lundi 7 octobre 2024

Entretien avec Benoît Babel, directeur musical de Zaïs. Jouer Rameau et Haendel.

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babel-benoit-zais-rameau-handel-ENTRETIEN avec Benoît Babel, directeur musical de Zaïs. Jouer Rameau et Haendel. Avec son ensemble sur instruments d’époque, baptisé Zaïs en hommage au génie raméllien, le claveciniste Benoît Babel vient de publier chez Paraty, un programme discographique réjouissant : enchaînant Concertos pour orgue de Handel et transpositions d’après Rameau. La vitalité exquise, le sens du drame, le festival des saveurs instrumentales servies comme un buffet de combinaisons rares font les délices d’une réalisation superlative, d’autant plus bienvenue pour l’année Rameau 2014. Mais mettre en regard Haendel et Rameau, deux génies contemporains de la musique baroque n’est pas si anodin que cela. Explications. Entretien avec Benoît Babel, directeur musical de Zaïs.

 

 

En jouant les deux compositeurs qu’avez vous souhaité exprimer comme singularités respectives ? 

Ce qui est curieux avec Handel et Rameau, c’est que leur musique différente de prime abord se complète parfaitement. Handel a cette spontanéité, ce naturel et cette fluidité qui font penser à l’Italie. Rameau a pour lui la légèreté, ce côté spirituel, humoristique mais jamais naïf. Mais ces deux génies ont en commun une incroyable maîtrise de leur art.
Avec Paul Goussot, titulaire de l’orgue de Ste-Croix, nous avons souhaité composer un programme le plus vivant possible. Nous avons pour cela utilisé deux « disciplines » que Rameau et Handel eux même ont beaucoup pratiquées : l’improvisation et la ré-écriture.
Handel, dans ses concertos, laisse à l’organiste d’immenses possibilités de création par des mentions « ad libitum ». Notre enregistrement compte au moins quatre grandes parties improvisées : trois au sein des concertos et également une ouverture en trois mouvements, ce qui est assez rare au disque. C’est d’ailleurs une joie immense pour l’ensemble Zaïs de découvrir chaque fois que nous donnons ce programme les nouvelles trouvailles de Paul. C’est très inspirant pour nous.
babel-bonit-zais-582-concert-maestro-rameau-handelLa démarche de ré-écriture et elle aussi très historique. Tous les opéras de Rameau contiennent des pièces ré-écrites, adaptées pour l’occasion. Paul Goussot a passé des mois entiers à inventer des parties de violon, alto, hautbois, bassons … à partir de la version en trio de Rameau. Il a ainsi créé une conversation constante entre l’orgue et les parties d’orchestre. Un immense travail ! C’était notre manière à nous de célébrer l’année Rameau en montrant que la pratique de la musique ancienne passe aussi par des expériences et que l’on peut de cette façon continuer à faire vivre ce répertoire et à le renouveler.

 

 

 

Réécriture, improvisation…

 

A propos de Rameau, que diriez vous en quelques mots pour définir son génie particulier au regard des oeuvres jouées ?

Rameau est pour moi le meilleur ambassadeur de la musique française du XVIIIème siècle et de l’esprit des Lumières. Bien que sa musique soit souvent intellectuellement complexe et virtuose, jamais elle ne contraint l’auditeur à une concentration extrême pour se laisser toucher par les affects. C’est ce que Rameau lui même appelait « cacher l’art par l’art ». Sa musique mérite d’être jouée et défendue. Je crois que, comme pour tout notre répertoire de musique ancienne, même après des siècles, cette musique parle directement à l’auditeur du XXIème siècle. C’est une musique sincère, honnête, dans le sens où elle invite directement l’auditeur à entrer dans son jeu, dans ses émotions. Pas besoin de distance, elle est faite pour que chacun la vive en soit.

Quels sont les caractères distinctifs de votre ensemble Zaïs et en quoi ce programme met il en avant ses qualités propres ? 

Tous les musiciens se sont énormément investis dans ce projet. Ils m’ont fait confiance et chacun a apporté le meilleur de ce qu’il pouvait faire. Je leur en suis extrêmement reconnaissant. Beaucoup ne me connaissaient pas ou n’avaient encore jamais joué avec moi. C’est une réussite collective. Pourtant les obstacles ne manquaient pas. Jouer avec un grand orgue, se fondre dans sa justesse et donner vie à ces transcriptions de Rameau … tout cela constituait des défis énormes ! Je pense que nous proposons dans ce CD quelque chose de vraiment original et singulier. Chacun pourra juger, mais nous sommes fiers de ce que nous proposons. Beaucoup de travail nous attend encore, l’aventure ne fait que commencer ! Propos recueillis par Alexandre Pham. Illustrations : ©ecliptique/Laurent Thion.

 

 

LIRE aussi notre critique complète du cd Rameau & Handel par l’ensemble Zaïs et Benoît Babel : CLIC de classiquenews de septembre 2014.

 

 

DOM BEDOS Rameau handel orgue PARATY visuel_cd_handelrameau_reelCD. Rameau, Handel : Concertos pour orgue, Pièces pour clavecin… (Zaïs, Paul Goussot, Paraty, 2013). Attention, programme remarquablement audacieux. Et sur le plan interprétatif : quelle fulgurance dans un jeu à la fois noble, généreux et aussi percutant voire d’une mordante énergie ! Sans réserve, voici le cd que nous attendions pour l’année Rameau 2014 : d’une plénitude enthousiasmante et par le choix de son programme, dans les œuvres retenues et transcrites, l’expression la plus sincère et la plus directe de cette furie musicale, doublée d’élégance propre au génie raméllien : l’affinité des interprètes (instrumentises de l’ensemble Zaïs et organiste) avec le compositeur est totale et aussi d’une inventive audace comme l’atteste l’intelligence des transcriptions proposée s’agissant des Pièces de Rameau, originellement pour clavecin et transférées ici à l’orgue.

CLIC D'OR macaron 200D’abord au service du premier Concerto pour orgue de Haendel (HWV 309), la gravité (couleurs sombres d’un lugubre solennel grâce aux bassons vrombissants) de l’Adagio & organo ad libitum captive dès le début ; la précision mordante, -pulsionnellement  pertinente de l’Allegro qui suit montre à quel point la musicalité rayonnante de l’ensemble Zaïs (Benoît Babel, direction) sait s’affirmer avec une exceptionnelle volupté assurée, complice à chaque mesure de l’orgue bordelais, royal, et même impérial dans sa démesure réellement impressionnante. De ce fait, la cohérence et l’équilibre dans la prise de son, résolvant l’ampleur réverbérante de l’orgue avec le relief des instrumentistes est exceptionnellement réussie. Outre sa justesse artistique convaincante, le programme satisfait donc aussi sur le plan de sa réalisation technique, préservant une balance idéale malgré la disparité des instruments en jeu. Un exemple même de naturel et de prise de son vivante. Bravo aux ingénieurs du son!

ECOUTER quelques extraits de l’ensemble Zaïs en concert

 

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