vendredi 29 mars 2024

Tout Chopin ou presque… cycle Bicentenaire Chopin 2010 Lyon, Conservatoire à rayonnement régional. Du 26 mars au 8 avril 2010

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« Tout Chopin ou presque… »

Du 26 mars au 8 avril 2010
Lyon, Conservatoire à Rayonnement régional (CRR)

« Tout Chopin »…même si on y ajoute un prudent « ou presque » : le Conservatoire de Lyon entend bien « rayonner » » pour le 200e anniversaire de la naissance. Et donner la parole, à un collectif d’enseignants, d’élèves et anciens élèves qui en dix concerts donne sa vision de L’Oeuvre aux scherzos, préludes, sonates, valses, ballades, valses et mazurkas. Et nous rapproche, dans l’ardeur juvénile, d’un vrai visage du compositeur polonais, si essentiel au romantisme d’hier et à un idéalisme pour aujourd’hui.

Tristesse à tous les étages

Vrai visage de Chopin : le jeune homme de 23 ans, très élégant au fin visage, et qui pourrait n’être qu’un aristocrate parisien de plus ? le grand romantique au dessus du réel tel que Delacroix l’a saisi ? l’homme marqué par l’angoisse mortelle et déjà hors du monde photographié en 1849 par Bisson ? Sans doute, tour à tour, ces trois-là, et bien d’autres : portraits officiels, croquis à la hâte dans l’intimité familiale ou amicale, voire caricatures (mais à la différence de Berlioz, Liszt et Wagner, il n’inspire guère un geste transpositeur de l’ironie ou de la démesure). Le Polonais-Français était pudique – jusqu’à l’excès, mais cela rachète tant d’exhibitionnistes et vendeurs de leur propre moi, y compris dans le romantisme européen -, et c’est en quelque sorte malgré lui que plus tard, son œuvre et son personnage ont pu se trouver sinon détournés du moins « bémolisés par le clair de lune » et tirés (vers le bas ?) par une « communication » qui sous-titre genre « Tristesse à tous les étages » ou « George-Frédéric : la rupture ? »…

Comme c’est bien, mon ange !

D’autant que Frédéric Chopin, à la différence de son « frère en religion musicale », Liszt, n’aime pas du tout le concert-estrade. Et d’ailleurs il l’écrit à Franz, un brin perfide : « Je ne suis point propre à donner des concerts…tandis que toi, quand tu n’enchantes pas le public, tu as toujours de quoi l’assommer. » Au fait, il faudrait en cette année de célébration chopinienne œcuménique et consensuelle, se rappeler la formule « tous les morts sont de braves gens », et ne pas céder à l’hagiographie qui béatifie voire sanctifie….Car Frédéric n’était pas tout uniment le délicieux bon garçon et chic camarade qu’on voudrait voir quoi qu’il arrive. Comme il l’avouait de lui-même : « Je suis toujours à contre-temps avec les autres. » Jusqu’à cette auto-accusation : « Ce n’est pas ma faute si je suis semblable à un champignon malsain, qui empoisonne celui qui le goûte. » Ce côté « volontiers amer et injuste » tient-il uniquement au fait qu’il est en France « un étranger et un artiste, donc comme le notera Jane Stirling après sa mort, « un homme pas comme les autres ? » Dans un milieu international comme celui de la capitale française, expliquait Bernard Gavoty, « son dégoût de la vulgarité va de pair avec un certain snobisme. Dans les salons où il joue fréquemment, il ne dépare nullement par sa présence la société d’aristocrates qui l’acclame, car dès l’enfance, le hasard de la vie l’a mêlé à une élite… » Evidemment il déteste la « grande salle de concert » : tout est relatif, bien sûr, et comme il aurait été révulsé devant les halls de gare et d’aéroports où notre époque aime à faire « produire » les virtuoses ! En tout cas, il n’aime rien tant que le lieu « intime » des salons, où son art s’épanouit, où l’on demeure proche de ceux qui ne sont pas venus pour assister à des exhibitions, mais pour goûter entre personnes de qualité des sonorités, des émotions (sans violence, pourtant, ce serait commun), peut-être une pensée musicale (mais pas celle qu’on « écoute la tête dans les mains », comme l’écrivit un aristocrate viennois confronté aux audaces de Mozart ). Cela n’empêchait en rien que Chopin continue pendant toute sa vie –douloureuse car riche en maladies, mais aussi comblée par la quête amoureuse, et la recherche jamais épuisée d’une perfection créatrice – ce qu’il appelait « un voyage en d’étranges espaces ». Aimait-il donner aux autres ce qui était pour lui l’essentiel, la musique ? A Paris, il fut un professeur de piano très demandé, « tarifant » à très haut prix ses leçons, et vivant de cela, de préférence auprès des jeunes femmes et jeunes filles de la bonne société. Il s’y investit non seulement de façon « technicienne », mais affective, exigeant « le son poétique », se fâchant jusqu’à la colère quand il est déçu, s’exaltant jusqu’à dire « comme c’est bien, mon ange ! » à un(e) élève qui atteint le but.

Presque rien d’oublié

N’est-il pas juste qu’en souvenir de cet éventail pédagogique –au sens large du terme – un établissement comme un Conservatoire Régional s’investisse dans une audacieuse quinzaine de « Tout Chopin…ou presque » ? A vous, spectateurs, de découvrir ce qui, selon la formule de V.Jankelevitch, se cache entre le « je ne sais quoi » et le « presque rien » (d’oublié par le CRR) ! Bien sûr, les classes de piano sont à l’honneur et à la peine. Et il est sympathique de voir que chacun des 13 enseignants ( au nombre desquels se joint le Directeur, lui aussi homme du clavier ) en cette « discipline » (oh le vilain et ridicule terme, fait-il toujours fortune sur la Colline qui Prie Sainte Cécile : on préférera celui, plus géographique, de « département » ) « prend en mains et doigts » un chapitre ou un paragraphe de l’œuvre, et s’y mélange avec les élèves. Aussi notre description ne mentionnera-t-elle pas les noms de tous ces explorateurs du continent chopinien, on en trouvera la liste dans les informations diffusées par l’Etablissement, jour par jour et concert par concert. Le regroupement par thèmes et classifications raisonnées est plus intéressant, en commençant par le non-pianisme seul, pour une « musique de chambre » qui inclut la Sonate violoncelle-piano, l’Introduction et Polonaise brillante, et le Trio op.8. Ensuite on visitera les 2 Sonates, la Berceuse et la Barcarolle (un seul exécutant), puis, en situation de collectif, les Etudes (op.10 et 25), de même pour les Préludes augmentés des Impromptus et d’une paraphrase surprise-jazzifiée, puis les Valses (en « Invitation », bien sûr), les Ballades et les Scherzos, enfin les Polonaises et Mazurkas. Que ce soit à la Salle Debussy du Conservatoire ou à la Salle Molière « sur les quais de Saône », chaque concert – d’entrée libre, on le souligne – est précédé d’une introduction descriptive des œuvres (par Pascal Lacombe, le discothécaire du CRR). Deux conférences sur l’histoire de l’interprétation chopinienne à travers les 78 puis 33 tours (de Paderewski et Cortot à Samson François et Dinu Lipatti) par l’un des enseignants-pianistes, fort spécialiste de ce domaine. Des mélanges imaginés autour de « Chopin le mélodiste » (avec les élèves-chanteurs), un « aimez-vous Chopin ? » en grande audition d’élèves. Pour ouvrir la série, un amical concert-lecture sur « la gestique pianistique » du Maître, par Pierre Pontier, qui enseigna au CNSMD…Et du 26 mars au 6 avril, devant la Médiathèque du Conservatoire – un excellent lieu à découvrir, où les visiteurs peuvent venir lire partitions et livres, écouter-regarder cd et dvd -, une exposition réalisée par Marie-Paule Rambaud (auteur de « Chopin, l’enchanteur autoritaire », ed. L’Harmattan)….
En somme, une manière très communautaire de montrer qu’un siècle et demi après, on peut arriver à transmettre avec intuition et vérité – pour que les publics d’aujourd’hui s’y orientent et choisissent leurs chemins – ce qu’un personnage de la Recherche du Temps Perdu avait « appris à caresser dans sa jeunesse : des phrases, au long col sinueux et démesuré, si libres et flexibles, si tactiles, et viennent, d’un retour prémédité, comme sur un cristal qui résonnerait jusqu’à faire crier – vous frapper au cœur. »

« Tout Chopin ou presque », du vendredi 26 mars au jeudi 8 avril 2010.
Entrée libre. Lyon, Conservatoire à Rayonnement Régional, 4 montée Cardinal Decourtray, 69005. Vend. 26, CRR (Salle Debussy), 20h30. Mardi 30, Salle Molière, 18h et 21h ; merc 31, Salle Molière, 18h et 21h ; jeudi 1er avril, CRR (Salle Debussy), 18h et 20h30 ; mardi 6, CRR, 18h et 20h30 ; merc. 7, CRR, 14h, 20h30 ; jeudi 8, CRR, 20h30. Information et réservation : T.04 78 25 91 39 ;
www.conservatoire-lyon.fr

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