Trois superbes ballets du chorégraphe néo-classique Jerome Robbins sont de retour sur la scène du Palais Garnier ! Un programme poétique voire humoristique qui fait la part belle au piano, avec un soliste différent pour chaque ballet. Il s’agît des reprises de En Sol, sur le Concerto en sol pour piano et orchestre de Maurice Ravel, In the night sur des nocturnes de Chopin, et enfin The Concert (ou les malheurs de chacun), sur une sélection de pièces solistes diverses du dernier, arrangées et orchestrées par Clare Grundman. L’Orchestre de l’Opéra national de Paris est sous la direction de Maria Seletskaja, ancienne danseuse classique devenue chef d’orchestre !
Les plaisirs parisiens de Jerome Robbins
En Sol qui ouvre le programme, est le seul ballet du billet qui n’a pas fait son entrée au répertoire de l’opéra grâce à Rudolf Noureev. La chorégraphie d’une immense musicalité date de 1975, ses décors et costumes évoquant une ambiance de villégiature estivale raffinée sont signés Erté. Le couple d’Étoiles ce soir (plusieurs distributions alternantes) est formé par Hannah O’Neill et Hugo Marchand. Ils paraissent très à l’aise dans le langage et leurs lignes sont, comme d’habitude, magnifiques, mais un moment vertigineux pour O’Neill nous a fait penser au fait que le néo-classicisme américain n’est vraiment pas sans difficulté. Ce couple étoilé est entouré de belles personnalités du ballet, telles Camille de Bellefon et Fabien Révillion, à la musicalité bondissante et épris d’une joie évidente d’interpréter ce touchant récit de baignade à la mer ! La complicité sur scène et à la fosse est évidente, saluons dans ce sens l’excellente interprétation du concerto de Ravel par le pianiste Frank Braley.
Après l’été, la nuit…
In the night, le deuxième ballet du programme, met en scène trois couples de solistes, en l’occurrence tous Étoiles, et évoque à travers des pas de deux, les différents moments d’une relation amoureuse. D’abord, le couple formé par Sae Eun Park et Paul Marque représente les premiers émois de l’amour. Ils sont sans défaut, pure beauté en mouvement. Elle, d’une dignité touchante dans son sentiment amoureux, lui, un partenaire excellent, soigneux. Une bonne mise en condition pour le couple suivant de Ludmilla Pagliero et Mathieu Ganio. Le couple établi, harmonieux, incroyablement beau, à l’instar du partenariat sur scène qui est tout simplement bouleversant par la force expressive et la présence magnétique des danseurs, certainement inspirés par les sublimes nocturnes de Chopin interprétés par Ryoko Hisayama. Le dernier couple par Amandine Albisson et le Premier Danseur Audric Bezard représente différentes facettes de la passion amoureuse. L’Albisson se montre à nouveau prima ballerina assoluta dans l’interprétation ! Quelle fougue et quel abandon en mouvement ! Audric Bezard est un partenaire solide dont le physique correspond merveilleusement au rôle, il est aussi tout abandon.
Retrouvailles au concert
The Concert (ou les malheurs de chacun) clôt le programme. Un ballet carrément humoristique où est mis en scène un récital de piano qui vire au délire à cause des personnages parfois fantasques, toujours expressifs : le mélomane, le mari volage et sa femme, la fille rêveuse, la femme en colère, le garçon timide… Même la pianiste Vessela Pelovska (pianiste-répétitrice officielle du Ballet de l’Opéra), la première à entrer sur scène, joue un rôle théâtrale comique de diva au piano, en même temps qu’elle interprète l’arrangement des différentes pièces de Chopin. Ce ballet et tout rires, tout gaîté, toute joie ! Les personnages sont souvent associés à un accessoire qui lui aussi joue un rôle dans l’action, et parfois inspire ou informe les mouvements. Une œuvre comique au ballet est chose rare, voire très rare. A la création en 1956, le public est resté de marbre, pour ne pas dire plus. Certains critiques sont allés jusqu’à dire que Robbins avait manqué d’égards envers la musique de Chopin… Nous constatons aujourd’hui l’effet contraire, et c’est merveilleux. L’auditoire vibre d’une joie palpitante et éclate en rire en permanence, après chaque de très nombreux sketchs ou situations comiques mises en mouvements. Que ce soit la magnifique Étoile Léonore Baulac assise, en pointes, sur de l’air, appuyée à peine sur la queue du piano ; le flair maladroit d’un superbe Fabien Révillion, avec son écharpe ; les regards intenses, à la fois espiègles et menaçants d’un Arthus Raveau dans une forme excellente ; l’exaspération folle d’un Mathieu Contat, pétillant, primesautier à souhait !
Un programme poétique et gai vivement conseillé, pour les jours maussades comme pour les jours ensoleillés !
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CRITIQUE, ballet. PARIS, Palais Garnier, le 26 octobre 2023. JEROME ROBBINS : “En sol”, “In the night” et “The Concert”. Ballet et Orchestre de l’Opéra national de Paris / Frank Braley & Ryoko Hisayama (piano) / Maria Seletskaja (direction musicale). Photos (c) Opéra national de Paris.
(A l’affiche à l’Opéra Garnier le 31 octobre ainsi que les 1er, 2, 3, 4, 7, 8, 9 et 10 novembre 2023).
VIDÉO : « En sol » de Jerome Robins par le Ballet de l’Opéra national de Paris