Spontini: La Vestale. Paris, TCE, du 15 au 28 octobre 2013. Rhorer, Lacascade. Nouvelle production…NĂ©oclassique comme peuvent l’ĂŞtre Canovas et Ingres, Spontini offre le premier cadre du grand opĂ©ra français impĂ©rial. NapolĂ©on premier auditeur de l’ouvrage avant sa crĂ©ation parisienne reste admiratif vis Ă vis de la maĂ®trise de Spontini. Trombones, trompettes … le compositeur n’hĂ©site pas Ă nourrir la texture et le format de l’orchestre, mĂŞme Rossini se souviendra de son solo de clarinette pour Tancredi … C’est dire l’apport de Spontini après Gluck et avant Berlioz et Meyerbeer.
La Vestale
On doit donner encore La Vestale… que je l’entende une seconde fois !… Quelle Ĺ“uvre ! comme l’amour y est peint !… et le fanatisme ! Tous ces prĂŞtres-dogues aboyant sur leur malheureuse victime… Quels accords dans ce finale de gĂ©ant !… Quelle mĂ©lodie jusque dans les rĂ©citatifs ! Quel orchestre ! Il se meut si majestueusement… les basses ondulent comme les flots de l’OcĂ©an. Les instruments sont des acteurs dont la langue est aussi expressive que celle qui se parle sur la scène.
Hector Berlioz, dans sa 12è SoirĂ©e des SoirĂ©es de l’orchestre ne faiblit d’Ă©loges quant Ă l’oeuvre de son confrère compositeur. Le style frĂ©nĂ©tique, l’exacerbation terrible du style sanguin et expressif de Spontini ont de toute Ă©vidence saisi le Romantique français, par ailleurs si difficile ou critique Ă l’endroit de ses contemporains.
Aux cĂ´tĂ©s de Berlioz, Wagner qui dirigea l’oeuvre en allemand (Dresde, 1844), tĂ©moigne de sa profonde estime pour l’oeuvre de Spontini. La Vestale demeure l’un des grands Ă©vĂ©nements lyriques du XIXè, suscitant un choc unanime et enthousiaste partout en Europe, dès sa crĂ©ation. A 33 ans, l’auteur fusionne style gluckiste et dĂ©clamation tragique française, prend acte de toutes les critiques constructives qui lui sont avancĂ©es pendant la composition de son opĂ©ra : après une annĂ©e de travail, Spontini remet son manuscrit et l’ouvrage est créé Ă l’OpĂ©ra de Paris, devant l’Empereur et JosĂ©phine, le 14 dĂ©cembre 1807. Verve, Ă©clat, grâce, fulgurance tragique, noble et spectaculaire … la critique et les spectateurs enchaĂ®nent les Ă©loges face Ă une oeuvre forte, emblĂ©matique du goĂ»t de la France impĂ©riale et romantique, au dĂ©but du XIXème. Par ses nombreux motifs et citations empruntĂ©s Ă l’antiquitĂ© romaine, l’opĂ©ra de Spontini, protĂ©gĂ© de JosĂ©phine, offre un ouvrage stylistiquement accordĂ© Ă l’esthĂ©tique impĂ©riale façonnĂ©e par NapolĂ©on.
Servi par Melle Branchu (grande habituĂ©e des rĂ´les tragiques Ă l’OpĂ©ra de Paris) dans le rĂ´le de la vestale Julia, l’opĂ©ra triomphe grâce aux tempĂ©raments vocaux que la production a su regrouper pour la crĂ©ation parisienne. PortĂ© par le succès de son livret, Etienne de Jouy (plus tard librettiste de Rossini), signe une adaptation plus comique de La Vestale (dans le genre vaudeville, La marchande de modes), parodie créée elle aussi triomphalement au Théâtre du Vaudeville, oĂą la jeune vestale Julia devient Julie, ouvrière dans un magasin de mode parisien. C’est Maria Callas qui Ă la Scala de Milan en 1954 ose remonter l’ouvrage et incarner le tempĂ©rament de la bouillonnante et digne Julia. L’oeuvre n’avait pas investi une scène parisienne depuis 1854.
Le TCE prĂ©sente la version parisienne de la crĂ©ation en français. Julia, vestale obligĂ©e Ă la soumission Ă l’ordre et au dieu qu’elle sert, demeure fidèle Ă son serment de virginitĂ© malgrĂ© la passion que lui voue le gĂ©nĂ©ral vainqueur Licinius. C’est au dĂ©but du siècle romantique une figure quasi mythique qui offre l’exemple d’une vierge sublime, inflexible et loyale mais qui est aussi une grande amoureuse, choisissant jusqu’Ă la mort, le sacrifice de son bonheur individuel.
La production choisit une lecture universelle, ni historique ni dĂ©calĂ©e, que met en lumière l’Ă©pure tragique d’un plateau dĂ©nudĂ© … afin que s’illustre et s’affirme la violence admirable d’une action qui cite le théâtre classique tragique. Tout en soulignant le tempĂ©rament de chaque protagoniste et l’intensitĂ© des confrontations dramatiques, la lecture prĂ©sentĂ©e sur la scène du TCE en octobre 2013, laisse aussi la place au choeur omniprĂ©sent pendant l’accomplissement du drame : “… peuple de vestales, de prĂŞtres, de guerriers, de citoyens, foule bigarrĂ©e et mĂ©langĂ©e, toujours au bord de l’explosion qui fait aussi la puissance de l’œuvre “ainsi que le prĂ©cise le metteur en scène.
La Vestale, tragédie lyrique en trois actes
Gaspare Spontini (1774-1851)
Texte de Etienne de Jouy, création en 1807.
Version française - nouvelle production
Spectacle en français
Durée de l’ouvrage : 2h10 environ
6 représentations
mardi 15, vendredi 18, mercredi 23,
vendredi 25, lundi 28 octobre 2013,19h30
dimanche 20 octobre 2013, 17h
Jérémie Rhorer direction
Eric Lacascade mise en scène
Ermonela Jaho Julia
Andrew Richards Licinius
Béatrice Uria-Monzon La Grande Vestale
Jean-François Borras Cinna
Konstantin Gorny Le Souverain Pontife
Le Cercle de l’Harmonie
Chœur Aedes
La Vestale
Argument
Dans la rome antique.
acte I
Le forum romain et, à gauche, l’atrium avec les appartements des vestales. Le général Licinius, vainqueur de la guerre contre les Gaulois, aime la belle Julia. Entretemps, celle-ci est devenue vestale en l’honneur de son père disparu et s’est engagée à  rester chaste sa vie durant, faute de quoi elle prendra la vie. Julia est désignée pour remettre au général Licinius la couronne du vainqueur ; celui-ci en profite pour s’annoncer chez la vestale le soir même, bien décidé à  l’enlever.
acte II
L’intérieur du temple de Vesta, avec au centre la flamme sacrée sur un grand autel en marbre. Julia est gardienne de la flamme pour la nuit, qui ne doit jamais s’éteindre. Licinius arrive pour enlever la jeune femme, mais celle-ci résiste à la tentation. La flamme s’éteint pendant leur altercation. Le souverain pontife exige le nom du coupable, mais Julia s’y refuse ; elle est condamnée à mort.
acte III
Tableau 1 : Les tombes en forme de pyramide de la Porta Collina. Licinius implore vainement le ciel que Julia survive et avoue sa culpabilitĂ©. Julia nie ces allĂ©gations et entre dans la tombe pour y ĂŞtre enterrĂ©e vivante. Elle dĂ©pose son voile de vestale devant l’autel, qu’enflamme un Ă©clair. C’est le signe que la dĂ©esse lui pardonne. PardonnĂ©e, Julia peut Ă©pouser celui qu’elle aime et qui l’aime en retour.
Tableau 2 : Le temple de Vénus à Eryx. L’union de Licinius et de Julia est célébré dans la joie.