vendredi 19 avril 2024

Tours. Grand Théâtre Opéra, le 11 mai 2012. Verdi: Macbeth. Avec Enrico Marrucci, … Choeurs de l’Opéra de Tours, Orchestre symphonique Région Centre Tours. Jean-Yves Ossonce, direction. Gilles Bouillon, mise enscène

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« Laide », »méchante », avec une voix « âpre », « voilée », « sombre », « diabolique »... Quand Verdi évoque ce que doit être le personnage de Lady Macbeth (fameuse lettre écrite à Paris en novembre 1848 à l’adresse de Salvatore Cammarano, quand la cantatrice trop angélique Mademoiselle Tadolini reprend le rôle), le compositeur insiste sur le caractère théâtral de l’opéra, soulignant dans ce sens les deux scènes capitales dans le déroulement de l’action, le grand duo de Macbeth et de son épouse au II, puis la scène de somnambulisme de Lady Macbeth, qui doivent être jouées et déclamées, en rien chantées… C’est à ce jeu scénique particulier que l’opéra verdien captive depuis don début, s’inscrit idéalement dans l’univers dont il prolonge la couleur fantastique et tragique: le drame shakespearien.

La production tourangelle réussit tout cela, avec une force et une cohérence…
exceptionnelles. Qui en font l’un des meilleurs spectacles vus au Grand théâtre Opéra de Tours. La vision du metteur en scène local, 
Gilles Bouillon (directeur du Centre dramatique régional de Tours) y aide grandement: sans dilution décorative sans surexplication codée lourde mais avec un rare sens de l’efficacité scénique; les solos de Macbeth et de son épouse, ceux périphériques de Banco puis Macduff, les duos hallucinés, les scènes collectives comme le banquet qui ferme le II, avec l’exposition de Duncan mort assassiné… s’imposent en clarté terrible, en expression héroïque, en nuance de l’inéluctable et du sublime tragique; ici chaque option scénique, chaque mouvement des acteurs et du choeur (un choeur magnifiques en chanteurs parfaitement impliqués!) éclairent les nœuds de l’action; en particulier la relation du roi d’Ecosse Macbeth avec les sorcières; de même, l’obsession du roi criminel et usurpateur dévoré par son impuissance foncière: ne pas avoir de fils donc de descendance (ceci nous vaut un tableau fantastique et héroïque où alors qu’il a tué le père : Banco, Macbeth en un délire halluciné voit chacun de ses 5 enfants régner en … souverains légitimes. Tableau fort et puissant qui rétablit avec quel à propos ces ténèbres permanents qui dévorent un Macbeth de plus en plus ébranlé et détruit.


L’impuissance suprême
L’unité et la cohérence visuelles de la production renforcent davantage cette singulière descente aux enfers ; et l’on comprend dès lors toute la justesse de la vision de Gilles Bouillon qui en homme de théâtre, maître de sa vision, défend un point de vue passionnant; quoi de plus insupportable et de plus honteux pour un homme rongé par l’ambition et le pouvoir, – en cela poussé jusqu’à l’extrême par son épouse démoniaque comme il a été dit par Verdi soi-« même,- de ne pas avoir d’enfants? Impuissance suprême et jamais dite explicitement mais qui scelle bel et bien la crise spirituelle d’un homme maudit/foudroyé dans sa destinée.
A l’intelligence de la mise en scène répond la cohérence du plateau vocal, en particulier chez les hommes: grâce à une projection naturelle et fluide, une intonation franche et sans affectation, en cela idéalement proche du texte, le Macbeth d’Enrico Marrucci convainc et captive.
Le baryton italo-américain déploie une aisance scénique assez exceptionnelle; son jeu économe, superbement simple rétablit l’essence du rôle qui est une figure surtout théâtrale, avant d’être vocale: il incarne cette évidence dramatique que Verdi évoque dans ses lettres; le travail de l’acteur est exemplaire; son italien déclamé avec nuances et virilité, est articulé dans de somptueuses couleurs toujours justes et musicales. L’arrogance, la fierté puis les doutes et la folie hullulée : le chanteur éclaire tout ce qu’à de terriblement humain, la figure du roi criminel et maudit, grâce à un style tout en finesse; Jean Teitgen est un Banco puissant et mâle dont l’autorité rend tout leur poids à son air avec son fils ; puis à son apparition comme spectre titillant l’esprit déjà dérangé de Macbeth au banquet du II; puis, quel luxe d’écouter le timbre clair et vaillant de Luca Lombardo (chanteur familier de la scène tourangelle) en Macduff … pour le seul véritable grand air de ténor de tout l’opéra: un air endeuillé (l’époux et le père pleurent leurs proches massacrés par le couple Macbeth), et fougueux appelant et avec quel aplomb le peuple écossais à la révolte!
Les chœurs sont fabuleux, eux aussi en présence et jeu scénique; du reste tous les finaux sont saisissants de vérité et de justesse. Les sorcières s’affirment visuellement ; leur apparition récurrente au début du I puis du III pour activité la machination criminelle des Macbeth, offre des tableaux graphiquement réussis où les couleurs, les costumes, dans cette boite fermée et sombre citent l’enfermement, l’inéluctable, la course à l’abîme … La rouille qui ronge tout le décor dit aussi cette dégradation générale (très belle réalisation de la décoratrice Nathalie Holt… qui n’en est pas a son premier travail avec Gilles Bouillon). Reste la Lady Macbeth de Jana Dolezilkova: si la voix n’a ni la puissance imprécatrice du rôle ni le soutien dans les aigus, le chant s’accorde en fusion chambriste, avec son partenaire, avec l’orchestre: son médium est souple, riche, onctueux; son air de somnambulisme est stylistiquement irréprochable, vocalement tendu et habité; il offre avec le Macbeth d’Enrico Marrucci, un portrait bouleversant de barbarie coupable et finalement bouleversante

Dans la fosse, Jean-Yves Ossonce montre une passion verdienne exemplaire, sachant enflammer les chœurs comme ciseler en couleurs chambristes chaque scène où le couple Macbeth exprime la passion sanguinaire, l’ambition politique, la solitude crépusculaire qui les rongent peu à peu. Les nuances défendues par la direction respectent idéalement ce théâtre millimétré où chaque accent, chaque inflexion restituée produit un miracle de dramatisme musical.

 

Tours. Grand Théâtre Opéra, le 11 mai 2012. Verdi: Macbeth, version 1865. Avec Enrico Marrucci, … Choeurs de l’Opéra de Tours, Orchestre symphonique Région Centre Tours. Jean-Yves Ossonce, direction. Gilles Bouillon, mise en scène. Illustration: Macbeth et Lady Macbeth: Enrico Marrucci, Jana Dolezilkova © F.Berthon.

vidéo

 

 

En mai 2012, pour 3 dates, l’Opéra de Tours et Jean-Yves Ossonce, son directeur, présente un nouveau Macbeth, d’autant plus prometteur qu’il sollicite la vision du metteur en scène Gilles Bouillon… Production événement: 3 dates incontournables, les 11, 13 et 15 mai 2012.
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