Saison 2011-2012
Tchaïkovski
Symphonie n°4
Tours, Grand Théâtre
Les 14 puis 15 janvier 2012
Nantes, La Folle Journée
Le 3 février 2012 à 18h
Suite de la saison russe (2011-2012) de l’Orchestre Symphonique région Centre Tours, c’est même le second programme russe de l’Orchestre avec Tchaïkovsky (Symphonie n°4 en fa mineur opus 36) et Chostakovitch (Concerto pour violon n°1 en la mineur opus 99, soliste: Fanny Clamagirand, violon). Jean-Yves Ossonce nous régale, après une Symphonie n°5 (donnée à Chambord, en conclusion du premier festival de musique, juillet 2011): direction ferme et nerveuse, éclairant chaque étape d’une dramaturgie brûlante, souci permanent surtout de la clarté des timbres qui révèlent le génie du Tchaïkovski orchestrateur… la lecture du chef apporte un éclairage saisissant sur les oeuvres choisies. Après les deux concerts de janvier 2012 à Tours, Orchestre et chef jouent la Symphonie n°4 de Tchaïkovski pendant la Folle Journée à Nantes: vendredi 3 février 2012 à 18h (Auditorium Pouchkine, couplée avec Une nuit sur le mont chauve de Moussorsgki, oeuvre jouée en novembre dernier à Tours, dans la version originale).
Symphonie n°4 de Tchaïkovski
Au coeur des années 1870, période d’intense créativité, après la découverte du théâtre wagnérien à Bayreuth (1876), la Symphonie n°4 (1877) appartient au cycle des grandes réalisations: Onéguine, le Concerto pour piano et la Symphonie n°3 (1875), Le lac des cygnes et les Saisons (pour piano), le poème symphonique Francesca da Rimini de 1876.
C’est aussi bientôt l’une des crises personnelles les plus douloureuses qui se précise: l’échec de son mariage avec Antonina Milukova (juillet 1877): traumatisme intime qui débouche sur une fuite en avant. A 35 ans, Tchaïkovski livre un cycle orchestral puissant et original.
Créé en 1878 à Moscou sous la direction de Nikolaï Rubinstein, le créateur du Conservatoire de Moscou où enseignait Tchaïkovski, l’ouvrage est bien documenté car dans ses lettres à sa protectrice Madame Meck, le compositeur s’explique et témoigne de son travail presque quotidien. C’est d’ailleurs à son mécène le plus admiratif que Tchaïkovski dédie l’opus (« à mon meilleur ami »). L’opus 36 en fa mineur n’eut vraiment de succès que quelques mois après la création moscovite, en novembre 1878 à Saint-Petersbourg sous la direction de Napravnik: applaudissements à tout rompre et scherzo bissé.
Dès le début du premier mouvement (andante sostenuto), le compositeur exprime le poison du fatum, force permanente qui menace dans l’ombre l’équilibre si précaire d’un bonheur trop fragile : mélancolique et solitaire, dépressif et méditatif, Tchaïkovski se livre ici tout en pudeur, avec une clairvoyance âpre, amère, parfois brutale. A cet énoncé jamais écarté, répondent l’illusion du rêve et une tristesse impuissante; suit une nouvelle phase de l’angoisse dans le mouvement suivant (Andantino in modo canzona); le Scherzo (pizzicato ostinato), puis Allegro, mêle divers sentiments bruts, accumulés, décousus, parfois « étranges et absurdes », ils sont liés nous précise Tchaïkovski à l’état naissant d’une ivresse oublieuse: répit bien dérisoire face à la barbarie de la vie… Le pizzicato des cordes contraste avec la chansonnette prosaïque aux bois et la marche militaire lointaine claironnée par les cuivres: l’impact fut immédiat auprès du public de la création pétersbourgeoise. Pour le finale (Allegro con fuoco), Tchaïkovski reprend une chanson populaire russe « un bouleau se dressait sur le champ », où le héros réapprend l’espoir et l’amour de la vie en admirant la joie et l’entrain des paysans lors d’une fête populaire: « réjouis toi de la joie des autres. On peut quand même vivre« , annote le compositeur à l’adresse de la dédicataire. La boucle est bouclée par la reprise du premier motif (mouvement I) dans le développement de l’allegro: Tchaïkovski signe ici son premier opus cyclique. La présence du fatum, l’expression maladive d’une impuissance chronique colorent toute la Symphonie qui annonce la marche terrible voire terrifiante des deux dernières Symphonies.