samedi 20 avril 2024

William Christie ressuscite le génie chorégraphique de Rameau

A lire aussi

Christie William portrait 290Rameau, maître à danser par William Christie : jusqu’au 22 novembre 2014. Sur les traces des éblouissantes danseuses devenues légendaires à l’époque baroque, La Camargo ou Marie Sallé, que Rameau a su mettre en avant dans ses ballets éclatants, William Christie et  ses Arts Florissants soulignent la verve enchanteresse du Dijonais sur la scène chorégraphique dans un nouveau programme … “Rameau maître à danser”… c’est le titre précis de ce nouveau spectacle façonné par les Arts Florissants. William Christie pour l’année Rameau 2014 nous offre deux ballets à redécouvrir (tous deux représentés à Fontenaibleau) dont un ballet peu connu (la Naissance d’Osiris) créé pour la naissance du Dauphin, futur Louis XVI, le 12 octobre 1754. Avant la vogue Retour d’Egypte à venir, Rameau aborde l’exotisme de l’Antiquité égyptienne en célébrant la naissance d’un dieu, Osiris.  Dieu majeur du panthéon nilotique qui incarne, thème central de la ferveur antique, la résurrection après la mort. C’est selon la vision de Rameau, toujours soucieux de représenter les mécanismes et phénomènes de la nature, une pastorale heureuse et réjouissante (commande royale oblige) où Jupiter descend des cintres, interrompt la danse des bergers, pour annoncer l’événement heureux : l’amour et les grâces s’associent aux mortels pour célébrer la naissance divine. Ni spectaculaire fracassant, ni apparitions fantastiques (quoique) mais la seule et miraculeuse activité de la danse ; ici règne sans partage essor chorégraphique (gigue, gavotte, sarabande, tambourins et menuets charmants) mais aussi incursion développée de la pantomime. En pleine Querelle des Bouffons, où les clans s’affrontent, les uns pour les Italiens, les autres pour la grande machine lyrique française, Rameau infléchit son style : il s’italianise (les deux ouvertures sont à l’italienne : vif-lent-vif). William Christie présente dans la continuité et comme le 2ème acte d’un vaste opéra ballet, Daphnis et Églé qui dans la vision scénographie de Sophie Daneman, ex soprano vedette des Arts Florissants, ici, metteur en scène, poursuit l’enchantement musical, lyrique et dansé d’Osiris…

Lire notre compte rendu critique su spectacle Rameau, maître à danser (création en Caen en juin 2014). Prochaines dates de la tournée sous la direction de William Christie : 27 septembre (Mortagne au perche), puis 5 dates en novembre 2014 : Luxembourg (le 4), Moscou (les 6 et 7), Dijon (le 14), Londres (le 14), Paris, Cité de la musique, les 21 et 22 novembre.

 

La Naissance d’Osiris, ballet en un acte
Daphnis et Eglé, pastorale
nouvelle production
William Christie, direction
Sophie Daneman, mise en scène

Opéra Théâtre de Caen

Les 4, 5, 7 et 8 juin 2014

Caen, Manège de l’Académie

Les Arts Florissants choeur et orchestre / William Christie, direction musicale
Sophie Daneman, mise en scène / Françoise Denieau, chorégraphie / Nathalie Adam, Robert Le Nuz, assistants à la chorégraphie / Gilles Poirier, répétiteur / Alain Blanchot, costumes / Christophe Naillet, lumières et scénographie

Reinoud van Mechelen, Daphnis / Elodie Fonnard, Eglée / Magali Léger, Amour (D&E), Pamilie (Naissance) / Arnaud Richard, grand prêtre / Pierre Bessière, Jupiter / Sean Clayton, un berger (La Naissance)

Robert Le Nuz, Nathalie Adam, Andrea Miltnerova, Anne-Sophie Berring, Bruno Benne, Pierre-François Dolle, Artur Zakirov, Romain Arreghini, danseurs

Reprises les 14 juin puis 27 septembre 2014

Ce spectacle est également présenté le samedi 14 juin au Manège du Haras National de Saint-Lô et le samedi 27 septembre à Mortagne au Perche dans le cadre de Septembre Musical de l’Orne.

 

 

 

Génie chorégraphique de Rameau

 

home_christie_rameau_ballets_2014_daphnis_osirisDaphnis et Eglé, 1753. La partition s’inscrit au nombre des œuvres commandées par la Cour Versaillaise, offrant un divertissement recherché pour une célébration dynastique, en l’occurrence la naissance du petit prince Xavier Marie Joseph (Duc d’Aquitaine) survenue le 8 septembre 1753, – comme clairement La Naissance d’Osiris est associée à la naissance du Duc de Berry, survenue le 23 août 1754. Autant de fêtes propres à démontrer la santé du couple delphinal  … Daphnis est créé en octobre 1753, présenté couplé avec Les Sybarites (présenté en novembre suivant) : Rameau entend y affirmer l’excellence de son style en concurrence avec les spectacles présentés à l’Académie royale, alors très (trop) ouverts à la vogue italienne : la Querelle des Bouffons bat son plein.
Daphnis est une entrée pastorale en un acte sur un livret de Collé. Le librettiste d’abord très enthousiaste à l’égard de Rameau (il fait partie des rameauneurs ardents au sein de la société du Caveau, contre les lullystes) n’écrira plus de texte pour le musicien : de toute évidence, leur collaboration tourna court et après cette triste expérience, Collé n’eut de cesse de déprécier Rameau, l’homme et son œuvre. L’intrigue très légère souligne les frontières poreuses entre amitié et amour : les bergers évoluent en une nature féconde et protectrice, se déclarent leur tendresse puis en un trio langoureux et triomphal qui unit Daphnis, Eglé, Amour. Les deux héros peuvent être issus d’un tableau de Boucher : leur mise simple et rustique, dans un décor bucolique est prétexte à un cycle enivrant de danses et d’épisodes contrastés (tonnerre matérialisant la présence de Jupiter, air du grand prêtre avec chœur, tendre ariette pastorale de Daphnis : « chantez oiseaux, chantez dans ces bois écartés… »)… De toute évidence, Rameau assimile totalement et idéalement l’esthétique nouvelle des opéras italiens mais en en resserrant la trame, soignant l’effet saisissant des contrastes pour mieux exprimer la vitalité des situations. Parmi les nombreuses danses de Daphnis, distinguons : les éléments du divertissement proprement dit, véritable essor chorégraphique pur : la Musette pour les grâces, les jeux, les plaisirs…, la pantomime pour deux jeunes bergers, la contredanse rustique qui conclut la pièce.

rameau jean_philippeLa naissance d’Osiris, 1754. Pour célébrer la naissance du Duc de Berry, le 23 août 1754, Rameau compose à la demande de la Cour, un nombre impressionnant de divertissements en un acte, ou entrées dont La naissance d’Osiris. En vérité, Osiris sert de prologue ou préambule à deux autres entrées jouées dans la foulée : Pygmalion et Les Incas du Pérou (transfuge des Indes Galantes). Les Menus Plaisirs font preuve d’une liberté exceptionnelle dans un tel programme, laissant à Rameau (et son complice d’alors Cahusac) une activité propre où l’inventivité et l’originalité servent l’importance du prétexte dynastique et politique. Comme Daphnis, Osiris déploie une couleur nettement pastorale (hautbois en verve dès l’ouverture), on y retouve aussi l’importance du rôle du grand prêtre de Jupiter (même grande scène : ample air avec choeur, d’une virtuosité inhabituelle pour un rôle de basse). Comme dans Daphnis, Rameau y semble touché par la grâce et la meilleure inspiration : d’un bucolique jamais affecté ni artificiel, son écriture symphonique y affirme un vrai tempérament pour la musique pure, portée par la tension de l’élan chorégraphique (Tambourins et musettes).

Une Egypte pastorale et galante. L’esprit bucolique des deux pièces, le personnage central de Jupiter, l’esthétique italianisante si francisée (dramatique, resserrée, contrastée) les rapprochent immanquablement. Les jouer aujourd’hui renouvèle la pratique même de Rameau et de Cahusac lorsque pour la Cour, les deux créateurs fournissaient un programme de divertissements en recyclant plusieurs entrées de danse, originellement distinctes. Avant la vogue lancée par l’expédition de Bonaparte en Egypte à la fin du siècle, L’Egypte dont il est question n’est qu’un prétexte, essentiellement pastoral et bucolique, pour évoquer les amours champêtres des bergers amoureux… ni orientalisme ni folklore exotique, mais la grâce d’un divertissement puissamment construit sur le mouvement et la danse afin d’exprimer la liberté des cœurs enivrés dans une nature idéalisée.

 

 

- Sponsorisé -
- Sponsorisé -
Derniers articles

CRITIQUE, concert. LILLE, Nouveau Siècle, le 18 avril 2024. SIBELIUS : symphonie n°7 [1924] – BEETHOVEN : « GRAND CONCERTO » pour piano n°5 « L’Empereur » [1809]....

SUITE & FIN DU CYCLE SIBELIUS... La 7ème est un aboutissement pour Sibelius pour lequel l'acte de composition est...
- Espace publicitaire -spot_img

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img