème anniversaire de la mort de Jean-Philippe Rameau (1683-1764), thĂ©oricien de l’harmonie, gĂ©nial compositeur pour le clavecin, l’Ă©glise, l’opĂ©ra. L’exposition prĂ©sentĂ©e Ă  la Bibliothèque-musĂ©e de l’OpĂ©ra dans lenceinte du Palais Garniet Ă  Paris, met en lumière l’œuvre lyrique de Rameau, rendant ainsi hommage Ă  celui qui fut, pendant trente ans,  de 1733 (crĂ©ation de son premier opĂ©ra scandaleux : Hippolyte et Aricie) jusqu’Ă  1764 (Les BorĂ©ades dont il dirige les rĂ©pĂ©titions avant de mourir), l’une des personnalitĂ©s musicales et intellectuelles les plus cĂ©lĂ©brĂ©es en France au siècle des Lumières, soit sous le règne de Louis XV. VOIR notre reportage vidĂ©o dĂ©diĂ© Ă  l’exposition Rameau et la scène au Palais Garnier Ă  Paris

 

Rameau 2014 : les Grands Motets par Bruno Procopio, William Christie

 

 

Après quarante ans comme maĂ®tre organiste en province, Jean-Philippe Rameau (1683 -1764) part Ă  la conquĂŞte de Paris oĂą il s’impose, tant par sa rĂ©flexion thĂ©orique que par son gĂ©nie musical qu’il consacre dĂ©sormais Ă  l’opĂ©ra Ă  partir d’Hippolyte. De 1733 Ă  son dĂ©cès, en1764, il compose une vingtaine d’œuvres scĂ©niques destinĂ©es Ă  la Cour de Versailles (ses oeuvres sont alors créées au théâtre du Manège) comme Ă  l’AcadĂ©mie royale de musique, communĂ©ment appelĂ©e OpĂ©ra. Il explore tous les genres (la tragĂ©die lyrique, l’opĂ©ra-ballet, l’acte de ballet,la pastorale hĂ©roĂŻque, et mĂŞme rĂ©invente la comĂ©die lyrique avec l’un de des chefs d’oeuvre : PlatĂ©e de 1745…), orchestre ses Ĺ“uvres avec hardiesse et acquiert une renommĂ©e jamais dĂ©mentie.Grâce aux traces laissĂ©es par les reprĂ©sentations, de la crĂ©ation d’Hippolyte et Aricie en 1733 Ă  la dernière reprise de cet opĂ©ra au Palais Garnier en 2012, l’exposition confronte, cĂ´tĂ© coulisses et cĂ´tĂ© scène, la fabrication d’un spectacle au XVIIIe siècle et les redĂ©couvertes, depuis le dĂ©but du XXe siècle, des chefs-d’œuvre que Rameau destine Ă  la scène.

De l’écriture Ă  la reprĂ©sentation. L’exposition prĂ©sente les manuscrits autographes, les Ă©preuves corrigĂ©es, les sources imprimĂ©es ou gravĂ©es conservĂ©s Ă  la BnF, permettant de revenir sur la genèse et la diffusion des Ĺ“uvres du compositeur comme sur sa collaboration avec ses diffĂ©rents librettistes (Pellegrin, Voltaire, surtout le gĂ©nial Cahusac…). De rares maquettes de dĂ©cors dĂ©tenues par le Centre des monuments nationaux et des dessins de dĂ©cors et de costumes sĂ©lectionnĂ©s parmi les collections iconographiques de la Bibliothèque-musĂ©e de l’OpĂ©ra laissent imaginer le faste des mises en scène de l’OpĂ©ra et des théâtres de cour. Car le spectaculaire, le merveilleux comme le fantastique infernal sont des composantes ordinaires de l’opĂ©ra français sous Louis XV.

Les interprètes, vedettes du chant  (le tĂ©nor lĂ©gendaire JĂ©lyotte, crĂ©ateur entre autres du rĂ´le dĂ©lirant travesti de PlatĂ©e, Marie Fel…) ou de la danse (La Camargo. ..)  sont prĂ©sentĂ©s au travers de portraits soigneusement peints ou rapidement croquĂ©s. Enfin, des vues de spectacles et quelques pièces d’archives comme les billets ou affiches permettent d’évoquer un public qui s’habitue peu Ă  peu Ă  la modernitĂ© d’écriture du compositeur.

 

rameau-et-la-scene_catalogue bnf expositionDu « Purgatoire » Ă  la lumière. L’exposition s’attache Ă©galement Ă  montrer comment Rameau est sorti du purgatoire dans lequel on l’avait remisĂ© depuis le dĂ©but du XIXe siècle, grâce Ă  la publication complète de son Ĺ“uvre par les Ă©ditions Durand, sous la direction du compositeur Camille Saint-SaĂ«ns, grâce aussi, Ă  partir des annĂ©es 1970, Ă  la « vague baroque » qui a donnĂ© un nouveau souffle Ă  l’étude et Ă  l’interprĂ©tation de la musique ancienne. En cherchant Ă  jouer sur instruments anciens quitte Ă  refondre une pratique adaptĂ©e totalement nouvelle, les rĂ©formateurs du classique, convaincus par l’esthĂ©tique baroque ont renouvelĂ© l’engouement pour l’opĂ©ra des XVIIè et XVIIIè siècles dont le théâtre de Rameau : le plus exigeant, le plus saisissant. Ce sont les chefs-d’œuvre repris Ă  l’OpĂ©ra de Paris aux XXe et XXIe siècles qui structurent cette Ă©vocation : Hippolyte et Aricie (productions de 1908, 1985, 1996 et 2012), Castor et Pollux (1918), Les Indes galantes (1952), PlatĂ©e (1977 et 1999), Dardanus (1980) et Les BorĂ©ades (2003). Partitions, livrets, dessins, maquettes, tableaux, costumes, photographies montrent Ă  quel point ces diffĂ©rentes reprises reflètent des choix esthĂ©tiques et des convictions riches et variĂ©es. Les documents sĂ©lectionnĂ©s exposĂ©s tĂ©moignent aussi des moyens de plus en plus perfectionnĂ©s utilisĂ©s par la mise en scène, soit dans la lignĂ©e de la reconstitution historique soit dans celle de l’innovation la plus audacieuse, mais qui tous servent et magnifient la musique de Rameau. (Illustration ci-dessus couverture du catalogue de l’exposition “Rameau et la scène”, Par Mathias Auclair et Elizabeth Giuliani, 216 pages, 143 illustrations, 39 euros. Éditions de la BnF).

 

 

 

Exposition : Rameau et la scène
16 dĂ©cembre 2014 – 8 mars 2015
Bibliothèque-musée de l’Opéra, Palais Garnier place de l’Opéra, Paris 9e
Tous les jours 10h > 17h. Sauf le 1er janvier 2015. Entrée : 10 euros , Tarif réduit : 6 euros (avec la visite du théâtre)

Commissariat : Mathias Auclair, conservateur en chef à la Bibliothèque- musée de l’Opéra, BnF ; Elizabeth Giuliani, conservateur général, directeur du département de la Musique, BnF.

Publication du catalogue :  « Rameau et la scène ». Par Mathias Auclair et Elizabeth Giuliani, 216 pages, 143 illustrations, 39 euros. Éditions de la BnF.

L’exposition rĂ©pare un vide criant voire impardonnable : aucun opĂ©ra de Rameau ni opĂ©ra ballet ni tragĂ©die lyrique Ă  l’affiche de Garnier ou de Bastille pour l’annĂ©e des 250 ans de l’immense Jean-Philippe Rameau. Un comble quand mĂŞme…

 

Exposition Verdi, Wagner et l’OpĂ©ra de Paris

Paris, Exposition. Verdi, Wagner et l’OpĂ©ra de Paris. Du 17 dĂ©cembre 2013 au 9 mars 2014. Palais Garnier, Bibliothèque-musĂ©e de l’OpĂ©ra. Verdi / Wagner : deux noms devenus mythiques qui rĂ©capitulent Ă  eux seuls, les querelles esthĂ©tiques et l’essence du romantisme europĂ©en, Ă  l’heure des nationalismes exacerbĂ©s.

 

verdi_wagner_exposition_operaĂ€ l’occasion du bicentenaire de la naissance de  Giuseppe Verdi (1813-1901) et  de Richard Wagner (1813-1883), la Bibliothèque nationale de France et l’OpĂ©ra  national de Paris Ă©clairent les relations entre ces deux gĂ©ants de l’art lyrique et  l’OpĂ©ra de Paris. A travers une exposition situĂ©e au Palais Garnier et une publication exhaustive rĂ©unissant plusieurs contributions majeures sur le sujet.  En dĂ©pit des vicissitudes parfois amères imposĂ©es par la ” grande boutique “, lieu dĂ©testĂ© et vĂ©nĂ©rĂ© dans le mĂŞme temps, Giuseppe Verdi et Richard Wagner ont aimĂ© Paris : quelques annĂ©es après l’échec parisien de son Tannhäuser, Wagner dĂ©clare au roi de Bavière, Louis II : « Paris est le cĹ“ur de la civilisation moderne. [...] Lorsque, jadis, je voulus devenir un cĂ©lèbre compositeur, mon bon gĂ©nie me conduisit aussitĂ´t vers ce cĹ“ur ». « Quelle belle chose que ces théâtres de la grande capitale ! » Ă©crit encore Verdi Ă  son agent parisien, LĂ©on Escudier.Les relations passionnelles et tumultueuses qu’entretiennent  les deux compositeurs avec la France, et plus particulièrement avec l’OpĂ©ra de Paris,  ont dĂ©jĂ  donnĂ© lieu Ă  des Ă©tudes et des expositions dans le cadre du Palais Garnier, mais il s’agit ici de croiser leur destin respectif, aux rĂ©alisations immĂ©diates et directes pour Verdi, plus tortueuses et dĂ©jĂ  scandaleuses pour Wagner.MusĂ©ographie. Une centaine de pièces provenant des collections de la Bibliothèque nationale de France, de l’OpĂ©ra national de Paris et du Centre national du costume de scène de Moulins, l’exposition Ă  la Bibliothèque-musĂ©e de l’OpĂ©ra Garnier montre
comment ces deux contemporains amènent à l’Opéra une nouvelle conception du genre lyrique et une nouvelle vision de la scène. Leurs idées se rejoignent d’ailleurs  pour partie. Ils ont affaire aussi aux mêmes hommes : c’est sous la même direction, celle d’Alphonse Royer (1856-1862), que Le Trouvère de Verdi et Tannhäuser de Wagner entrent au répertoire de l’Opéra, respectivement le 12 janvier 1857 et le 13 mars 1861.
Les enjeux institutionnels, artistiques, Ă©conomiques et politiques qui rĂ©gissent les relations de Verdi et de Wagner avec l’OpĂ©ra ne s’évanouissent pas avec le dĂ©cès des deux compositeurs, bien au contraire : les ambitions artistiques et de modernitĂ© des directeurs, mais aussi les Ă©volutions des rapports diplomatiques entre France, Allemagne et Italie (Ă  l’occasion notamment des deux conflits mondiaux qui marquent le XXe siècle) tout comme les mutations de l’économie du spectacle  expliquent la dynamique qu’entretient le rĂ©pertoire de l’OpĂ©ra avec l’œuvre monumentale et rĂ©formatrice de Verdi et de Wagner, de la première de JĂ©rusalem de Verdi en 1847, Ă  la prĂ©sentation du cycle complet de L’Anneau du Nibelung de Wagner Ă  Bastille en 2013. En somme une odyssĂ©e lyrique qui continue de s’Ă©crire, tout en montrant l’actualitĂ© esthĂ©tique des deux compositeurs Ă  l’heure d’internet.

Exposition « Verdi, Wagner et l’Opéra de Paris »,
BnF, site Bibliothèque-MusĂ©e de l’OpĂ©ra, du 17 dĂ©cembre 2013 au 9 mars 2014. 216 pages. 150 illustrations. Parution : 14 novembre 2013.
Verdi, Wagner et l’Opéra de Paris
Exposition à la Bibliothèque-musée de l’Opéra

Du 17 décembre 2013 au 16 mars 2014
Bibliothèque-musée de l’Opéra, Palais Garnier
place de l’Opéra, Paris 9e
Tous les jours : 10h > 17h
Sauf le 1er janvier 2014.
Entrée : 10€ , TR : 6€
(avec la visite du théâtre) 

 

CATALOGUE
Publication : Verdi, Wagner et l’Opéra de Paris

Verdi_wagner_opera_de_paris_catalogue_expositionVerdi, Wagner et l’Opéra de Paris, catalogue d’exposition. En complément de l’exposition événementielle (qui clôt actuellement le bicentenaire des deux compositeurs en 2013) et qui a lieu à la Bibliothèque-musée de l’Opéra au Palais Garnier jusqu’au 9 mars 2014, l’Opéra et la BNF co-organisateurs éditent ce remarquable catalogue. La publication  rend compte de la richesse du sujet comme de la pertinence de l’approche scientifique et muséologique du parcours. Au XIXème, Paris reste le cœur de la modernité en marche et pour l’opéra, un temple de toutes les audaces comme le tremplin des carrières les plus prestigieuses. C’est pourquoi les deux contemporains, Wagner comme Wagner (nés en 1813) ont veillé à faire créer leurs œuvres à Paris. Si de leur vivant, les deux compositeurs réalisent différemment ce défi, chacun se confrontent tout en la découvrant, à la grande machine lyrique française : sérieux des répétitions et de la préparation des productions (même Wagner s’en étonne pour son Tannhäuser de 1861 pourtant imposé à l’institution par Napoléon III), surtout obligation pour les deux auteurs en recherche de reconnaissance et de gloire, d’écrire un ballet et de le placer précisément au 2ème acte, vers 10h du soir quand amateurs et abonnés (ceux du Jockey club) rentrent de dîner pour aller au théâtre afin d’y goûter le spectacle des danseuses.

Verdi saura se plier à cette tradition gauloise … avec le succès et les conséquences que l’on sait pour lui : 7 opéras seront ainsi produits de son vivant sur la place française ; Wagner moins flexible (et moins diplomate) n’aura pas cette intelligence : s’il écrit pour Paris un grand ballet pour Tannhäuser, il le place au début (pour ne pas rompre le fil dramatique de l’oeuvre) : il n’en fallait pas moins pour susciter un scandale et fâcher définitivement les décisionnaires avec ses oeuvres (du moins de son vivant).
Tout cela est remarquablement expliqué et récapitulé dans les textes richement illustrés, à travers 5 articles qui rétablissent le contexte, les enjeux esthétiques, le fonctionnement des commandes, le suivi des productions pour par exemple outre la création parisienne de Tannhäuser de Wagner en 1861 donc, celle des opéras de Verdi dont les 3 créations Jérusalem, Les Vêpres Siciliennes, Don Carlos (sans omettre les adaptations françaises des partitions déjà crées en Italie ou ailleurs : Nabucco (1845), Aïda (1880), Othello (1894), …

Verdi sort grand vainqueur des relations à l’institution parisienne : son buste figure dans le décor artistique choisi par Garnier pour le nouvel Opéra inauguré en 1875. Pour sa part, la réhabilitation de Wagner et sa faveur auprès du public et des directeurs, se fera plus tard, dans les années 1890 (après la mort du musicien) constituant jusqu’à aujourd’hui le pilier du répertoire … avec Verdi : l’association Verdi – Wagner et l’Opéra de Paris est dont totalement justifiée, outre l’opportunité du double bicentenaire 2013.

Au final, contributions et compléments iconographiques précisent de façon idéale, l’activité de Wagner et de Verdi à l’Opéra, de leur vivant, puis, sous l’angle d’une fortune critique, après leur mort, où, dans la programmation de la Maison lyrique, leurs oeuvres respectives attirent toujours autant les foules.
C’est aussi un bilan de l’Institution à leur époque, ce en quoi consiste le ” grand opéra ” à la française à l’heure du romantisme tardif, la réalité de la scène alors et une histoire des interprètes dont le choix pour chaque création ou reprise, est toujours le sujet d’échanges musclés entre le Théâtre et les compositeurs.

Fidèle au parcours de l’exposition, le catalogue conclut sa réflexion fructueuse sur une présentation des créations, premières et grandes reprises à l’Opéra de Paris, jalons d’une histoire lyrique passionnante, depuis Les Vêpres Siciliennes (1855) et Le Trouvère (1857) de Verdi (premier dans les lieux donc), Tannhäuser de Wagner (1861) jusqu’à Vaisseau Fantôme (1937) et Un Bal Masqué (1951)… sans omettre leurs échos contemporains incluant la récente Aïda (de 2014 version Olivier Py), comme le premier Ring à Bastille version Günter Krämer (en 2013)…

En vérité, si aucune oeuvre de Verdi ne pose plus de problème aujourd’hui sur le fait de la choisir et de la produire à Paris, il n’en va pas de même avec les opéras de Wagner, en particulier Le Ring, toujours connoté, instrumentalisé, détourné en raison de l’antisémitisme de son auteur, récupéré ensuite par les nazis (les allusions à cette relecture hitlérienne du Ring n’ont pas manqué de susciter leur lot de réactions à Paris en 2013). Sur le plan artistique, l’obligation du grand opéra postmeyerbeerien incite Verdi comme Wagner à se dépasser en créant une forme à la fois grandiose et collective mais aussi intime et psychologique qui stimule l’ingéniosité des équipes techniques de l’Opéra de Paris : longtemps, le Théâtre parisien a compté parmi les meilleures maisons offrant décorateurs et scénographes expérimentés… c’est aussi l’un des enseignements de cette remarquable publication. A lire et à voir à la Bibliothèque Musée de l’Opéra, jusqu’au 9 mars 2014.

Verdi, Wagner et l’OpĂ©ra de Paris.  Catalogue de l’exposition Ă  la Bibliothèque-musĂ©e de l’OpĂ©ra, Palais Garnier Ă  Paris, jusqu’au 9 mars 2014. Ouvrage collectif. ISBN: 978 2 7177 2546 9. Éditions BNF. Bibliothèque nationale de France, avec l’OpĂ©ra national de Paris. Parution : dĂ©but dĂ©cembre 2013. Sous la direction de Mathias Auclair, Christophe Ghristi et Pierre Vidal. Editions de la BNF. Catalogue de l’exposition, Éditions de la BNF.