vendredi 29 mars 2024

Compte rendu critique, opéra en concert. PARIS, TCE, le 7 juin 2017. HALEVY : La Reine de Chypre. Gens, Dupuis, Niquet

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HALEVY Fromental_Halevy_by_Etienne_Carjat-cropCompte rendu critique, opéra en concert. PARIS, TCE, le 7 juin 2017. HALEVY : La Reine de Chypre. Gens, Dupuis, Niquet. Avec Meyerbeer, génie lyrique autrement plus cohérent, Halévy a marqué la scène romantique française à l’époque du grand opéra où l’éclectisme néohistorique et post classique étaient de mise pour renouveler le portrait des protagonistes, éprouvés dans le souffle de l’histoire collective. Cette Reine de Chypre, décidée opportunément, marque la lente résurrection sur la scène de Halévy, après le dvd Clari (où brillait en 2008, le diamant vocal et dramatique de l’ensorceleuse et amoureuse Cecilia Bartoli), après La Juive, récemment jouée à l’Opéra du RhinAlors que vaut cette Reine de Chypre de 1841? Préparée certainement avec le sérieux requis, la production n’est pas la réussite attendue, loin de là. La direction musicale et l’absence d’un vrai ténor, digne du chant français (à croire qu’en France, en cas de désistement, il n’existe aucun ténor digne d’un tel rôle, ce malgré l’essor du chant lyrique actuel?), atténuent considérablement l’enthousiasme final.
Les flons flons et facilités qui émaillent la partition, assez conforme et prévisible finalement, indiquent une partition qui n’est pas le chef d’oeuvre annoncé. Certes on note l’engagement de l’équipe artistique autour du chef, partenaire familier de l’exercice, d’une nervosité parfois tendue qui ne manque pourtant jamais d’énergie démonstrative (à son crédit citons entre autres, quoique déjà « anciennes », d’époustouflantes cantates de d’Ollone, premier prix de Rome-, et un Dimitri (1876) du wagnérien Joncières (2014)… qui en leur temps – passé?-, savaient être autrement plus fluides, onctueux, brillamment articulés. On ne dira pas pour autant comme certains que sa direction surligne la pompe inscrite dans la musique, mais souvent, – triste faille, le geste et la compréhension générale, manquent singulièrement de nuances. Et l’opéra romantique français en souffre ; il en sort, écrasé, comme assassiné sous son image de gigantisme ampoulé. AU sortir de la soirée en demi teintes, pas sûr que les spectateurs aient été charmés par une recréation « prometteuse » et les atours du grand opéra romantique français…

 

 

 

Dans l’attente du disque, un concert déséquilibré qui manque de nuances…

 

Ici, osons dire que l’approche frise la lecture à vue, en particulier pour le ténor qui a été choisi, malheureusement après une suite d’annulations (Marc Laho puis Cyrille Dubois sollicités tour à tour, ont dû renoncer), au dernier moment. Or en Coucy, l’amant de Catarina Cornaro, il s’agit bien du personnage clé de l’opéra d’Halévy : y brillait comme nul autre, en partie pour son fameux ut de poitrine, le fameux ténor vedette Duprez .
S’il n’était pas le premier rôle de l’ouvrage, le concert eut été passionnant. Mais voix frêle souvent absente, aigus tirés et articulation incertaine, Sébastien Droy n’était pas à son affaire. On présume alors ce qu’aurait pu exprimer dans un rôle primordial, un ténor comme Michael Spyres (heureux nantais et angevins qui l’entendront en septembre prochain dans le Faust de Berlioz, les 15 et 23 septembre précisément : événement de la rentrée lyrique) : l’américain illumine actuellement la scène par son timbre de grande classe, une subtilité alliée à une technique flexible et rayonnante. D’une partition qui se passe à Venise, le chef souligne surtout l’ampleur et la puissance d’une écriture qui veut plaire et séduire plutôt que toucher et émouvoir.
Privé d’un vrai grand ténor, la partition de la Reine de Chypre reste déséquilibrée. C’est d’autant plus navrant que la soprano vedette, présentée comme un bel argument, Véronique Gens (Catarina Cornaro) assoit là encore son timbre racé, de tragédienne distinguée dans le rôle titre (bien qu’elle n’a pas le mezzo probablement plus ample que la créatrice Rosine Stoltz). Ainsi se concrétise le destin d’une femme amoureuse (du chevalier français, Gérard de Coucy), obligée par les Doges vénitiens d’épouser le futur roi de Chypre (Lusignan) : le devoir plutôt que le sentiment. Tension propre au drame français style « grand opéra ». Spectacle consternant que ses duos amoureux avec Coucy… lequel se cherche encore une couleur, une présence dans une partition qui l’a totalement dépassé… Catarina ne devient effectivement Reine qu’au Vème acte : elle peut alors écraser la puissance vénitienne qui l’avait entraver, et offrir à son peuple liberté et dignité. Et aussi recouvrer son amour ancien pour Coucy, devenu entre temps chevalier de Malte… Contrairement à Meyerbeer qui ne transige jamais si’l faut tuer ses héros (cf Le Prophète, bientôt sur la scène du Capitole à Toulouse), Halévy préfère adoucir la veine sombre, grave, tragique, quitte à en diluer l’impact terrifiant.

Aux côtés de Gens, on repère l’intriguant et fourbe Mocenigo (Eric Huchet, bras armé de la Sérénissime) ; l’excellent baryton Etienne Dupuis (déjà remarqué dans Thérèse de Massenet il y a quelques années à Montpellier), Lusignan tendre donc humain, mais aussi formidablement intelligible, et d’une élégance naturelle, à mille lieues du chant imprécis de Droy. Les tableaux collectifs, eux, bénéficient de l’articulation du Chœur de la radio flamande, toujours très convaincant. Mais tous pâtissent du déséquilibre préalablement regretté. Une résurrection en forme de déception. Mais le disque annoncé dans la foulée devrait réparer ce concert à demi réussi. A suivre.

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Compte rendu critique, opéra en concert. PARIS, TCE, le 7 juin 2017. HALEVY : La Reine de Chypre. Gens, Dupuis, Niquet. En version de concert.

HALEVY : La Reine de Chypre
Opéra en cinq actes, livret de Jules-Henri Vernoy de Saint-Georges
Créé à l’Académie royale de musique le 22 décembre 1841

Catarina Cornard : Véronique Gens
Gérard de Coucy : Sébastien Droy
Jacques de Lusignan : Etienne Dupuis
Andrea Cornard : Christophoros Stamboglis
Mocenigo : Eric Huchet
Strozzi : Artavazd Sargıyan
Un héraut d’armes : Tomislav Lavoie

Chœur de la Radio flamande
Orchestre de chambre de Paris
Hervé Niquet, direction

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