Lundi 26 juillet 2010 à 20h
Festival de Montpellier
un opéra non wagnérien…
Très vite même s’il se montre généreux et partage sa collecte, L’Etranger suscite soupçon et jalousie; Vita qui doit épouser le beau douanier André, tombe amoureuse de cet homme mystérieux, plus âgé qu’elle mais dont la lumière morale la captive: D’Indy aurait-il souhaité renouveler la relation de Hans Sachs et d’Eva dans Les Maîtres Chanteurs de Wagner? Fait-il aussi une référence attendrie à sa liaison avec la belle américaine Mrs Valery Gordon qui lui inspire même son Lied maritime en 1896?
D’autant que dans l’opéra et contrairement à la pièce d’Ibsen, Vita quitte sa terre, sa vie, les promesses d’un mariage enviable pour suivre l’Etranger et sombrer avec lui dans les flots vainqueurs (conclusion du II). Fidèle à l’idéal artistique de D’Indy, les personnages sont habités par une exigence spirituelle croissante qui finit par les consumer. L’Etranger destiné à un baryton, c’est D’Indy lui-même: être aspirant et séduisant, véritable guide comme le fut D’Indy à Paris à la Schola Cantorum où il instaura, comme directeur, un nouvel enseignement musical, « anti-Conservatoire ».
… à l’époque de Pelléas
Dans L’Etranger composé dans son château neuf des Faugs à Biarritz, D’Indy souhaite se libérer de Wagner; oser un drame « français » de rédemption spirituelle (comme Thaïs de Massenet) car l’anti conformiste aspire à un drame sacré qui élève l’âme. Faire du Poussin en musique. L’écriture lyrique met en pratique l’idéal. Outre le portrait des individualités ardentes qui finalement s’aimantent (Vita et l’Etranger), le compositeur maîtrise l’art des climats où l’imaginaire et le souffle épique inspirent au choeur, un retour vers le drame grec, prenant et ample (choeur au début du II: le chant des marins, « c’est dimanche« ).
Dans L’Etranger, D’Indy soigne l’articulation du texte, la puissance chromatique de l’orchestre… autant de nouveaux particularismes que Debussy relève, à l’époque où le choc de Pelléas et Mélisande s’est produit (1902).