CRITIQUE CD Ă©vĂ©nement. Les Noces royales de Louis XIV – Le Poème Harmonique (1 cd Château de Versailles – nov 2021)

noces-royales-louis-XIV-mazarin-poeme-harmonique-cavalli-cd-chateau-versailles-spectacles-cd-critique-review-cd-classiquenewsCRITIQUE CD Ă©vĂ©nement. Les Noces royales de Louis XIV – Le Poème Harmonique (1 cd Château de Versailles – nov 2021) – Le Poème Harmonique exprime l’immense espoir que fait naĂ®tre la Paix entre les puissances catholiques de France et d’Espagne (Paix de PyrĂ©nĂ©es, 7 nov 1659) et la solennitĂ© de l’évĂ©nement dynastique qui en rĂ©sulte (nĂ©gociĂ© par Mazarin), le mariage de Louis XIV et de Marie-ThĂ©rèse d’Autriche, cĂ©lĂ©brĂ© en grande pompe le 9 juin 1660 sous la voĂ»te de l’église de Saint-Jean Baptiste Ă  St-Jean de Luz. Souffle majestueux, exaltation vivace presque dansante, collective essentiellement dont le spectacle Motet Jubilate Deo de Lully demeure l’emblème le plus juste : superbe gerbe heureuse, partagĂ©e et dans sa dĂ©clamation ample et prĂ©cise, d’une rondeur toujours Ă©lĂ©gantissime. Solistes enivrĂ©s et acteurs autant que chanteurs (formidable Anne Quintans en dessus ; guide d’une joie triomphale).

 

Eclectisme stylistique pour les Noces de Louis

L’heure n’est pas encore à l’élaboration de l’opéra français mais la Cour de France a déjà le sens du spectacle : ce Mariage est une théatralisation d’un pouvoir qui entend démontrer sa grandeur active ; sens de l’articulation, force du groupe et mise en place scrupuleuse des individualités vocales, Le Poème Harmonique déploie d’éloquents arguments, égaux à ceux de leurs compétiteurs, Les Epopées, autre ensemble invité à Versailles et qui tout autant révolutionne aujourd’hui l’interprétation des Motets de Lully dans un cycle désormais décisif (Collection des Grands Motets de Lully / Les Epopées / Stéphane Fuget / CLIC de CLASSIQUENEWS).
En 1660, tout relève encore de la haute sensualité italienne dont témoignent les superbes pièces ici choisies, celles des vénitiens Salomone Rossi (très solennelle et presque grave Sinfonia); surtout le Magnificat de Cavalli, compositeur incontournable alors (qui allait livrer bientôt pour Paris, son Ercole Amante) dont le Magnificat expose les somptueuses effluves célébratives (jamais jouées cependant pour les noces royales mais plutôt pour une fête liturgique à Venise). Sans connaître précisément le programme musical de la Messe nuptiale de juin 1660, les pièces ici abordées évoquent le style général du goût clairement ultramontain partagé par Louis de France et son mentor Mazarin. Tout y paraît et se complète, en résonance avec les très nombreuses festivités qui ont accompagné le cortège royal français, descendu de Paris au pays basque et vice versa : chansons de circonstance des Français André de Rosiers et Nicolas CLIC D'OR macaron 200Métru ; langueur vénitienne comme l’atteste le solo tragique ou lamento extrait du Xerse de Cavalli ; et même théâtre picaresque délirant espagnol signé Juan Hidalgo. Le décorum n’empêche pas la caractérisation voire la surenchère dramatique : ce mariage offre un aperçu des styles divers ayant cours en France quand se marie le roi de France : éclectisme et sens du faste, spectacle et éloquente ferveur. Magistral.

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CRITIQUE CD Ă©vĂ©nement. Les Noces royales de Louis XIV – Le Poème Harmonique / Vincent Dumestre, direction (1 cd Château de Versailles – enregistrĂ© Ă  Versailles en nov 2021)  -  AGENDA : Ă  l’affiche de la Chapelle royale de Versailles Dimanche 3 juillet 2022, 21h : 2 concerts en une soirĂ©e avec pyrotechnie finale : PLUS D’INFOS ici (directement sur le site de Château de Versailles Spectacles

TEASER VIDEO :

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PROGRAMME : Noces Royales de Louis XIV

Aux portes du temple
Jean-Baptiste Lully (1632 – 1687) : Sonneries pour les trompettes du Roi

Entrée des délégations
Jean-Baptiste Lully : Entrée pour la Maison de France, Les Espagnols, Les Basques

Célébration de la paix
Jean Veillot (1600 – 1662) : Hymne O filii e filiae
Jean-Baptiste Lully : Motet pour la Paix Jubilate Deo, LWV 77

Le Mariage
Salomone Rossi (1570 – 1630) : Sinfonia grave
Francesco Cavalli (1602 – 1676) : Magnificat

Ballet des nations & Réjouissances
Francesco Cavalli : Xerse : “Lasciate mi morire”
André de Rosiers (actif 1634 – 1672) : Après une si longue guerre
Nicolas Métru (1600/1605 – 1663) : Ô France
Juan Hidalgo (1614 – 1685) : Celos aun del aire matan

 

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AUTRES CD du Poème Harmonique, Vincent Dumestre, critiqués / distingués par CLASSIQUENEWS :

sebastian-duron-coronis-alpha788 poeme harmonique druet bunel opera critique review cd review critique classiquenews CLIC de classiquenewsCRITIQUE. CD Ă©vĂ©nement. DURĂ“N : Coronis (Le Poème Harmonique, 2 cd Alpha – PARIS, avril 2021)– Formidable production pour sa vitalitĂ© rayonnante, ses contrastes opulents, ses situations truculentes qui mĂŞlent grâce Ă  la seule inspiration de Sebastian DurĂłn (1660-1716), langueur extatique, rage guerrière, rĂ©alisme satirique. Le Poème Harmonique, chanteurs et instrumentistes relèvent tous les dĂ©fis de cette action mythologique certes, surtout carnavalesque et bouffone, aux airs de tendresse grave, en particulier au II (Jornada Segunda) oĂą s’imposent dans la fresque dĂ©lirante, la prière et la plainte bouleversante de ProtĂ©e (si peu respectĂ© malgrĂ© ses alertes et prĂ©dictions) et Triton (soupirant dĂ©muni, colĂ©rique, Ă©conduit par la voluptueuse Coronis). Les solistes concernĂ©s ici, Cyril Auvity et Isabelle Druet composent de superbes tempĂ©raments vocaux, douĂ©s de puissance et de justesse humaine, de profondeur comme de sincĂ©ritĂ© Ă©motionnelle. A leurs cĂ´tĂ©s, rien Ă  dire aux Ă©patantes Ana Quintans dans le rĂ´le-titre : sa plasticitĂ© diamantine incarne Ă  la perfection la beautĂ© langoureuse et active qui finalement dĂ©cide du sort de la Thrace…

Le-Bourgeois-gentilhomme poeme harmonique lully 400 ans de moliere critique cd review clic de classiquenewsCRITIQUE, CD Ă©vĂ©nement. Molière / Lully : musiques pour la comĂ©die-ballet LE BOURGEOIS GENTILHOMME. Le Poème Harmonique (1 cd Château de Versailles Spectacles – avril 2021) – IntercalĂ©es dans la pièce de Molière, les musiques de scènes (ballets, divertissements, airs…) de Lully soulignent le gĂ©nie facĂ©tieux du surintendant de la musique depuis 1661 ; sa verve n’a de limite que le gĂ©nie de Molière ; chacun semble mĂŞme rivaliser d’astuces expressives, de finesse parodique sur le thème d’un Bourgeois dĂ©sireux d’être anobli… Ă  l’heure oĂą la Cour ne parle que des Turcs en audience près du Roi-Soleil. Les 2 Baptistes ont prĂ©cĂ©demment prĂ©sentĂ© (Ă©galement Ă  Chambord, devant la Roi) Monsieur de Pourceaugnac(1669). Pour cette restitution des parties intĂ©grales que Lully a alors façonnĂ©es, le Poème Harmonique met en lumière l’articulation langoureuse des jeunes tempĂ©raments du chant baroque actuel ; le Bourgeois Gentilhomme s’il moque l’exotisme des moeurs du Grand Turc Ă  travers une charge contre son ambassade alors Ă  Versailles pour une rĂ©ception attendue, reportĂ©e auprès de Louis XIV, exprime d’abord au I, l’empire de l’amour sur des cĹ“urs enivrĂ©s …

POEME-HARMONIQUE-ANAMORFOSI-allegri-monteverdi-marazzolli-mazzochi-cd-review-critique-cd-classiquenews-vincent-dumestreLIVE STREAMING : 11 dĂ©c, 20h30. ANAMORFOSI par Le Poème Harmonique. Concert en direct Ă  vivre sur Youtube, vend 11 dĂ©c 20h30. Le Poème Harmonique explore l’Italie du Seicento, « oĂą la langue musicale est celle des passions, profanes et sacrĂ©es »… Le programme a Ă©tĂ© l’objet d’un somptueux album discographique (enregistrĂ© en juin 2018) distinguĂ© par le CLIC de CLASSIQUENEWS : Cd critique. ANAMORFOSI : Allegri, Marazzoli, Monteverdi (Le Poème Harmonique, juin 2018 – 1 cd ALPHA) – «  Au carrefour du profane et du sacrĂ©, se dĂ©veloppe une mĂŞme musique, constante et touchante par ses aspĂ©ritĂ©s passionnelles. En hymnes sacrĂ©s ou en vers madrigalesques, l’écriture musicale ne varie pas, mais elle modifie son sens selon les paroles associĂ©es : (…) les vertiges de la musique eux sont toujours invariables et constants.

CRITIQUE, opéra. NICE, le 27 mars 2022. LULLY : Phaéton. Cachet, Lombard, Goicoechea, Caton, Richard… Corréas / Oberdorff.

CRITIQUE, opĂ©ra. NICE, le 27 mars 2022. LULLY : PhaĂ©ton. Cachet, Lombard, Goicoechea, Caton, Richard… CorrĂ©as / Oberdorff. Saluons l’OpĂ©ra de Nice de produire cet opĂ©ra de Lully, indĂ©niablement un chef d’Ĺ“uvre : la force des tableaux, des contrastes entre eux, l’Ă©quilibre entre rĂ©cits, duos, ensembles,… sans omettre l’architecture globale et le dĂ©roulement mĂŞme du drame : pas un temps mort.
On ne cesse Ă  chaque Ă©coute de Lully de dĂ©couvrir et d’apprĂ©cier tel et tel aspect, telle nuance de son Ă©criture, son raffinement instrumental, son intelligence dramatique, et dans le choix du sujet, des thèmes moraux et philosophiques qui transportent ; son travail sur la langue, son expressivitĂ© musicale comme sa justesse poĂ©tique qui captivent Ă  chaque session. Comme Wagner, en effet, Lully a pensĂ© l’opĂ©ra comme un spectacle total. En une dizaine de drames, il aura inventĂ© l’opĂ©ra Ă  la française. PhaĂ©ton appartient Ă  ses derniers.

 

 

 

A Nice, un Phaéton poétique,
visuellement puissant et noir

 

 

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« L’opĂ©ra du peuple » ainsi qu’on l’a nommĂ© Ă  sa rĂ©ception Ă  Versailles en 1683 (comme on dit d’Atys que c’est « l’opĂ©ra du roi ») met l’accent de fait sur la figure hĂ©roĂŻque de PhaĂ©ton, figure suprĂŞme de l’ambition comme du courage humain… Mais le propre de Lully est d’humaniser son hĂ©ros, de creuser ses failles et sa part d’ombre… d’en faire un amant “sans foi”, un traĂ®tre par vanitĂ© et par orgueil, vis Ă  vis de l’ardente et si loyale ThĂ©one (vĂ©ritable protagoniste de ce drame tragique), sorte d’Elvira avant l’heure, qui l’aime passionnĂ©ment autant que lui ambitionne ; tout en la trouvant admirable, il n’hĂ©site pas Ă  sacrifier leur amour pour sa gloire : ainsi Ă©pouser Libye pour devenir roi ; se faire reconnaĂ®tre d’Apollon comme le fils indiscutable de ce dernier… et Ă  ce titre pouvoir conduire le char du soleil – rien de moins.

Pas facile de mettre en scène un ouvrage spectaculaire et tragique, qui surtout articule en un vrai huis-clos psychologique, les passions humaines ; et, tout en suivant PhaĂ©ton, en sa volontĂ© dĂ©raisonnable, prĂ©cipite sa chute…
C’est bien un coup de gĂ©nie d’avoir prĂ©parer ainsi le spectateur vers le tableau final : trop ambitieux, trop tĂ©mĂ©raire… mais pas assez maĂ®tre de lui-mĂŞme, PhaĂ©ton est foudroyĂ© par Jupiter ; le soleil, malconduit, allait brĂ»ler la terre. A travers ce hĂ©ros d’argile, Lully et Quinault plonge au cĹ“ur du mystère du pouvoir et de sa filiation divine : Louis XIV ne dĂ©tenait-il pas sa souverainetĂ© de Dieu lui-mĂŞme ? Aucun autre « prĂ©tendant » ne pourrait occuper son rĂ´le. Cela est dit de façon violente, autoritaire et pourtant (grâce Ă  la magie de la musique), poĂ©tique. La mise en scène d’Éric Oberdorff a la qualitĂ© de l’Ă©pure et de la lisibilitĂ©, tout en n’Ă©cartant pas l’intimisme ni les suggestions multiples d’un Lully autant hĂ©roĂŻque et barbare, qu’attendri et rĂŞveur.

Entre temps combien de séquences oniriques, souvent pastorales qui expriment le sentiment du compositeur pour la nature ; et aussi la nuit [quand Protée s'endort avant de dévoiler à sa mère Clymène, le sort de son fils Phaéton, fin du I] ; mais également la mort [quand Apollon convoque l'esprit du Styx en jurant d’exaucer Phaéton, au IV]. Car Phaéton est un opéra sombre et grave, noir.

La production dĂ©montre plusieurs atouts : elle utilise habilement la tournette sur le plateau permettant, parce qu’elle ne cesse de se mouvoir, s’ouvrant et se refermant : mouvements, actions simultanĂ©es, apparitions, ensembles…, mais aussi il combine astucieusement danseurs (Compagnie Humaine)  et chanteurs dont certains n’hĂ©sitent pas non plus Ă  bouger, et jouer sans entrave.

On reste Ă©bloui par la concision du texte, l’acuitĂ© et la beautĂ© des images comme des sentiments qu’ils expriment. Il faut infiniment de prĂ©cisions, d’agilitĂ© technique pour ciseler et projeter les mots de Quinault dont l’Ă©loquence Ă©gale rĂ©pĂ©tons le, Racine.

ConfrontĂ©s Ă  ce dĂ©fi linguistique et expressif, seuls quelques solistes s’en tirent brillamment, plus naturellement intelligibles que leurs partenaires : Jean-François Lombard en triton puis surtout en Apollon donne une leçon de caractĂ©risation ciselĂ©e ; les voix basses ensuite, Arnaud Richard [ProtĂ©e] et FrĂ©dĂ©rique Caton [le roi] ; puis l’Épaphus de Gilen Goicoechea, cĹ“ur noble, princier, loyal Ă  sa promise Libye. Des chanteuses, seule la ThĂ©one de Deborah Cachet tire son Ă©pingle du jeu : abattage, articulation, caractère… Tout suggère idĂ©alement chez elle, la passion amoureuse qui la dĂ©vore littĂ©ralement et d’ailleurs explique son très bel air dĂ©sespĂ©rĂ© au dĂ©but du III, au point oĂą sans espoir ni illusion sur son aimĂ©, l’amoureuse Ă©cartĂ©e exhorte les dieux Ă  punir PhaĂ©ton, avant de se dĂ©dire. Magnifique incarnation. Pleine de finesse, et de lumineuses noirceurs, il est le plus travaillĂ© sous la plume de Lully et Quinault et le plus bouleversant.
A l’inverse, dommage que Chantal Santon-J., certes aux beaux sons filĂ©s [dans ses duos avec Épaphus] incarne une âme finalement trop linĂ©aire et plus lisse, malgrĂ© ce lien qui les reliait alors mais qui Ă  cause d’un PhaĂ©ton trop ambitieux, est dĂ©sormais rompu [magnifique duo des deux voix accordĂ©es au IV]. Difficile d’évaluer la prestation de l’amĂ©ricain Mark Van Arsdale dans le rĂ´le-titre : annoncĂ© avec une laryngite, le tĂ©nor se sort honnĂŞtement d’un rĂ´le Ă©crasant et lui aussi finement portraiturĂ©. Mais l’articulation pĂŞche par imprĂ©cision, ce qui peut refroidir quand ici chaque mot revĂŞt une importance capitale.

Dans la fosse, l’orchestre (Les Paladins) peine dès l’ouverture Ă  exprimer sous la majestĂ© lullyste, son allant, ses respirations, sa texture sensuelle et flamboyante. MĂŞme la superbe chaconne qui ferme le II, manque d’accents et de relief comme d’onctuositĂ© : tout sonne serrĂ© et trop dense. La tenue s’amĂ©liore Ă©videmment en cours de reprĂ©sentation sans pour autant faire oublier ce que d’autres en leur temps ont su exprimer de l’orchestre de Lully, dĂ©cidĂ©ment rebelle mais captivant : Rousset et ses Talens Lyriques parfois ; avant lui, Christie ou Reyne, surtout JC Malgoire. Nonobstant ces infimes rĂ©serves la production Ă©gale notre enthousiasme ressenti Ă  cet autre spectacle lullyste prĂ©sentĂ© au dĂ©but de ce mois, au Grand Théâtre de Genève : Atys par Preljocaj et Alarcon (lire ci-après), lequel, avec un tout autre projet chorĂ©graphique, ne disposait pas d’un aussi beau plateau vocal.

 

 

 

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CRITIQUE, opéra. NICE, le 27 mars 2022. LULLY : Phaéton. Cachet, Lombard, Goicoechea, Caton, Richard… Corréas / Oberdorff. Photos : © Opéra de Nice mars 2022.

 

 

 

 

Autres spectacles / cd LULLY récents critiqués sur CLASSIQUENEWS
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ATYS Ă  GENEVE, par Alarcon / Preljocaj, le 4 mars 2022 :

 

 

 

ATYS-lully-gradn-theatre-geneve-alarcon-preljocaj-critique-opera-classiquenewsCRITIQUE, opĂ©ra. GENĂVE, GTG, le 3 mars 2022. LULLY: Atys. AlarcĂłn / Preljocaj. Voici un Atys très convaincant dont le mĂ©rite tient Ă  cette fusion rĂ©ussie entre danse et action ; ce dĂ©fi singulier renforce la cohĂ©sion profonde du spectacle conçu par le chorĂ©graphe (et metteur en scène) Angelin Preljocaj lequel a travaillĂ© l’éloquence des corps qui double sans les parasiter le chant des solistes lesquels jouent aussi le pari d’un opĂ©ra dansĂ©, chorĂ©graphiant avec mesure et justesse airs, duos, trios ; mĂŞme le chĹ“ur est sollicitĂ© offrant {entre autres} dans le sublime tableau du sommeil (acte III), cette injonction collective qui vaut invective car alors que la dĂ©esse Cybèle avoue son amour Ă  Athys endormi, chacun lui rappelle ici qu’il ne faut en rien dĂ©cevoir la divinitĂ© qui a choisi d’abandonner l’Olympe pour aimer un mortel…

 

 

 

 

lully-grands-motet-vol-2-miserere-stephane-fuget-les-epopees-cd-critique-classiquenews-review-chateau-versailles-spectacle-CLIC-de-classiquenewsGRANDS MOTETS par StĂ©phane Fuget / Les ÉPOPÉES – cd CVS Volume 2 : Grands MotetsCe Volume 2 des Grands Motets complète la rĂ©ussite du premier volume ; il confirme l’excellence du chef StĂ©phane Fuget Ă  l’endroit de Lully dont il rĂ©vèle comme aucun avant lui, le sentiment de grandeur et l’humilitĂ© misĂ©rable du croyant ; la sincĂ©ritĂ© de l’écriture lullyste, sa langue chorale et solistique, surtout son gĂ©nie des Ă©tagements, un sens de la spacialitĂ© entre voix et orchestre (qui prolonge les essais polychoraux des VĂ©nitiens un siècle avant Lully). Le Florentin recueille aussi les dernières innovations des français FormĂ© et Veillot. D’ailleurs le seul fait de dĂ©voiler la maĂ®trise de Lully dans le registre sacrĂ© est dĂ©jĂ  acte audacieux tant nous pensions tout connaĂ®tre du Florentin, Ă  la seule lumière de sa production lyrique (dĂ©jĂ  remarquable). Et pourtant le Surintendant de la musique n’occupa aucune charge officielle Ă  la Chapelle royale. Paru en mars 2022.

 

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Autres spectacles / productions de l’OpĂ©ra de Nice,  critiquĂ©s sur CLASSIQUENEWS
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glass-akhnaten-philip-GLASS-opera-on-line-opera-de-nice-classiquenews-annonce-critique-operaCOMPTE-RENDU, opéra. Opéra de Nice, e-diffusion du 20 nov 2020. GLASS : Akhnaten. Di Falco, Ciofi… Lucinda Childs / Warynski (session enregistrée in situ le 1er nov 2020). L’Opéra de Nice multiplie les initiatives et malgré l’épidémie de la covid 19, permet à tous de découvrir le premier opéra à l’affiche de sa nouvelle saison lyrique. Une e-diffusion salutaire et exemplaire… Danses hypnotiques de Lucinda Childs, gradation harmonique par paliers, vagues extatiques et répétitives de Philip Glass, Akhnaten (1984) est un opéra saisissant, surtout dans cette réalisation validée, pilotée (mise en scène et chorégraphie) par Lucinda Childs, par visio conférences depuis New York. Les cordes produisant de puissants ostinatos semblent recomposer le temps lui-même, soulignant la force d’un drame à l’échelle de l’histoire. Les créations vidéo expriment ce vortex spatial et temporel dont la musique marque les paliers progressifs. Peu d’actions en vérité, mais une succession de tableaux souvent statiques qui amplifient la tension ou l’intensité poétique des situations.

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LIRE aussi notre ANNONCE d’Akhnaten de Philipp Glass Ă  l’OpĂ©ra de Nice, Live streaming du 20 nov 2020 : https://www.classiquenews.com/opera-de-nice-akhnaten-de-philip-glass-en-streaming-des-le-20-nov-2020/

 

 

Opéra de NICE. Nouveau Phaéton de Lully

phaeton_nice_correas opera classiquenews annonce critique classiquenews-1-1NICE, Opéra. LULLY : Phaëton. 23, 25, 27 mars 2022. Jérôme Corréas et son ensemble Les Paladins réalisent une nouvelle production de l’opéra Phaëton de Lully, ouvrage rare, créé en 1683. La caractérisation des passions est un champ artistique investi depuis longtemps par le baryton Jérôme Corréas et son ensemble sur instruments d’époque, les Paladins : ils viennent de faire paraître un excellent programme Haendel avec Sandrine Piau… A Nice, les interprètes remontent le temps jusqu’à la création de l’opéra français au XVIIè, conçu pour Louis XIV, comme le miroir spectaculaire de son prestige et de son pouvoir. Phaëton ne fait pas exception. En abordant le cas du fils du Soleil, qui par ambition désobéit, ose conduire le char de son père, risque et les foudres autoritaires et menace l’équilibre du monde. Le message est évident et direct : le pouvoir du Roi-Soleil est unique, exclusif, omnipotent, indiscutable. Comme les rois de l’Egypte ancienne, ne puisant son autorité que de Dieu lui-même, le roi terrestre est aussi le seul garant de l’ordre universel. Voilà qui est dit. Tout ennemi est condamné à être foudroyé, comme le fut le surintendant Fouquet après son éclat à Vaux qui en éblouissant le Roi-Soleil par sa superbe, suscita immédiatement les foudres royales.

PHAĂ‹TON FOUDROYÉ… A Lully et Ă  son librettiste en titre, le poète Quinault, de mettre en scène et en musique l’épisode qui voit, l’ambition dĂ©raisonnable de PhaĂ«ton, sa fausse ascension pilotant le char solaire, sa chute et sa mort, la menace qu’il fait peser sur la terre, les premiers ravages, fruits de son acte sacrilège, puis le rĂ©tablissement de l’ordre…
Outre le relief des héros : Phaëton l’ambition incompétent, c’est son rapport aux parents (Clymène et Hélios), c’est aussi la figure protectrice et très humaine d’Apollon qui séduit et s’impose parmi la distribution. Elément important des tragédies de Lully, l’articulation et la déclamation du texte dont être parfaite, intelligible, aux justes accents. Et l’expression de tableaux spectaculaires, ciselée dans la puissance et la précision : Phaëton s’il est l’opéra le plus court (et le plus efficace) de Lully, est celui qui déploie de formidables tableaux : les métamorphoses de Protée à la fin du I ; le tableau des heures et des saisons au début du IV… évidemment la chute du char du soleil au moment où Jupiter foudroie l’orgueilleux fils irresponsable…
On connait la précédente lecture et l’enregistrement du drame lullyste par Les Talens Lyriques (oct 2012 : imparfait en raison d’erreurs dans le choix des solistes) :
https://www.classiquenews.com/cd-lully-phaeton-1683-rousset-2012/

En courtisan aussi avisĂ© qu’il Ă©tait bon musicien, Lully tint Ă  faire de PhaĂ©ton un ambitieux et non un maladroit. Le Roi- Soleil assista Ă  toutes les reprĂ©sentations : la vengeance est un plat qui se mange froid…
La Tragédie lyrique privilégiait le sens des paroles chantées à la pure virtuosité vocale, faisait alterner le chant, les chœurs et les divertissements dansés, jouait d’une ma- chinerie sophistiquée. Ce fut une merveille d’équilibre entre les arts, entre les affects et les passions. Car Phaéton est aussi une histoire d’amour et d’amour du pouvoir. La Tragédie lyrique tint bon pendant deux siècles, jusqu’à la Révolution française et à la chute de la monarchie.

 

 

 

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Opéra de NICE
MER 23 Mars 2022 Ă  20h,
VEN 25 Mars 2022 Ă  20h,
DIM 27 Mars 2022 Ă  15h

PLUS D’INFOS sur le site de l’Opéra de Nice
https://www.opera-nice.org/uploads/opera_nice_saison_2021-2022.pdf

RÉSERVEZ VOS PLACES sur le site des Paladins
/ Jérôme CORREAS
https://www.lespaladins.com/agenda/phaeton/

Durée : 2h40 environ
et un entracte de 30 minutes

Tragédie en musique en 5 actes avec prologue
Livret de Philippe Quinault.
Création au Palais Royal de Versailles le 6 janvier 1683

Direction musicale : Jérôme Correas
Mise en scène : Eric Oberdorff
Lumières Jean-Pierre Michel
Théone : Deborah Cachet
Clymène, Astrée : Aurelia Legay
Libye : Anna Reinhold
Phaéton : Mark Van Arsdale
Triton, Le Soleil, La Terre : Jean-François Lombard
Epaphus : Gilen Goicoechea
Merops, Saturne : Frédéric Caton
Protée Jupiter : Arnaud Richard

Orchestre Philharmonique de Nice
Chœur de l’Opéra de Nice

 

 

 

CRITIQUE CD, Ă©vĂ©nement. LULLY : Grands Motets (VOL. 2) : Miserere, Quare Fremuerunt gentes, Jubilate Deo (Les ÉpopĂ©es, StĂ©phane Fuget – 1 cd Château de Versailles Spectacles CVS)

lully-grands-motet-vol-2-miserere-stephane-fuget-les-epopees-cd-critique-classiquenews-review-chateau-versailles-spectacle-CLIC-de-classiquenewsCRITIQUE CD, Ă©vĂ©nement. LULLY : Grands Motets (VOL. 2) : Miserere, Quare Fremuerunt gentes, Jubilate Deo (Les ÉpopĂ©es, StĂ©phane Fuget – 1 cd Château de Versailles Spectacles CVS) – Ce Volume 2 des Grands Motets complète la rĂ©ussite du premier volume ; il confirme l’excellence du chef StĂ©phane Fuget Ă  l’endroit de Lully dont il rĂ©vèle comme aucun avant lui, le sentiment de grandeur et l’humilitĂ© misĂ©rable du croyant ; la sincĂ©ritĂ© de l’écriture lullyste, sa langue chorale et solistique, surtout son gĂ©nie des Ă©tagements, un sens de la spacialitĂ© entre voix et orchestre (qui prolonge les essais polychoraux des VĂ©nitiens un siècle avant Lully). Le Florentin recueille aussi les dernières innovations des français FormĂ© et Veillot. D’ailleurs le seul fait de dĂ©voiler la maĂ®trise de Lully dans le registre sacrĂ© est dĂ©jĂ  acte audacieux tant nous pensions tout connaĂ®tre du Florentin, Ă  la seule lumière de sa production lyrique (dĂ©jĂ  remarquable). Et pourtant le Surintendant de la musique n’occupa aucune charge officielle Ă  la Chapelle royale.

A travers la majesté et la puissance, l’expressivité joyeuse, doxologique ou implorative du chœur se manifestent la ferveur d’un roi croyant, l’omnipotence de Dieu dont le Souverain tire directement sa légitimité. Le genre du Grand Motet exprime cette volonté autoritaire, cette croyance spectaculaire et aussi rappelle la force de cette filiation divine. Mais Lully apporte une franchise, un dramatisme piloté par la seule intelligence de la sincérité ; jamais factice ni seulement brillante. D’autant qu’ici, la sensibilité pour la vivacité et la caractérisation des timbres vocaux ajoute à l’humanisation voire l’individualisation, rappelant sous l’ampleur de la fresque, l’intimité de la prière du seul croyant.

 

 

LES ÉPOPÉES ressuscitent la ferveur lullyste
Une arche grandiose constellée de prières misérables et individuelles

 

 

Au total Lully laisse 12 grands Motets, chefs d’oeuvre de puissance et de sincérité : voilà qui mérite bien une collection de concerts et de cd. Composé pour célébrer le Traité des Pyrénées (et aussi le Mariage de Louis XIV), le « Jubilate Deo » date de 1660 quand Lully fait danser le roi (Alcidiane, 1658, surtout La Raillerie, 1659).
Ce Motet de la jeunesse, regorge de saine énergie avec ce sens du verbe articulé, projeté qui réinvente notre connaissance des Grands Motets de Lully. La maîtrise des Epopées est un régal de chaque instant, tant la justesse des accents, le travail inédit sur l’articulation, la déclamation, la ciselure du texte redéfinissent jusqu’à la langue lullyste : jamais sa musique n’avait été abordée de telle façon ; l’orchestre rayonne lui aussi, souverain et détaillé, aussi scintillant que méditatif ; les voix du Petit chœur caractérise, incarne l’essence de la prière individuelle ; celles du Grand choeur exalte le sentiment d’imploration et de jubilation collective. Déjà l’introduction, purement instrumentale laisse envisager pour la musique versaillaise une ampleur souple et majestueuse, intérieure et même introspective jamais écoutée avant. Le choix des solistes fait merveille : le relief des timbres, leur combinaison relève d’une insolente complicité qui par la sincérité du geste, réactive dans les Motets, leur nerf théâtral et dramatique.

Le « Miserere » (circa 1663) œuvre maîtresse, destiné à la Chapelle pour l’Office de la Semaine Sainte, fut repris pour plusieurs événements royaux ou privés : pour les funérailles d’Henriette-Anne d’Angleterre, pour celles du Chancelier Séguier (1672),… ; la riche texture de l’orchestre des Épopées impose un Lully à la fois solennel et grave, d’une profondeur inédite. L’alternance des séquences d’exaltation collective et de prière individuelle captive particulièrement par la force et l’articulation des épisodes enchaînés ; « Miserere mei Deus / Ayez pitié de moi, Seigneur », le sujet est la prière dans l’humilité. Lully impressionne par la puissance et l’humanité de la musique. De même, tout autant bouleversant, la gestion de la plage 11 (« Sacrificium Deum ») qui éclaire une autre réalisation délectable dans ce geste étonnant : la suspension, un temps totalement inouï, entre lévitation, à vide, en somme le sentiment du purgatoire où chaque âme attend l’heure de son jugement, dans un éther que le chef pilote dans un effet de ralenti cinématographique, repoussant encore le vacuum harmonique. Le doute humilié, la profonde compassion et la pitié meurtrie s’épanchent en une sincérité jamais écoutée chez Lully. Stéphane Fuget étage, orchestre les plans sonores en une éblouissante perspective qui synthétise toute la grandeur et l’espérance baroque. Il dévoile ce que nous ne soupçonnions pas chez le Florentin : sa gravitas vertigineuse, la vérité et la justesse du sentiment de douleur. Confondant.

Stéphane Fuget convoque le « Grand tragique », exprimant le souffle à la fois du Divin impénétrable et aussi l’imploration macabre des tristes pêcheurs, tous accordés en une seule prière de salut… Le travail remarquable se réalise dans la caractérisation de chaque phrase du texte latin, dont Lully, en génie des couleurs expressives sait varier les parties, tour à tour pour 1, 2, 3 voix solistes et pour tout le choeur.

 

 

Stéphane Fuget réalise le « grand tragique » de Lully :
déploration, humilité et grandiose versaillais

 

 

Cette constellation de formes vocales s’avère sous la direction de Stéphane Fuget aussi riche que peut l’être l’art de la tapisserie du XVIIè : une infinité de détails et nuances orchestrés en un tout architecturé d’une cohérence irrésistible. Emblématique : « Ecce enim in iniquitatibus, conceptus sum… » / j’ai été souillé de vices à l’instant de ma naissance, énoncé par le dessus soliste synthétise aussi cette surenchère de la déploration épurée et intime, fortement individualisée qui expose l’âme dénudée et misérable ; une référence directe au choix du visuel de couverture où Madeleine pénitente, marquée par le péché, offre son humble prière… dénuement sublime de la pècheresse (plage 4). Cependant que lui succèdent les vagues du choeur parmi les plus bouleversantes, en harmonies inédites qui manifestent la révélation de la sagesse Divine, surgissement saisissant par son intelligence et sa justesse (« Incerta »…), et ici, source d’un réconfort inespéré ; voila ce Lully fulgurant qui nous est ainsi révélé.

Plus narratif et exaltĂ© encore, le « Quare Fremuerunt gentes » cĂ©lèbre la Paix de Rastisbonne (1684 : nouvelles conquĂŞtes – Alsace et Sarre- de Louis XIV sur l’empire de Leopold Ier) et impliquent les effectifs impressionnants des 3 dĂ©partements musicaux du roi (Chapelle, Chambre, Écurie) : soit une palette Ă©largie, spectaculaire d’accents et d’expressions diverses que StĂ©phane Fuget organise avec clartĂ©, contrastes, prĂ©cision, d’autant qu’il s’agit d’un des motets les plus linguistiques ; exigeant des voix, une diction articulĂ©e irrĂ©prochable pour que le texte soit malgrĂ© le nombre, toujours intelligible : le Motet met en scène littĂ©ralement, Ă  la façon d’un opĂ©ra sacrĂ©, en une verve narrative comme libĂ©rĂ©e, le tumulte des rois rĂ©voltĂ©s contre l’empire divin ; face Ă  ce chaos, s’élève la dĂ©signation par Dieu (tĂ©nor solo) du seul Souverain digne : Louis de France ; voilĂ  expliquĂ©e la filiation du roi puisant son pouvoir divin de l’être suprĂŞme. Ainsi est rĂ©vĂ©lĂ© dans l’agitation impĂ©tueuse du chĹ“ur, le mystère mĂŞme du pouvoir royal.
Le choeur souligne les figuralismes du texte avec une netteté martiale, assumée, superbe (tutti fortissimo sur le seul mot « ferrea », plage 17) car il est évoqué la verge de fer du Roi élu, sa puissance supérieure sur tous), avant que les interprètes ne réalisent d’autres contrastes accentués dont le dramatisme comme sidéré préfigure un siècle auparavant, l’impétuosité flamboyante, la ductilité filigranée de l’écriture chorale des génies à venir, Rameau et Mondonville, eux aussi très inspirés dans le genre du Grand Motet, successeurs de Lully dans la majesté, le solennel intensément dramatique. Il n’y aucun doute que la science et l’expérience du Lully lyrique et théâtral profite au brio de telles pages sacrées.

CLIC_macaron_2014Dans ce nouveau volume, Stéphane Fuget réinvente l’espace et le temps, avec des effets de textures harmoniques d’une grandeur vertigineuse. Le motet lullyste relève autant d’une action spirituelle que d’une expérience sonore totale. Saluons l’ensemble des solistes de le suivre dans une nouvelle conception de l’articulation ; y compris dans l’impact mesuré, maîtrisé des superbes inflexions collectives : « justicia » affirmé à 2 reprises pour célébrer ce qui dans le texte est crucial alors : la justice divine. En célébrant Dieu, l’assemblée des croyants fervents célèbrent la puissance du Roi (qui tire son pouvoir de Dieu lui-même). L’aération, l’oxygénation que sait diffuser le chef à ses effectifs pourtant impressionnants et de surcroît dans une acoustique qui tend à les démultiplier, reste saisissante, en précision, en équilibre, en mesure. Au jeu des comparaisons et des métaphores, c’est comme lorsque les fresques virtuoses de la Sixtine étaient enfin révélées dans la splendeur de leurs couleurs d’origine, dans ce dessin si mordant et réaliste, dans cet art ineffable des modelés sculpturaux, propres à Michel-Ange. La sensation est la même pour Les Epopées dans Lully : révélation nous est faite de la ferveur versaillaise grâce à l’intelligence d’un chef qui parle Lully et sait l’articuler, comme il parle français. Magistrale réalisation.

 

 

 

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CRITIQUE CD, Ă©vĂ©nement. LULLY : Grands Motets (VOL. 2) : Miserere, Quare Fremuerunt gentes, Jubilate Deo (Les ÉpopĂ©es, StĂ©phane Fuget – 1 cd Château de Versailles Spectacles CVS

 

 

 

AGENDA
StĂ©phane Fuget et Les ÉopopĂ©es poursuivent leur cycle des Grands Motets de Lully au Château de Versailles, dim 20 mars 2022, Chapelle royale, 16h : Grands Motets – Benedictus (1685) / Notus in Judea Deus, chant de victoire cĂ©lĂ©brant la Gloire de Dieu / Domine Salvum fac Regem, Ă©nergique « Dieu sauve le Roi » (accompagnĂ© du sublime Magnificat d’Henry Du Mont, en charge de la Musique de la Chapelle du Roi jusqu’en 1683) … Les ÉpopĂ©es signent ainsi un nouveau jalon de leur intĂ©grale en cours (volume 3), avec restituĂ©s, la somptuositĂ© de l’orchestre versaillais (huit instruments de la famille des flĂ»tes, les vingt-quatre violons l’orgue, le clavecin, le thĂ©orbe, la flamboyante bande des hautbois,…), la sincĂ©ritĂ© grave et solennel du chant, l’expressionnisme sincère propre Ă  Lully, soucieux d’offrir Ă  Louis XIV, un service liturgique et musical de premier plan…

Distribution :
Claire Lefilliâtre, Dessus
Victoire Bunel, Dessus
Cyril Auvity, Haute-contre
Clément Debieuvre, Haute-contre
Serge Goubioud, Haute-contre
Marc Mauillon, Taille
Benoît Arnould, Basse-taille
Geoffroy Buffière, Basse
Renaud Delaigue, Basse

Les Epopées
Stéphane Fuget Direction

boutonreservationRÉSERVEZ VOS PLACES
directement sur le site du Château de Versailles
https://www.chateauversailles-spectacles.fr/programmation/lully-grands-motets-benedictus_e2524

Photo : Stéphane Fuget / Les Épopées : Grands Motets de Lully © Louis Le Mée

 

 

 

CRITIQUE, opĂ©ra. GENĂVE, GTG, le 3 mars 2022. LULLY: Atys. AlarcĂłn / Preljocaj

CRITIQUE, opĂ©ra. GENĂVE, GTG, le 3 mars 2022. LULLY: Atys. AlarcĂłn / Preljocaj. Après l’arrivĂ©e du chef, en fosse, les instrumentistes jouent l’hymne ukrainien, hommage important et soutien lĂ©gitime et pourtant dĂ©risoire, d’une nation martyre, soumise Ă  la barbarie la plus abjecte… la guerre. Celle dont il est question sur la scène du grand théâtre de Genève ce soir est d’ordre amoureux. PerpĂ©trĂ©e par l’impĂ©rial Cybèle, la dĂ©flagration [et une manipulation effarante] foudroie les deux cĹ“urs Ă©pris, Atys et Sangaride….

Voici un Atys très convaincant dont le mĂ©rite tient Ă  cette fusion rĂ©ussie entre danse et action ; ce dĂ©fi singulier renforce la cohĂ©sion profonde du spectacle conçu par le chorĂ©graphe (et metteur en scène) Angelin Preljocaj lequel a travaillĂ© l’Ă©loquence des corps qui double sans les parasiter le chant des solistes lesquels jouent aussi le pari d’un opĂ©ra dansĂ©, chorĂ©graphiant avec mesure et justesse airs, duos, trios ; mĂŞme le chĹ“ur est sollicitĂ© offrant {entre autres} dans le sublime tableau du sommeil (acte III), cette injonction collective qui vaut invective car alors que la dĂ©esse Cybèle avoue son amour Ă  Athys endormi, chacun lui rappelle ici qu’il ne faut en rien dĂ©cevoir la divinitĂ© qui a choisi d’abandonner l’Olympe pour aimer un mortel…

 
 

 
 

CHORÉGRAPHIQUE ET PUDIQUE, le superbe Atys dansé
d’Angelin Preljocaj

 

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Ici l’Ă©pure, les contrastes froids dans une atmosphère minĂ©rale soulignent le huis clos amoureux tandis que les danseurs font des corolles expressives, suggestives, d’un esthĂ©tisme discret. Ils expriment aussi allusivement la mĂ©tamorphose qui Ă©branle alors Atys [vrai sujet de l'Ĺ“uvre] : celui qui s’Ă©tait construit dans la maĂ®trise et la dissimulation, libère son cĹ“ur, s’abandonne Ă  la vĂ©ritĂ© de ses sentiments. Sa passion peu Ă  peu rĂ©vĂ©lĂ©e, fait tout le sel de l’action. De courtisan, il devient humain.
Sangaride pourtant promise au roi de Phrygie aime Atys; celui qui feint l’indiffĂ©rence est en rĂ©alitĂ© un cĹ“ur trop tendre qui ne veut pas aimer pour ne pas souffrir. Or il avoue Ă  Idas, son amour pour Sangaride alors que Cybèle va descendre pour nommer son grand sacrificateur…

La mise en scène soigne la clartĂ© des gestes qui associĂ©s Ă  l’intensitĂ© du chant, souligne combien il s’agit ici dune tragĂ©die racinienne oĂą chaque protagoniste expose sa solitude et son impuissance face Ă  l’amour. Du reste la fin hautement tragique marque un point inĂ©dit dans l’histoire du genre lyrique en France : Lully y Ă©gale en tout point l’inĂ©luctable sacrificiel que l’on ne voyait jusque lĂ  que sur la scène du théâtre parlĂ©. Dans ses proportions idĂ©alement restituĂ©es, le spectacle dĂ©ploie tout ce qui fait alors le caractère de l’opĂ©ra baroque français : la concision de la langue, sa prosodie Ă  la fois souple et dense que contrepointe dans la [fausse] dĂ©tente [si maĂ®trisĂ©e] la grâce libre des danseurs. De ce point de vue la production est captivante ; elle confirme les vertus d’une lecture scĂ©nographique toute entière portĂ©e par un chorĂ©graphe. VoilĂ  qui fait danser la musique de Lully autrement… Et l’on attend ce qu’il pourrait apporter dans la foulĂ©e de cet Atys sĂ©duisant, aux opĂ©ras de Rameau.
Dans la fosse, AlarcĂłn, Ă  la tĂŞte de sa Capella Mediterranea, veille au nerf de l’action, son explicitation, le dĂ©ploiement progressif de l’effroi tragique.

Des solistes se distinguent surtout la Sangaride, sincère, touchante et naturelle de Ana Quintans ; la basse prĂ©cise, autoritaire, magnifiquement timbrĂ©e de Michael Mofidian (dont le relief vocal – en songe funeste-, fait aussi tout le charme trouble du Sommeil au III) ; et dans le rĂ´le d’Atys, le tĂ©nor amĂ©ricain Matthew Newlin, vraie voix claironnante de haute contre Ă  la projection franche et directe, malgrĂ© des passages dans l’aigu parfois tirĂ©s et une articulation pas aussi homogène que sa partenaire Sangaride. Signalons aussi le CĂ©lĂ©nus, promis Ă  Sangaride dâ€Andreas Wolf, au chant solide et timbrĂ© lui aussi. La Cybèle de Giuseppina Bridelli reste d’une froide retenue, trop glacĂ©e Ă  notre avis dans son grand air de victime amoureuse, – plus et rien que divinitĂ© marmorĂ©enne plutĂ´t que dĂ©esse Ă  la fragilitĂ© mortelle – (« Espoir si cher et si doux, pourquoi me trompez-vous ? »).
Minces rĂ©serves tant la production, dans sa globalitĂ© agissante offre un spectacle de grande tenue qui conforte la qualitĂ© des opĂ©ras de Lully trop absents des scènes lyriques. De fait on comprend que Atys fut un choc Ă  sa crĂ©ation, « l’opĂ©ra du roi » (cf. les lettres des tĂ©moins de la crĂ©ation en 1676) qui en fredonnait les airs Ă  sa guise, probablement heureux de compter ainsi sur une authentique crĂ©ation spĂ©cifiquement versaillaise : la tragĂ©die en musique. Photos : GTG Grand Théâtre de Genève © G. Batardon 2022.

 

 

 GENEVE : Atys de Lully au Grand Théâtre

 

  

 

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CRITIQUE, opĂ©ra. GENĂVE, GTG, le 3 mars 2022. LULLY: Atys. AlarcĂłn / Preljocaj. A l’affiche du Grand Théâtre de Genève, encore les 6 (15h), 8 et 10 mars 2022 Ă  19h30. RĂ©servez vos places sur le site du Grand Théâtre de Genève : LIRE notre prĂ©sentation d’ATYS de Lully, nouvelle production prĂ©sentĂ©e par le Grand Théâtre de Genève

Spectacle Ă  l’affiche du Château de Versailles, du 19 au 23 mars 2022 (4 reprĂ©sentations, les 19, 20, 22 et 23 mars 2022) : https://www.chateauversailles-spectacles.fr/programmation/lully-atys_e2460

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VOIR le teaser VIDEO : 

 

 

 


 

 

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LULLY : ATYS – Alarcon / Preljocaj  -  Nouvelle production
3h30

Matthew Newlin, Atys
Ana Quintans, Sangaride
Giuseppina Bridelli, Cybèle
Andreas Wolf, Celaenus, Le Temps
Gwendoline Blondeel, Iris, Doris, Divinité fontaine, La Déesse Flore
Michael Mofidian, Idas, Phobetor, Un songe funeste
Valerio Contaldo, Morphée, Dieu de fleuve
José Pazos, Phantase
Luigi De Donato, Le Fleuve Sangar
Lore Binon, Melisse, Divinité fontaine
Nicholas Scott, Zéphyr, Le Sommeil

Chœur du Grand Théâtre de Genève
Ballet du Grand Théâtre de Genève
Cappella Mediterranea
Leonardo GarcĂ­a AlarcĂłn, direction
Angelin Preljocaj, mise en scène et chorégraphie
Prune Nourry, décors
Jeanne Vicérial, costumes
Eric Soyer, lumières

 

 
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Lully par Les Paladins. Nouveau Phaëton à Nice

phaeton_nice_correas opera classiquenews annonce critique classiquenews-1-1NICE, Opéra. LULLY : Phaëton. 23, 25, 27 mars 2022. Jérôme Corréas et son ensemble Les Paladins réalisent une nouvelle production de l’opéra Phaëton de Lully, ouvrage rare, créé en 1683. La caractérisation des passions est un champ artistique investi depuis longtemps par le baryton Jérôme Corréas et son ensemble sur instruments d’époque, les Paladins : ils viennent de faire paraître un excellent programme Haendel avec Sandrine Piau… A Nice, les interprètes remontent le temps jusqu’à la création de l’opéra français au XVIIè, conçu pour Louis XIV, comme le miroir spectaculaire de son prestige et de son pouvoir. Phaëton ne fait pas exception. En abordant le cas du fils du Soleil, qui par ambition désobéit, ose conduire le char de son père, risque et les foudres autoritaires et menace l’équilibre du monde. Le message est évident et direct : le pouvoir du Roi-Soleil est unique, exclusif, omnipotent, indiscutable. Comme les rois de l’Egypte ancienne, ne puisant son autorité que de Dieu lui-même, le roi terrestre est aussi le seul garant de l’ordre universel. Voilà qui est dit. Tout ennemi est condamné à être foudroyé, comme le fut le surintendant Fouquet après son éclat à Vaux qui en éblouissant le Roi-Soleil par sa superbe, suscita immédiatement les foudres royales.

PHAĂ‹TON FOUDROYÉ… A Lully et Ă  son librettiste en titre, le poète Quinault, de mettre en scène et en musique l’épisode qui voit, l’ambition dĂ©raisonnable de PhaĂ«ton, sa fausse ascension pilotant le char solaire, sa chute et sa mort, la menace qu’il fait peser sur la terre, les premiers ravages, fruits de son acte sacrilège, puis le rĂ©tablissement de l’ordre…
Outre le relief des héros : Phaëton l’ambition incompétent, c’est son rapport aux parents (Clymène et Hélios), c’est aussi la figure protectrice et très humaine d’Apollon qui séduit et s’impose parmi la distribution. Elément important des tragédies de Lully, l’articulation et la déclamation du texte dont être parfaite, intelligible, aux justes accents. Et l’expression de tableaux spectaculaires, ciselée dans la puissance et la précision : Phaëton s’il est l’opéra le plus court (et le plus efficace) de Lully, est celui qui déploie de formidables tableaux : les métamorphoses de Protée à la fin du I ; le tableau des heures et des saisons au début du IV… évidemment la chute du char du soleil au moment où Jupiter foudroie l’orgueilleux fils irresponsable…
On connait la précédente lecture et l’enregistrement du drame lullyste par Les Talens Lyriques (oct 2012 : imparfait en raison d’erreurs dans le choix des solistes) :
https://www.classiquenews.com/cd-lully-phaeton-1683-rousset-2012/

En courtisan aussi avisĂ© qu’il Ă©tait bon musicien, Lully tint Ă  faire de PhaĂ©ton un ambitieux et non un maladroit. Le Roi- Soleil assista Ă  toutes les reprĂ©sentations : la vengeance est un plat qui se mange froid…
La Tragédie lyrique privilégiait le sens des paroles chantées à la pure virtuosité vocale, faisait alterner le chant, les chœurs et les divertissements dansés, jouait d’une ma- chinerie sophistiquée. Ce fut une merveille d’équilibre entre les arts, entre les affects et les passions. Car Phaéton est aussi une histoire d’amour et d’amour du pouvoir. La Tragédie lyrique tint bon pendant deux siècles, jusqu’à la Révolution française et à la chute de la monarchie.

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Opéra de NICE
MER 23 Mars 2022 Ă  20h,
VEN 25 Mars 2022 Ă  20h,
DIM 27 Mars 2022 Ă  15h

PLUS D’INFOS sur le site de l’Opéra de Nice
https://www.opera-nice.org/uploads/opera_nice_saison_2021-2022.pdf

RÉSERVEZ VOS PLACES sur le site des Paladins
/ Jérôme CORREAS
https://www.lespaladins.com/agenda/phaeton/

Durée : 2h40 environ
et un entracte de 30 minutes

Tragédie en musique en 5 actes avec prologue
Livret de Philippe Quinault.
Création au Palais Royal de Versailles le 6 janvier 1683

Direction musicale : Jérôme Correas
Mise en scène : Eric Oberdorff
Lumières Jean-Pierre Michel
Théone : Deborah Cachet
Clymène, Astrée : Aurelia Legay
Libye : Anna Reinhold
Phaéton : Mark Van Arsdale
Triton, Le Soleil, La Terre : Jean-François Lombard
Epaphus : Gilen Goicoechea
Merops, Saturne : Frédéric Caton
Protée Jupiter : Arnaud Richard

Orchestre Philharmonique de Nice
Chœur de l’Opéra de Nice

CRITIQUE, LIVRE événement. Jean-Baptiste Lully par B. Palaus-Simonnet (Bleu Nuit éditeur)

lully-bleu-nuit-editeur-palaux-simonnet-critique-classiquenewsCRITIQUE, LIVRE Ă©vĂ©nement. Jean-Baptiste Lully (Bleu Nuit Ă©diteur) – On connaĂ®t du mĂŞme auteur, un prĂ©cĂ©dent dans la mĂŞme collection, chez le mĂŞme Ă©diteur, dĂ©diĂ© Ă  Ravel (Ă©galement CLIC de CLASSIQUENEWS, paru en aoĂ»t 2019), tout aussi captivant : BĂ©nĂ©dicte Palaux-Simonnet Ă©voque avec prĂ©cision et le mĂŞme plaisir Ă©rudit, lâ€Ĺ“uvre de Lully, nĂ© Lulli Ă  Florence en 1632… Très vite l’amuseur favori du jeune Louis XIV dont il partage la jeunesse et le goĂ»t du divertissement, s’impose sur la scène française après avoir servi les Guise et la Montpensier. Avec l’avènement politique du Roi en 1661, Lully, « superbe et orgueilleux », affirme un pouvoir grandissant comme Surintendant de la musique ; dès lors des ballets et comĂ©dies ballets (avec Molière et Charpentier) aux fĂŞtes versaillaises, son Ă©criture mène Ă  l’invention de l’opĂ©ra français du XVIIè, 12 ans plus tard, quand il dirige l’AcadĂ©mie royale de musique. Les 15 principales tragĂ©dies et musique de Cadmus Ă  Armide sont prĂ©sentĂ©es, analysĂ©es, de mĂŞme que les comĂ©dies-ballets majeures, comme les Motes (petits et grands).
Un focus particulier est rĂ©servĂ© aux opĂ©ras de la maturitĂ©, premiers modèles d’un genre encore en devenir mais dĂ©jĂ  spectaculaire, autant par sa perfection linguistique que son tempĂ©rament théâtral et musical. Le travail y est dĂ©taillĂ© : Lully assistĂ© de Lalouette puis de Colasse, secondĂ© par Pierre Lambert (dans la prĂ©paration des voix), associĂ© Ă  Philippe Quinault (le poète de ses livrets dĂ©sormais) Ă©difie alors le patrimoine lyrique officiel, au dĂ©but des annĂ©es 1770 : soit autant de sujets, inititalement choisis par le Roi lui-mĂŞme : Alceste, ThĂ©sĂ©e, Atys, Isis – quatuor emblĂ©matique du chapitre V « Gloire et furies, 1673 – 1677 ».
CLIC_macaron_2014L’intérêt de la lecture résulte ici de la synthèse que produit le texte à partir des différentes sources habituelles : Lecerf de la Viéville, La Laurencie, Prunières, Beaussant… un portrait du Baptiste complète le panorama : son caractère plus généreux qu’insupportable ; ses amours illicites (dont l’affection pour son page, le jeune noble Brunet ; sa formidable ascension dans la proximité avec le Roi qui suscite évidement les jalousies, dont la rancoeur des grands poètes : La Fontaine (qui ne supporta de voir refusés plusieurs de ses livrets d’opéra), Boileau… Voici un procès lumineux des condamnations injurieuses, défendues à l’emporte pièce depuis des décennies. Avec raison, l’auteure souligne comment Lully est aujourd’hui, toujours davantage critiqué et minoré que réellement joué. lully-mignard-opera-tragedie-en-musique-classiquenews-louis-XIV-versaillesSon portrait, par Mignard et surtout Bonnart (ci contre) gagnent à l’appui du texte, un relief nouveau : grand faiseur, grand travailleur, authentique génie pour le Roi-Soleil. Ses opéras attendent toujours d’être sérieusement recrées (dans le sillon tracé par Bill Christie et son mythique Atys) ; et le renouveau pourrait bien s’affirmer par la veine sacrée : l’actuelle intégrale des Grands Motets par les Épopées (Stéphane Guget), articulés, déclamés, profonds indique une nouvelle approche des œuvres lullystes, vocalement, instrumentalement.

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CRITIQUE, LIVRE événement. Bénédicte Palaux-Simmonet : Jean-Baptiste LULLY (Bleu Nuit éditeur, février 2022). https://bne.fr/page238.html

CRITIQUE, CD événement. LULLY : Grands Motets VOL.1 (Les Epopées, Stéphane Fuget, 1 CD Château de Versailles Spectacles, 2020)

grands motets_Lully stephane fuget epopees critique classiquenewsCRITIQUE, CD Ă©vĂ©nement. LULLY : Grands Motets VOL.1 (Les EpopĂ©es, StĂ©phane Fuget, 1 CD Château de Versailles Spectacles, 2020) – Face au manuscrit du XVIIè, si fragmentaires pour l’interprète actuel, – comment restituer ici nuances, instrumentation, ornements, coups d’archet, tempos…?, autant d’élĂ©ments qui manquent sur les manuscrits de Lully. StĂ©phane Fuget se pose les bonnes questions et trouve les options justes pour la rĂ©alisation de ses Grands Motets dont voici le volume 1, « pour le temps de pĂ©nitence ». Battements, tremblements, martèlements… sont quelques uns des effets inventoriĂ©s, possibles, avĂ©rĂ©s sur le plan historique, que le chef des EpopĂ©es connaĂ®t et use avec une grande finesse et un Ă  propos souvent fulgurant, .. soit un discernement qui dĂ©voile combien il connaĂ®t le rĂ©pertoire et les sources d’informations historiques (de Muffat Ă  Bacilly… dont les noms Ă©maillent la trop courte introduction qu’il a rĂ©digĂ© en intro au livret). En maĂ®tre des ornements, le chef nous offre de (re)dĂ©couvrir la ferveur de Lully, le reconsidĂ©rer comme alchimiste et orfèvre, ici grand dramaturge de la dĂ©ploration lacrymale oĂą perce le relief des mots. Le grand amuseur du Roi sait aussi faire pleurer la Cour. C’est manifestement le cas pour le Dies Irae et le De Profundis jouĂ©s en 1683 Ă  Saint-Denis pour les funĂ©railles de la reine Marie-ThĂ©rèse. Lully y dĂ©verse des torrents de scintillements recueillis, bouleversant la tradition musicale oĂą l’on connaĂ®t aussi Robert, Dumont, Lalande, Desmarets…

L’accentuation textuelle, la durée des notes, l’affirmation de certaines syllabes composent une tenture liturgique des plus riches, d’autant plus saisissantes que le traitement spécifique du texte sacré, aux accents légitimes, gagne une vérité impressionnante, de surcroît dans l’acoustique particulière de la chapelle royale, un chantier architecturale que ne connut pas Lully mais à laquelle la musique semble s’accorder idéalement entre faste et sincérité. L’articulation et la projection du texte, les cris maîtrisés, les respirations, les suspensions, jusqu’aux silences, tout surprend et saisit par l’intelligence linguistique ; autant d’accents qui partagés chez solistes (sans exception) et chœurs, produisent une vaste tragédie humaine, cette vallée de larmes par exemple (« O Lachrymae », motet plus ancien, remontant à 1664), aux épisodes bien contrastés, individualisés, et pourtant unifiés… exprimant la profondeur de la déploration inconsolable qui cependant étend une ineffable dignité collective… à laquelle répond le nimbe des flûtes (« O fons amoris »).

 

 

Flexibilité chorale, individualisation et caractérisation des voix solistes, splendide nimbe orchestral : les Épopées triomphent

Somptueux théâtre de la mort

 

 

Plus grave et sombre encore, le très impressionnant « De Profundis » édifie un théâtre funèbre d’une intensité exceptionnelle ; il déploie une somptueuse pâte sonore, instrumentale comme vocale (l’orchestre de Lully est une autre voie fabuleuse à explorer, aux côtés de ses 12 motets)… Chaque soliste, parfaitement à sa place, chante à pleine voix là encore la noble douleur du deuil, et la tragédie de la mort, et le déchirement de la perte. Et dans chaque élan subtilement distribué parmi les voix solistes et le choeur, se dresse la si vaine symphonie des sentiments humains face à la faucheuse, la prière terrestre qui implore, à la fois fragile et pénitente, mais engagée dans chaque inflexion. Ce travail du verbe agissant, du geste vocal est remarquable. CLIC_macaron_2014Autant de caractérisation dramatique, aussi orfévrée, faisant chatoyer chaque nuance de la tapisserie lullyste marque l’interprétation du genre. Un Lully à la fois solennel et majestueux, ardent, fervent, humain, aux vertiges murmurés inédits (« Requiem æternam dona eis Domine », aux lueurs éplorées et comme gagnées de haute lutte, in extremis : avec l’accent suspendu sur la dernière phrase « Et lux perpetua luceat eis »). Les Épopées ont tout : la fièvre de l’opéra, le sentiment de la ferveur. On attend déjà la suite avec impatience car c’est bien l’intégrale des Grands Motets de Lully qui s’annonce ainsi de bien belle façon.

 

 

 

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CRITIQUE, CD événement. LULLY : Grands Motets VOL.1 (Les Epopées, Stéphane Fuget, 1 CD Château de Versailles Spectacles, enregistré, filmé en mars 2020) / CLIC de CLASSIQUENEWS hiver 2022.

 

 

 

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TEASER VIDEO ici :
https://www.facebook.com/chateauversailles.spectacles/videos/379915923285260/

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VOIR en replay le programme de ce CD Grands Motets de Lully (vol 1) sur ARTEconcert / jusq’11 nov 2023 :
https://www.classiquenews.com/streaming-concert-grands-motets-de-lully-les-epopees-stephane-fuguet-2020/

Parmi le choeur, des solistes de première valeur : Claire Lefilliâtre, Ambroisine Bré, Cyril Auvity, Marc Mauillon, Renaud Delaigue, Marco Angioloni, … autant de tempéraments qui dans la mesure et la nuance nécessaire, requise par la sensibilité orfévrée du chef Stéphane Fuget, expriment l’individualité des croyants assemblés. Ce sens de l’incarnation distingue l’approche de toutes celles qui l’ont précédée : collectif certes, surtout réunion de fervents dont l’ardeur personnelle et intime, revendiquent l’émotion, dans les duos, trios alanguis, les sursauts collectifs, rythmiquement intrusifs, comme précipités, qui leur succèdent… Remarquable compréhension de la ferveur lullyste et versaillaise … Présentation par Alban Deags.

 

 

 

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CRITIQUE, CD Ă©vĂ©nement. Molière / Lully : musiques pour la comĂ©die-ballet LE BOURGEOIS GENTILHOMME. Le Poème Harmonique (1 cd Château de Versailles Spectacles – avril 2021)

Le-Bourgeois-gentilhomme poeme harmonique lully 400 ans de moliere critique cd review clic de classiquenewsCRITIQUE, CD Ă©vĂ©nement. Molière / Lully : musiques pour la comĂ©die-ballet LE BOURGEOIS GENTILHOMME. Le Poème Harmonique (1 cd Château de Versailles Spectacles – avril 2021) – IntercalĂ©es dans la pièce de Molière, les musiques de scènes (ballets, divertissements, airs…) de Lully soulignent le gĂ©nie facĂ©tieux du surintendant de la musique depuis 1661 ; sa verve n’a de limite que le gĂ©nie de Molière ; chacun semble mĂŞme rivaliser d’astuces expressives, de finesse parodique sur le thème d’un Bourgeois dĂ©sireux d’être anobli… Ă  l’heure oĂą la Cour ne parle que des Turcs en audience près du Roi-Soleil. Les 2 Baptistes ont prĂ©cĂ©demment prĂ©sentĂ© (Ă©galement Ă  Chambord, devant la Roi) Monsieur de Pourceaugnac (1669). Pour cette restitution des parties intĂ©grales que Lully a alors façonnĂ©es, le Poème Harmonique met en lumière l’articulation langoureuse des jeunes tempĂ©raments du chant baroque actuel ; le Bourgeois Gentilhomme s’il moque l’exotisme des moeurs du Grand Turc Ă  travers une charge contre son ambassade alors Ă  Versailles pour une rĂ©ception attendue, reportĂ©e auprès de Louis XIV, exprime d’abord au I, l’empire de l’amour sur des cĹ“urs enivrĂ©s ; se distingue avant tout, l’essor poĂ©tique des premières scènes du drame de 1670, la flamme dĂ©sirante de l’élève du MaĂ®tre de musique, de la musicienne, du 2è musicien, trio vocal en extase que la musique sublime par ses Ă©lans nostalgiques et caressants. DĂ©jĂ , Lully et Molière Ă©laborent le futur opĂ©ra français Ă  venir, 3 ans plus tard.

 

 

 

Délire poétique, verve satirique…
Molière & Lully : un génie théâtral à 4 mains

 

Mr Jourdain veut ĂŞtre gentilhomme certes : il devra d’abord passer par plusieurs rites / « apprentissages », dont celui de la musique amoureuse. Ce que nous fait entendre Le Poème Harmonique non sans un sens de l’ivresse la plus enchantĂ©e dans les accents et les inflexions du chant accompagnĂ©. MĂŞme les intermèdes (airs des « garçons tailleurs » puis « entrĂ©e des cuisiniers » qui suit), s’ils n’ont pas l’ampleur de l’orchestre de Lully qui fut plus nombreux et Ă©toffĂ©, dansent avec une belle vivacitĂ© ; caractĂ©risent suffisamment les chansons Ă  boire (vĂ©ritable apologie du vin!).
 Le point d’orgue reste la cĂ©rĂ©monie turque en 9 sĂ©quences (finale grandiose et farcesque de l’acte IV) que les musiciens inscrivent avec justesse entre parodie et sincĂ©ritĂ©, tension dramatique et recrĂ©ation exotique, truculence et joie ironique, irrĂ©vĂ©rencieuse voire sacrilège… ; l’entrĂ©e accorde les gestes en une vaste supercherie collective oĂą le Mufti, les 12 turcs, les 4 dervis exposent leur foi ; Molière explore toutes les nuances du dĂ©lire d’une critique libre et dĂ©jantĂ©e des croyances orientales. Pas sĂ»r aujourd’hui, que tel affront railleur ne passe inaperçu chez certains : la verve insolente de Molière annonce celle de Voltaire et la musique de Lully se montre d’une gĂ©niale Ă©nergie, prĂŞte Ă  enflammer le jeu des mots, la gastronomie des allitĂ©rations en fĂŞte. De sorte que dans l’élan de la satire enjouĂ©e, ce rituel qui intronise le vaniteux Jourdain, pourtant heureux de se voir glorifiĂ© ici en vrai mahomĂ©tan, se termine en belle bastonnade : l’orgueil de Jourdain est châtiĂ©. Et sa naĂŻvetĂ© Ă©pinglĂ©e : dindon rhabillĂ©, il donne finalement la main de sa fille au fils du grand turc !
Tout autre est le Ballet des nations oĂą des gens d’origine (et de langues accentuĂ©es) diverse(s) : gascons, suisses, espagnols, italiens,… se disputent, s’énervent franchement, rĂ©clamant « le livre du ballet » dont il est question (comme si les acteurs fixaient alors la question que se pose le spectateur Ă  ce moment du drame : de quoi est-il question ? Quel est l’enjeu de ce tableau ?) ; en maĂ®tres des foules et des ensembles ciselĂ©s, Molière et Lully s’entendent Ă  portraiturer une humanitĂ© contrastĂ©e, bariolĂ©e, lĂ  aussi dĂ©jantĂ©e ; bel effet de leurs talents accordĂ©s oĂą musique et chant, danses et textes exacerbent toutes les possibilitĂ©s et ressources poĂ©tiques sur les planches. Il n’est que la musique, divine, noble, Ă©lĂ©gantissime, versatile comme les sĂ©quences théâtrales (sublime chaconne des comĂ©diens bouffes italiens, …), qui puisse unifier tout cela, au son d’un Ă©lan qui pointe le but CLIC_macaron_2014ultime (et l’un des derniers mot du livret) : l’Amour. A la cacophonie rĂ©pond ainsi des stances subtilement langoureuses (lamento et plainte dans la 3è entrĂ©es des « Espagnols chantant », idĂ©alement / douloureusement, amoureux…). Fin et engagĂ©, Le Poème Harmonique exprime cette surenchère drĂ´latique et dramatique, ce grand chaos poĂ©tique et satirique, Ă  la fois libre et dĂ©lirant qui est Ă  la source du Baroque français. IrrĂ©sistible. D’autant mieux apprĂ©ciĂ© et bienvenu pour les 400 ans de la naissance de Molière en janvier 2022.

 

 

 

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CLIC_macaron_2014CRITIQUE, CD Ă©vĂ©nement. Molière / Lully : musiques pour la comĂ©die-ballet LE BOURGEOIS GENTILHOMME (1670). Le Poème Harmonique (1 cd Château de Versailles Spectacles – avril 2021). Prise de son parfois confuse, dans les choeurs et les tutti.
CLIC de CLASSIQUENEWS de janvier 2022.

 

 

 

 

 

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Autre CD MOLIERE sur CLASSIQUENEWS :

 

 

 

cd-george-dandin-grotte-de-versailles-jarry-marguerite-louise-cd-critique-classiquenews-Versailles-cd-critiqueCD Georges Dandin par l’Ensemble Marguerite Louise / Gaétan Jarry (1 cd Château de Versailles Spectacles – fev 2020 – CLIC de CLASSIQUENEWS)  –  Les musiques des intermèdes et de la Pastorale pour la comédie Georges Dandin de Molière précise l’ambition de Lully sur le plan lyrique avant l’élaboration d’un modèle pour l’opéra français. Ici rayonnent déjà la puissance onirique des instruments, habiles à suggérer cet accord rêvé, harmonieux entre Nature et bergers ; a contrario de la peine de Dandin, les bergères disent par leur chant, l’empire de l’amour et ce flux tragique qu’il peut susciter (leurs amants semblent noyés)

 

 

 

 

 

 

 

STREAMING concert : Grands Motets de LULLY (Les Epopées / Stéphane Fuguet, 2020)

epopees-stephane-fuguet-grands-motets-lully-critique-video-cd-classiquenewsSTREAMING vidĂ©o : LULLY, Grands motets – Les EpopĂ©es, StĂ©phane Fuguet (Versailles, 2020)  -  Sous la direction de StĂ©phane Fuget, Les EpopĂ©es (fondĂ©s par ce dernier en 2018) interprètent trois grands motets de Jean-Baptiste Lully : Dies Irae, De profondis et O Lachrymae fideles. Le Dies Irae et le De profondis ont Ă©tĂ© jouĂ©s en 1683 lors des funĂ©railles de Marie-ThĂ©rèse d’Autriche, l’épouse de Louis XIV. En contrepoint Ă  cette gravitĂ©, le O Lachrymae fideles invite quant Ă  lui Ă  la danse. Ensemble, ces trois Ĺ“uvres soulignent le gĂ©nie de l’un des plus grands compositeurs baroques du XVIIè.
En concertation avec les équipes artistiques du Château de Versailles, Stéphane Fuget qui a créé en 2018, « Les Epopées » entame un parcours spécifique dédié à l’œuvre sacrée de Lully. Focus apprécié tant il dévoile l’intensité de l’inspiration dans le registre non lyrique et opératique (où on l’attendrait d’emblée naturellement) mais sacré et liturgique. Lully, ce grand faiseur d’opéras, étant capable aussi de dévotion et de ferveur d’une noblesse, souple et grave. Sincère sous le décorum louislequatorzien. Car aux côtés de l’esprit de grandeur, s’exprime aussi librement, le sentiment d’angoisse individuelle, de terreur incarnée qui sous les ors de la Chapelle royale, sont comme régénérés par le geste détaillé, profond du chef Fuget. Le maestro démontre que la dévotion et l’esprit de lamentation s’accordent à la noblesse, de surcroît dans l’acoustique de la chapelle royale. Lully_versailles_portraitSa vibrante résonance, qui créée même des tourbillons sonores inédits n’a pas été connue de Lully, lequel ne vécut pas assez longtemps pour assister à l’édification du dernier chantier de Louis XIV à Versailles (la Chapelle royale est livrée en 1710). Nonosbtant, sous la voûte de l’écrin architectural conçu par Robert de Cotte, les Grands Motets s’imposent dans leur grandeur et leur austérité, la justesse des accents fervents, la somptueuse parure orchestral comme chorale de tutti, d’une sincérité directe.
Le programme de cette captation vidéo présentent des œuvres composées entre 1660 et 1668, avant que le Florentin ne signe sa première tragédie lyrique, Cadmus et Hermione (1673), 1er opéra français.

Parmi le choeur, des solistes de première valeur : Claire Lefilliâtre, Ambroisine Bré, Cyril Auvity, Marc Mauillon, Renaud Delaigue, Marco Angioloni, … autant de tempéraments qui dans la mesure et la nuance nécessaire, requise par la sensibilité orfévrée du chef Stéphane Fuget, expriment l’individualité des croyants assemblés. Ce sens de l’incarnation distingue l’approche de toutes celles qui l’ont précédée : collectif certes, surtout réunion de fervents dont l’ardeur personnelle et intime, revendiquent l’émotion, dans les duos, trios alanguis, les sursauts collectifs, rythmiquement intrusifs, comme précipités, qui leur succèdent… Remarquable compréhension de la ferveur lullyste et versaillaise.

Programme :

 

 

 

Jean-Baptiste Lully
Dies Irae
O Lachrymae fideles
De Profundis

Direction musicale : StĂ©phane Fuget – Orchestre : Les ÉpopĂ©es
Versailles, Chapelle royale – Les Grands Motets de Lully / Promenade musicale Ă  Versailles – Concert captĂ© en mars 2020 dans la chapelle royale du Château de Versailles.

 

 

 

VOIR EN REPLAY jusqu’au 11 nov 2023 :
https://www.arte.tv/fr/videos/098485-004-A/les-grands-motets-de-lully/

 

 

 

 

 

 

CD critique. LULLY : Le Ballet royal de la Naissance de Vénus LWV 27 (1665). Les Talens Lyriques. 1 cd Aparté

naissance venus lully benserade deborah cachet cyrille auvity talens lyriques critique cd classiquenewsCD critique. LULLY : Le Ballet royal de la Naissance de Vénus LWV 27 (1665). Les Talens Lyriques. 1 cd Aparté, enregistré en janvier 2021 à Paris. Dans les années 1660, Lully livre au jeune Louis XIV, cette musique langoureuse, extatique, vénusienne, où chacun séduit et danse ; où l’équilibre des parties marque un premier âge d’or du divertissement de cour à la Cour du Roi Soleil… Avant de concevoir l’opéra français ou tragédie en musique à partir de 1673 (Cadmus et Hermione), Lully expérimente les possibilités du genre dramatique et lyrique pendant 13 années d’un apprentissage progressif où il élabore tout d’abord 25 ballets, et comédies-ballets : la danse y forme un cadre indissociable à l’action et à la musique. Les danseurs sont les patrons mêmes du « Baladin », acteurs qui célèbrent par ce jeu dansé, leur propre gloire ; ainsi le roi lui-même danseur, ne tarde pas à user et abuser du genre chorégraphique et dramatique créé par Lully, pour assoir son prestige et nourrir sa propagande. Louis XIV comme son père Louis XIII danse, mais davantage encore comme protecteur des arts, voire « roi artiste » : dans 25 ballets, 70 personnages dont les derniers Neptune puis Apollon dans Les amants magnifiques de 1670.

 

 

 

Vers la tragédie lyrique
De la langueur d’Ariane et de Psyché
au délire carnavalesque…
Mille facéties et grâce d’un Lully grand amuseur

 

 

 

Déborah CACHET chante Ariane et PsychéLe Ballet est donc un divertissement courtisan et royal, représentation qui fixe la constellation centrée du Roi en gloire et des ses favoris faisant cercle autour de lui. Créé dans le prolongement des Plaisirs de l’ile enchantée organisées à Versailles en 1664, La naissance de Vénus est donné en janvier 1665 en hommage à Henriette d’Angleterre belle sœur de Louis XIV. Le public, courtisans et parisiens se pressent pour y voir danser les Grands : Madame (Vénus entouré de tritons) et son époux (Philippe d’Orléans en étoile du point du jour, 2è entrée), surtout Louis XIV en Alexandre aux côtés de Roxane (Madame)… Au total 6 entrées où brillent l’éclat des chœurs, des chanteurs solistes, des habits et des décors (sans omettre la machinerie astucieuse de Vigarini pour 4 changements de décors). Le programme met en avant les points forts du cycle en 2 parties, dont surtout le trio des Grâces (ouvrant la partie II) ; la plainte dAriane abandonné sur son rocher, trahie par Thésée qu’elle a pourtant sauvé… par amour (fin de la 3è entrée de la partie II)…
L’orchestre suit le dispositif des 24 Violons du Roy, soit 5 parties de cordes (deux dessus, haute-contre, taille et basse), offrant cette palette nuancée riche et onctueuse, produisant désormais ce moelleux emblématique du « son versaillais ». Une plénitude à laquelle contribue grandement le chœur de chambre de Namur, qui allie nuance, précision, homogénéité et intelligibilité (préparé par leur chef atitré l’excellent Thibaut Lenaerts).
La palette des caractères d’une entrée à l’autre, passe du vif au solennel, alternant avant Rameau et préfigurant son génie : menuet, bourrée, sarabande, gigues, gavottes, sans omettre l’inévitable chaconne, conclusion attendue, sigilaire…. Mais le Florentin baladin aime aussi à faire rire et même se parodier lui-même. Il se plaît ici à se jouer des langues, chacune affectée à un caractère : le français pour la langueur tragique ; l’italien pour la passion burlesque voire outrée et même délirante (l’air d’Armide, furieuse et jalouse, dans le Ballet des amours déguisés de 1664 où la passion insatisfaite devient force destructrice, ici incarnée par Ambroisine Bré, engagée, trépignante, inconsolable d’avoir perdu Renaud malgré l’empire de sa magie…).
Ainsi la clé, écho à Ariane languissante du Ballet de Vénus, reste ici la plainte (en italien) de Psyché (version tragédie en musique, 1678) qui se désespère de devoir s’exiler dans un désert de rochers affreux….
En Ariane puis Psyché de grande classe, la soprano suave et sombre Deborah Cachet ( cf photo ci dessus © Laurus design NV) affirme un tempérament de première valeur ; sachant autant jouer qu’articuler : le français et son intelligibilité ne sont jamais sacrifiés sur l’autel de l’expression et de l’intonation. Du grand art. Qui laisse espérer de prochaines et belles incarnations à l’opéra. Son partenaire au même niveau demeure l’excellent Cyril Auvity (Orphée mordant, vivant, franc dans la 6è et dernière entrée de la partie II). Les instruments requis sont souples ; mais trop solennels et tendus, parfois uniformément sonores d’une entrée à l’autre. Ce manque d’imagination comme de caractérisation nuit à la vitalité de l’ensemble.

 

 

 

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CD critique. LULLY : Le Ballet royal de la Naissance de Vénus LWV 27 (1665). Les Talens Lyriques (Ch. Rousset, direction). 1 cd Aparté, enregistré en janvier 2021 à Paris

Jean-Baptiste Lully (1632-1687)
Ballet Ă  12 entrĂ©es, sur un livret d’Isaac de Benserade
Créé au Palais Royal, à Paris, le 26 janvier 1665

Deborah Cachet, dessus
Bénédicte Tauran, dessus
Ambroisine Bré, bas-dessus
Cyril Auvity, haute-contre
Samuel Namotte, taille
Guillaume Andrieux, basse-taille
Philippe Estèphe, basse-taille

Le Chœur de Chambre de Namur
Les Talens Lyriques
Christophe Rousset, direction

 

 

 

LIVRE Ă©vĂ©nement, critique. Histoire de l’OpĂ©ra Français, de Louis XIV Ă  la RĂ©volution – collectif, sous la direction d’HervĂ© Lacombe (Fayard, avril 2021)

histoire opera francais de louis xiv a la revolution critique livre clic classiquenews herve lacombeLIVRE Ă©vĂ©nement, critique. Histoire de l’OpĂ©ra Français, de Louis XIV Ă  la RĂ©volution – collectif, sous la direction d’HervĂ© Lacombe (Fayard, avril 2021). A l’instar du format « classique » de la tragĂ©die lyrique française (en 5 actes), l’ouvrage majeur Ă©ditĂ© ce printemps par Fayard, offre un panorama de l’opĂ©ra français de Louis XIV Ă  la rĂ©volution, en un prologue, 5 actes (parties) et un Ă©pilogue. De quoi nous rĂ©galer afin de comprendre comment l’opĂ©ra Ă  la française, institutionnalisĂ© par Louis XIV au XVIIè (avec les opĂ©ras de Lully – en rĂ©alitĂ© prĂ©cĂ©dĂ© par Perrin, Cambert et Boesset sous le ministère de Mazarin) a Ă©voluĂ© et s’est maintenu coĂ»te que coĂ»te malgrĂ© dĂ©boires et ruptures, scandales et concurrence, toujours original et puissant, singulier mĂŞme vis Ă  vis des autres nations crĂ©atrices, l’Italie ou les pays germaniques entre autres. C’est que l’apport de l’opĂ©ra comique et surtout de la danse, Ă©lĂ©ment emblĂ©matique de l’art français, a profondĂ©ment influencĂ© le genre voulu par le Roi-Soleil… La tragĂ©die lyrique est nĂ©e du laboratoire du ballet et de la comĂ©die ballet, elle a fixĂ© ses règles dans les opĂ©ras de Lully, modèles du genre, encore cĂ©lĂ©brĂ©s sous le règne de Louis XV et de Louis XVI.
De Rameau, le plus grand génie musical au XVIIIè, les auteurs examinent non sans justesse « le sous-texte politique des opéras » (l’une des contributions les plus passionnantes)… tandis que la question de la comédie italienne et de l’Opéra-Comique est étudiée avec le même discernement sous l’angle d’ « un nouveau territoire lyrique », de plus en plus explicite et actif au XVIIIè. Enfin l’époque des Lumières met en avant sous le règne de Louis XVI et Marie-Antoinette, un essor jamais vu jusque là des arts du spectacle dont la forme est marquée par Gluck (et sa révolution des années 1770), puis la présence des Italiens à Paris (et à Versailles) : Piccinni, Sacchini, Salieri… contemporains des opéras comiques de Grétry et Dalayrac.
Le tableau historique se conclut avec Cherubini à l’époque de la Première République (1789-1799). Il est complété par deux parties finales, thématiques : « production et diffusion » (Quatrième partie) et « Imaginaire et culture » (Cinquième partie), comprenant, approche bienvenue et originale, emblématique de notre époque, un chapitre dédié à « la place et la représentation des femmes dans le théâtre lyrique », captivante approche qui prépare la figure de la diva romantique au XIXè. En un regard critique sur le genre et la mémoire patrimoniale qui s’est édifiée du XVII au XVIIIè, les nombreux textes analysent aussi la réception et la fortune des opéras « fondateurs » de Lully au siècle suivant ; en particulier comment les livrets de Quinault ont été réadaptés, vénérés autant que la partition lullyste, mais retaillés pour de nouvelles musiques propres au XVIIIè.
Après un précédent ouvrage « Du Consulat au début de la IIIè République » (qui en fait prolonge historiquement le présent opus), voici un nouveau jalon absolument incontournable de la collection éditée par Fayard et dédiée à l’Histoire de l’Opéra français. Incontournable. CLIC de CLASSIQUENEWS printemps 2021.

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CLIC D'OR macaron 200LIVRE Ă©vĂ©nement, critique. Histoire de l’OpĂ©ra Français, de Louis XIV Ă  la RĂ©volution – collectif, sous la direction d’HervĂ© Lacombe (Fayard, avril 2021) - 1272 pages – 39 euros (prix indicatif) – EAN : 9782213709901 – Plus d’infos sur la page dĂ©diĂ©e du site des Ă©ditions FAYARD : https://www.fayard.fr/musique/histoire-de-lopera-francais-xvii-xviiie-siecles-9782213709901

Présentation par l’éditeur :
« Les débuts de l’opéra en France, de sa fondation par Louis XIV à ses développements jusqu’à la Révolution. De la tragédie lyrique, genre spectaculaire qui s’impose au monde musical, à l’apparition de nouveaux genres : l’opéra-comique, qui se développera au XIXe siècle. Menée par Hervé Lacombe, une équipe pluridisciplinaire passe en revue tous les aspects de l’opéra français à ses débuts, et montre comment se constitue une véritable culture lyrique. »

ISIS de Lully

PARIS, TCE, ven 6 dĂ©c 2019, 19h30. En version de concert, l’un des opĂ©ras les moins connus de Lully et pourtant l’un des mieux Ă©crits… qui d’ailleurs ne devrait pas s’appeler ISIS mais IO, la nymphe aimĂ©e de Jupiter et qui dĂ»t Ă©prouver la haine jalouse et donc la sadisme de Junon, l’Ă©pouse officiel du Dieu des Dieux. A travers son prĂ©texte mythologique, la partition Ă©gratigne quelques protagonistes de la Cour de Louis XIV dont surtout la favorite en titre, La Montespan qui se reconnut Ă©videmment dans le rĂ´le infect de Junon et … obtint du Roi pour se venger l’exil du poète librettiste Quinault. Le TCE Ă  Paris affiche une version de concert d’un ouvrage majeur de Lully qui avant Rameau au XVIIIè (dans son dernier opĂ©ra Les BorĂ©ades de 1764), met en scène la folie amoureuse, la haine divine et la torture…

LIRE ici notre critique du cd ISIS de Lully dont la distribution est celle du spectacle parisien : ISIS de LULLY par Les Talens Lyriques

LULLY isis ROUSSET critique cd opera classiquenewsCD, critique.LULLY : ISIS / Io. Talens Lyriques, Ch Rousset (2 cd APARTE – juil 2019). Après Bill Christie et Hugo Reyne, tous d’eux ayant différemment réussi leur propre lecture d’Atys(respectivement en 1987 et 2009), sommet de l’éloquence et du sentiment XVIIè, Les Talens lyriques et leur chef Christophe Rousset poursuivent une sorte d’intégrale des opéras de Lully chez Aparté. Un défi redoutable et un courage immense… tant les plateaux sont difficiles à réunir, et le répertoire toujours écarté des scènes lyriques. Qui programme aujourd’hui le Florentin anobli / naturalisé par Louis XIV ? On s’étonne d’une telle situation, qui d’ailleurs vaut pour le baroque en général : même Rameau, le plus grand génie dramatique et orchestral du XVIIIè peine à défendre sa place à chaque saison nouvelle, en particulier à l’Opéra de Paris. Que l’on ne nous parle pas d’équilibre et de diversité des programmations. Le Baroque est de moins en moins joué au sein des théâtres d’opéras en France. Donc réjouissons nous de ce nouvel opus Lully par Ch Rousset.

Pourtant, soit qu’il soit question de la prise ou de l’économie du geste gĂ©nĂ©ral, la petitesse du son ne cesse ici d’interroger : on sait que les effectifs requis pour les crĂ©ations devant la Cour et le Roi, ne craignaient pas l’ampleur ; d’ailleurs toutes les gravures le reprĂ©sente : l’orchestre Ă©tait plĂ©thorique. Ce qui laisse imaginer un tout autre son Ă  l’époque… Pourquoi alors ce format sonore si Ă©troit et serrĂ©, d’autant que le traitement final souhaitĂ© lisse tout relief. Pas d’aspĂ©ritĂ©, ni de timbres dĂ©finis: un juste milieu qui attĂ©nue toute disparitĂ© et tend Ă  unifier la globalitĂ© vers une uniformitĂ© dĂ©sincarnĂ©e. S’agirait-il alors d’une autre raison ? La vision propre au chef qui en phrases courtes, certes prĂ©cises mais systĂ©matiques jusqu’à la mĂ©canique, sonne sèche ; des tempos parfois très prĂ©cipitĂ©s soulignent une lecture nerveuse… et finalement dĂ©vitalisĂ©e. Voici un Lully Ă©troit et mĂ©canisĂ© qui manque singulièrement d’ampleur, de souffle, de respiration. Tout ce qu’ont apportĂ© et cultivĂ© autrement et par un orchestre et un continuo plus palpitant, les prĂ©cĂ©dents dĂ©jĂ  citĂ©s : Christie et Reyne. Pas sĂ»r que les dĂ©tracteurs et critiques d’un Lully trop affectĂ©, sophistiquĂ©, et finalement artificiel, ne changent d’avis après Ă©coute de cet album. Lire la critique complète d’ISIS de Lully par Les Talens Lyriques

CD Ă©vĂ©nement, critique. DUMESNY : « haute-contre de Lully ». R Van Mechelen – A Nocte Temporis (1 cd alpha).

Dumesny-Haute-Contre-de-Lully cd classiquenews critique annonce review cd critique classiquenews critique opera critique concertCD Ă©vĂ©nement, critique. DUMESNY : « haute-contre de Lully ». R Van Mechelen – A Nocte Temporis (1 cd alpha). Et voici un programme admirable par ses dĂ©fis et son originalitĂ©, parce qu’il engage aussi un chanteur devenu chef, et comme la contralto Natalie Stutzmann, crĂ©ateur de son propre ensemble A nocte temporis : le haute contre flamand Reinoud van Mechelen (nĂ© en 1987 Ă  Leuven) : il vient d’être nommĂ© artiste en rĂ©sidence au festival laboratoire Musique et MĂ©moire dans les Vosges du Sud (chaque annĂ©e en juillet, soit 3 annĂ©es d’accompagnement artistique exemplaire Ă  suivre absolument Ă  partir de juillet 2020).

On se souvient de ses débuts chez William Christie à l’époque du Jardin des Voix, puis de ses prises de rôles plus ou moins heureuses chez Rameau, Charpentier et autres compositeurs des premier et second Baroque Français. Aujourd’hui les défis et essais d’hier ont évolué et avec l’expérience, une claire détermination et la conscience d’un répertoire se sont affirmés, dans la maîtrise plus réaliste des moyens artistiques. Il revient au chanteur chef d’avoir identifié l’itinéraire d’un chanteur de premier plan, à l’époque de Lully, quand ce dernier perfectionna l’opéra français au XVIIè pour la Cour de Louis XIV. Ses rôles sont d’autant plus intéressants qu’ils illustrent aussi la dernière manière de Lully dans le genre lyrique français.

 

 

 

Portrait d’un cuisinier
devenu le ténor favori de Lully

Né circa 1635 à Montauban, Louis Gaulard Dumesny, meurt quand meurt le Roi Soleil (entre 1702 et 1715) selon le texte de la notice dont la rédaction contient de nombreuses confusions voire incohérences (seule faiblesse de ce disque en tout points exemplaires).
D’abord cuisinier (chez l’intendant Foucault), Dumesny, chanteur (haute-contre / ténor), est recruté par Lully dès 1675 : il chante dans les choeurs de Thésée (1675), Atys (1676), surtout Isis (1677, partition sublime récemment ressuscitée et réévaluée dans laquelle il incarne de petits rôles : Triton, un nymphe / l’auditeur en pourra écouter l’ouverture ici) ; il chante ensuite Alphée dans Proserpine (1680) : quadra, le chanteur perce l’affiche alors, succédant dans les premiers rôles à Bernard Clédière (parti à la retraite en 1682).
Dumesny crée les rôles titres des 6 derniers opéras de Lully : Persée (1682), Phaéton (1683), Amadis (1684), Roland (1685), Renaud dans Armide (1686) et Acis et Galatée (1686). Devenu le ténor héroïque emblématique de l’opéra lullyste des années 1680, le chanteur vedette après la mort du Surintendant, chante dans les opéras de la nouvelle génération : Alcide de Marais, Jason dans Médée de Charpentier, Apollon dans Issé de Destouches, Octavio dans l’Europe Galante de Campra.

 

 

 

Dumesny, le chanteur qui chantait faux
et s’enivrait au champagne
pour suivre le rythme et honorer ses emplois…

 

 

 

Dumesny doit son succès Ă  sa voix Ă©videmment (aucune prĂ©cision convaincante sur sa tessiture exacte dans le texte citĂ©, sinon « haute-taille vers haute-contre » / ou plutĂ´t haute-taille, c’est Ă  dire tĂ©nor lĂ©ger – quoique dans dans le cas de Dumesny, les aigus restaient « très parcimonieux » / quoique il semble que « sa tessiture semble avoir montĂ© avec le temps ») ; Ă  ses dons d’acteurs, sa physionomie sĂ©duisante (grand, d’un « beau brun, bien fait »)… de quoi susciter tous les fantasmes. Il faut nĂ©anmoins nuancer tout cela car le diapason de l’époque Ă©tait d’un ton plus bas ; surtout, le goĂ»t de la Cour de Louis XIV privilĂ©giait toujours les tessitures graves.

Seule rĂ©serve, – comble pour un chanteur : Dumesny chantait faux, ne sachant pas son solfège, apprenant pour chaque production, chaque rĂ´le, note par note ; c’est Ă  dire par coeur. Pourquoi pas !

Aujourd’hui, le contre-ténor Reinoud van Mechelen affirme une toute autre musicalité ; une détermination même qui donne de la valeur à cette résurrection d’une personnalité musicale propre aux opéras de Lully dans la décennie 1680. Pourtant le programme laisse surtout la place aux musiques post-lullystes, celle de Colasse, Marais, Charpentier, Destouches, Campra…

La longévité de l’artiste, sa constance restent délicates ; dans les années 1690, Dumesny n’y échappe pas : alcoolique, il devient gros ; d’humeur de plus inconstante, il rate de nombreux emplois, « ayant l’air d’un manant à la ville ». En outre, les frasques de sa vie personnelle alimentent la chronique « people » de l’époque : cleptomane, il détrousse les artistes femmes de la troupe de l’Académie royale ; et ses relations passionnelles avec Marie Le Rochois (favorite de Lully) ou de La Maupin occupent les esprits parisiens, toujours voraces à relayer un scandale.

CLIC D'OR macaron 200Non obstant ces petits dĂ©boires bien humains, Dumesny Ă©blouit ses prises de rĂ´les pendant plus de 20 ans, ayant dĂ©butĂ© sa carrière Ă  l’opĂ©ra Ă  un âge avancĂ© (40 ans). Le tĂ©nor lĂ©ger devait avoir un chant souple et tendu Ă  la fois, capable dâ€un « lyrisme Ă©lĂ©giaque et de pages dramatiques », confĂ©rant Ă  ses personnages, une profondeur et un trouble certainement captivant, ce dès « PersĂ©e » en 1675. VoilĂ  un premier pas vers une caractĂ©risation plus juste des chanteurs français Ă  l’époque de Lully. A quand dans la foulĂ©e, un autre opus dĂ©diĂ© au plus grand tĂ©nor lĂ©ger lui aussi (haute taille ou haute contre ?) du siècle suivant, JĂ©lyote, vedette des opĂ©ras de Rameau ? On rĂŞve aussi d’un programme tout autant dĂ©fendu et engagĂ©, maĂ®trisant l’articulation et la projection de la langue de Racine. Car selon l’analyse lĂ©gitime de Bill Christie (entre autres), – clairvoyance visionnaire et malheureusement toujours polĂ©mique actuellement, le baroque français c’est surtout la maĂ®trise d’un chant français continument …intelligible. A travers ce programme passionnant, Reinoud Van Mechelen ressuscite le profil d’un tĂ©nor lullyste aux dĂ©fis lyriques d’une indiscutable valeur. Par ses choix de rĂ©pertoire, la collection des airs d’opĂ©ras rĂ©unis, le programme est magistral. C’est donc un CLIC de CLASSIQUENEWS pour dĂ©cembre 2019.

 

 

  

 

  

 

  

CD Ă©vĂ©nement, critique. DUMESNY : « haute-contre de Lully ». R Van Mechelen – A Nocte Temporis (1 cd Alpha). EnregistrĂ© Ă  Anvers en 2018.

 

 

 
 

 

 

Programme du cd Dumesny : « haute-contre de Lully »
Reinoud Van Mechelen, chant et direction   –  A Nocte Temporis

1.
JEAN-BAPTISTE LULLY – ISIS, LWV 54 : OUVERTURE 
02:08
2.
JEAN-BAPTISTE LULLY – PERSÉE, LWV 60 : CESSONS DE REDOUTER LA FORTUNE CRUELLE 
01:37
3.
JEAN-BAPTISTE LULLY – ARMIDE, LWV 71 : PLUS J’OBSERVE CES LIEUX, ET PLUS JE LES ADMIRE 
03:31
4.
JEAN-BAPTISTE LULLY – AMADIS, LWV 63 : BOIS ÉPAIS, REDOUBLE TON OMBRE 
02:31
5.
JEAN-BAPTISTE LULLY – ACIS ET GALATÉE, LWV 73 : FAUDRA-T-IL ENCORE VOUS ATTENDRE… 
01:41
6.
JEAN-BAPTISTE LULLY – ACIS ET GALATÉE, LWV 73 : RITOURNELLE 
00:34
7.
JEAN-BAPTISTE LULLY – ACHILLE ET POLYXĂNE, LWV 74 : PATROCLE VA COMBATTRE, ET J’AI PU CONSENTIR… 
02:44
8.
JEAN-BAPTISTE LULLY – MISERERE, LWV 25 
01:11
 

9.
PASCAL COLLASSE – ACHILLE ET POLYXĂNE : QUAND, APRĂS UN CRUEL TOURMENT… 
01:31
10.
PASCAL COLLASSE – ACHILLE ET POLYXĂNE : ENTRACTE 
01:16
11.
PASCAL COLLASSE – ACHILLE ET POLYXĂNE : AH! QUE SUR MOI… – PRÉLUDE 
01:16
12.
MARIN MARAIS – ALCIDE : MON AMOUREUSE INQUIĂTUDE 
02:46
13.
MARIN MARAIS – ALCIDE : NE POURRAIS-JE TROUVER DE REMĂDE… 
05:50
14.
PASCAL COLLASSE – THÉTIS ET PELÉE : CIEL ! EN VOYANT CE TEMPLE REDOUTABLE… 
05:03
15.
PASCAL COLLASSE – ENÉE ET LAVINIE : J’ENTENDS D’AGRÉABLE CONCERTS… 
03:12
16.
HENRY DESMAREST – DIDON : INFORTUNÉ QUE DOIS-JE FAIRE?… 
03:22
17.
HENRY DESMAREST – DIDON : LE SOLEIL EST VAINQUEUR (INSTRUMENTAL) 
01:35
18.
MARC-ANTOINE CHARPENTIER – MÉDÉE, H.491 : QUE JE SERAIS HEUREUX, SI J’ÉTAIS MOINS AIMÉ !… 
02:44
19.
MARC-ANTOINE CHARPENTIER – MÉDÉE, H.491 : SECOND AIR POUR LES ARGIENS – SARABANDE 
03:17
20.
ELISABETH JACQUET DE LA GUERRE – CÉPHALE ET PROCRIS : AMOUR, QUE SOUS TES LOIS… 
02:40
21.
HENRY DESMAREST – THÉAGENE ET CARICLÉE : MA VERTU CĂDE AU COUP… 
03:16
22.
HENRY DESMAREST – LES AMOURS DE MOMUS : LIEUX CHARMANTS, RETRAITES TRANQUILLES… 
01:42
23.
CHARLES-HUBERT GERVAIS – MÉDUSE : AIR – SARABANDE – MENUET 
04:11
24.
HENRY DESMAREST – LES FĂŠTES GALANTES : EBBRO FAR VOGLIO IL MIO CORE… 
02:59
25.
HENRY DESMAREST – CIRCÉ : SOMMEIL – AH! QUE LE SOMMEIL EST CHARMANT… 
05:32
26.
ANDRÉ CARDINAL DESTOUCHES – AMADIS DE GRĂCE : HÉLAS! RIEN N’ADOUCIT… 
03:35
27.
ANDRÉ CAMPRA – L’EUROPE GALANTE : SOMMEIL – SOMMEIL, QUI CHAQUE NUIT…
 
 

VIDEO

 

https://youtu.be/b5nR_70GtnY

  
   

CD, critique.LULLY : ISIS / Io. Talens Lyriques, Ch Rousset (2 cd APARTE – juil 2019).

LULLY isis ROUSSET critique cd opera classiquenewsCD, critique.LULLY : ISIS / Io. Talens Lyriques, Ch Rousset (2 cd APARTE – juil 2019). Après Bill Christie et Hugo Reyne, tous d’eux ayant diffĂ©remment rĂ©ussi leur propre lecture d’Atys (respectivement en 1987 et 2009), sommet de l’éloquence et du sentiment XVIIè, Les Talens lyriques et leur chef Christophe Rousset poursuivent une sorte d’intĂ©grale des opĂ©ras de Lully chez ApartĂ©. Un dĂ©fi redoutable et un courage immense… tant les plateaux sont difficiles Ă  rĂ©unir, et le rĂ©pertoire toujours Ă©cartĂ© des scènes lyriques. Qui programme aujourd’hui le Florentin anobli / naturalisĂ© par Louis XIV ? On s’étonne d’une telle situation, qui d’ailleurs vaut pour le baroque en gĂ©nĂ©ral : mĂŞme Rameau, le plus grand gĂ©nie dramatique et orchestral du XVIIIè peine Ă  dĂ©fendre sa place Ă  chaque saison nouvelle, en particulier Ă  l’OpĂ©ra de Paris. Que l’on ne nous parle pas d’équilibre et de diversitĂ© des programmations. Le Baroque est de moins en moins jouĂ© au sein des théâtres d’opĂ©ras en France. Donc rĂ©jouissons nous de ce nouvel opus Lully par Ch Rousset.

Pourtant, soit qu’il soit question de la prise ou de l’économie du geste général, la petitesse du son ne cesse ici d’interroger : on sait que les effectifs requis pour les créations devant la Cour et le Roi, ne craignaient pas l’ampleur ; d’ailleurs toutes les gravures le représente : l’orchestre était pléthorique. Ce qui laisse imaginer un tout autre son à l’époque… Pourquoi alors ce format sonore si étroit et serré, d’autant que le traitement final souhaité lisse tout relief. Pas d’aspérité, ni de timbres définis: un juste milieu qui atténue toute disparité et tend à unifier la globalité vers une uniformité désincarnée. S’agirait-il alors d’une autre raison ? La vision propre au chef qui en phrases courtes, certes précises mais systématiques jusqu’à la mécanique, sonne sèche ; des tempos parfois très précipités soulignent une lecture nerveuse… et finalement dévitalisée. Voici un Lully étroit et mécanisé qui manque singulièrement d’ampleur, de souffle, de respiration. Tout ce qu’ont apporté et cultivé autrement et par un orchestre et un continuo plus palpitant, les précédents déjà cités : Christie et Reyne. Pas sûr que les détracteurs et critiques d’un Lully trop affecté, sophistiqué, et finalement artificiel, ne changent d’avis après écoute de cet album.

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SUBLIME QUATUOR VOCAL
Tauran, Hubeaux, Auvity, Estèphe
Junon, Io/Isis, Apollon, Argus

 

 

 

Mais la surprise vient des chanteurs, précisément des deux premiers emplois d’une partition assez exceptionnelle. Si le geste du chef et le son de l’orchestre posent problème, en revanche certains solistes sont remarquables tant leur chant restitue à la fois la noblesse du récit, le mordant articulé, surtout la sincérité de la déclamation lullyste. Ce qui n’est pas peu dire. Ce que réalisent les deux cantatrices dans les rôles opposés de Io / Isis et de Junon, relève de l’exceptionnel, une voie idéale entre le style du théâtre cornélien et racinien, et la langueur expressionniste propre à l’opéra lullyste. Voilà longtemps que nous n’avions goûté un tel chant vivant et palpitant, serviteur des images linguistiques qui font sens. D’où notre excellente note et le CLIC de classiquenews.com

Relief et vérité des chanteuses TAURAN / HUBEAUX
A l’opposĂ© de toute surcharge hystĂ©rique, – un Ă©cueil que l’on constate aussi pour Cybèle dans Atys-, BĂ©nĂ©dicte Tauran fait une Junon de grande classe, car elle Ă©vite toute boursouflure caricaturale voire parodique du personnage (ce qui a toujours Ă©tĂ© facile : Junon bien souvent n’est qu’une Ă©pouse dĂ©laissĂ©e, frustrĂ©e, qui rugit) : a contrario, ici, du tact et du style et un français impeccable (nous l’avions dĂ©couvert il y a quelques annĂ©es dans la version d’Atys par Hugo Reyne, en 2009 prĂ©cisĂ©ment, dans le rĂ´le de Sangaride). La maĂ®trise du français est impeccable ; l’intonation racĂ©e, subtile, surtout simple et naturelle. Une leçon de chant qui nous rĂ©conforte tant le problème de l’intelligibilitĂ© est gĂ©nĂ©ral s’agissant des spectacles baroques en France.

montespan-isis-lully-quinault-opera-baroque-critique-hubeaux-tauran-chant-opera-critique-classiquenewsFace Ă  elle, la Io / Isis d’Eve-Maud Hubeaux soupire, rugit (mais de façon adĂ©quate et toujours mesurĂ©e), se lamente, victime douloureuse mais dĂ©munie : sa palette est riche autant que son articulation, elle aussi parfaite. PortĂ©e par ses deux portraits de femmes, – focus lĂ©gitime car de leur affrontements incessants, se produit le drame, les tortures, enfin la rĂ©conciliation (grâce Ă  la mĂ©tamorphose finale). Mais dans la rĂ©alitĂ©, La Montespan (qui dut supporter la nouvelle conquĂŞte du Roi : Melle de Ludre) se reconnaissant avec raison dans le personnage de Junon… obtint la disgrâce de Quinault.
Les deux chanteuses ont cette élégance et cette noblesse qui rendent passionnantes leur confrontation progressive. Intelligibles et expressives mais avec mesure, les deux divas tirent leur épingle du jeu. Le chant et la déclamation lullyste en sortent régénérés, somptueusement captivante. C’est l’excellente surprise de cette lecture.

Parmi les hommes, deux solistes se détachent nettement : Cyril Auvity convainc parfaitement par l’intensité, la précision et la justesse du chant comme du jeu: entre autres personnages parfaitement tenus, sa Furie mordante et inflexible, haineuse et sadique à souhait, face à la Io frigorifiée (début du IV) ; même implication saisissante pour Neptune et Argus du fabuleux Philippe Estèphe, tempérament rare alliant puissance, musicalité, intelligibilité, sans jamais appuyer ni forcer. Nous tenons là un quatuor vocal somptueux, lullyste par l’esprit et le style. De quoi susciter l’enthousiasme d’où le CLIC malgré nos réserves (comme on a dit).

A oublier à l’inverse : le chant continûment outré et surexpressif et finalement systématique d’Ambroisine Bré (Syrinx) ; les voix engorgées, ternes, lisses (usées ?) de Edwin Crossler Mercier (Pan) et Aimery Lefèvre (Hiérax).

En dépit de qualité éloquentes indiscutables, le chœur (de chambre de Namur) rate ses airs à la chasse, dans une mise en place hasardeuse et précipitée, sans souffle (épisode de Syrinx, la nymphe qui refuse l’amour et écarte un Pan trop pressant). Selon le plan de Mercure, il est question en réalité d’endormir Argus afin de libérer Io, sa prisonnière… On finit par s’endormir nous aussi.

Heureusement l’acte IV, le plus poétique et le plus dramatique, celui des contrastes climatiques et autres supplices infligés par Junon à Io, dont le chœur des frimas, aux syllabismes glaçés, répétés est plus précis et dramatiquement plus prenant. L’acte dans son entier annonce les effets, machineries à l’appui, du Rameau à venir (Parques pour Hippolyte et Aricie ; tortures et écarts climatiques des Borréades). Même bel engagement des forces calorifiques des forges dans le tableau qui suit… Mais là encore on s’interroge sur la petitesse de la sonorité, l’étroitesse du spectre des timbres orchestraux, d’autant que la prise de son reste centrale, globale, distanciée, confinant à une image lisse, comme amidonée, et …dévitalisée.

Là est bien le problème : l’orchestre très bien huilé, semblable à une machine à coudre, à la rythmique mécanique, tricote un son aigre, petit, lisse. Tout est joué de la même façon, uniformément, malgré la disparité des ambiances par acte. Les tutti sonnent secs et courts. Voici un Lully sans tendresse ni ampleur.

Quelle différence avec les témoignages d’époque qui répétons-le attestent d’un effectif de 100 instrumentistes dont la chair et la respiration devaient être autres. Le geste est de plus en plus rapide et sec à mesure que le drame se précipite, à partir du IV justement quand Io subit les supplices imposés par une Junon particulièrement sadique. Au point de forcer Io au suicide pour échapper à tant de souffrance. Les instrumentistes savent cependant atteindre une certaine profondeur à l’énoncé des Parques (fin du IV) : si Io veut cesser de souffrir, « elle doit apaiser Junon ». C’est à dire la rendre moins jalouse. La tendresse du geste (et la compassion pour l’héroïne) paraît enfin. C’est un peu tard. On le voit le chef Rousset joue surtout sur les contrastes, la tension, le nerf, au risque de paraître sec.

CLIC D'OR macaron 200Soulignons la réussite du livret de Quinault et la dramatisation musicale par Lully, ce qui fait de « Isis » un opéra majeur aux côtés de Atys, en particulier pour la fin de la partition (acte V) : devant une Io épuisée, qui appelle la mort, face à Junon inflexible, Jupiter rend son amour à… son épouse. L’enchaînement des actes IV et V relève du pur génie lullyste : exacerbation des passions puis grand pardon et aspiration à l’apaisement final grâce à la sublimation / métamorphose salvatrice de la nymphe Io, éreintée, exsangue, … miraculeusement recomposée en déesse égyptienne, soit Isis. Ce qui donne le titre de l’opéra, sans pour autant rendre compte véritablement de la nature même de son action depuis son début. L’épisode égyptien étant dévolu aux deux derniers airs orchestraux du V. La logique aurait plutôt préféré le titre Io, plus proche du drame réel, à travers les actes I, II, III et IV. Pour conclure, orchestre mécanisé et serré voire tendu ; mais plateau irrésistible, grâce au quatuor vocal que nous avons distingué.

 

 

 

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CD, critique. LULLY : ISIS / Io (1677). Talens Lyriques, Ch Rousset (2 cd APARTE – juil 2019) – Lire aussi notre prĂ©sentation d’ISIS de Lully par Ch Rousset, Les talens lyriques, ici :
http://www.classiquenews.com/lully-isis-1677-les-talens-lyriques-ch-rousset-2-cd-aparte/

 
 

APPROFONDIR
LULLY, articles, dossiers, critiques sur CLASSIQUENEWS

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Isis, Ă  Beaune, juillet 2019 – critique de l’opĂ©ra en version de concert
http://www.classiquenews.com/compte-rendu-critique-opera-beaune-lully-isis-12-juillet-2019-les-talens-lyriques-choeur-de-chambre-de-namur-c-rousset/

Bellérophon, 1679 / Les talens lyriques, 2011
http://www.classiquenews.com/lully-bellrophon-1679-les-talens-lyriqueschristophe-rousset-2-cd-apart/

Alceste, 1674 / Les talens lyriques 2017
http://www.classiquenews.com/cd-compte-rendu-critique-lully-alceste-les-talens-lyriques-2-cd-aparte/

Armide, / Les talens lyriques 2015
http://www.classiquenews.com/cd-compte-rendu-critique-lully-armide-les-talens-lyriques-2015-2-cd-aparte/

Amadis, 1684 / Les talens lyriques
http://www.classiquenews.com/lully-amadis-1684-rousset-2013-3-cd-aparte/

Les premiers opéras français par Hugo Reyne
http://www.classiquenews.com/lully-les-premiers-opras-franais-hugo-reyne10-cd-accord/

REPORTAGE VIDEO ATYS par Hugo Reyne 2009
http://www.classiquenews.com/lully-quinault-atys-1676-hugo-reynela-chabotterie-vende-aot-2009-reportage-vido-22/

Dossier Atys de Lully :
http://www.classiquenews.com/lully-atys-1676-le-livret-de-philippe-quinaultaspects-dune-partition-gniale/

Atys de Lully Chaboterie 2009 / Hugo Reyne
http://www.classiquenews.com/lully-atys-1676-hugo-reynefestival-musiques-la-chabotterie-11-et-12-aot-2009/

ATYS de Lully par William Christie
recréation reprise 2011 : reconstitution ou recréation ?
http://www.classiquenews.com/atys-2011-dossier-spcialreconstitution-ou-approfondissement/

ATYS de Lully par William Christie, reprise 2011 (DVD)
http://www.classiquenews.com/lully-atys-villgier-christie-20112-dvd-fra-musica/

ARMIDE de Lully par William Christie, 2008
http://www.classiquenews.com/lully-armide-christie-2008/

CD baroque Ă©vĂ©nement, annonce. LULLY : ISIS, 1677 – les talens lyriques, Ch Rousset (2 cd ApartĂ©)

LULLY isis ROUSSET critique cd opera classiquenewsCD baroque Ă©vĂ©nement, annonce. ISIS, 1677 / les talons lyriques / Ch Rousset (2 cd ApartĂ©). 5è tragĂ©die en musique conçue par Lully et Quinault, ISIS tĂ©moigne Ă©videmment des faits marquants du royaume de Louis XIV : le prologue et son contenu encomiastique fait rĂ©fĂ©rence Ă  la guerre de Hollande, aux victoires de la marine royale (Neptune paraĂ®t) ; c’est somme toute un prĂ©alable « ordinaire » et habituel pour une tragĂ©die en musique, comme bientĂ´t Ă  Versailles, la vaste Galerie des glaces a son plafond peint de toutes les batailles du roi guerrier. Sur le plan esthĂ©tique et lyrique, Isis qui n’a rien d’égyptien (sauf Ă  l’Ă©noncĂ© final de l’avatar de Io en … Isis, nouvelle dĂ©esse honorĂ©e sur les rives du Nil) , marque un tournant tout en prolongeant les opus prĂ©cĂ©dents (Cadmus et Hermione, 1673, ; Alceste, 1674 ; ThĂ©sĂ©e, 1675 et Atys, 1676). Créé devant le Roi Ă  St-Germain en Laye, le 5 janvier 1677, Isis est l’une des premières tragĂ©dies lyriques nĂ©cessitant les machineries (comme plus tard et dans des proportions plus amples et spectaculaires : PersĂ©e)… L’acte IV regroupe les Ă©pisodes les plus spectaculaires : ceux des supplices inventĂ©s par la jalouse et sadique Junon contre Io : frimas glaçants, forges brĂ»lantes, puis arrĂŞt des Parques, elles aussi inflexibles quant Ă  la souffrance de la pauvre et si dĂ©munie nymphe aimĂ©e de Jupiter… La salle d’opĂ©ra de St-Germain, dessinĂ©e par Carlo Vigarini (qui en l’occurrence dessine machineries et dĂ©cors), permet les changements Ă  vue, les vols divins et son parterre peut contenir jusqu’à 650 spectateurs.

 

 

 

ISIS, 1677 :
JUNON ATHENAIS FURIEUSE
PROVOQUE L’EXIL DE QUINAULT

 

 

Le site est alors puisque Versailles n’existe pas encore, le lieu des représentation royales par excellence. Thésée et Atys y ont déjà été créés. Ayant abandonné la pratique de la danse, le Roi à 37 ans, se passionne surtout dès 1675 pour l’opéra. Chaque ouvrage est présenté devant le souverain très interventioniste (participant au choix des sujets voire aux situations dramatiques), pendant le Carnaval puis repris à Paris. Après Isis, paraîtront encore Proserpine (1680), Le Triomphe de l’Amour (1681), Phaéton (1683) et Roland (1684).
Lully rĂ©serve le rĂ´le titre Ă  Marie Aubry, dĂ©jĂ  cĂ©lèbre car elle fut Sangaride dans Atys l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente. A Mlle de Saint-Christophle, ailleurs dĂ©esse ou sorcière colĂ©rique – elle fut Cybèle dans Atys, revient le personnage rival d’Isis, la fière et haineuse voire barbare Junon.
Comme tous les opéras présentés devant Louis XIV, chaque discipline n’a qu’un but : incarner le prestige et la grandeur de la Cour de France, celle du Roi-Soleil ; l’orchestre d’Isis est important, rien à voir avec les petits ensembles baroqueux dont le public contemporain est familier. Il regroupe jusqu’à 100 instrumentistes, dont les trompettes de la Grande Écurie (qui accompagnent la Renommée et sa suite dans le prologue) et les membres du clan Hotteterre (Louis, Jean, Nicolas, Jeannot) célèbres flûtistes particulièrement exposés dans le divertissement de l’acte III qui évoque la nymphe Syrinx. A la puissance déclamatoire de l’orchestre répond le luxe et le raffinement des costumes dessinés par Jean Bérain.

En répétitions, à Saint-Germain dès le moins de novembre 1676, soit 2 mois avant la création, Isis est au cours de sa genèse et des séances préparatoires, promis à un grand succès : en décembre, Quinault lit en avant-première son texte d’après Ovide (livre I) ; le poète baroque français écarte l’épisode où Jupiter amoureux change Io en génisse ; il préfère plutôt traiter l’épisode où le dieu de l’Olympe cache sa maitresse Io, dans une nuée, afin de la protéger des foudres de son épouse, l’irascible et jalouse Junon. Les auditeurs sont enthousiastes. Rien ne laissait présager l’accueil final de l’opéra déclamé, en définitive plutôt réticent, ni l’exil dont allait être victime Quinault. La Montespan se reconnaissant dans le figure de Junon, et ici Io / Isis incarnant la dernière proie du roi égrillard, Isabelle de Ludres, dans les faits historiques, vraie rivale de la maîtresse en titre, obtint du Roi la disgrâce du poète. On ne se moque pas de la Favorite officiel du Soleil : Athénaïs règne sur le cœur de Louis. Isis fut un opéra rapidement remisé dans les placards du scandale et de la honte.

 

 

 

 

  

 

 

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CD Ă©vĂ©nement, annonce. Lully: Isis, LWV 54 – Hubeaux, Tauran… Les Talens lyriques / C Rousset (2 CD ApartĂ©) – prochaine critique complète d’ISIS de Lully par les talens lyriques dans le mag cd dvd livres de classiquenews.com

 

 

 

 

 

 

COMPTE-RENDU, critique, opĂ©ra. AVIGNON, OpĂ©ra, le 6 octobre 2019. LULLY – MOLIERE : Monsieur de Pourceaugnac. La RĂŞveuse.

COMPTE-RENDU, critique, opĂ©ra. AVIGNON, OpĂ©ra, le 6 octobre 2019. LULLY – MOLIERE : Monsieur de Pourceaugnac. La RĂŞveuse.
Force de frappe de la farce à l’évidence, qui, sous les situations topiques, sous les masques, le déguisement, révèle, laisse finalement percer à nu l’épure dramatique : la violence parentale qui force les enfants à des mariages tyranniques ; mais aussi, réplique des enfants révoltés, reprise de la Commedia dell’Arte, la gérontophobie [1] générale, la haine des vieillards détenteurs du pouvoir, le triomphe cruel des jeunes sur le barbon, bafoué, ridiculisé, où l’impitoyable futur opéra-bouffe trouvera sa plus cynique inspiration qui choquait Rousseau. Et quand ce barbon est par ailleurs un Limousin, perdu dans la capitale, dont le crime capital est d’être un provincial, il faut ajouter la méprisante cruauté du suprématisme parisien puisqu’il est décrété depuis Villon qu’« Il n’est bon bec que de Paris », future anticipation du jacobinisme centralisateur, étouffoir de la diversité de provinces. Sans oublier que le malheureux a l’ambition outrecuidante de faire un mariage bourgeois, sinon gentilhomme, c’est-à-dire, sortir de son rang pour gravir un échelon social. Et additionnons encore, entre rires et larmes, amer sarcasme, la plaidoirie burlesque des deux médecins, ou plutôt le funèbre réquisitoire personnel du dramaturge malade, la violence d’une science médicale sans conscience, ivre de son inutile savoir verbal, dont à deux années et trois mois de son Malade imaginaire et de sa mort (février 1673), Molière dramatise avec un humour ravageur, les ravages qu’il subit sûrement dans son corps et son esprit.

 

 

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Donc, sous le masque de la farce, la frappante force, noire de la réalité. Alors, quand Boileau, après avoir assisté aux Fourberies de Scapin de 1671, pince ces deux alexandrins méprisants :
« Dans le sac ridicule où Scapin s’enveloppe,
Je ne reconnais pas l’auteur du Misanthrope »,
on les additionnera non au crédit mais au débit de son peu poétique Art poétique pincé, étroitement pensé. Car Molière, génie intemporel qui nous parle encore aujourd’hui, était un généreux auteur tous publics, tous traitements théâtraux, du théâtre de mœurs bourgeois au populaire théâtre de tréteaux, à l’attrayante scène agrémentée de musique.

Comédie-Ballet
Pendant longtemps, on a oublié que le théâtre du dit Grand Siècle était presque toujours assorti de musique, soit dans les entractes, soit, comme ici dans le corps même de la pièce par des intermèdes, appelés des « entrées ». Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, eut pour collaborateurs de grands musiciens, le tumultueux Dassoucy qu’il délaissa, au grand chagrin de ce dernier, pour Charpentier. Mais on connaît surtout son association musicale première avec un autre Jean-Baptiste, le Florentin Lully : ensemble, ils créèrent la comédie-ballet, une action théâtrale assortie de chants et de danses intégrées, dont le premier succès fut les Fâcheux en 1661, suivi de sept autres pièces, dont Le Bourgeois gentilhomme, en 1670, fut l’aboutissement, et la fin.
En effet, en mars 1672, l’intrigant et envahissant Lully obtient du roi le droit d’exclusivité des spectacles chantés et celui, exorbitant aussi, d’interdire aux troupes théâtrales de faire chanter une pièce entière sans sa permission. Molière protesta hautement, son répertoire étant constitué en grande partie de comédies-ballets, sept autres étant à son actif. Sensible à son indignation, le roi lui concéda l’emploi d’un effectif de six chanteurs et douze instrumentistes pour son théâtre. Le chorégraphe et musicien Pierre Beauchamp continua à en régler les danses.
Comme la musique bien réglée, l’harmonie règne donc alors entre Lully et Molière qui écrivit sur place, au château de Chambord, ce Monsieur de Pourceaugnac qui fut donné devant Louis XIV et sa cour en 1669. Les deux artistes se partageant même les planches pour certaines scènes, Molière jouant le héros limousin et Lully, artiste tous terrains, l’un des médecins.

 

 

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La pièce
L’intrigue est mince, même si le sujet a toujours un fond cruel : le despotisme du père qui impose à ses enfants, contre toute justice, pour des raisons d’intérêt, des choix matrimoniaux contre leur cœur.

Éraste
Éraste (dont je m’étonne du nom qui, en Grèce, désignait l’adulte protecteur très intime d’un éromène, adolescent, dans une relation pédérastique, d’où péd/éraste)et Julie sont amoureux, mais le père de la jeune fille, Oronte, a décidé d’un mariage plus avantageux avec le héros titulaire, limousin, barbon, provincial ridicule déjà par son nom, Monsieur de Pourceaugnac, qui a l’ambition de frayer avec la bourgeoisie parisienne, pas encore gentilhomme. Les deux amants, vont tout mettre en œuvre pour faire capoter ce mariage, grâce à l’entregent entremetteur de Nérine et les machinations du Napolitain Sbrigani, étrange personnage comique de valet débrouillard à la Figaro qui, tel un héritage de Machiavel passé à la Commedia dell’Arte semble traverser le théâtre comique pour fixer l’Italien comme un intrigant professionnel jusqu’au couple du Chevalier à la Rose de Strauss. Ils rendront presque fou le barbon limousin poursuivi par des médecins acharnés à sauver cet homme éclatant de bonne santé, lui démontrant qu’il est à l’article de la mort, voulant l’opérer, l’amputer, le saigner, lui donner un clystère, cette énorme pompe à lavement pour purger, ce qu’on croyait remède à tous les maux. On anticipe Monsieur Purgon, nom significatif que donne Molière à l’un des terribles médecins de son Malade Imaginaire.
Dans Monsieur de Pourceaugnac devant le roi, Lully jouait le médecin armé du redoutable engin à purger, le clystère, et Molière, interprétait le malheureux Pourceaugnac poursuivi, qui fuyait, protégeant son derrière en péril avec son chapeau. Il en verra de toutes les couleurs, le Limousin ou Limougeaud limogé, accusé de dettes, accusé de polygamie par deux femmes avec une nombreuse marmaille.

La musique
Monsieur de Pourceaugnac opère une véritable fusion des genres entre musique et action : on passe très naturellement dans certaines scènes du texte à la musique et de la musique au texte, du langage parlé au chant. Molière et Lully parviennent à tirer des effets hilarants en utilisant notamment la musique et la danse des scènes burlesques et ils atteignent, dans cette pièce, un niveau efficace de comique musical, de comédie musicale. Il y a de véritables morceaux de bravoure verbale comique, les deux tirades intarissables des deux médecins et le dialogue hilarant entre deux professionnels de la parole, l’avocat bègue et l’avocat babillard. Il y a de l’italien, du gascon, du picard, du flamand, bref, un pittoresque linguistique d’une France qui n’avait pas encore été formatée par le francien, le françois, imposé par le jacobinisme normalisateur.
On peut imaginer que, choyé par le roi, Lully bénéficia d’un effectif plus étoffé de musiciens, mais quelle belle étoffe raffinée que cet ensemble chambriste de La Rêveuse ! Suave soie des deux cordes frottées aiguës sur le léger velours doré de la viole de gambe, filigranés de l’argent perlé des cordes pincées du théorbe et du clavecin assurant le continuo, avec les broderies des ornements, le léger brocart des trilles : c’est une gracieuse épure, à l’échelle de la pièce, des fastes pompeux des Trente violons du roi. Cela répondant au fond à la modeste phalange habituelle de théâtre de Molière accordée par le roi à sa troupe.
Trois chanteurs stylés en chant à la française imposé définitivement par l’Italien Lully, le phrasé élégant, les virtuoses tours de gosier, humanisent par leurs brunettes amoureuses au lyrisme galant la cruauté sans amour de l’action : une belle soprano au beau timbre fruité et un heureux couple sombre et clair, baryton et ténor, costume noir et chapeau melon, associé au jeu comme spectateurs, double des amants vainqueurs, mais triomphant modestement apparemment du mariage pour tous d’aujourd’hui. Un cornet de cirque trompettera le nom comique du héros, plaisamment, La Vie en rose sera chantonnée comme d’un balcon à l’adresse des musiciens, musique un moment ponctuée de la guitare pour un amusant passage flamenco amené par la cape torera, chapeau cordouan du musicien, dans une jolie allusion à ce genre de spectacle jouant souvent sur les écoles nationales de chant, dans ce qui deviendra tradition d’Europe galante et chantante, quand on sait l’internationalisme des familles régnantes : Louis XIV, fils et époux d’une espagnole, éduqué par l’Italien Mazarin, petit-fils d’un Henri IV descendant d’un ancien roi maure de Tolède…Frontières aussi artificielles entre les monarques qu’entre les nations et les genres artistiques : tout ici dit, à son échelle, accents nationaux et régionaux divers, la nécessaire fusion et dénonce, paradoxalement, a contrario, l’exclusion qui frappe le provincial.

 

 

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Réalisation
À jardin, les instruments de musique accrochent, accroupis sagement dans la pénombre, de furtifs éclats miélés de lumière avant d’éclater la fanfare lumineuse d’une brève-longue ouverture à la française, iambique, dont la brièveté ironique dément la majesté apprêtée pour ces tréteaux. Centrale, une estrade prolongée de la pente de deux chemins de corde parallèles, fermée d’un rideau orange soutenu par deux mâts et des haubans qui lui donnent l’allure d’un bateau à voile, vogue la galère (« mais qu’allait-il y faire, dans cette galère ? »), vague vélum de guingois de guignol d’où surgiront, rêve et cauchemar, une ronde effrénée, personnes vraies, personnages masqués à la Commedia dell’Arte, travestis, puis des marionnettes gainées déchaînées et celle géante, finale, derrière et par-dessus, dans une profusion, une prestesse des changements des acteurs en coulisses qui tient de la prestidigitation, sans rupture de rythme, souvent au galop de mascarade bacchanale, de cavalcade carnavalesque. C’est étourdissant de virtuosité dans cette simplicité faussement affectée avec élégance.

Pourceaugnac
Monsieur de Pourceaugnac, au nom dĂ©clinĂ© et quantifiĂ© de porc, pourceau, avec une dĂ©sinence « gnac », du gascon gnaca, â€mordre’ (et pourquoi pas, accordons-lui, la « gnaque » moderne, â€l’envie de gagner’, « avoir la gnaque », la pĂŞche) est en fait la pauvre poire vouĂ©e Ă  perdre, le loser,prĂ©destinĂ©, au ridicule par son nom. Pourtant, au sens mĂŞme de l’époque, il a bonne mine, une mise tout Ă  fait « propre » Ă  l’air du temps sinon celui de la mode parisienne, manteau Ă  rayures orange et vert « jusques en bas » sur pourpoint rayĂ© et chausses outrĂ©es, chaussures au galant ruban, tĂŞte posĂ©e sur une fraise orangĂ©e, gĂ©nĂ©reusement emperruquĂ©e « à la chien », crĂŞtĂ©e non d’un plumet mais d’une fringante plumette Ă  son non chapeau panache mais petit couvre-chef n’en couvrant qu’une portion. Sans ĂŞtre maniĂ©rĂ©, il a des manières et les affiche ostensiblement en signe d’élĂ©gance courtoise : « Un deux, trois, quatre, cinq », les temps bien comptĂ©s Ă  haute voix d’une rĂ©vĂ©rence de cour bien apprise.
Les autres intervenants mêlent un semblant de réalisme d’époque, un Capitan bravache jouant de l’épée, un hallebardier, deux exempts de la maréchaussée, des costumes stylisés, fraises et rabats hyperboliques, mêlés de chapeau melon de cirque, haut de forme, demi-masque laissant la bouche à découvert, masque entier, masque sur masque, comme des pelures d’oignons d’un déguisement à l’infini des fausses apparences, trappe et attrapes ne peuvant manquer dans cette farce délirante. C’est d’une fantaisie pleine de charme et d’harmonie dans ces tons orangés qui baignent l’ensemble.
Les mĂ©decins, coiffĂ©s Ă  la fou de l’entonnoir Ă  l’envers, ont la part belle avec leur ample vĂŞtement de deuil anticipĂ© des patients, le masque Ă  la fois de la Commedia avec le nez crochu stylisĂ© du mythe prophylactique des herbes salutifères garnissant l’appendice nasal artificiel pour s’épargner les miasmes de la contagion, et ces lunettes savantes sur le trou, dĂ©jĂ  cadavĂ©rique des yeux leur donnant un effroyable aspect.
On admire le travail sur les voix, les accents cocasses, sur les corps courant, boitant, boitillant de vieillard chenu ou sautillant et dansant de santé mauvaise dans la ronde des médecins fous autour du pauvre Pourceaugnac. On admire les deux acteurs masqués, grand moment de pur et grandiose théâtre, débitant sans anicroche leurs deux interminables tirades, terriblement documentées de toute la science de leur temps appuyée sur les autorités, Esculape et Galien, le premier exposant son diagnostic :
« notre malade ici présent, est malheureusement attaqué, affecté, possédé, travaillé de cette sorte de folie que nous nommons fort bien, mélancolie hypocondriaque, espèce de folie très fâcheuse »
Le second approuve le diagnostic, ou plutôt verdict :
« le raisonnement que vous en avez fait est si docte et si beau, qu’il est impossible qu’il ne soit pas fou, et mélancolique hypocondriaque ; et quand il ne le serait pas, il faudrait qu’il le devînt, pour la beauté des choses que vous avez dites, et la justesse du raisonnement que vous avez fait. »
Le raisonnement bannissant la raison, les deux médecins veulent convaincre le patient héros, sinon réel patient, d’une maladie inexistante à laquelle il est sommé d’adhérer pour ne faire pas mentir la beauté du diagnostic savant. C’est la préfiguration inverse d’Argan, le Malade imaginaire, le futur hypocondriaque. C’est un sommet de dérision d’un Molière malade, qui avait sans doute entendu de telles choses. Et sans doute l’a-t-on entendu et attendu à son propre jeu puisque, l’année suivante, une pièce anonyme avec son nom en anagramme le satirise en malade imaginaire, hypocondriaque :Élomire hypocondre.
Malheureusement, sa maladie n’était pas imaginaire et on l’imagine jouant son Malade et disant sa fameuse réplique :
« N’y a-t-il point quelque danger Ă  contrefaire le mort ? »
On ne peut s’empêcher de replacer dans ce contexte humain vécu cette pièce dont il joua aussi le héros : la déshumanisation farcesque des persécuteurs de Pourceaugnac n’en rendent que plus humaine sa figure, même caricaturale, de victime désignée.
La troupe de L’Éventail, l’ensemble la RĂŞveuse, s’en donnent Ă  cĹ“ur joie : pour la nĂ´tre. Un cruel rĂ©gal royal.

 

 

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COMPTE-RENDU, critique, opĂ©ra. AVIGNON, OpĂ©ra, le 6 octobre 2019. LULLY – MOLIERE : Monsieur de Pourceaugnac. La RĂŞveuse.

 

 

Monsieur de Pourceaugnac
Comédie-Ballet de Molière et Lully
Opéra Grand Avignon
6 octobre 2019

Mise en scène et scénographie : Raphaël de Angelis
Direction musicale : Benjamin Perrot et Florence Bolton
Assistant à la mise en scène : Christian Dupont
Chorégraphe : Namkyung Kim
Scénographie : Brice Cousin.
Mise en lumière et régie : Jean Broda, Etienne Morel
Costumes : Lucile Charvet, Jessica Geraci, L’Atelier 360
Décor : Luc Rousseau
Masques : Alaric Chagnard, Den, Candice Moïse.
Marionnettes à gaine : Irene Vecchia et Selvaggia Filippini.
Marionnette géante : Yves Coumans et la compagnie Les Passeurs de Rêves.

Théâtre de L’Éventail
Comédiens
Kim BiscaĂŻno, Brice Cousin, Paula Dartigues,
Raphaël de Angelis, Cécile Messineo et Nicolas Orlando

Ensemble La RĂŞveuse
Sophie Landy : soprano
Raphaël Brémard : ténor
Lucas Bacro : basse
Stéphan Dudermel et Ajay Ranganathan : violons ; Florence Bolton : viole de gambe ;
Benjamin Perrot : théorbe
Jean-Miguel Aristizabal : clavecin.

 

 

 

 

Photos fournies par l’Opéra Grand Avignon
1 Ensemble la RĂŞveuse ;
2 Sbrigani ;
3 Le Capitan et un  masque ;
4 Pourceaugnac et médecins ;
5 Infirmiers ;
6 Les mères abandonnées sur Pourceaugnac.

 

 

[1] Je renvoie à mon livre D’Un Temps d’incertitude, Deuxième Partie, « Incertitude du temps », éd. Sulliver, 2008.

 

 

 

 

TOURCOING. Les Amants Magnifiques de Lully et Molière

atelier lyrique tourcoing logo_siteTOURCOING. LULLY : Les Amants magnifiques. 15, 16 NOV 2019. Les Amants magnifiques de Lully daté de février 1670 incarnent un premier idéal lyrique et théâtral qui mêle comédie parlée et entrées de ballet. L’opéra français à proprement parler naîtra 3 années plus tard : mais en 1670, si les deux genres, musical et théâtral n’ont pas encore fusionné, l’accord entre les deux, complémentaire et alterné, favorise la forme d’un spectacle nouveau, inédit à la Cour de France qui en associant les discipline du spectacle s’avère marquant. Lully allait seul, sans Molière, inventer l’opéra entièrement chanté et une seule action continue, Cadmius et Hermione en 1673.

 

 

Le divertissement de Cour avant l’opĂ©ra

 

 

louis-XIV-portrait-roi-soleil-king-sun-classiquenews-582-390-portrait_de_louis_xiv_en_buste28534_0Commandé par le roi à Molière et Lully pour le carnaval de 1670, l’ouvrage réalise alors la synthèse du divertissement de cour : Molière y traite de la poésie galante, quasi marivaldienne, qui analyse avec une rare acidité voire une ironie douce amère, le sentiment amoureux à la cour. ici, deux princes se disputent une jeune princesse, amoureuse quant à elle d’un homme sans titre qui saura gagner le coeur de la belle par son courage et sa vertu… Vertiges, illusions trompeuses, trahisons et manipulations redessinent la carte du tendre, semée d’épines mortelles… autant de péripéties sublimés et commentés par les fameux divertissements dansés.
Créée la même année que le Bourgeois gentilhomme, la comédie-ballet Les Amants magnifiques découle de la collaboration entre Molière et Lully. Représentée devant la cour à l’occasion du carnaval de 1670 au cours d’une grande fête intitulée le « Divertissement royal », l’oeuvre voit paraître pour la dernière fois Louis XIV sur scène comme danseur

Toujours mordant sous le masque comique, Molière y attaque l’astrologie. Lully, de son côté, déploie le « théâtre dans le théâtre » et compose une petite pastorale chantée et dansée, préfigurant l’opéra à venir. Les Amants magnifiques sont remontés avec tous leurs intermèdes chantés et dansés.

 

 

 

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TOURCOING, Théâtre Municipal Raymond Devos

Vendredi 15 novembre 2019 / 20hboutonreservation
Samedi 16 novembre 2019 / 20h

RESERVEZ VOTRE PLACE
https://web.digitick.com/les-amants-magnifiques-spectacle-opera-css5-atelierlyriquedetourcoingweb-pg51-ei691029.html

Jean-Baptiste Lully (1632-1687)
Les Amants magnifiques
Comédie-ballet en 5 actes
Texte de Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière (1622-1673)
Comédie mêlée de musique et d’entrées de ballet,
représentée devant le roi à Saint-Germain-en-Laye
en février 1670

 

 

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________________________________________________________________________________________________

Mise en scène et direction artistique : Vincent Tavernier, Les Malins Plaisirs

Chef associé : Nicolas André
Assistante à la mise en scène : Marie-Louise Duthoit
Chorégraphie : Marie-Geneviève Massé
Assistant à la chorégraphie : Olivier Collin

Sostrate, général en chef des armées d’Aristione: Laurent Prévôt
Clitidas, plaisant de cour de la suite d’Eriphile: Pierre-Guy Cluzeau
Le prince Iphicrate, prétendant à la main d’Eriphile: Maxime Costa
La princesse Aristione: Mélanie Le Moine
Le prince Timoclès, autre prétendant à la main d’Eriphile: Benoît Dallongeville
Anaxarque, astrologue d’Aristione: Quentin-Maya Boyé
Cléon, fils d’Anaxarque: Olivier Berhault
Cléonice, dame de compagnie d’Eriphile: Jeanne Bonenfant
La princesse Eriphile, fille d’Aristione: Marie Loisel
La nymphe du Tempée, la Prêtresse: Lucie Roche
Eole, le 2e satyre: Geoffroy Buffière / Nathanaël Tavernier
Ménandre, 3e Amour: Stephen Colardelle
Lycaste, le 2e Grec: Clément Debieuvre
Le Triton, le 1er satyre, le 3e Grec: Thibault de Damas
Tircis: Laurent Deleuil
Philinte, 4e Amour: David Witczak
Climène, 1er Amour et 1ère Grecque: Margo Arsane
Caliste: Marie Favier

La Compagnie de Danse l’éventail
Romain Arreghini, Bruno Benne, Anne-Sophie Berring, Bérengère Bodénan, Sylvain Bouvier, Olivier Collin, Robert Le Nuz, Artur Zakirov

Le Concert spirituel
Direction musicale : Hervé Niquet

 

 

 

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La danse au XVIIe
louis-XIV-danseur-ballet-royal-de-la-nuit-le-roi-soleil-aurore-et-naissance-du-mythe-royal-solaire-Paris-theatre-du-petit-bourbon-fevrier-1653-CLASSIQUENEWS-dossier-presentationLe XVIIe marque l’âge d’or de la danse. Pour les élites bien nées, bien éduquées, et ce depuis la Renaissance, danser est aussi nécessaire que savoir lire. La danse est une chose sérieuse. « Danser au bal de la cour demande beaucoup de travail avec un maître à danser. Danser c’est se livrer, s’exposer au jugement. Jusqu’alors, bal et ballet se mêlent, à part que dans le deuxième on joue un personnage. Lully professionnalise la danse. On passe de la grâce et l’élégance à la technique. Lully veut transmettre par les pas ce qui caractérise les personnages et leurs émotions. De sa collaboration avec Molière naît un genre nouveau : la comédie-ballet. Les ballets font intégralement partie de l’action. Le ballet de cour est dansé par des hommes. Il faudra attendre Le Triomphe de l’amour en 1682 pour voir des danseuses professionnelles » ainsi qu’il est précisé dans la présentation de la production des Amants Magnifiques sur le site de l’Atelier Lyrique de Tourcoing.

VOIR LE TEASER VIDEO :

 

Les Amants Magnifiques de Lully Ă  TOURCOING

atelier lyrique tourcoing logo_siteTOURCOING. LULLY : Les Amants magnifiques. 15, 16 NOV 2019. Les Amants magnifiques de Lully daté de février 1670 incarnent un premier idéal lyrique et théâtral qui mêle comédie parlée et entrées de ballet. L’opéra français à proprement parler naîtra 3 années plus tard : mais en 1670, si les deux genres, musical et théâtral n’ont pas encore fusionné, l’accord entre les deux, complémentaire et alterné, favorise la forme d’un spectacle nouveau, inédit à la Cour de France qui en associant les discipline du spectacle s’avère marquant. Lully allait seul, sans Molière, inventer l’opéra entièrement chanté et une seule action continue, Cadmius et Hermione en 1673.

 

 

Le divertissement de Cour avant l’opĂ©ra

 

 

louis-XIV-portrait-roi-soleil-king-sun-classiquenews-582-390-portrait_de_louis_xiv_en_buste28534_0Commandé par le roi à Molière et Lully pour le carnaval de 1670, l’ouvrage réalise alors la synthèse du divertissement de cour : Molière y traite de la poésie galante, quasi marivaldienne, qui analyse avec une rare acidité voire une ironie douce amère, le sentiment amoureux à la cour. ici, deux princes se disputent une jeune princesse, amoureuse quant à elle d’un homme sans titre qui saura gagner le coeur de la belle par son courage et sa vertu… Vertiges, illusions trompeuses, trahisons et manipulations redessinent la carte du tendre, semée d’épines mortelles… autant de péripéties sublimés et commentés par les fameux divertissements dansés.
Créée la même année que le Bourgeois gentilhomme, la comédie-ballet Les Amants magnifiques découle de la collaboration entre Molière et Lully. Représentée devant la cour à l’occasion du carnaval de 1670 au cours d’une grande fête intitulée le « Divertissement royal », l’oeuvre voit paraître pour la dernière fois Louis XIV sur scène comme danseur

Toujours mordant sous le masque comique, Molière y attaque l’astrologie. Lully, de son côté, déploie le « théâtre dans le théâtre » et compose une petite pastorale chantée et dansée, préfigurant l’opéra à venir. Les Amants magnifiques sont remontés avec tous leurs intermèdes chantés et dansés.

 

 

 

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Jean-Baptiste Lully (1632-1687)
Les Amants magnifiques
Comédie-ballet en 5 actes
Texte de Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière (1622-1673)
Comédie mêlée de musique et d’entrées de ballet,
représentée devant le roi à Saint-Germain-en-Laye
en février 1670

 

 

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Mise en scène et direction artistique : Vincent Tavernier, Les Malins Plaisirs

Chef associé : Nicolas André
Assistante à la mise en scène : Marie-Louise Duthoit
Chorégraphie : Marie-Geneviève Massé
Assistant à la chorégraphie : Olivier Collin

Sostrate, général en chef des armées d’Aristione: Laurent Prévôt
Clitidas, plaisant de cour de la suite d’Eriphile: Pierre-Guy Cluzeau
Le prince Iphicrate, prétendant à la main d’Eriphile: Maxime Costa
La princesse Aristione: Mélanie Le Moine
Le prince Timoclès, autre prétendant à la main d’Eriphile: Benoît Dallongeville
Anaxarque, astrologue d’Aristione: Quentin-Maya Boyé
Cléon, fils d’Anaxarque: Olivier Berhault
Cléonice, dame de compagnie d’Eriphile: Jeanne Bonenfant
La princesse Eriphile, fille d’Aristione: Marie Loisel
La nymphe du Tempée, la Prêtresse: Lucie Roche
Eole, le 2e satyre: Geoffroy Buffière / Nathanaël Tavernier
Ménandre, 3e Amour: Stephen Colardelle
Lycaste, le 2e Grec: Clément Debieuvre
Le Triton, le 1er satyre, le 3e Grec: Thibault de Damas
Tircis: Laurent Deleuil
Philinte, 4e Amour: David Witczak
Climène, 1er Amour et 1ère Grecque: Margo Arsane
Caliste: Marie Favier

La Compagnie de Danse l’éventail
Romain Arreghini, Bruno Benne, Anne-Sophie Berring, Bérengère Bodénan, Sylvain Bouvier, Olivier Collin, Robert Le Nuz, Artur Zakirov

Le Concert spirituel
Direction musicale : Hervé Niquet

 

 

 

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La danse au XVIIe
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CD, critique. LULLY : Dies Irae, De Profundis, Te Deum (Millenium Orchestra, L G Alarcon, 1 cd Alpha fev 2018).

Lully_versailles_portraitCD, critique. LULLY : Dies Irae, De Profundis, Te Deum (Millenium Orchestra, L G Alarcon, 1 cd Alpha fev 2018).. Le grand motet versaillais gagne une splendeur renouvelée quand le Surintendant de la Musique, Lully (nommé à ce poste majeur dès 1661), s’en empare ; finit le canevas modeste d’une tradition léguée, fixée, entretenue dans le genre par les Sous-Maîtres de la Chapelle, Du Mont et Robert jusque là. En 11 Motets exceptionnels, publiés chez Ballard en 1684, Lully voit grand, à la mesure de la gloire de Louis XIV à laquelle il offre une musique particulièrement adaptée : les effectifs choraux sont sensiblement augmentés (2 chœurs), complétés par les fameux 24 violons du Roi. L’apparat, la majesté, le théâtre s’emparent de la Chapelle; mais ils s’associent à l’effusion la plus intérieure, réalisant entre ferveur et décorum un équilibre sublime. Equilibre que peu de chefs et d’interprètes ont su comprendre et exprimer. Quand le Roi installe la Cour à Versailles en 1682, l’étalon incarné par Lully représente la norme de l’ordinaire de la Messe : Louis ayant goûter les fastes ciselés par son compositeur favori, nés de l’association nouvelle des effectifs de la Chambre et de la Chapelle. Ainsi le Motet lullyste marque les grandes cérémonies dynastiques : Dies irae puis De Profundis sont « créés » pour les Funérailles fastueuses de la Reine Marie-Thérèse (juillet 1683), respectivement pour « la prose » et pour « l’aspersion du cercueil royal », en un véritable opéra de la mort.
Mais le succès le plus éclatant demeure le Te Deum, donné pour la première fois dans la chapelle ovale de Fontainebleau, pour le baptême du fils ainé de Lully (9 sept 1677), hymne glorifiant ses parrain et marraine, Louis XIV et son épouse, à force de timbales et de trompettes rutilantes, roboratives. 10 ans plus tard, le 8 janvier 1687, Lully dirige son œuvre victorieuse aux Feuillants à Paris, emblème de la gloire versaillaise mais se blesse au pied avec sa canne avec laquelle il bat la mesure ; le 22 mars suivant, le Surintendant auquel tout souriait, meurt de la gangrène.

Lully dies irae de profundis te deum motets de lully cd critique review cd ALPHA-444-DIGIPACK-gabaritA_309-42625x271mm-190419-17h30-300x278Sans disposer du timbre spĂ©cifique qu’apporte l’orchestre des 24 Violons, le chef rĂ©unit ici des effectifs nourris dans un lieu que Lully aurait assurĂ©ment apprĂ©ciĂ©, sâ€il l’avait connu : la Chapelle royale actuelle, Ă©difiĂ©e après sa mort. La lecture live (fĂ©vrier 2018 in loco) offre certes des qualitĂ©s mais la conception d’ensemble sacrifie l’articulation et les nuances au profit du grand théâtre sacrĂ©, quitte Ă  perdre l’intĂ©rioritĂ© et la rĂ©elle profondeur. NĂ©anmoins, ce tĂ©moignage repointe le curseur sur une musique trop rare, d’un raffinement linguistique, dramatique, choral comme orchestral … pour le moins inouĂŻ. Saluons le Château de Versailles qui s’emploie depuis quelques annĂ©es Ă  constituer de passionnantes archives de son patrimoine musical.

Que pensez du geste d’Alarcon dans ce premier enregistrement de musique française, de surcroît dédié à Lully ? Suivons le séquençage du programme…
DIES IRAE : d’emblée émerge du collectif affligé, le timbre noble et tendre de la basse Alain Buet d’une élégance toute « versaillaise » (sidération du MORS STUPEBIT), d’une intention idéale ici : on s’étonne de ne l’écouter davantage dans d’autres productions baroques à Versailles. Idem pour la taille de Mathias Vidal (Quid sum miser…), précis, tranchant, implorant et d’un dramatisme mesuré comme son partenaire Alain Buet (Rex Tremendae). Les deux solsites sont les piliers de cette lecture en demi teintes. La nostalgie est le propre de la musique de Lully, d’une pudeur qui contredirait les ors louis le quatorziens ; mais parfois, la majesté n’écarte pas l’intimisme d’une ferveur sincère et profonde.
LG Alarcon opte pour un geste très affirmĂ©, parfois dur, martial… Ă  la Chapelle. Pourquoi pas. Un surcroĂ®t de sensualitĂ© mĂ©lancolique eusse Ă©tĂ© apprĂ©ciĂ©. Car c’est toute la contradiction du Grand Siècle Ă  Versailles : le dĂ©corum se double d’une profondeur que peu d’interprètes ont Ă©tĂ© capables d’exprimer et de dĂ©celer (comme nous l’avons prĂ©cisĂ© prĂ©cĂ©demment) : Christie Ă©videmment ouvrait une voie Ă  suivre (mais avec des effectifs autrement mieux impliquĂ©s). Tout se prĂ©cipite Ă  partir de la plage 9 (INGEMISCO Tanquam reus), vers une langueur dĂ©tachĂ©e, distanciĂ©e que le chef a du mal Ă  ciseler dans cette douceur funèbre requise ; mais il rĂ©ussit la coupe contrastĂ©e et les passages entre les sĂ©quences, de mĂŞme que le « voca me » (CONFUTATIS), – prière implorative d’un infini mystère, dont la grâce fervente est plus esquissĂ©e que vraiment… habitĂ©e. Idem pour l’ombre qui se dĂ©ploie et qui glace avant le LACRYMOSA… aux accents dĂ©chirants. MalgrĂ© un sublime PIE JESU DOMINE entonnĂ© solo par Mathias Vidal, le surcroit instrumental qui l’enveloppe, rappelle trop un rĂ©alisme terre Ă  terre. Le geste est lĂ  encore pas assez nuancĂ©, mesurĂ©, trouble, dĂ©concertant : il faut Ă©couter Christie chez Charpentier pour comprendre et mesurer cette profondeur royale qui n’est pas dĂ©monstration mais affliction : tĂ©moignage humain avant d’être reprĂ©sentation. Dommage. Manque de pulsions intĂ©rieures, lecture trop littĂ©rale, respirations trop brutales; la latinitĂ© du chef qui sait exulter chez Falvetti, et d’excellente manière, peine et se dilue dans le piĂ©tisme français du premier baroque.

Que donne le DE PROFUNDIS ? là encore malgré l’excellence des solistes (et les premiers Buet et Vidal en un duo saisissant de dramatisme glaçant), le chef reste en deçà de la partition : manque de profondeur (un comble pour un De Profundis), manque de nuances surtout dans l’articulation du latin, dès le premier choeur : l’imploration devient dure et rien que démonstrative. Les tutti plafonnent en une sonorité qui manque de souplesse comme d’intériorité. Mais quels beaux contrastes et caractérisations dans le relief des voix solistes (ici encore basse et taille : d’une déchirante humanité, celle qui souffre, désespère, implore). Les dessus n’ont pas la précision linguistique ni la justesse émotionnelle de leurs partenaires. Les vagues chorales qui répondent aux solistes (QUIA APUD DOMINUM) sonnent trop martiales, trop épaisses, affirmées certes mais sans guère d’espérance au salut.

L’ultime épisode qui évoque la lumière et le repos éternel ralentit les tempos, souligne le galbe funèbre, épaissit le voile jusque dans le dernier éclair choral, fougueux, impétueux, quasi fouetté (et lux perpetua luceat eis), mais volontairement séquencé, avec des silences appuyés, qui durent, durent et durent… au point qu’ils cisaillent le flux de la déploration profonde. Nous sommes au théâtre, guère dans l’espérance de la grâce et du salut. Comme fragmentée, et même saucissonnée, la lecture, là encore en manque de respiration globale, frôle le contre sens. Ce De Profundis ne saisit pas.

Par contre dans le TE DEUM, les instrumentistes – trompettes et timbales Ă  l’appui convoquent aisĂ©ment les fastes du dĂ©corum versaillais. Le chef y trouve ses marques, affirmant avant la piĂ©tĂ© et le recueillement pourtant de mise, l’éclat du drame, l’or des splendeurs versaillaises. A chacun de juger selon sa sensibilitĂ© : mais pour nous, Lully sort dĂ©sĂ©quilibrĂ©. Moins intĂ©rieur et grave que fastueux et solennel. A suivre.

 
 

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CD, critique. LULLY : Dies Irae, De Profundis, Te Deum (ChĹ“ur de chambre de Namur, Millenium Orchestra, L G Alarcon, 1 cd Alpha fev 2018). Collection “Château de Versailles”.

 

 

 

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VOIR Lacrymosa de Lully par LG Alarcon / Millenium Orch / Ch de ch de Namur (festival NAMUR 2015) :

https://www.youtube.com/watch?time_continue=229&v=3G4Dc1NjKXA

 
 

Compte-rendu critique. Opéra. BEAUNE, LULLY, Isis, 12 juillet 2019. Les Talens lyriques, Chœur de Chambre de Namur, C Rousset.

Compte-rendu critique. Opéra. BEAUNE, LULLY, Isis, 12 juillet 2019. Orchestre Les Talens lyriques et chœur de Chambre de Namur, Christophe Rousset. Christophe Rousset poursuit, à Beaune, son cycle Lully, avec l’une des partitions les moins jouées et les plus riches musicalement du compositeur. Une distribution qui frise l’idéal et un orchestre à son meilleur. On se frotte les mains, l’opéra est déjà en boîte.

Isis brillamment ressuscité

lully_portrait_mignard_lebrunOn pouvait entendre le célèbre chœur des trembleurs dans la belle anthologie qu’Hugo Reyne avait consacré à La Fontaine, avant que le chef ne l’enregistre pour son propre cycle dédié à Jean-Baptiste Lully. Nul doute que la lecture de Christophe Rousset, à en juger par le magnifique concert bourguignon, se hissera au sommet de la bien maigre discographie de ce chef-d’œuvre. La cinquième tragédie lyrique du Florentin passa à la postérité sous le nom d’« opéra des musiciens », précisément en raison de l’opulence et du raffinement de la partition. Outre le chœur des Peuples des climats glacés, dont on connaît la fortune, l’œuvre compte moult merveilles, de la plainte de Pan, dans le métathéâtre du 3e acte, la superbe descente d’Apollon au Prologue, la scène onomatopéique des forges des Chalybes, ou encore le trio des Parques dans la scène conclusive de l’opéra. On rêve toujours à une version scénique de cette œuvre moins riche en péripéties que les autres tragédies lyriques : le merveilleux baroque se nourrit aussi des effets visuels des machines et des costumes qui participent à la stupeur quasi constante du spectateur.
La distribution rĂ©unie dans la chaleur moite de la CollĂ©giale Notre-Dame est proche de l’idĂ©al. On pourrait regretter qu’étant donnĂ© le nombre Ă©levĂ© de personnages, les interprètes, qui endossent plusieurs rĂ´les, ne parviennent pas toujours Ă  les bien diffĂ©rencier, mais la plupart sont relativement secondaires. Le rĂ´le-titre est magnifiquement incarnĂ© par Ăve-Maud Hubeaux qui, par la prĂ©sence, l’engagement dramatique et la couleur de la voix, a la grâce touchante d’une VĂ©ronique Gens : Ă©locution idoine et projection solidement charpentĂ©e sont des qualitĂ©s Ă©galement distribuĂ©es ; on les retrouve chez Cyril Auvity, merveilleux Apollon Ă  la voix cristalline, d’une fluiditĂ© et d’une puretĂ© qui forcent le respect, capable de pousser la voix dans les moments de dĂ©pit, sans perdre une once de son Ă©loquence maĂ®trisĂ©e. En Jupiter et Pan, Edwin Crossley-Mercier dispense toujours la mĂŞme Ă©lĂ©gance vocale ; si la voix semble parfois un peu Ă©touffĂ©e, la diction est en revanche impeccable ; il est un Jupiter très crĂ©dible dans sa duplicitĂ© avec Junon, et la dĂ©ploration de Pan au 3e acte est l’un des moments bouleversants de la soirĂ©e. Philippe Estèphe, entre autres en Neptune et Argus, est une très magnifique rĂ©vĂ©lation : un timbre superbement ciselĂ©, un art de la dĂ©clamation trop rare : dans l’acoustique par trop rĂ©verbĂ©rĂ©e de la Basilique, pas une syllabe ne s’est perdue dans les volutes romanes du bâtiment. MĂŞmes qualitĂ©s chez le tĂ©nor Fabien Hyon, Mercure espiègle et dĂ©cidĂ© : les quelques duos avec Cyril Auvity ont provoquĂ© une rare jouissance vocale qu’on aurait souhaitĂ© voir se prolonger. Chez les hommes, le seul point noir est le HiĂ©rax d’Aimery Lefèvre : la voix est lĂ , le timbre n’est pas dĂ©sagrĂ©able, loin s’en faut, mais ces belles compĂ©tences sont gâchĂ©es par une diction engorgĂ©e : on a peinĂ© Ă  suivre sa dĂ©clamation, si essentielle dans le théâtre du XVIIe siècle. Aucun faux-pas chez les autres interprètes fĂ©minines : la Junon de BĂ©nĂ©dicte Tauran, d’une faconde elle aussi impeccable et qui ne tombe pas dans le piège de la colère excessive : la tragĂ©die lyrique doit, Ă  tout instant, rester une Ă©cole de rhĂ©torique, et les interprètes l’ont bien compris : la mezzo moirĂ©e d’Ambroisine BrĂ© s’y soumet avec Ă©lĂ©gance, dans ses deux rĂ´les (principaux) d’Iris et de Syrinx, tandis que les deux nymphes de Julie Calbete et Julie Vercauteren (superbe duo), complètement avec rĂ©ussite cette très belle distribution.
On saluera une nouvelle fois les nombreuses et excellentes interventions du Chœur de Chambre de Namur ; à la direction, Christophe Rousset anime les forces alliciantes et roboratives des Talens lyriques, avec une passion raisonnée : la précision des tempi est toujours au service de l’éloquence du geste et de la parole, et dans ce répertoire, il est désormais passé maître.

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Compte-rendu. Beaune, Festival d’OpĂ©ra Baroque et Romantique, Lully, Isis, 12 juillet 2019. Ăve-Maud Hubeaux (Thalie, Io, Isis), Cyril Auvity (Apollon, 1er Triton, Pirante, Erinnis, 2e Parque, 1er Berger, La Famine, L’Inondation), Edwin Crossley-Mercier (Jupiter, Pan), Philippe Estèphe (Neptune, Argus, 3e Parque, La Guerre, L’Incendie, Les Maladies violentes), Aimery Lefèvre (Hierax, 2e Conducteur de Chalybes), Ambroisine BrĂ© (Iris, Syrinx, HĂ©bĂ©, Calliope, 1ère Parque), BĂ©nĂ©dicte Tauran (Junon, La RenommĂ©e, Mycène, Melpomène), Fabien Hyon (2e Triton, Mercure, 2e Berger, 1er Conducteur de Chalybes, Les Maladies languissantes), Julie Calbete et Julie Vercauteren (Deux Nymphes), Orchestre Les Talens lyriques, ChĹ“ur de chambre de Namur, Christophe Rousset (direction).

Compte rendu, Festivals. Festival « Bonjour Frankreich », Potsdam, les 16, 17, 18 juin 2016.

Compte rendu, Festivals. Festival « Bonjour Frankreich », Potsdam, les 16, 17, 18 juin 2016. En écho aux relations étroites nouées par la Prusse de Frédéric II avec la France de Voltaire, le Festival de Potsdam a consacré fort judicieusement sa thématique annuelle à la musique française, moins goûtée que la musique italienne par les Allemands qui ne juraient que par l’opéra séria des Italiens. Porter à la connaissance du public germanophone le répertoire Renaissance des chansons madrigalesques, les airs populaires des régions de France et de la Nouvelle-France, avant de lui offrir la quintessence du génie lullyste, permettait aussi de rappeler que ce répertoire n’était pas totalement étranger à la culture allemande, quand on songe notamment à l’influence qu’elle a pu avoir sur le répertoire lyrique hambourgeois au début du XVIIIe siècle.

 

 

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DE QUÉBEC À VERSAILLES : Postdam à l’heure française

 

Lors du premier concert, le 16 juin, les Musiciens de Saint-Julien ont ébloui le public avec des musiques populaires, associées aux airs de cour plus savants d’un Boësset. De façon originale, le programme soulignait à la fois le point de vue français d’un étranger (les danses bretonnes ou les branles du Poitou d’un Praetorius) et le point de vue étranger d’un Français (Pierre Phalèse, Gaillarde d’Écosse), auxquels s’ajoutaient les pièces plus classiques de Purcell (« O Solitude ») ou de Rameau (les « Rossignols amoureux » d’Hyppolite et Aricie). La flûte à la fois ductile, virtuose et précise de François Lazarevitch donnait l’impression d’une improvisation constante, tout comme le violon sautillant de David Greenberg, époustouflant de naturel dans les Irische et Scottische Suiten. Dans l’acoustique merveilleuse de la Ovidesaal des Neuen Kammern tous les instruments sonnaient avec plénitude et accompagnaient une Élodie Fonnard à la diction exemplaire, y compris dans la déclamation du français restitué qui sonne ici, dans le contexte des voyages musicaux intercontinentaux, comme délicieusement exotique (ce dont témoigne en particulier un air sacré chanté en dialecte huron !). On soulignera en outre l’extraordinaire performance du danseur Luc Gaudreau dans l’éloquence du geste chorégraphié, d’une précision entomologique. La virtuosité se fait alors grâce infinie, à l’image des interprètes et d’un programme en tous points exemplaire.

Le lendemain (17 juin), dans l’écrin somptueux de la Raphaelsaal du château de l’Orangerie, les Clément Janequin, associés aux Sacqueboutiers de Toulouse, ont repris leur légendaire programme Rabelais (enregistré par Harmonia Mundi). Ils étaient accompagnés par le comédien Pierre Margot qui lisait entre les pièces des extraits du roman de Gargantua (y sont évoqués la naissance du personnage, son éducation, l’abbaye de Thélème, sa passion effrénée pour la boisson) avec une truculence et une drôlerie très communicative. La soirée fut là encore mémorable. Le temps décidément n’a guère de prise sur cet ensemble, et en particulier sur Dominique Visse, dont la voix flûtée et juvénile, quarante après ses débuts, n’a pas pris une ride. Il fallait entendre les aboiements de la Chasse, les onomatopées de la Guerre et de « Nous sommes de l’ordre de Saint-Babouyn » de Loyset Compère, mais aussi les pièces plus élégiaques de Roland de Lassus ou d’Antoine Bertrand, mettant en musique des sonnets de du Bellay ou de Louise Labé, pour goûter l’étendue du génie interprétatif des Janequin, aussi à l’aise dans la rigueur joyeuse du désordre que dans la mélancolique cantilène de la plainte.

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Mais le point d’orgue fut constitué le surlendemain (18 juin 2016) par la première d’Armide de Lully, importée du Festival d’Innsbruck, et marquant le début d’une étroite collaboration entre le Festival de Potsdam et le CMBV. La reprise fut marquée par des changements dans la distribution (les deux rôles principaux) et une nécessaire adaptation au lieu (l’acoustique en plein air peu généreuse de la cour de la Faculté de Théologie laissa la place à celle beaucoup plus gratifiante de l’Orangerie). On pourrait regretter les coupes opérées dans la partition (le prologue, de larges pans de l’acte IV et de nombreux chœurs, dont ceux de la passacaille), mais la cohérence dramaturgique est parfaitement respectée et l’œuvre est servie admirablement par l’orchestre des Folies françoises aux couleurs chatoyantes, rehaussées par certains instruments « originaux » reconstitués par le CMBV (les quintes de violon impressionnants tenus sous le menton) et une direction roborative de Patrick Cohen-Akenine, toujours attentif à la rhétorique du drame, même si on pouvait regretter certains choix de tempi rapides. Les chanteurs, jeunes, pour la plupart lauréats du concours « Cesti » d’Innsbruck, et provenant de multiples horizons géographiques (Italie, Israël, Canada, Grande-Bretagne) ont montré une exceptionnelle capacité à s’adapter aux difficultés redoutables de la diction française. L’Armide d’Émilie Renard impressionne par sa puissance dramatique, alors qu’elle atteint dans les dernières scènes une réelle grandeur tragique (« Renaud, ô ciel ! O mortelle peine ! »), tandis que le Renaud de Rupert Charlesworth, personnage finalement assez secondaire, a la grâce d’une vraie voix de Haute-contre à la française, à peine embarrassée dans les moments les plus tendus. Enguerrand de Hys, pourtant peu habitué à ce répertoire, confirme son immense talent : son timbre clair et sonore, d’une parfaite élocution, fait merveille ; talents plus que prometteurs la Phénicie de Daniela Skorka, la Sidonie de Miriam Albano ou le Ubalde/Aronte de Tomislav Lavoie (pour nous la révélation de la soirée) : tous ont compris le sens de la notion de discours classique, essentiel dans l’opéra français. Dans le rôle de la Haine, l’inusable Jeffrey Francis laisse transparaître derrière son accent américain chantant, un abattage qui fait mouche. Quant à l’Hidraot de Pietro di Bianco, ses graves somptueux font regretter une élocution un peu engorgée, dans un style plus belcantiste que dix-septiémiste.
POSTADAM-ARMIDE-TUE-RENAUD-LULLY-csm_160618-Armide-by-StefanGloede-01_da9c995da4Mais il faut surtout louer le remarquable travail de Deda Cristina Colonna. Quelle excellente idée d’avoir confié à une chorégraphe baroque la mise en scène d’Armide ! La troupe de la Nordic Baroque Dancers, absolument magnifique, n’est pas un élément adventice ou ornemental, mais participe pleinement à l’efficacité rhétorique de la tragédie. Dramatiser la chorégraphie permet d’unifier avec pertinence les éléments hétérogènes de l’opéra et rappelle à quel point celui-ci est né de la danse. Les costumes d’un grand raffinement, les lumières et la vidéo pertinente de Francesco Vitali témoignent d’une utilisation ingénieuse des moyens limités de la production (les mannequins habillés de pourpoints aux riches brocards, à la fois figurants et éléments de décor ou la projection d’abord d’un jardin labyrinthique, puis de la galerie de l’Orangerie qui se délite, détruite par les démons au moment où Armide part sur un char volant). Au final, une soirée magnifique, prélude idéal au jumelage annoncé entre les deux cités royales de Potsdam et Versailles.

Illustrations : Armide © Stefan Gloede

 

 

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Livre, Ă©vĂ©nement. Compte rendu critique. Philippe Quinault : livrets d’opĂ©ra par Buford Norman, 3ème Ă©dition revue et corrigĂ©e (Editions Hermann)

Norman Buford 3eme edition hermann bibliotheque des litteratures review compte rendu critique classiquenews mars 2016livrets-dopera.jpgLivre, Ă©vĂ©nement. Compte rendu critique. Philippe Quinault : livrets d’opĂ©ra. PrĂ©sentĂ©s et annotĂ©s par Buford Norman, 3ème Ă©dition (Editions Hermann). Les livrets de Philippe Quinault sont d’abord des textes littĂ©raires que les contemporains de Lully lisaient comme des Ĺ“uvres d’art indĂ©pendantes. C’est pourquoi le mythe Quinault existe bel et bien, et mĂŞme cĂ©lĂ©brĂ© du vivant de l’auteur. A l’Ă©poque oĂą la France invente la tragĂ©die lyrique, les modèles du théâtre parlĂ© de Corneille et Racine pèsent de tout leur poids et au regard de l’importance de la rhĂ©torique comme de l’Ă©loquence, nul doute que le livret d’opĂ©ra participe Ă©troitement Ă  la sociĂ©tĂ© baroque de l’Ă©crit et du discours théâtral. C’est bien ce que nous indique clairement Buford Norman, dans cette 3ème Ă©dition de son livre “Philippe Quinault : Livrets d’opĂ©ras”. ClartĂ©, vraisemblance, biensĂ©ance, Ă©quilibre et cohĂ©rence formelles sont les qualitĂ©s intrinsèques des livrets ciselĂ©s par Quinault. Voltaire, auteur du Siècle de Louis XIV a bien synthĂ©tisĂ© tout ce qui fait pour lui et aujourd’hui pour nous, la rĂ©ussite et la sĂ©duction des livrets de Philippe Quinault : la douce harmonie de la poĂ©sie, le naturel et la vĂ©ritĂ© de l’expression… L’impact de chaque texte tragique de Quinault dĂ©passe largement les meilleurs succès de Racine ou de Thomas Corneille (Timocrate), et Quinault est mĂŞme mieux payĂ© pour chaque texte que ses confrères théâtreux… c’est dire combien Voltaire a raison de les prendre en haute estime, emblèmes particulièrement aboutis d’un siècle d’excellence pour l’art et le style français. En cela ThĂ©sĂ©e, 3ème tragĂ©die en musique reste le plus grand triomphe de Quinault, comptant un nombre impressionnant de reprises (200 reprĂ©sentations entre 1675 et 1685). Le profil du poète librettiste se prĂ©cise encore grâce Ă  la remarquable introduction aux livrets eux-mĂŞmes : Ă©lève des Ă©crivains Tristan l’Hermite puis de Philippe Mareschal, Quinault devint avocat en 1655, Ă©crivit l’un des plus grands succès du siècle : Astrate en 1665, fut Ă©lu Ă  l’AcadĂ©mie française en 1670, et Ă©crivit ses 16 pièces de 1655 Ă  1671.

11 tragédies en musique présentées, commentées, annotées par Buford Norman

Philippe Quinault, un génie poétique et littéraire

En dĂ©finitive, la tragĂ©die en musique s’appuie sur un texte solide, dont l’idĂ©al esthĂ©tique n’est pas de reproduire la nature (et les passions humaines) mais de l’imiter, oĂą le Roi s’il demeure un sujet idĂ©alisĂ© et directement encensĂ© dans le Prologue (PrĂ©lude), apparait souvent en hĂ©ros faillible et pluriel (Admète, EgĂ©e…) dans le dĂ©roulement de l’action qui suit. MĂŞme si les courtisans recherchent et trouvent des rĂ©fĂ©rences Ă  des Ă©pisodes vĂ©ridiques de l’histoire du Roi Ă  Versailles, l’Ă©volution proprement littĂ©raire et poĂ©tique de Quinault du dĂ©but Ă  la fin de sa carrière comme librettiste d’opĂ©ras, met en lumière une vision nuancĂ©e et complexe, de plus en plus sombre de l’âme humaine, ses ressorts et son destin, oĂą l’amour s’il paraĂ®t triomphant au dĂ©but, renonce Ă  toute lumière Ă  la fin, Ă  la fois solitaire, insatisfait, impuissant (Roland, Armide). On voit bien que l’anecdote s’efface devant l’Ă©paisseur et la profondeur des livrets de Quinault. La prĂ©sente Ă©dition sĂ©lectionne et annote les 11 livrets que Philippe Quinault Ă©crivit pour Lully entre 1673 et 1686, 13 ans d’une coopĂ©ration idĂ©ale, celle qui compose les binĂ´mes exemplaires que sont aussi Monteverdi et Busenello pour l’opĂ©ra vĂ©nitien, et bientĂ´t Da Ponte et Mozart au XVIIIè, ou Richard Strauss et Hofmannsthal au XIXè. Autant d’instants d’une exceptionnelle entente dont les fruits ont manifestĂ© tous les dĂ©sirs et les fantasmes poĂ©tiques et littĂ©raires comme esthĂ©tiques et musicaux de leur Ă©poque. Buford Norman nous dĂ©montre combien le verbe poĂ©tique de Quinault suscite l’admiration par sa douceur et son Ă©quilibre, sa clartĂ© comme sa justesse psychologique. Le lecteur prend un très grand plaisir Ă  lire et relire les mythes lyriques qui ont enchantĂ© les contemporains de Louis XIV et le Roi-Soleil lui-mĂŞme. Lecture indispensable.

CLIC_macaron_2014Livre, Ă©vĂ©nement. Compte rendu critique. Philippe Quinault : livrets d’opĂ©ra. PrĂ©sentĂ©s et annotĂ©s par Buford Norman, 3ème Ă©dition revue et corrigĂ©e. 840 pages. Parution : fĂ©vrier 2016. ISBN : 978 2 7056 9187 5. Prix indicatif : 46 euros (Editions Hermann). CLIC de CLASSIQUENEWS.COM

Versailles. Gala Lully dans la Galerie des glaces

Lully Ă  VersaillesVersailles. Gala Lully, mercredi 2 dĂ©cembre 2015, 21h. En 2015, annĂ©e des cĂ©lĂ©brations de la mort de Louis XIV (tricentenaire de sa disparition survenue en 1715), l’idĂ©e d’un gala Lully s’est imposĂ©e. Lully incarne mieux que quiconque la musique de Versailles au XVIIè et de celle du Grand Siècle. Musicien du Roi-Soleil, Lully en dirigeant opĂ©ras, divertissements, ballets, cĂ©lĂ©brations religieuses, pilote surtout la vie musicale Ă  l’Ă©poque de Louis XIV. Jusqu’en 1770, sous le règne de Louis XV oĂą s’impose le culte du Grand Siècle, la musique des opĂ©ras de Lully est encore jouĂ©e. Tendre, tragique, comique, Lully a inventĂ© et fixĂ© les règles de l’art classique français.

Gala Lully Ă  la galerie des glaces de Versailles

Suites d’opĂ©ras de Lully : le baroque versaillais Ă©ternel

Lully_versailles_portraitLe programme de ce Gala Jean-Baptiste Lully rassemble les pièces emblĂ©matiques de l’inventeur de la tragĂ©die en musique, cet opĂ©ra Ă  la française qui a contrario de l’opĂ©ra italien oĂą règnent depuis les VĂ©nitiens (Cavalli principalement) : mĂ©lange des genres et sensualitĂ© mĂ©lodique, Ă©tablit la noblesse intelligible de la dĂ©clamation, calibrĂ©e sur le théâtre de Racine comme un souci majeur. L’AcadĂ©mie royale continue de commenter la simplicitĂ© tragique du monologue d’Armide, les effets saisissants du sommeil d’Atys. Les Suites tirĂ©es de ses opĂ©ras sont jouĂ©s par les Vingt Quatre violons du Roi Ă  Versailles, pour les cĂ©lĂ©brations officielles (repas, cĂ©rĂ©monies, promenades dans le parc et ses bosquets, vĂ©ritable opĂ©ra de verdure), et aussi Ă  Paris, mais au sein d’un orchestre plus grandiose encore (aux Vingt Quatre violons se joignent les instrumentistes de l’AcadĂ©mie royale de musique), pour la fĂŞte de la Saint-Louis (chaque mois d’aoĂ»t).

Le programme dirigĂ© par Leonardo Garcia Alarcon comprend ainsi comme Ă  l’Ă©poque, deux suites d’airs, de chĹ“urs et de danses rassemblant les Ă©pisodes cĂ©lèbres : le chĹ“ur des Trembleurs d’Isis (1677) qui inspira Purcell pour son King Arthur, la plainte italienne de PsychĂ© (1678), l’ouverture et le sommeil d’Atys (1676), la Marche pour la cĂ©rĂ©monie turque et le menuet du Bourgeois gentilhomme (1670).

L’autre versant du Lully courtisan Ă  Versailles demeure son Ĺ“uvre sacrĂ©e. S’il n’occupa jamais de charge officielle Ă  la Chapelle royale, grâce au soutien et une amitiĂ© sincère dont lui tĂ©moigna le Roi lui-mĂŞme, Lully compose cependant pour la Cour plusieurs motets Ă  grands chĹ“ur et orchestre, genre nouveau dont il reste avec les sous-maĂ®tres de la Chapelle royale, Henry Du Mont et Pierre Robert, l’inventeur.

Ainsi naissent onze motets Ă  deux chĹ“urs et orchestre, dont six furent luxueusement imprimĂ©s de son vivant (1684). Y paraĂ®t le Miserere, créé durant la semaine sainte de 1663, le Plaude lætare Gallia, composĂ© pour le baptĂŞme du Grand Dauphin (1668), ou encore le Te Deum, qu’il fit exĂ©cuter pour la première fois devant la cour Ă  Fontainebleau en 1677, pour le baptĂŞme de son propre fils. Le Dies iræ et le De profundis, qui concluent le recueil de 1684, sont créés en l’abbatiale de Saint-Denis le 1er septembre 1683, lors des somptueuses funĂ©railles de la Reine Marie-ThĂ©rèse d’Autriche, infante d’Espagne. L’Ă©pouse de Louis XIV, depuis 1660 (la noce fut cĂ©lĂ©brĂ© entre autres par l’opĂ©ra Xerse de Cavalli avec ballets de Lully) s’Ă©teint soudainement le 30 juillet 1683, d’un banal abcès au bras qui l’emporta en quelques jours.

Leonardo Garcia Alarcon choisit de fermer le gala Lully Ă  la Galerie des glaces en interprĂ©tant les deux Ĺ“uvres de dĂ©ploration oĂą Ă  l’esprit de la grandeur, rĂ©pond la vĂ©ritĂ© des intentions de l’Ă©criture : la mĂ©moire de la princesse fut ainsi honorĂ©e Ă  Saint-Denis tirant des larmes Ă  toutes l’assistance venue lui tĂ©moigner une dernière marque d’estime et de respect tendre.

alarcon leonardo garcia maestro concert review annonce concert classiquenewsLa musique funèbre pour les souverains de France est le sujet d’un dĂ©corum et d’une pompe inouĂŻs destinĂ©s Ă  marquer les esprits. ComplĂ©ment au discours du clergĂ©, les musiciens interviennent en trois points, en trois effectifs distincts, chacun exĂ©cutant sa partie Ă  tour de rĂ´le et en alternance ;  les 2 dĂ©partements de musique du Roi : les chantres et symphonistes de la Musique de la Chapelle, placĂ©s sous la battue du sous-maĂ®tre de la Musique de la Chapelle ; les chanteurs et instrumentistes de la Musique de la Chambre – dont les Vingt-quatre Violons –, placĂ©s sous la direction du surintendant de la Musique de la Chambre ; et au centre, face au catafalque, quatre ecclĂ©siastiques rĂ©alisent le plain-chant, en dialogue avec la Musique. Alternativement au moment de leur performance, les deux “chefs”se saisissent du battoir : le surintendant dirige alors les grands Motets qu’il a composĂ© : Dies irae (au centre du rituel), surtout De profundis (Psaume 129) Ă  la fin lors de l’aspersion du cercueil. Le contraste saisissant naĂ®t aussi de la diffĂ©rence de style et d’Ă©criture entre Lully et la Messe (Missa pro defunctis) probablement de Charles Helfer (mort en 1661), publiĂ©e dès 1656 : c’est cette Ĺ“uvre Ă  la polyphonie stricte et dĂ©pouillĂ©e qui servira en toute occasion lors des rituels funèbres Ă  Saint-Denis. ComplĂ©tĂ©e par le plain chant psalmodiĂ©, la Messe d’Helfer incarnait par sa noblesse et son caractère ancien, la pĂ©rennitĂ© de la monarchie malgrĂ© les morts de ses acteurs premiers.

Gala Lully : Lully profane et sacré
Ă  la Galerie des glaces de Versailles
Mercredi 2 décembre 2015, 21h

Jean-Baptiste Lully (1632-1687)

Suites et airs d’opéras

De profundis – Dies irae

Judith Van Wanroij et Caroline Weynants, dessus
Mathias Vidal, haute-contre
Thibaut Lenaerts, taille
JoĂŁo Fernandes, basse-taille

Chœur de Chambre de Namur
Cappella Mediterranea
Millenium Orchestra
Leonardo Garcia AlarcĂłn, direction

2h entracte inclus

Programme détaillé :

Francesco Cavalli (1602-1676)

Ercole Amante (1662)
Trio « Una stilla di speme »

Jean-Baptiste Lully  

Ballet royal de la Raillerie (1659)
Dialogue de la Musique italienne et françoise

Psyché (1671)
Plainte italienne

Ballet royal de la Raillerie
Bourrée en Double

Atys (1676)
Ouverture – Sommeil

Cadmus et Hermione (1673)
Rondeau

Persée
Prélude – Air de Mercure « Ô tranquille sommeil … »

Le Bourgeois Gentilhomme (1670)
Menuet – Marche pour la cérémonie turque

Isis
Chœur des Trembleurs « L’Hiver qui nous tourmente … »

Armide (1686)
Prélude – Air de Renaud « Plus j’observe ces lieux … » – Passacaille

– Entracte –

Jean-Baptiste Lully 

Dies Irae
De Profundis

CMBV, grand reportage vidéo : Atelier vocal sur le récitatif italien et français au 17ème (Versailles, juillet 2015)

cmbv-atelier-vocal-parole-chantee-venise-a-paris-copyright-classiquenews-2015CMBV, grand reportage vidĂ©o : Atelier vocal sur le rĂ©citatif italien et français au 17ème (Versailles, juillet 2015). En juillet 2015, le CMBV, Centre de musique baroque de Versailles a organisĂ© un atelier de pratique vocale dĂ©diĂ© au rĂ©citatif des opĂ©ras italiens et français du XVIIè / Seicento : La parole chantĂ©e de Venise Ă  Paris. A l’Ă©cole de Cavalli et de Lully principalement, les Ă©lèves chanteurs, pilotĂ©s par leurs coachs apprennent l’art si complexe du rĂ©citatif, Ă©lĂ©ment essentiel dans la continuitĂ© des opĂ©ras baroque du XVIIème siècle.

 

 

 

cmbv-atelier-vocal-recitatif-la-parole-chantee-de-venise-a-paris-classiquenews-copyright-CLASSIQUENEWS-2015

 

 

 

CMBV-atelier-vocal-recitatif-parole-chantee-paris-venise--copyright-classiquenews Outre les Ă©lĂ©ments techniques prĂ©cis que l’interprète doit maĂ®triser, l’atelier met en relief tout ce que doit l’opĂ©ra français au genre fixĂ© en Italie par Cavalli qu’il exporte Ă  la Cour de France, entre autres Ă  l’Ă©poque du mariage de Louis XIV (Xerse, de Cavalli avec ballets du premier Lulli, 1660). Grand reportage vidĂ©o © studio CLASSIQUENEWS 2015. RĂ©alisation : Philippe Alexandre Pham

 

 

L’Atelier vocal intitulĂ© “La Parole chantĂ©e de Venise Ă  Paris” proposĂ© par le Centre de musique baroque de Versailles est d’autant plus pertinent au vu des nombreuses rĂ©alisations intĂ©ressant actuellement ou prochainement, Lully et Cavalli.

 

 

 

 

 

VIDEO, reportage. Nouvelle Armide de Lully à Innsbruck (août 2015)

Nouvelle production d'Armide de Lully Ă  Innsbruck et PostdamVIDEO, reportage. Nouvelle Armide de Lully Ă  Innsbruck (aoĂ»t 2015). AoĂ»t 2015 : le Festival de musique ancienne et baroque Ă  Innsbruck (Autriche) accueille pour la première fois de son histoire, un opĂ©ra français : Armide de Lully (1686) dans une nouvelle production rĂ©alisĂ©e par le Centre de musique baroque de Versailles dans laquelle participent jeunes instrumentistes sur instruments d’Ă©poque, jeunes chanteurs dont les laurĂ©ats du Concours Cesti 2014. Dans Armide dernière opĂ©ra de Lully, l’interaction de la danse et du drame intĂ©rieur de l’enchanteresse impuissante face Ă  Renaud est exceptionnelle. La partition permet aussi au CMBV Centre de musique baroque de Versailles de diffuser l’opĂ©ra baroque français Ă  l’Ă©tranger, tout en transmettant aux jeunes chanteurs le goĂ»t du théâtre et de la langue baroques. Reportage vidĂ©o : entretiens avec les chanteurs, BenoĂ®t Dratwicki, Deda Cristina Colonna (mise en scène), Patrick Cohen-AkĂ©nine (direction musicale). DurĂ©e : 15mn © studio CLASSIQUENEWS.TV – RĂ©alisation : Philippe-Alexandre Pham. Lire aussi notre prĂ©sentation de la production d’Armide de Lully Ă  Innsbruck (aoĂ»t 2015)

 

 

 

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Nouveau Pourceaugnac par William Christie

moliere-jean-baptiste-Moliere-poquelin-portrait-Louis-XIVMolière / Lully : William Christie. Mr de Pourceaugnac: du 17 dĂ©cembre 2015 – 10 janvier 2016. Avant l’invention de la tragĂ©die en musique (1673), la Cour de France s’enthousiasme pour les comĂ©dies-ballets dont l’un des sommets du genre si prisĂ© de Louis XIV, est avec le Bourgeois Gentilhomme, Monsieur de Pourceaugnac (créé Ă  Chambord, pour le divertissement de Louis XIV, en octobre 1669). Le duo composĂ© par les deux Baptistes, Molière et Lully fait une farce mordante qui Ă©pingle la vanitĂ© d’un marquis, petit seigneur de province, bien ridicule. A la crĂ©ation, c’est Molière lui-mĂŞme qui tient le rĂ´le du provincial moquĂ©. Comme Boileau, Molière cultive la verve satirique. On a vu après la mise au placard de Tartuffe qui moquait l’église, le triomphe des mĂ©decins ridicules et arrogants surtout ignares (comme les gens d’église, portant le noir et parlant le latin : c’est Ă  dire que Molière Ă©pingle les deux « mĂ©tiers » en ridiculisant une seule figure : noire et parlant le galimatias)… Dans Monsieur de Pourceaugnac – il faudrait bien insister sur la particule « de » ici capitale, Jean-Baptiste fait la satire d’un gentilhomme provincial confrontĂ© Ă  la vie parisienne. Il avait Ă©pingler les grands seigneurs dans le Misanthrope, Dom Juan ou Le Bourgeois Gentilhomme (Dorante) : voici avec Pourceaugnac, le portrait d’un provincial gagnant la capitale pour y Ă©pouser la fille d’Oronte, Julie que pourtant aime le jeune malicieux Éraste. Ce dernier avec ses deux intrigants (Sbrigani et NĂ©rine) ne cessent de molester, importuner, maltraiter le Limousin pour qu’il renonce Ă  Julie et regagne sa province encrottĂ©e. Chose faite après que Lucette en Langudocienne et NĂ©rine en Picarde, n’accablent le père marieur en dĂ©nonçant Pourceaugnac de les avoir mariĂ©es, engrossĂ©es, abandonnĂ©es… AccusĂ© de polygamie, Pourceaugnac doit fuir dĂ©guisĂ© en femme pour Ă©chapper Ă  la justice.

pourceaugnac -Monsieur_de_Pourceaugnac,_Molière,_couvertureComme Ă  son habitude, Molière peint les mĹ“urs de son Ă©poque et campe des types humains qui restent universels. Ses arrogants, ses vaniteux (les plus ignorants) sont ridiculisĂ©s parfois en farce grossière (comme ici lorsque Pourceaugnac s’adressant Ă  deux mĂ©decins chez Eraste les prend pour des cuisiniers, se voit ensuite poursuivi dans la salle parmi les spectateurs, par des apothicaires munis de seringues prĂŞts Ă  le piquer…). Mais Molière est un comique tragique : sous la farce perce l’horreur de caractères et de situations, indignes et pĂ©nibles. Avant que Lully dans le sillon du succès de PsychĂ©, n’invente seul et dĂ©finitivement, l’opĂ©ra français (tragĂ©die en musique, mais sans le concours du gĂ©nial Molière), la comĂ©die-ballet rappelle quel fut le divertissement prisĂ© par la Cour et surtout Louis XIV, heureux protecteur des deux Baptistes. Créé en 1669 Ă  Chambord, Monsieur de Pourceaugnac Ă©pingle l’orgueil et la suffisance d’une gentilhomme de province, trop naĂ®f, un rien empĂ´tĂ©, sujet des intrigues d’un amoureux prĂŞt Ă  tout pour dĂ©fendre celll qu’il aime…

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La nouvelle production rĂ©alisĂ©e dans un contexte propre aux annĂ©es 1950, orchestrĂ©e par le tandem William Christie et ClĂ©ment Hervieu accorde une place Ă©gale entre théâtre et musique. Jamais chant et dialogue parlĂ© n’ont mieux Ă©tĂ© subtilement agencĂ©s, combinĂ©s, associĂ©s. L’imbrication est parfaite : les comĂ©diens se prĂŞtent Ă  la danse, et les chanteurs jouent. Production Ă©vĂ©nement.

 

 

Monsieur de Pourceaugnac de Molière, 1669
par Les Arts Florissants. William Christie, direction

Caen, Théâtre de Caen, du 17 au 22 décembre 2015
Versailles, Opéra royal, les 7,8, 9 et 10 janvier 2016
Aix en Provence, Grand Théâtre de Provence, les 13 et 14 janvier 2016
Madrid, Teatros del Canal, Sala Roja, les 21,22, 23 janvier 2016
Paris, Théâtre des Bouffes du Nord, du 1er au 9 juillet 2016

Avec
Claire Debono, dessus
Erwin Aros, Haute contre
Matthieu Lécroart, basse taille
Cyril Costanzo, basse

 

 

 

Concert d’orgue Ă  Belfort. Lully, musicien du Roi-Soleil

a909Belfort.Orgue et opĂ©ra. Lully, musicien du Roi-Soleil, le 18 septembre 2015, 20h30. Jean-Charles Ablitzer, orgue. Françoise Masset, soprano. Sous l’instigation du cardinal Mazarin, première autoritĂ© politique de France, l’opĂ©ra italien arrive en France vers 1645. La dĂ©couverte de ce genre nouveau dans le paysage musical français bouleverse l’Ă©criture pour orgue. La stricte polyphonie cède le pas aux rĂ©cits, aux dialogues, aux trios et les instruments se dotent systĂ©matiquement de deux ou trois claviers permettant les contrastes et la mise en avant d’une ligne mĂ©lodique imitant souvent la voix ou l’orchestre. L’orgue s’empare d’une théâtralitĂ© nouvelle, osant exprimer le chant des passions humaines Ă  l’image des auteurs italiens alors en vogue, portĂ©s par le goĂ»t du Cardinal mĂ©lomane, Rossi, Marrazzoli, Cavalli… D’ailleurs, les cĂ©lĂ©brations du mariage du jeune dauphin Louis, futur Louis XIV, sont commĂ©morĂ©es avec le concours des Italiens Ă  Paris et par la crĂ©ation d’un nouvel opĂ©ra de Cavalli (Ercole Amante) et la reprise d’un ancien (Serse)…

2015 : tricentenaire de la mort du Roi SoleilLa commĂ©moration du tricentenaire de la mort de Louis XIV – dĂ©cĂ©dĂ© le 1er septembre 1715, après 72 ans de règne-, est l’occasion de s’inspirer de la dĂ©marche des organistes du Grand Siècle en prĂ©sentant au public un choix d’Ĺ“uvres du plus grand inventeur d’opĂ©ra Ă  la française, Jean-Baptiste Lully. De fait, l’Ă©criture du surintendant de la musique s’adapte parfaitement au clavier. Pour ce concert, l’orgue soliste alterne avec une sĂ©lection des plus beaux airs des tragĂ©dies mises en musique par Lully, mettant ainsi en avant la justesse poĂ©tique et le souffle universel de son Ĺ“uvre. Jusqu’en 1673 (crĂ©ation de la première tragĂ©die en musique de Lully : Cadmus et Hermione), et Ă  travers les nombreuses comĂ©dies-ballets inventĂ©es par Molière et Lully, Louis XIV qui règne en 1661, façonne et perfectionne son goĂ»t musical Ă  la source des Italiens… Le balladin, danseur et compositeur Lulli, florentin de naissance, indique clairement la domination de l’Italie dans le domaine des arts… jusqu’Ă  l’essor du style versaillais Ă  partir du dĂ©but des annĂ©es 1670.

Lully, le musicien du Roi-Soleil
Airs et transcriptions
Journée européenne du patrimoine
Tricentenaire de la mort de Louis XIV
Vendredi 18 septembre, 20 h 30
Cathédrale Saint-Christophe de Belfort

Jean-Charles Ablitzer, orgue historique
(Waltrin / Callinet : Schwenkedel)
Françoise Masset, dessus
Josep Cabré, basse-taille

Réservation conseillée 03 84 49 33 46 /
festival@musetmemoire.com

Réservation conseillée
12 €, 10 € (adhĂ©rents Musique et MĂ©moire et Amis de l’Orgue et de la Musique de Belfort) et 5 € (rĂ©duit)

Concert proposĂ© par les Amis de l’Orgue et de la Musique de Belfort et Musique et MĂ©moire avec le soutien spĂ©cifique de l’Etat (FNADT) dans le cadre de la Convention interrĂ©gionale du Massif des Vosges 2015-2020 et de la Ville de Belfort.

ConfĂ©rence Ă  17 h, salle d’honneur de l’HĂ´tel de Ville de Belfort
ConfĂ©rence par le docteur Jean Valla “La santĂ© de Louis XIV vue par un mĂ©decin du 21ème siècle ». EntrĂ©e libre, dans la limite des places disponibles.

Nouvelle Armide Ă  Innsbruck

innsbruck-2015-vignetteInnsbruck (Autriche). Nouvelle Armide de Lully, les 22,24 et 26 aoĂ»t 2015. C’est depuis sa crĂ©ation, le premier opĂ©ra baroque français qu’accueille le festival d’Innsbruck, une claire volontĂ© de changement voulue par Alessandro De Marchi nouveau directeur artistique depuis 2010 (Ă  la succession de RenĂ© Jacobs). C’est l’ultime ouvrage lyrique de Lully, l’objet aussi de sa dĂ©faveur dans le cĹ“ur du Roi qui l’avait jusque lĂ  toujours soutenu et favorisĂ© ; c’est que depuis le dĂ©but des annĂ©es 1680, Versailles est passĂ© sous l’emprise de la ferveur et de la contrition.  Guère prisĂ© par la nouvelle compagne et Ă©pouse du souverain, Madame de Maintenon, l’opĂ©ra est devenu divertissement suspect qui dĂ©tourne des justes croyances. Ainsi Armide, pourtant aboutissement de toute l’esthĂ©tique Lullyste, est créé hors de Versailles, Ă  Paris au Palais-Royal en 1686 (en prĂ©sence du Grand Dauphin).

 

 

Nouvelle production d'Armide de Lully Ă  Innsbruck et Postdam

 

 

 

InspirĂ© du Tasse et de sa fameuse JĂ©rusalem DelivrĂ©e, Armide incarne l’impuissance de la passion, celle de l’amoureuse sarrasine pourtant magicienne qui ennemi du chevalier chrĂ©tien Renaud, l’aime malgrĂ© elle et malgrĂ© la guerre qui fait rage. La violence des sentiments balaie la menace et le choc des armes. C’est dans le sillon du Combat de Tancrède et Clorinde de Monteverdi – au siècle prĂ©cĂ©dent, 1638-), un regard pĂ©nĂ©trant sur la folie amoureuse (Armide appelle la Haine Ă  son aide) qui s’empare d’une âme pourtant puissante et qui finit en fin d’opĂ©ra, dĂ©truite, humiliĂ©e, blessĂ©e, seule.
Lully_versailles_portraitPour dĂ©fendre l’expression de la dĂ©sillusion et du dĂ©senchantement, Innsbruck accueille une Ă©quipe de jeunes chanteurs, nouveaux espoirs du chant baroque et en partie, laurĂ©ats des Ă©ditions du Concours Cesti, créé ici mĂŞme par Alessandro de Marchi. La nouvelle production intègre aussi les ballets, rĂ©alisĂ©s pour l’occasion par la troupe des Nordic Baroque Dancers, sous la houlette de la chorĂ©graphe et metteur en scène Cristina Deda Colonna. Spectacle total, qui bĂ©nĂ©ficie donc de jeunes voix prometteuses. Prochain compte rendu critique sur classiquenews.com

Spectacle dĂ©jĂ  critiquĂ© au Festival d’Innsbruck 2015 : Il Germanico de Porpora (1732)

 

 

 

 

Armide-lully-innsbruck-aout-2015-reportage-video-classiquenews

VOIR le grand reportage vidĂ©o Nouvelle Armide de Lully au festival d’Innsbruck 2015

 

Proserpine par Les Timbres : Lully révélé

visuel festival Musique et MĂ©moire 2015Luxeuil les Bains (Vosges). Lully : Proserpine. Les Timbres, le 17 juillet 2015, 21h. Vosges saĂ´noises. Festival Musique et MĂ©moire : 17 juillet > 2 aoĂ»t 2015. 22ème Ă©dition. Seul dans les Vosges, un festival dĂ©fricheur repoussent les limites de la mĂ©moire, rĂ©invente la notion d’hĂ©ritage et de traditions en exprimant tout ce que les Ĺ“uvres anciennes et baroques ont de commun avec notre Ă©poque. Ainsi la rĂ©sidence du jeune ensemble Les Timbres se poursuit en 2015, dĂ©voilant l’Ă©loquence des instruments et des voix Ă  l’opĂ©ra, dans une formidable lecture de Proserpine de Lully, - version de chambre demeurĂ©e inĂ©dite et retrouvĂ©e Ă  Anvers, le 17 juillet 2015 Ă  Luxeuil les Bains, 21h … C’est le temps fort du premier week end, les 17, 18 et 19 juillet 2015, ou Les Timbres proposent pas moins de 7 concerts…

 

 

les-timbres-portrait-noi-et-blanc-classiquenewsLes Timbres au festival Musique et MĂ©moire… Pour commĂ©morer les 300 ans de la mort de Louis XIV(1638-1715), en septembre 1715, Les Timbres aborde pour sa seconde annĂ©e de rĂ©sidence, diverses manifestations de la scène et du spectacle propre au Grand Siècle. C’est le temps d’un âge d’or de l’art français dont se souviendront les derniers Bourbons, Louis XV et Louis XVI, accordant une admiration spĂ©cifique au Roi Soleil. Pour lui, dans l’Ă©crin de Versailles, les ors solennels favorisent les replis de l’intimitĂ© tragique et grâce Ă  Lully, l’opĂ©ra français peut naĂ®tre, digne rival du théâtre classique de Corneille et de Racine. Pour preuve son opĂ©ra Proserpine, très rarement jouĂ©, qui aux cĂ´tĂ©s d’Armide ou d’Atys, porte très haut et très loin les recherches poĂ©tiques d’un genre qui s’affirme alors, dans le chant dĂ©clamĂ© et chantĂ©, l’articulation d’un texte surtout (oĂą l’articulation prime sur la mĂ©lodie), oĂą le ballet et les divertissements qu’il autorise dès lors, contraste avec la tension du drame.

 

 

Poésie lyrique du Grand Siècle : Les Timbres an2

 

Les Timbres au 22è Festival Musique et MĂ©moireEn juillet 2015, la théâtralitĂ© de la musique baroque française du Grand Siècle, mĂ©lange exquis de charme et de profondeur, d’élĂ©gance et de naturel, de majestĂ© et de mesure, ressuscite. Le gĂ©nie français s’exprime alors autant par l’inspiration de la musique que la qualitĂ© du texte poĂ©tique…. Ă  l’expressivitĂ© resserrĂ©e des airs et des rĂ©citatifs de Lully rĂ©pond la science inĂ©galĂ©e depuis des livrets de Quinault… Proserpine, drame mythologique retrouve dans cette combinaison parfaite du verbe et de la note, l’expressivitĂ© Ă©purĂ©e et très intense du théâtre classique nĂ©o antique de Corneille et surtout Racine lequel depuis l’accomplissement inouĂŻ de l’opĂ©ra tel qu’il est rĂ©alisĂ© par Lully (dès les annĂ©es 1670), ne compose plus de tragĂ©dies parlĂ©es ni dĂ©clamĂ©es ; dĂ©sormais ses ultimes ouvrages prenant en compte l’impact du verbe chantĂ©, intègrent  intermèdes et Ă©pisodes musicaux (c’est le cas de ses pièces sacrĂ©es Esther ou Athalie dont on retrouve aujourd’hui la pertinente conception jouant sur la musicalitĂ© des vers autant que l’essor spĂ©cifique des instruments).

 

 

 

visuel festival Musique et Mémoire 2015Festival Musique et Mémoire 2015
Week end 1 : résidence Les Timbres
7 Concerts les 17, 18 et 19 juillet 2015
Réservations sur le site du Festival Musique et Mémoire
www.lestimbres.com

 

 

concert 1visuel festival Musique et Mémoire 2015
Vendredi 17 juillet 2015, 21h

Luxeuil les Bains, Basilique
Proserpine
OpĂ©ra de Jean-Baptiste Lully (1632-1687) en version “de chambre” (Anvers, 1682)
Reconstitution en première mondiale (commande du festival)

Ensemble Les Timbres
Proserpine (dessus) : Julia Kirchner
Cérès (bas-dessus) : Cécile Pilorger
Mercure (haute-contre) : Branislav Rakic
Jupiter (basse-taille) : Josep Cabré
Pluton (basse) : Marc Busnel

Yoko Kawakubo et Maite Larburu, violons
Elise Ferrière, flûtes à bec
Benoît Laurent, hautbois et flûtes à bec
Myriam Rignol, viole de gambe
Etienne Floutier, violone
Julien Wolfs, clavecin
Miléna Duflo, percussions

Jana Rémond, mise en espace
Benoît Colardelle, lumières

Samedi 18 juillet 2015, 17h
Espace Méliès
cinéma intercommunal du Pays de Lure

Tous les matins du Monde
Film français d’Alain Corneau (1991) – 1h54, d’après le roman de Pascal Quignard

 

 

Lully_versailles_portraitProserpine, version de chambre. TragĂ©die en musique sur un livret de Philippe Quinault, Proserpine fut créée le 3 fĂ©vrier 1680 Ă  Saint-Germain en Laye. A cette date, Lully est Ă  la tĂŞte de l’AcadĂ©mie Royale de musique depuis dĂ©jĂ  8 ans. PersonnalitĂ© incontournable indiscutable du règne de Louis XIV, le Florentin naturalisĂ© français règne en maĂ®tre sur le monde musical de la Cour du Roi Soleil. Il a Ă©clipsĂ© par sa renommĂ©e et son caractère la plupart de ses collègues compositeurs dramatiques. L’opĂ©ra c’est Lully. Et personne d’autres. Proserpine suscite l’enthousiasme de ses contemporains, comme en tĂ©moigne Madame de SĂ©vignĂ© qui Ă©crit dans sa lettre datĂ©e du 9 fĂ©vrier 1680 : « l’opĂ©ra est au dessus de tous les autres », et le nombre de reprises de cette oeuvre : plus de 10 fois entre 1680 et 1758 Ă  Fontainebleau et au théâtre du Palais Royal. L’ouvrage fut reprĂ©sentĂ©e Ă©galement Ă  WolfenbĂĽttel en 1685, Ă  Amsterdam, le 15 septembre 1688 et en 1703 ; des reprĂ©sentations eurent lieu Ă©galement Ă  Lyon en 1694, Ă  Rouen en 1695. C’est donc une partition qui toucha le public et produit un Ă©cho europĂ©en immĂ©diat.

Anvers, 1682. Proserpine fut aussi le premier opĂ©ra reprĂ©sentĂ© Ă  Anvers, fin 1682, du vivant de son auteur, et c’est cette version lĂ  dont Les Timbres proposent la re-crĂ©ation. Les partitions originales utilisĂ©es lors de cette reprĂ©sentation sont conservĂ©es au musĂ©e Vleeshuis d’Anvers. Elles sont d’un intĂ©rĂŞt extrĂŞme, car elles permettent de dĂ©duire facilement l’instrumentation utilisĂ©e pour cette reprĂ©sentation : 2 dessus et basse-continue. “Cette instrumentation, si tant est qu’elle puisse nous surprendre actuellement (rĂ©duire l’effectif d’un opĂ©ra Ă  une poignĂ©e de musiciens !), est des plus courantes Ă  l’époque : en effet, l’orchestre de Lully Ă©tait alors très fourni – 5 parties de cordes et de nombreux vents -, et il Ă©tait donc difficile d’imaginer pouvoir jouer avec cette formation dans un cadre restreint. RĂ©duire l’effectif instrumental permettait ainsi de pouvoir « transporter » la musique partout oĂą le demande se faisait prĂ©ssante. Plus intĂ©ressant, alors qu’il ne subsiste parfois des partitions d’orchestre de Lully que le dessus et la basse et que les parties intĂ©rieures sont Ă  restituer, les partitions d’Anvers sont toutes originales : toutes les parties y soigneusement notĂ©es Ă  l’époque“, prĂ©cisent les instrumentistes des l’ensemble Les Timbres.
Cette instrumentation lĂ©gère convient particulièrement Ă  l’ensemble Les Timbres, qui promeut la musique de chambre, et non pas l’orchestre. En cela, la version d’Anvers de Proserpine de Lully est une version de musique de chambre d’un grand opĂ©ra français. MalgrĂ© son effectif restreint, l’expressivitĂ©, la poĂ©sie et la tension du drame sont prĂ©servĂ©s, grâce Ă  une version chambriste très caractĂ©risĂ©e, subtilement Ă©crite dont les rebonds dramatiques seront prĂ©servĂ©s et spĂ©cifiquement articulĂ©s Ă  Luxeuil les Bains dans les Vosges SaĂ´noises, ce 17 juillet 2015 Ă  21h.

Armide de Lully

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Lully_versailles_portrait OpĂ©ra d’Ă©tĂ©. Armide de Lully. Beaune, le 3 juillet. Innsbruck, les 22,24,26 aoĂ»t 2015. Devant Damas oĂą rĂ©sident les musulmans, Armide et son père Hidraot, l’armĂ©e de croisĂ©s chrĂ©tiens commandĂ©e par Godefroy de Bouillon, a Ă©tabli son siège. La magicienne Armide a conquis et soumis tous les chevaliers chrĂ©tiens grâce Ă  ses pouvoirs… C’Ă©tait compter sans le pouvoir de l’amour : possĂ©dĂ©e, dĂ©munie, impuissante, l’enchanteresse doit bien se rĂ©soudre Ă  accepter la souveraine domination du chevalier Renaud car il a conquis son coeur. L’opĂ©ra expose la mĂ©tamorphose de la magicienne en amoureuse bouleversante, dĂ©faite, impuissante. La musique de Lully et le livret de Quinault explicitent l’emprise que Renaud exerce peu Ă  peu sur la sublime musulmane…
Après le Prologue oĂą la Gloire et la Sagesse chantent les vertus du Roi (Louis XIV), place Ă  l’action proprement dite.
A l’acte I, les musulmans cĂ©lèbrent la toute puissance d’Armide et d’Hidraot : la belle magicienne dĂ©clare Ă©pouser celui qui saura vaincre le plus valeureux de leurs ennemis : le chevalier Renaud.
Au II, Renaud exilĂ© par Godefroy, s’endort au bord d’une rivière. Les esprits malins suscitĂ©s par Hidraot et Armide en font leur prisonnier et Armide, s’apprĂŞtant Ă  le tuer, tombe d’impuissance face au visage du beau chevalier : l’amour est plus que son devoir guerrier. Elle emporte Renaud ensorcelĂ© dans les airs…

 

 

 

Armide, l’opĂ©ra passionnel et tragique de Lully

 

L’Acte III est dĂ©volu Ă  la guerre intĂ©rieure qui saisit le coeur d’Armide : cet a mour pour Renaud faisant sa honte doit devenir haine pour la libĂ©rer. Mais la femme amoureuse se dĂ©voile et ne pouvant haĂŻr celui qu’elle aime, elle chasse la Haine venue rĂ©aliser ses premiers desseins.
Acte IV. Le compagnons de Renaud, Ubalde aidĂ© du chevalier Danois partent Ă  la recherche de Renaud pour le dĂ©livrer d’Armide : ils doivent Ă©prouver les charmes de Melisse, Lucinde, sĂ©ductrices destinĂ©es Ă  les perdre. Les hĂ©ros parviennent Ă  se libĂ©rer des enchantements.
Acte V. L’impuissance tragique d’Armide. Dans son palais Armide s’inquiète toujours de la domination de Renaud dans son cĹ“ur. Surviennent Ubalde et le chevalier Danois : Renaud prend conscience du charme dont il est victime et s’enfuit quittant Armide malgrĂ© ses plaintes. Armide de fureur, d’amoureuse devenue haineuse impuissante et dĂ©munie, dĂ©truit son palais et s’enfuit elle aussi sur son char.

 

Armide lully livret_front_BallardL’opĂ©ra en peignant surtout le dĂ©chaĂ®nement des passions qui suscite un amour artificiellement provoquĂ© (Renaud tombe amoureux d’Armide par envoĂ»tement), cible l’impuissance de la magicienne. L’opĂ©ra s’achève sur l’abandon d’Armide par Renaud qui a recouvrĂ© la raison et sur la haine solitaire de la musulmane qui s’enfuit (elle aussi) dans les airs, de rage et d’impuissance (ce parti final est aussi retenu par Noverre dans sonballet cĂ©lèbre, sujet Ă  un dĂ©cor et des machineries spectaculaires Ă  l’Ă©vocation de l’Ă©croulement du palais d’Armide et de l’Ă©lĂ©vation de la magicienne sur son char cĂ©leste). L’ouvrage de Lully créé en 1686 prĂ©sente une telle intensitĂ© Ă©motionnelle, Ă©quilibre avec soin, scènes de tendresse et d’enchantement (ballets et divertissements ponctuent l’action guerrière proprement dite) qu’il devient un modèle dans l’imaginaire des compositeurs. Sacchini près d’un siècle après Lully en 1783, adaptera pour Marie-Antoinette et Louis XVI, le sujet d’Armide : son Renaud illustre une rĂ©ussite exemplaire du mythe d’Armide au temps des Lumières, avec une diffĂ©rence importante dans le traitement du sujet : si Lully et Quinault achèvent leur ouvrage sur une issue passionnĂ©e et tragique, l’opĂ©ra de Sacchini, gluckiste napolitain Ă  paris, prĂ©fère, goĂ»t du temps oblige, rĂ©soudre l’intrigue par les retrouvailles heureuses des deux protagonistes, après avoir longuement offert Ă  Armide (mezzo soprano), de sublimes airs d’ivresse, de vertiges passionnels affine le portrait de la femme qui dĂ©voile avec une profondeur dĂ©jĂ  prĂ©romantique en pleine pĂ©riode classique, une sincĂ©ritĂ© de ton irrĂ©sistible (Ă  l’acte II après le duo avec Renaud, brunoProcopio dirige Renaud sacchinil’air fameux “barbare amour”). Après Christophe Rousset Ă  Metz (avec marie Kalinine dans le rĂ´le titre, c’est rĂ©cemment le claveciniste et chef d’orchestre, lui-mĂŞme ancien Ă©lève au clavecin de Rousset, Bruno Procopio qui a assurĂ© les 21 et 22 mars 2015, la crĂ©ation du Renaud de Sacchini Ă  Rio de Janeiro au BrĂ©sil (Sala Cecilia Meireles), dans une rĂ©alisation exceptionnelle oĂą perce tel un diamant imprĂ©vu, l’Ă©clat indicible et troublant de la mezzo brĂ©silienne Luisa Francesconi.

 

  

 Armide de Lully, opĂ©ra pour l’Ă©tĂ© 2015

 

 

Armide de Lully reprend du service au fil des festivals de l’Ă©tĂ© 2015. Beaune et Innsbruck affichent chacun dans des productions diffĂ©rentes, le chef d’oeuvre tragique et passionnel de Lully.

 

  

 

Beaune, festival
Le 4 juillet 2015, 21h
Rousset. Henry, PrĂ©gardien, Schroeder, van Wanroij, Chappuis, Mauillon, VĂ©ronèse, Guimaraes, Bennani…

Après PersĂ©e, PhaĂ«ton, BellĂ©rophon nous clĂ´turons avec le chef Christophe Rousset le cycle d’opĂ©ras de Lully avec Armide, son dernier opĂ©ra, considĂ©rĂ© par Rameau comme son plus grand chef-d’oeuvre. Il est jouĂ©, acclamĂ© et encensĂ© sur la scène francaise tout au long du 18e siècle. Dans sa dĂ©dicace au roi, Lully Ă©crit : “Sire, de toutes les tragĂ©dies que j’ay mises en musique voicy celle dont le Public a tesmoignĂ© estre le plus satisfait: c’est un spectacle oĂą l’on court en foule, et jusqu’icy on n’en a point veu qui ait receu plus d’applaudissements”. Le Cerf de La ViĂ©ville, contemporain de Lully et auteur de la fameuse “Comparaison de la musique italienne et de la musique française” (1704), dĂ©crivait dans cet ouvrage l’effet que produisait sur ses auditeurs le cĂ©lèbre monologue d’Armide qui clĂ´t l’acte 2 (“Enfin il est en ma puissance”), considĂ©rĂ© comme un des clous de la partition : « J’ai vu vingt fois tout le monde saisi de frayeur, ne soufflant pas, demeurer immobile, l’âme tout entière dans les oreilles (…) puis, respirant lĂ  avec un bourdonnement de joie et d’admiration ». Au cinquième acte, l’impressionnante passacaille avec choeur et solistes est Ă©galement l’un des sommets de la partition.

 
 

 
 

Innsbruck, festivalEVASION en Autriche : le festival d'Innsbruck 2015
Les 22, 24, 26 août 2015
Avec les chanteurs lauréats du Concours de chant baroque coorganisé avec le Centre de musique baroque de Versailles
39ème Festival international de musqiue ancienne d’Innsbruck / Festwhchen der Alten Musik. Innsburck, Innenhof der Theologischen Fakultät)
C-Akenine, Colonna
Hache, Cabral, Skorka, Albano, di Bianco, Lavoie, Francis, de Hys

(au moment où nous publions, la date du 24 août est déjà complète)

 

 

Illustration : les amours de Acis et Galate par Nicolas Poussin : sensualitĂ© crĂ©pusculaire et vĂ©nitienne (XVIIème – DR)

Vosges saônoises. Festival Musique et Mémoire : 17 juillet > 2 août 2015

visuel festival Musique et MĂ©moire 2015Vosges saĂ´noises. Festival Musique et MĂ©moire : 17 juillet > 2 aoĂ»t 2015. 22ème Ă©dition. Seul dans les Vosges, un festival dĂ©fricheur repoussent les limites de la mĂ©moire, rĂ©invente la notion d’hĂ©ritage et de traditions en exprimant tout ce que les Ĺ“uvres anciennes et baroques ont de commun avec notre Ă©poque. Ni restitution formatĂ©e, ni postures pĂ©remptoires… le propre du festival Musique et mĂ©moire est d’interroger avec libertĂ© et exigence les rĂ©pertoires de la fin de la Renaissance aux deux pĂ©riodes baroques, XVIIè et XVIIIème, tout en renouvelant la forme du spectacle, suscitant rencontres et combinaisons variĂ©es de musiciens et d’instruments, comme la notion mĂŞme de travail artistique.

 

 

 

Le Baroque autrement dans les Vosges SaĂ´noises

 

C’est aussi des actions multipliĂ©es vers les publics et les jeunes. L’apport des rĂ©sidences d’artistes cultive d’indiscutables fruits : selon une formule fĂ©conde favorisĂ©e par le directeur du festival, Fabrice Creux :  3 ensembles baroques y prĂ©sentent sur 3 annĂ©es, les avancĂ©es de leurs travaux, dans des conditions humaines, musicales idĂ©alement prĂ©servĂ©es depuis le lancement de ce rythme festivalier. En 3 week ends intenses et remarquablement conçus, 3 formations ou 3 gestes artistiques explorent de fond en comble l’esthĂ©tique et la pĂ©riode qu’ils ont choisis de dĂ©fendre.

 

 

Règle des 3

 

Le festival Musique et MĂ©moire cultive les vertus d’une saine trinitĂ©. Le “3 en 1″ musical: 3 ensembles / 3 rĂ©sidences crĂ©atives / 3 parcours artistiques. Ainsi les festivaliers 2015 pourront (re)dĂ©couvrir la sensibilitĂ© des 3 ensembles ainsi invitĂ©s par Fabrice Creux: Les Timbres (week end 1 : les 17,18 et 19 juillet 2015),  Vox Luminis (week end 2 : les 24,25 et 26 juillet 2015) et Les Surprises (week end 3 : 29 juillet-2 aoĂ»t 2015). Poursuivant son action dĂ©cisive dans l’Ă©mergence de nouveaux collectifs artistiques, Musique et MĂ©moire accueille Les Timbres pour l’acte 2 de leur rĂ©sidence vosgienne avec comme fil conducteur d’un travail prometteur : l’opĂ©ra dans tous ses Ă©tats.
Pour commĂ©morer les 300 ans de la mort de Louis XIV(1638-1715), en septembre 1715,  Les Timbres aborde pour sa seconde annĂ©e de rĂ©sidence, diverses manifestations de la scène et du spectacle propre au Grand Siècle. C’est le temps d’un âge d’or de l’art français dont se souviendront les derniers Bourbons, Louis XV et Louis XVI, accordant une admiration spĂ©cifique au Roi Soleil. Pour lui, dans l’Ă©crin de Versailles, les ors solennels favorisent les replis de l’intimitĂ© tragique et grâce Ă  Lully, l’opĂ©ra français peut naĂ®tre, digne rival du théâtre classique de Corneille et de Racine. Pour preuve son opĂ©ra Proserpine, très rarement jouĂ©, qui aux cĂ´tĂ©s d’Armide ou d’Atys, porte très haut et très loin les recherches poĂ©tiques d’un genre qui s’affirme alors, dans le chant dĂ©clamĂ© et chantĂ©, l’articulation d’un texte surtout (oĂą l’articulation prime sur la mĂ©lodie), oĂą le ballet et les divertissements qu’il autorise dès lors, contraste avec la tension du drame.

 

 

Poésie lyrique du Grand Siècle : Les Timbres an2

 

Les Timbres au 22è Festival Musique et MĂ©moireEn juillet 2015, la théâtralitĂ© de la musique baroque française du Grand Siècle, mĂ©lange exquis de charme et de profondeur, d’élĂ©gance et de naturel, de majestĂ© et de mesure, ressuscite. Le gĂ©nie français s’exprime alors autant par l’inspiration de la musique que la qualitĂ© du texte poĂ©tique…. à  l’expressivitĂ© resserrĂ©e des airs et des rĂ©citatifs de Lully rĂ©pond la science inĂ©galĂ©e depuis des livrets de Quinault… Proserpine, drame mythologique retrouve dans cette combinaison parfaite du verbe et de la note, l’expressivitĂ© Ă©purĂ©e et très intense du théâtre classique neo antique de Corneille et surtout Racine lequel depuis l’accomplissement inouĂŻ de l’opĂ©ra tel qu’il est rĂ©alisĂ© par Lully (dès les annĂ©es 1670), ne compose plus de tragĂ©dies parlĂ©es ni declamĂ©es ou dĂ©sormais ses ultimes ouvrages prenant en compte l’impact du verbe chantĂ©, intègrent dĂ©sormais intermèdes et Ă©pisodes musicaux  (c’est le cas de ses pièces sacrĂ©es Esther ou Athalie dont on retrouve aujourd’hui la pertinente conception  jouant sur la musicalitĂ© des vers autant que l’essor spĂ©cifique des instruments.

 

Puis c’est Vox Luminis (invitĂ© depuis 2012) qui revient lui aussi pour un dernier chapitre de crĂ©ations dont un panorama dĂ©diĂ© Ă  l’extraordinaire dynastie Bach.

 

Enfin, Musique et MĂ©moire dĂ©roule le tapis rouge pour le 3ème ensemble musical, dĂ©couvert en 2014, Les Surprises qui prĂ©sentent ainsi en 2015, la recrĂ©ation en première mondiale de l’opĂ©ra  Les ElĂ©ments de Mrs Delalande et Destouches. Cette collaboration accomplit un vaste programme d’explorations consacrĂ© au rĂ©pertoire français au croisement des XVIIe et XVIIIe
siècles, ainsi qu’à la musique de chambre autour de l’orgue. Avec Les Timbres, le Festival pour cette 22ème Ă©dition, affirme davantage ses actions de sensibilisations et de transmissions Ă  l’adresse des publics les plus larges et les plus variĂ©s du territoire : les offres d’explication des esthĂ©tiques, des ateliers de pratique musicale seront proposĂ©s (autour de Proserpine de Lully et de la chasse aux concerts, auprès du dĂ©partement de musique ancienne de l’Ecole dĂ©partementale de musique de la Haute-SaĂ´ne et dans les Ă©coles de la  CommunautĂ© de communes des 1000 Etangs).

 

 

La 22ème Ă©dition souligne la vitalitĂ© d’un festival qui ne cesse de rĂ©inventer les formes du spectacles, insistant toujours sur les liens avec les publics et les lieux d’accueil. OpĂ©ra de Lully Ă  la basilique St Pierre de Luxeuil-les-Bains, chasse aux concerts dans les rues de Faucogney, carnaval des animaux dans la cour de l’hĂ´tel de ville de Lure, plongĂ©e dans la dynastie Bach Ă  l’église luthĂ©rienne d’HĂ©ricourt… le festival Musique et MĂ©moire a tout pour enchanter votre Ă©tĂ© 2015.

 

 

Les Timbres rĂ©alisent nombre d’actions de sensibilisation et de transmission auprès des jeunes publics. Le Festival Musique et MĂ©moire et la sensibilisation des jeunes publics

Ecole départementale de musique,
département de musique ancienne
(secteur Vosges SaĂ´noises)

Proserpine de Jean-Baptiste Lully (sensibilisation par la pratique)
Extraits des plus belles pièces instrumentales

Vendredi 27 mars 2015, de 18 h 30 à 21 h
(Ecole de musique, place du 8 mai 1945, Luxeuil-les-Bains)

Vendredi 29 mai 2015, de 18h30 Ă  21h
(Espace Frichet, 1 avenue des Thermes, Luxeuil-les-Bains)

Samedi 30 mai 2015, de 9 h Ă  12 h et de 14 h Ă  16 h 30
(Espace Frichet, Luxeuil-les-Bains)

17h30, présentation publique
(Espace Frichet, Luxeuil-les-Bains)

 

 

Milieu scolaire
Lundi 8 et mardi 9 juin (11 classes)

Sensibilisation Ă  “la Chasse aux concerts” dans les Ă©coles de la CommunautĂ© de communes des 1000 Etangs (Breuchotte, Faucogney, La Longine, Raddon, Saint-Bresson et Sainte-Marie-en-Chanois)

 

visuel festival Musique et Mémoire 2015Festival Musique et Mémoire 2015
Week end 1 : résidence Les Timbres
7 Concerts les 17, 18 et 19 juillet 2015
Réservations sur le site du Festival Musique et Mémoire
www.lestimbres.com

 

 

concert 1visuel festival Musique et Mémoire 2015
Vendredi 17 juillet 2015, 21h

Luxeuil les Bains, Basilique
Proserpine
OpĂ©ra de Jean-Baptiste Lully (1632-1687) en version “de chambre” (Anvers, 1682)
Reconstitution en première mondiale (commande du festival)

Ensemble Les Timbres
Proserpine (dessus) : Julia Kirchner
Cérès (bas-dessus) : Cécile Pilorger
Mercure (haute-contre) : Branislav Rakic
Jupiter (basse-taille) : Josep Cabré
Pluton (basse) : Marc Busnel

Yoko Kawakubo et Maite Larburu, violons
Elise Ferrière, flûtes à bec
Benoît Laurent, hautbois et flûtes à bec
Myriam Rignol, viole de gambe
Etienne Floutier, violone
Julien Wolfs, clavecin
Miléna Duflo, percussions

Jana Rémond, mise en espace
Benoît Colardelle, lumières

Samedi 18 juillet 2015, 17h
Espace Méliès
cinéma intercommunal du Pays de Lure

Tous les matins du Monde
Film français d’Alain Corneau (1991) – 1h54, d’après le roman de Pascal Quignard

 

 

TragĂ©die en musique sur un livret de Philippe Quinault, Proserpine fut créée le 3 fĂ©vrier 1680 Ă  Saint-Germain en Laye. A cette date, Lully est Ă  la tĂŞte de l’AcadĂ©mie Royale de musique depuis dĂ©jĂ  8 ans. PersonnalitĂ© incontournable indiscutabe du règne de Louis XIV, le Florentin naturalisĂ© français règne en maĂ®tre sur le monde musical de la Cour du Roi Soleil. Il a Ă©clipsĂ© par sa renommĂ©e et son caractère la plupart de ses collègues compositeurs dramatiques. L’opĂ©ra c’est Lully. Et personne d’autres.

Proserpine suscite l’enthousiasme de ses contemporains, comme en tĂ©moigne Madame de SĂ©vignĂ© qui Ă©crit dans sa lettre datĂ©e du 9 fĂ©vrier 1680 : « l’opĂ©ra est au dessus de tous les autres », et le nombre de reprises de cette oeuvre : plus de 10 fois entre 1680 et 1758 Ă  Fontainebleau et au théâtre du Palais Royal, elle fut reprĂ©sentĂ©e Ă©galement Ă  WolfenbĂĽttel en 1685, Ă  Amsterdam, le 15 septembre 1688 et en 1703 ; des reprĂ©sentations eurent lieu Ă©galement Ă  Lyon en 1694, Ă  Rouen en 1695. C’est donc une partition qui toucha le public et produit un Ă©cho europĂ©en immĂ©diat.

Anvers, 1682
Proserpine fut aussi le premier opéra représenté à Anvers, fin 1682, du vivant de son auteur, et c’est cette version là dont nous proposons la re-création. Les partitions originales utilisées lors de cette représentation sont conservées au musée Vleeshuis d’Anvers. Les partitions sont d’un intérêt extrême, car elles permettent de déduire facilement l’instrumentation utilisée pour cette représentation : 2 dessus et basse-continue.
Cette instrumentation, si tant est qu’elle puisse nous surprendre actuellement (rĂ©duire l’effectif d’un opĂ©ra Ă  une poignĂ©e de musiciens !), est des plus courante Ă  l’époque : en effet, l’orchestre de Lully Ă©tait alors très fourni – 5 parties de cordes et de nombreux vents -, et il Ă©tait donc difficile d’imaginer pouvoir jouer avec cette formation dans un cadre restreint. RĂ©duire l’effectif instrumental permettait ainsi de pouvoir « transporter » la musique partout oĂą le demande se faisait prĂ©ssante. Plus intĂ©ressant, alors qu’il ne subsiste parfois des partitions d’orchestre de Lully que le dessus et la basse et que les parties intĂ©rieures sont Ă  restituer, les partitions d’Anvers sont toutes originales : toutes les parties y soigneusement notĂ©es Ă  l’époque.
Cette instrumentation lĂ©gère convient particulièrement Ă  l’ensemble Les Timbres, qui promeut la musique de chambre, et non pas l’orchestre. En cela, la version d’Anvers de Proserpine de Lully est une version de musique de chambre d’un grand opĂ©ra français. MalgrĂ© son effectif restreint, l’expressivitĂ©, la poĂ©sie et la tension du drame sont prĂ©servĂ©s, grâce Ă  une version chambriste très caractĂ©risĂ©e.

 
 
 
 

concert 2visuel festival Musique et Mémoire 2015
Samedi 18 juillet 2015, 21h

Cour de l’HĂ´tel de Ville de Lure
Le Carnaval des Animaux
Une satire du genre humain
Et si nous étions tous des animaux ?

Ensemble Les Timbres
Yoko Kawakubo, violon
Myriam Rignol, viole de gambe
Julien Wolfs, clavecin
Aymeric Pol, comédien

Jana Rémond, texte et mise en espace
Benoît Colardelle, lumières

 
 

Un Carnaval baroque inĂ©dit : Le Carnaval des Animaux. Avant Camille Saint-SaĂ«ns, les Baroques ont cultivĂ© l’Ă©vocation musicale des tempĂ©raments animaux… Les Timbres propose donc un spectacle inĂ©dit qui compose une satire du genre humain, tantĂ´t tendre et moqueuse, tantĂ´t piquante et interrogative : et si nous Ă©tions tous des animaux ? L’humeur, le caractère, le tempĂ©rament, l’acuitĂ© et l’expression du regard fondent ici une recherche comparĂ©e de vĂ©ritĂ© et de justesse. L’on pense Ă©videmment aux confĂ©rences physiognomoniques de Charles Lebrun et de Lavater oĂą le visage de l’homme selon sa morphologie est apparentĂ©e par un dessin très abouti et caractĂ©risĂ© aux animaux : chat, chouette, chameau, cheval, aigle… Ce parallèle offre des sĂ©quences Ă©loquentes et expressives propres Ă  la quĂŞte d’une rhĂ©torique idĂ©ale depuis le XVIème siècle.

Un texte écrit par Jana Rémond, met en scène différents aspects de nos caractères sous la forme de saynètes métaphoriques, illustrées par des oeuvres du répertoire baroque français inspirées par les animaux.

Ce Carnaval est une fantaisie baroque construite sur un rĂ©pertoire musical du XVIIIe siècle prenant comme thĂ©matique les animaux – Les Fauvettes Plaintives de Couperin, La Poule de Rameau, Le Dragon de Michel de la Barre… Les pièces dialoguent avec des textes d’inspiration baroque, offrant une galerie de portraits aussi cyniques que comiques. Dans cette vie en perpĂ©tuel changement, Ă  quoi peut-on se raccrocher ? Pour trouver des rĂ©ponses, le narrateur part Ă  la rencontre d’animaux qui ont chacun leur mot Ă  dire sur la question. Incarnant tour Ă  tour les diffĂ©rents animaux des pièces musicales, le comĂ©dien se fait Ă  la fois dragon, rossignol, papillon, moucheron…. Le dialogue entre texte et musique rend complices l’acteur et les musiciens, qui se font aussi partenaires de jeu. Gageons que nos interprètes dĂ©fendent surtout des affinitĂ©s analogiques avec les volatiles : de la Poule de Rameau aux Rossignols de Couperin et Caix d’Hervelois, sans omettre les Tourterelles de Monteclair, le chant des oiseaux inspirent particulièrement les instruments… DurĂ©e : environ 45 min ou 1h.

Programme
Jean-Philippe RAMEAU (1683-1764) : La Poule
François COUPERIN (1668-1733) : Les Fauvettes plaintives ; Le Moucheron ; Les Satyres ; Le Rossignol en Amour ; Le Rossignol Vainqueur
Louis de CAIX d’HERVELOIS (1680-1759) : Rossignol ; Papillon
Michel PIGNOLET de MONTECLAIR (1667-1737) : Les Tourterelles ; Les Nayades

 
 
 
 

concert 3visuel festival Musique et Mémoire 2015
Samedi 18 juillet 2015, 23h

Cour de l’HĂ´tel de Ville de Lure
La Gamme en forme de petit opéra
Marin Marais (1656-1728)
Morceaux de Simphonie pour le Violon, la Viole et le Clavecin (Paris, 1723),

Ensemble Les Timbres
Yoko Kawakubo, violon
Myriam Rignol, viole de gambe
Julien Wolfs, clavecin
Aymeric Pol, comédien

Jana Rémond, projection
Simon Wolfs et Blaise Adilon, photographies
Benoît Colardelle, lumières

 

 

concert 4visuel festival Musique et Mémoire 2015
Dimanche 19 juillet 2015, 11h

Chapelle Saint-Martin de Faucogney
Le Clavecin du Grand Siècle
Jacques Champion de Chambonnières (vers 1601/2-1672), Louis Couperin (1626-1661)
Et Jean-Henry  D’Anglebert (1629-1691)

Julien Wolfs, clavecin
Benoît Colardelle, lumières

 

 

concert 5visuel festival Musique et Mémoire 2015
Dimanche 19 juillet 2015, 13h

Montagne Saint-Martin de Faucogney

Simphonies pour les Soupers du Roy
Pique-Nique sonore
création / commande du festival
Michel-Richard De Lalande (1657-1726)
Suites extraites des Simphonies pour les Soupers du Roy (Paris, 1703 et 1713)

Ensemble Les Timbres
Yoko Kawakubo et Maite Larburu, violons
Elise Ferrière, flûte à bec
Myriam Rignol, viole de gambe

 

 

concert 6visuel festival Musique et Mémoire 2015
Dimanche 19 juillet 2015, 15h

Faucogney (parcours historique)
La Chasse aux concerts
Un parcours énigmatique interactif pour petits et grands
création / commande du festival

Ensemble Les Timbres
Yoko Kawakubo et Maite Larburu, violons
Elise Ferrière, flûte à bec
Myriam Rignol, viole de gambe
Jana Rémond, accessoires

 

 

Concert 7visuel festival Musique et Mémoire 2015
Dimanche 19 juillet 2015, 17h30

Eglise Saint-Jean Baptiste de Corravillers
Sonnons en trio !
L’apparition et l’évolution de la sonate en trio au XVIIème et XVIIIème siècle en France
création / commande du festival

Michel Lambert (1610-1696), Marin Marais (1656-1728), François Couperin (1668-1733) et Jean-Marie Leclair    (1697-1764)

Ensemble Les Timbres
Yoko Kawakubo et Maite Larburu, violons
Myriam Rignol, viole de gambe
Julien Wolfs, clavecin

Benoît Colardelle, lumières

 

 

Beaune 2015 : Armide de Lully

lully_gravure_450Beaune. Lully : Armide. Le 3 juillet 2015, 21h. La Cour des Hospices cĂ©lèbre en 2015 le gĂ©nie lyrique de Lully, dramaturgenĂ© pour exprimer les vertiges de la passion amoureuse ; on pense Ă  Cybèle, furie dĂ©chaĂ®nĂ©e dans Atys, qui rend fou le pauvre berger au point qu’il tue sa propre aimĂ©e, Sangaride puis revenant Ă  la raison, mesure l’horreur de son geste insensĂ©. Terrifiante vengeance de la part de la dĂ©itĂ©… Dans Armide, Lully et son librettiste, le poète Philippe Quinault … atteignent aussi un sommet du terrifiant ; le dernier opĂ©ra du Florentin créé le 15 fĂ©vrier 1685, fut admirĂ© de Rameau qui se gardera bien d’aborder après lui, la geste hĂ©roĂŻque, guerrière et malĂ©fique des amours de Renaud et Armide. InspirĂ© du Tasse (La JĂ©rusalem dĂ©livrĂ©e), le livret de Quinault traite de la folie qui guette les choeurs Ă©pris. Le drame doit Ă  sa concentration psychologique, – laquelle contraste tant avec les ballets que les divertissements qui en ponctuent rĂ©gulièrement le dĂ©roulement, sa force tragique ; une manière lyrique qui Ă©gale sinon surpasse les tragĂ©dies parlĂ©es et dĂ©clamĂ©es de Corneille et surtout Racine. Pour Gluck, et avant lui Rameau, le cĂ©lèbre monologue dĂ©clamĂ© d’Armide clĂ´turant l’acte II (“Enfin il est en ma puissance”) reste un modèle de noblesse naturelle, de chant souple et racĂ©, idĂ©alement “Lullyste” et tragique. La nostalgie, la tendresse, l’abandon des âmes sur l’autel de l’effusion la plus pure comme la plus intense sont aussi les offrandes admirables de Lully Ă  la musique versaillaise du XVIIème. Un accomplissement servi Ă  Beaune par Les Talens Lyriques et Christophe Rousset qui y ont dĂ©jĂ  prĂ©sentĂ©, en un cycle “opĂ©ras de Lully” : PersĂ©e, BellĂ©rophon, PhaĂ«ton… Du XVIIème, l’Armide de Lully garde sa violence sauvage et passionnelle : l’enchanteresse malgrĂ© ses magies qui captivent et capturent un temps le beau Renaud, ne parvient pas Ă  retenir le chevalier chrĂ©tien : il y a la voix du cĹ“ur, inaccessible et mystĂ©rieuse et celle du pouvoir… La Sarrazine doit le laisser partir au V, non sans libĂ©rer une violence barbare qui dĂ©truit son palais, se vouant dĂ©sormais aux dĂ©mons de la haine vengeresse.
Avatar, de Lully Ă  Sacchini… Il en va tout autrement dans les reprises postĂ©rieures du mythe, en particulier, l’Armide ou plutĂ´t le Renaud de Sacchini de 1783 (qui fait suite Ă  Gluck) : le Napolitain Sacchini, invitĂ© par Marie-Antoinette Ă  Paris, souligne plutĂ´t la tendresse amoureuse de la femme sous le masque de la guerrière magicienne. Il est vrai que le goĂ»t au temps de Louis XVI avait Ă©voluĂ© : plus de tragĂ©die en 5 actes mais en 3, et une fin heureuse qui unit les deux guerriers Renaud et Armide, après avoir surtout soulignĂ© les faiblesses, doutes et tendresse d’une Armide plus amoureuse dĂ©sormais que vengeresse.

STAGES. 2 Stages Lully avec l’ensemble Les Timbres (Luxeuil les Bains, Vosges saĂ´noises)



Festival Ă©vĂ©nement dans les Vosges saĂ´nnoisesSTAGES. 2 Stages Lully avec l’ensemble Les Timbres (Luxeuil les Bains, Vosges saĂ´noises). 

Le jeune ensemble Les Timbres rĂ©alise une rĂ©sidence fĂ©conde au sein du festival Musique et mĂ©moire (chaque Ă©tĂ©), jusqu’en 2016. Volontaire et acteur pour l’élargissement des actions culturelles, le Festival dirigĂ© par Fabrice Creux, imagine au premier trimestre 2015, avec l’ensemble Les Timbres, un important volet d’actions de sensibilisation aux esthĂ©tiques anciennes auprès des pratiques et des publics locaux.

 

Jouer Lully Ă  partir de Proserpine
les timbres ensemble classiquenews.comLully est le sujet de deux stages Ă  venir en mars et mai 2015, soit 10h30 d’immersion pratique dans l’interprĂ©tation d’un opĂ©ra de Lully. Ainsi, 2 sessions participatives, en prĂ©ambule Ă  la recrĂ©ation de “Proserpine” (un opĂ©ra de Jean-Baptiste Lully en version “de chambre”, Anvers, 1682 (programmĂ© pour l’édition estival du Festival, soit le vendredi 17 juillet Ă  la basilique St Pierre de Luxeuil-les-Bains), sont proposĂ©es au dĂ©partement de musique ancienne de l’Ecole dĂ©partementale de musique de la Haute-SaĂ´ne (Ă  Luxeuil-les-Bains), autour d’extraits des plus belles pièces instrumentales de cet opĂ©ra :

 

 

3 dates : 1 sĂ©ance d’introduction, 2 sessions de pratique

- vendredi 27 mars, séance introductive, de 18 h 30 à 21 h / Ecole de musique de Luxeuil-les-Bains, place du 8 mai 1945

- vendredi 29 mai, de 18 h 30 Ă  21 h / Ecole de musique de Luxeuil-les-Bains, place du 8 mai 1945

- samedi 30 mai 2015, de 9 h Ă  12 h et de 14 h Ă  16 h 30 / Espace Frichet de Luxeuil-les-Bains, 1 avenue des Thermes

Les musiciens amateurs non inscrits Ă  l’Ecole dĂ©partementale de musique peuvent Ă©galement s’inscrire (30 € pour les 10 h 30 de stage).

 

 

renseignements et inscriptions : 03 84 40 13 50 ou Emile Aeby, responsable du département de musique ancienne, e.aeby@edm70.fr

 

Restitution publique
Samedi 30 mai, 17 h 30
Espace Frichet, Luxeuil-les-Bains
 (Gratuit)

 

+ d’infos sur le site du Festival Musique et Mémoire

 

 

CD.Lully : Amadis, 1684 (Rousset, 2013. 3 cd Aparté)

AMADIS Lully rousset quinault auvity Wanroij Perruche weynants, MechelenCD.Lully : Amadis, 1684 (Rousset, 2013. 3 cd ApartĂ©)  Aux cĂ´tĂ©s d’Hercule, le chevalier Amadis et ses Paladins ont fait rĂŞvĂ© le Roi quand jeune, il se voyait conquĂ©rant du monde. En 1683, Louis XIV demande donc logiquement Ă  Lully et Quinault d’adapter la lyre chevaleresque Ă  l’opĂ©ra, ressuscitant le hĂ©ros chĂ©ri de sa jeunesse : ainsi naĂ®tra Amadis en 1684.  Pour les crĂ©ateurs c’est une occasion inespĂ©rĂ©e de renouveler la langue et le vocabulaire de la tragĂ©die lyrique 10 ans après sa crĂ©ation (Cadmus et Hermione, 1673) : l’AntiquitĂ© et la mythologie cèdent ainsi la place Ă  l’histoire nationale offrant de nouveaux effets sur la scène : hĂ©las, malgrĂ© son fort potentiel dramatique et psychologique, le couple noir, haineux, jaloux (ici, le frère et la sĹ“ur Arcabonne et ArcalaĂĽs) ne dĂ©passe pas leurs rĂ´les de simples contrepoints malĂ©fiques au duo blanc lumineux et si tendre d’Amadis et d’Oriane… Ingrid Perruche fait une Arcabonne caricaturale et souvent outrĂ©e, Ă  la frontière de la folie dĂ©bridĂ©e et de l’hystĂ©rie surlignĂ©e : le jeu surlignĂ© est d’autant plus Ă©tonnant que l’on connaĂ®t bien la soprano capable de finesse comme de subtilitĂ© ; et son frère, Edwin Crossley-Mercer, un ArcalaĂĽs… malheureusement prĂ©visible, Ă©tal, plat, droit, sans trouble. D’oĂą vient que l’on refuse ainsi toute profondeur et toute ambivalence aux rĂ´les malĂ©fiques? C’est cependant dans la trame clair-obscure d’Amadis, les deux rĂ´les noirs et tĂ©nĂ©breux qui alimentent le feu et le nerf d’un opĂ©ra tournĂ© vers la fantastique et le dĂ©monisme. Arcabonne amoureuse impuissante d’Amadis ne cesse de manipuler, sĂ©duire, haĂŻr… il y avait matière Ă  caractĂ©riser et ciseler une superbe architecture dramatique. Cet aspect est totalement absent ici.

L’Oriane de Judith van Wanroij déploie un miel plus séduisant (malgré des ports de voix qui entachent la pureté de sa ligne vocale) ; heureusement Cyril Auvity se bonifie en cours d’action et ses derniers récits en duo avec sa belle enfin reconquise  au V (chambre des élus d’Apollidion) offre de très beaux phrasés. Pour le reste le choix des voix secondaires affleure une semi caractérisation convaincante (Benoît Arnould en Florestan, surtout Hasnaa Bennani dans le rôle de sa fiancée Corisande…). La palme de meilleur chant revient ici à la fée Urgande de Béatrice Tauran, celle qui chantait hier, Sangaride sous la direction de Hugo Reyne en Vendée, saisit toujours par la grâce et la pureté de sa diction et l’élégance musicale de son expression : une déité parfaite, défendant avec fermeté mais féminité, l’amour méritant. Après Roland, Persée, Phaéton (2012) et Bellerophon (2009), l’Amadis de Christophe Rousset ne manque pas de charmes en particulier dans le chœur final, qui bénéficie de la mise en place et de l’articulation impeccable du Choeur de chambre de Namur, l’un des meilleurs actuellement. Mais la Chaconne qui précède (plus de 7 mn), sorte d’apothéose du couple amoureux et qui devrait concentrer le souffle épique, enchanteur de la fable qui vient de se produire, révèle les limites des Talens Lyriques : faiblesses non pas techniques, mais … esthétiques. Le geste manque singulièrement de hauteur, de respiration, restant linéaire, rien que narratif. C’est bien joué mais pas envoûtant.

rousset christophe talens lyriques amadis phaeton roland, bellerophonL’Opéra de Versailles avait il y a 3 ans, accueilli une autre production d’Amadis, certes inspirée de Lully mais réécrite après lui en 1779 pour Marie-Antoinette par… le Bach de Londres, Jean-Chrétien, dans une réalisation beaucoup mieux caractérisée sur le plan des profils expressifs… Pour un Lully pur jus, sanguin et tendre, il faut hélas se souvenir des Arts Florissants et de William Christie pour envisager un tout autre Lully, moins tendu, sec, descriptif. Manquent ici la profondeur, la poésie, la langueur, la souveraine nostalgie… Voilà qui fait craindre à rebours d’une presque vague Lullyste, le sentiment d’une défaveur par manque de réelle affinité avec le sujet choisi. Cependant tout n’est pas à jeter dans cette réalisation qui manque pourtant d’approfondissement comme de souffle. Louons cette presque intégrale en cours des opéras de Lully : hier Reyne avait amorcé la flamme, Christophe Rousset reprend le flambeau, mais c’est bien Bill l’enchanteur qui reste le vrai détenteur du feu sacré.

amadis lully rousset aparteJean-Baptiste Lully : Amadis, 1684. Livret de Philippe Quinault, avec Cyril Auvity, Judith van Wanroij, Ingrid Perruche, Edwin Crossley-Mercer, Benoît Arnould, Bénédicte Tauran, Hasnaa Bennani, Pierrick Boisseau, Reinoud Van Mechelen, Caroline Weynants, Virginie Thomas. Chœur de chambre de Namur. Les Talens Lyriques. Ch. Rousset, direction. Enregistré le 4/6 juillet 2013 à l’Opéra royal du château de Versailles . 3 cd Aparté AP094 / Harmonia Mundi. Parution annoncée : le 23 septembre 2014.

CD événement. Lully / Quinault : Amadis, 1684. Rousset (1 cd Aparté). Annonce.

AMADIS Lully rousset quinault auvity Wanroij Perruche weynants, MechelenCD événement. Lully / Quinault : Amadis, 1684. Rousset (1 cd Aparté). Enregistré à l’Opéra royal de Versailles en juillet 2013, voici un nouvel Amadis de Lully par Les Talens Lyriques (C. Rousset, direction). L’opéra créé en 1684, remet au goût du jour la figure d’un héros positif et charmeur, fort et sage auquel s’identifie le Roi Soleil en personne. Le sujet était passé de mode, or Le Roi Soleil s’entiche de ce nouveau héros proche de son goût : le nouvel opéra offrit un somptueux portrait du guerrier chrétien. Le succès immédiat valut à Lully la reconnaissance du Souverain et de sa Cour. Avant Lohengrin de Wagner (Telramund et Ortrud), l’opéra de Lully dont le sujet a été choisi par Louis XIV lui-même, met en scène un couple diabolique, manipulateur, haineux, destructeur : Arcalaüs et Arcabonne. Cette dernière ne serait qu’une entité dangereuse et rien que diabolique s’il n’était son amour pour le héros vainqueur… Etre tiraillé, c’est elle qui concentre le nœud de l’action et qui en fait un drame surtout psychologique. En un Proloque et 5 actes, l’opéra Amadis sait concentrer les meilleures formes musicales alors en vogue sur la scène lyrique : danses et divertissements, geste héroïque, tourments amoureux, mais aussi enchantements vénéneux (acte IV) sans compter la sublime chaconne finale (Acte V), la partition marque la maturité et la qualité de l’écriture de Lully au début des années 1680.

Jean-Baptiste Lully : Amadis.
Livret de Philippe Quinault
avec
Cyril Auvity, Judith van Wanroij,
Ingrid Perruche, Edwin Crossley-Mercer,
Benoît Arnould, Bénédicte Tauran,
Hasnaa Bennani, Pierrick Boisseau,
Reinoud Van Mechelen, Caroline Weynants,
Virginie Thomas

EnregistrĂ© – recorded – 4/6 juillet 2013
Opéra royal du château de Versailles

2 cd Aparté AP094 / Harmonia Mundi. Parution annoncée : le 23 septembre 2014.

AMADIS Lully rousset quinault auvity Wanroij Perruche weynants, MechelenLe coffret de 2 cd paraît chez Aparté le 23 septembre 2014. Il complète la collection des opéras de Lully en cours : Amadis succède ainsi à Roland, Persée, Bellérophon, Phaéton. Grande critique et dossier spécial Amadis de Lully par Les Talens Lyriques à venir dans le mag cd, dvd, livres de classiquenews.com

Un lieu, un musicien : Lully Ă  Versailles (II)

Un lieu, un musicien : Lully Ă  Versailles (II)

 

 

Lully Ă  la cour de Louis XIV

 

Lully_versailles_portraitSeconde habiletĂ© du Florentin en France : Lully ” le Français” dĂ©sormais, favorise le retour de Cavalli, l’Italien, Ă  Venise. L’opĂ©ra de ce dernier, Ercole Amante, spectaculaire et poĂ©tique, jouĂ© le 7 fĂ©vrier 1662 devant la Cour est … un Ă©chec. Les six heures de musique et de chant italien oĂą sont intercalĂ©s les ballets de Lully, pâtissent des machineries trop bruyantes. Mais les ballets sĂ©duisent. Cavalli quitte donc Paris. Lully triomphe.
Son succès suscite la jalousie des Ă©crivains et des hommes de théâtre. La Fontaine, Boileau, Bossuet sont irritĂ©s par ce jeune ambitieux opportuniste que l’amitiĂ© du Roi protège. L’affection du Souverain va grandissante. Les tragĂ©dies lyriques de Lully lui vaudront mĂŞme l’obtention de ses lettres de noblesse et son titre de conseiller-secrĂ©taire du Roi en 1680. La position que lui permet le Souverain, vĂ©ritable roi artiste et esthète protecteur des arts, inaugure un statut inconnu avant lui. Elle tĂ©moigne de la reconnaissance d’un musicien dans son temps.

 

 

Un lieu, un musicien

 

Si Louis XIV a créé Versailles sur le thème des plaisirs, la Cour ne dispose pas d’une salle de théâtre digne de son Ă©clat. De plus, la crĂ©ation d’un opĂ©ra français est tardive dans le siècle. La première tragĂ©die lyrique de Lully voit le jour en 1673 (Cadmus et Hermione) quand l’opĂ©ra vĂ©nitien a inaugurĂ© son théâtre public payant depuis… 1637.
En France, les autres arts bĂ©nĂ©ficient de structures dĂ©jĂ  anciennes. Richelieu a créé l’AcadĂ©mie française de peinture en 1648. Il faut attendre 1669 pour que naisse une AcadĂ©mie de musique. L’Ă©cole de peinture est florissante dès le règne de Louis XIII. Sous l’impulsion de Mazarin, de nombreuses sensibilitĂ©s talentueuses attestent de la diversitĂ© de la maturitĂ© française : Jacques Stella, Laurent de la Hyre, Lubin Baugin, Eustache Lesueur, SĂ©bastien Bourdon… autant d’atticistes parisiens qui Ă  l’Ă©gal des maĂ®tres italiens, renouent avec un sens de l’Ă©quilibre nĂ©ogrec. Le cas de la musique est tout Ă  fait diffĂ©rent.

louis_XIV_alexandre_Versailles_baroque_musiqueL’Italie – berceau des arts depuis l’AntiquitĂ© romaine, statut renforcĂ© pendant la Renaissance -, a fĂ©condĂ© la France du Grand Siècle. Dans le cas du théâtre lyrique, avant la naissance et l’Ă©closion d’un style original, un temps d’apprentissage et d’assimilation est nĂ©cessaire. La musique s’impose peu Ă  peu grâce au ballet de cour. Sur la danse puis la comĂ©die, elle Ă©tend son empire et deviendra tragĂ©die (sur le modèle lĂ  encore des grecs antiques).  Lully de naissance italienne, rĂ©alise le projet d’un opĂ©ra français.
A Versailles, la difficultĂ© de construite un théâtre d’opĂ©ra est l’Ă©cho de ce constat. Si les fondations d’une salle de ballets et d’opĂ©ras sont amorcĂ©s dès 1688, Ă  l’extrĂ©mitĂ© de l’aile nord, les guerres et les difficultĂ©s de la fin du règne font avorter les plans. Les conditions du spectacle Ă  Versailles sont particulières. Quand les reprĂ©sentations n’investissent pas Ă  la belle saison, les sites de plein air, les façades du château ou le cadre des jardins-, le Roi s’accommode d’un ” modeste ” petit théâtre ou salle des comĂ©dies.
Versailles est d’abord le lieu de sĂ©jours de plus en plus frĂ©quents et enchanteurs du jeune souverain. Dès octobre 1663, Louis et sa suite s’installent au château pour y chasser. La troupe de Molière donne ses pièces, le Prince jaloux, l’Ă©cole des Maris, les Fâcheux, l’Impromptu de Versailles, et aussi Sertorius de Corneille. C’est un lieu de villĂ©giature, cynĂ©gĂ©tique et théâtral oĂą la musique n’a pas encore sa place. Il abrite les amours royales, celles du jeune Roi et de Mademoiselle de la Vallière.

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Louis XIV jeune monarque conquérant par Nanteuil (DR)

Lully et Molière

 

lully_gravure_450De 1662 Ă  1663, les ailes des Communs (Ă©curies et cuisines) sont rebâties. une première orangerie, l’amorce du dessin des jardins, Ă©laborĂ©s par AndrĂ© Le NĂ´tre, occupent les Ă©quipes d’ouvriers. Versailles est un chantier Ă©tendu aux transformations continuelles. Lully et Molière qui se sont rencontrĂ©s dès 1661, pour la comĂ©dies Les Fâcheux, reprĂ©sentĂ© Ă  Vaux, commencent une collaboration fructueuse. Pour  ” Les Plaisirs de l’ĂŽle EnchantĂ©e “, premier grand divertissement de Versailles, donnĂ© Ă  l’Ă©tĂ© 1664, ils rĂ©alisent Le mariage forcĂ© et La Princesse d’Élide. ” Les deux Baptistes ” font danser, rire et rĂŞver la Cour de France. Tout Ĺ“uvre Ă  faire du parc, un lieu propice Ă  l’amour et Ă  la fĂŞte, dont le sujet s’adresse secrètement Ă  l’aimĂ©e, Mademoiselle de La Vallière, celle qui, l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente avait inspirĂ© au roi, sa première escapade versaillaise. La magie de l’amour règne alors.
Carlo Vigarani Ă©labore les dĂ©cors de ce superbe ” opĂ©ra chevaleresque ” oĂą Roger et les chevaliers sont prisonniers des enchantements de la belle Alcine.  DĂ©sormais Molière et Lully conçoivent les divertissements royaux. En 1665, c’est L’Amour MĂ©decin. Parallèlement, Lully produit l’ensemble des ballets du Roi auxquels participent Beauchamps pour la chorĂ©graphie et Vigarani pour dĂ©cors et machineries : ballet de la naissance de VĂ©nus (janvier 1665, Palais Royal), Ballet de CrĂ©quy ou le triomphe de Bacchus aux Indes (janvier 1666). Après le deuil de la Cour qui suit la mort d’Anne d’Autriche, Lully crĂ©e Ă  Saint-Germain, le Ballets des muses, mi-ballet, mi-comĂ©die-ballet, oĂą s’intègre une pastorale comique, nouveau genre inaugurĂ© en 1654 par de Beys et La Guerre.

1668 indique la deuxième tranche des grands travaux Ă  Versailles. Le corps central se pare d’une enveloppe de pierre : c’est le château neuf.  Versailles terrasse jardinsLa façade sur les jardins dĂ©ploie Ă©lĂ©gance et unitĂ© minĂ©rale, selon le dessein de Le Vau : trois Ă©tages rythment l’Ă©lĂ©vation, un rez de chaussĂ©e Ă  bossages, aux lignes horizontales marquĂ©es, un Ă©tage noble haut sous plafond rĂ©servĂ© aux Grands Appartements, celui du Roi (au nord) et de la Reine (au sud cĂ´tĂ© orangerie), enfin un attique ou dernier Ă©tage dont la balustrade dissimule les toitures, selon le modèle antique. Une large terrasse dont le vide central engendre ombre et lumière, s’inspire de l’architecture baroque romaine, celle des palais princiers. Versailles vit toujours Ă  l’heure italienne.

 

Suite du dossier Lully Ă  Versailles, III : l’opĂ©ra au château

 

Illustrations : Portraits de Lully, Louis XIV en Alexandre, le Surintendant Lully, la façade du château de Versailles en 1668 avec sa terrasse cĂ´tĂ© jardins …

 

Versailles : Musiques pour les noces de Marie-Antoinette et de Louis XVI, Les Siècles (novembre 2012)

Jean-Philippe Rameau Ă  ParisMusiques pour Marie-Antoinette… Dans la galerie des Glaces Ă  Versailles, l’orchestre sur instruments anciens Les Siècles joue sous la direction de François-Xavier Roth, le programme des fĂŞtes pour le mariage de Marie Antoinette et de Louis XVI : Gluck reprĂ©sentant de la musique moderne puis Rameau et Lully réécrits par Gossec et Dauvergne, dans le style nĂ©oclassique des annĂ©es 1770 … Grand reportage vidĂ©o

Lully Ă  Versailles 1 : Lulli avant Lully

lully_portrait_mignard_lebrunUn lieu, un musicien … Lully Ă  Versailles 1 : Lulli avant Lully    .…    Rien ne laisse prĂ©sager la fulgurante ascension du florentin Giovanni Battista Lulli au moment de son arrivĂ©e Ă  Paris en 1646. Le jeune violoniste n’a que 14 ans. Sa prĂ©sence souligne la place des italiens Ă  la Cour de France. Elle est conforme au goĂ»t du cardinal mazarin qui rĂ©vèle alors l’art italien. RamenĂ© de Florence par le Chevalier de Guise, le petti Lulli est ” garçon de chambre ” auprès de la Grande mademoiselle, duchesse de Montpensier, qui aime converser en italien. BientĂ´t Lulli devient ” grand baladin ” de la duchesse. Pendant la Fronde, la princesse ralliĂ©e Ă  CondĂ© depuis 1651, dirige les canons de la Bastille contre les troupes royales.  Le Roi punit l’insolence des Grands et La Montpensier est exilĂ©e Ă  Saint-Fargeau. Lulli quitte le navire condamnĂ©.  Il paraĂ®t dĂ©jĂ  dans l’entourage de Mazarin, de retour Ă  Paris en fĂ©vrier 1653, Ă  24 ans.  L’affirmation du raffinement accompagne le rĂ©tablissement de l’ordre monarchique, de la Reine Anne d’Autriche, du Cardinal et du jeune Louis XIV.

 

Le Florentin, maître des ballets de cour

 

Lulli est propulsĂ©. Ses talents pour la danse sĂ©duisent un autre danseur passionnĂ©, le jeune monarque. Tous deux figurent, cĂ´te Ă  cĂ´te, dans le ballet royal de la nuict, le 23 fĂ©vrier 1653 oĂą Louis paraĂ®t dĂ©jĂ  en Soleil Ă©blouissant, vainqueur des frondeurs et de la guerre civile. Après le Chaos, place au retour Ă  l’harmonie des planètes dont le centre est le roi.  La faveur royale se prĂ©cise. Lulli succède Ă  Lazzarini au poste de “compositeur pour la musique instrumentale”.  Il rejoint les Vingt-Quatre Violons du Roi mais il obtient du Souvrain de fonder son propre orchestre, Les Petits Violons ou La Petite Bande.

MazarinDe 1654 Ă  1666, Lulli dirige son propre orchestre dont la renommĂ©e, associĂ©e Ă  la nouvelle gloire de Louis XIV et de la France repacifiĂ©e, gagne toute l’Europe. L’annĂ©e 1654 est emblĂ©matique de son activitĂ© : Ă  25 ans, c’est un compositeur chorĂ©graphe hyperactif ; il livre le ballet des proverbes en fĂ©vrier ; Les Noces de PellĂ©e et de ThĂ©tis en avril ; le Ballet du temps en novembre, permettant Ă  la Cour de France de rĂ©aliser sa passion historique pour la danse et le ballet de cour.
De 1653 Ă  1655, le Baladin met en musique les vers du poète Benserade. Pour Louis XIV, Lulli est un compagnon de jeu et l’ordonnateur de ses plaisirs. Jeunesse de prince, source de belle fortune Ă©crit La Bruyère. DĂ©sormais la carrière du Florentin est liĂ©e Ă  l’ascension du Roi.

 

 

Surintendant et compositeur de la Chambre : Lulli devient Lully

 

Louis XIV SoleilLa place du musicien grandit. L’Ĺ“uvre de Mazarin a portĂ© ses fruits. Le cardinal est très amateur de musique. Avant Paris, il a participĂ© Ă  Rome, Ă  l’Ă©closion de l’opĂ©ra romain en organisant plusieurs spectacles de musique pour son protecteur, le cardinal Antonio Barberini.  Mazarin entend importer le luxe italien Ă  Paris. Par sa volontĂ©, l’Italie s’implante en France. La prĂ©sence de Lulli s’inscrit dans ce courant du goĂ»t officiel. Dès 1645, le cardinal commande Ă  Paris, La Finta Pazza de Sacrati. La magie de la musique italienne et les dĂ©cors du magicien Torelli, captivent l’auditoire. L’Orfeo de Luigi Rossi renouvelle l’expĂ©rience l’annĂ©e suivante (1646)… quand Lulli arrive Ă  Paris.  Le faste des productions contribue Ă  l’impopularitĂ© de Mazarin. Les mazarinades, pamphlets contre le politique, citent la trop riche dĂ©pense du ” grand faiseur de machines “.  En dĂ©finitive, Lulli rĂ©alise le projet de Mazarin mais après la mort du cardinal.

Louis XIV jeuneTrès vite, le compositeur oeuvre pour sa position. Ses ballets intĂ©grĂ©s aux opĂ©ras du vĂ©nitien Francesco Cavalli assurent sa rĂ©ussite. L’Ă©lève de Monteverdi Ă  Venise est le grand invitĂ© de la Cour de France : il est sollicitĂ© pour y dĂ©velopper l’opĂ©ra italien. C’est d’abord Serse, reprĂ©sentĂ© Ă  la demande de Mazarin, devant la Cour, pour le mariage de Louis XIV, au Louvre, le 22 novembre 1660. Les danses de Lulli se dĂ©tachent et l’imposent comme un compositeur français. Verve, tempĂ©rament scĂ©nique, intelligence des situations confirment le talent du musicien que le Roi nomme en mai 1661 : ” Surintendant et compositeur de la Chambre “.  Le compositeur s’Ă©lève Ă  mesure que le danseur s’efface. En dĂ©cembre 1661, Lulli obtient ses lettres de naturalisation. Il Ă©pouse le 24 fĂ©vrier 1662 Ă  Saint-Eustache, Madeleine Lambert, fille de Michel Lambert, compositeur, et maĂ®tre de musique de la Chambre, cĂ©lèbre auteur d’airs de cour.
Ainsi au dĂ©but des annĂ©es 1660, lorsque, après la mort de Mazarin (1661), le jeune Louis XIV prend le pouvoir, l’ambition du musicien se dessine : Lulli meurt tout Ă  fait afin que naisse Lully.

 

versailles_570_Chateau_de_Versailles_1668_Pierre_Patel

 

Illustrations : le cardinal Mazarin et ses collections d’antiques Ă  Paris, Le jeune Louis XIV en Soleil dans le Ballet de la nuict de 1653 … Louis XIV jeune. Versailles en 1668 (Pierre Patel).

CD. Lully : Phaéton, 1683 (Rousset, 2012)

CD. Lully: PhaĂ©ton, 1683 (Rousset, 2012) …  Poursuite du cycle des opĂ©ras (rares) de Lully par Les Talens Lyriques et Christophe Rousset. Les plus connaisseurs regretterons ici une baguette des plus tendues, sèche, râpeuse, ascĂ©tique sans guère d’abandon tendre ni de nostalgie subtile (n’est pas William Christie qui veut, dĂ©sormais indĂ©passable chez Lully comme chez Rameau) ; les plus ouverts et curieux, trouverons ce nouvel album comme le prĂ©cĂ©dent (BellĂ©rophon, Ă©galement Ă©ditĂ© par ApartĂ©) d’une Ă©vidente cohĂ©rence musicale, digne du plus efficace des ouvrages de Lully et Quinault.

 

 

PhaĂ©ton dĂ©sĂ©quilibrĂ© …

 

lully_phaeton_rousset_cd_aparteLe sujet en lui-mĂŞme est d’une modernitĂ© exceptionnelle : le fils du Soleil, aimĂ© par son père, veut afficher fièrement et orgueilleusement sa divine origine au risque de mettre en pĂ©ril l’Ă©quilibre du monde : dirigeant le char d’Apollon, l’orgueilleux incompĂ©tent Ă©choue Ă  conduire les cĂ©lestes chevaux : il est illico foudroyĂ© par Jupiter.Le message est clair pour l’ensemble du royaume et Ă  l’attention des courtisans muselĂ©s tentĂ©s par une audace hasardeuse. Le roi tranchera dans le vif toute vellĂ©itĂ© d’orgueil. Dramatiquement les auteurs cisèlent une action resserrĂ©e ; ils ajoutent une intrigue amoureuse assez lĂ©gère mais utile en ce quelle embrase la souffrance et le ressentiment des caractères.
Lybie, future reine d’Egypte, qui aime Epaphus, se voit obligĂ©e d’Ă©pouser PhaĂ©ton. Celui-ci n’est que politique et d’un coeur plutĂ´t insensible (il reste muet et distant vis Ă  vis de celle qui l’aime, ThĂ©one). En vĂ©ritĂ©, PhaĂ©ton est un jeune arrogant ambitieux qui n’aspire qu’Ă  assoir sa fausse grandeur, en particulier vis Ă  vis du fils d’Isis, Epaphus.
Lully, angle rare dans un opĂ©ra politique, aime Ă  exprimer ce lien du fils PhaĂ©ton Ă  sa mère (Clymène, très attentionnĂ©e pour sa progĂ©niture) et Ă  son père : quand paraĂ®t Apollon, ĂŞtre sensible et pathĂ©tique, plutĂ´t qu’astre hĂ©roĂŻque et solennel ; cet aspect du dieu solaire est le point le plus attachant de l’ouvrage.Rousset rĂ©unit un plateau de chanteurs, finalement  …  dĂ©sĂ©quilibrĂ© voire peu convaincant. C’est le risque des prises uniques, la reprĂ©sentation et son enregistrement sur le vif Ă  Paris ce 25 octobre 2012 n’ont pas rĂ©ussi Ă  tout le monde. Écartons d’emblĂ©e, trop faillible sur le plan du style comme de la musicalitĂ© (et de la justesse), la ThĂ©one d’Isabelle Druet (rien Ă  faire : le timbre est Ă©troit, la justesse peu assurĂ©e… faute de prĂ©paration ou d’approfondissement rĂ©el du rĂ´le, les dĂ©rapages sont trop nombreux) ; dans le rĂ´le-titre, Emiliano Gonzalez Toro manque de vision sur son personnage (pourtant dramatiquement passionnant) : maniĂ©risme et affectation polluent un chant qui devrait sonner naturel et souple ; mĂŞme constat hĂ©las pour Andrew Foster-Williams, – bien que mieux chantant : son jeu confond engagement et … burlesque : il est fait trop pour le rival de PhaĂ©ton ; son Epaphus ressemble plus Ă  un rĂ´le bouffon qu’Ă  l’amant de Lybie, grave et impuissant, ĂŞtre terrassĂ© par le jeu politique et qui doit subir la vanitĂ© de son ennemi.

Heureusement, tout n’est pas perdu, loin s’en faut : en Apollon tendre et humain voire dĂ©chaĂ®nĂ© pour sauver son fils outragĂ© (Epaphus a contestĂ© son origine divine), Cyril Auvity tire la couverture vers lui : assurance vocale inouĂŻe, verbe tapageur et ciselĂ© ; sa prestance et son caractère sont indiscutables. La Bergère de Virginie Thomas Ă©blouit subitement la scène par sa diction fluide et sans effet, mais c’est surtout l’exceptionnel ChĹ“ur de chambre de Namur qui rĂ©tablit pas son articulation souveraine, la place centrale du chant, avec une rĂ©affirmation soudaine d’un style plus humain, coulant, sanguin… parfois assĂ©chĂ© voire atrophiĂ© par la baguette nerveuse du chef.PhaĂ©ton est un sommet de l’inspiration de Lully (1683), l’un de ses ultimes opĂ©ras. Saluons l’initiative du label ApartĂ© de nous le rĂ©vĂ©ler dans sa fureur et son âpretĂ© premières ; dans sa continuitĂ© souvent fulgurante : c’est l’un des opĂ©ras les plus courts du Surintendant.
D’autant que le double coffret est d’un soin Ă©ditorial manifeste, dĂ©fendant de la meilleure façon une oeuvre mĂ©connue Ă  torts : notice argumentĂ©e, livret intĂ©gral.
Si l’on regrette l’insuffisance du plateau vocal, la production laisse nĂ©anmoins envisager ce qui a fait le triomphe de l’ouvrage sous Louis XIV : sa grande sĂ©duction musicale, sa prosodie habitĂ©e et expressive, ses situations contrastĂ©es au très fort potentiel spectaculaire (les mĂ©tamorphoses de ProtĂ©e Ă  la fin du I ; le tableau des heures et des saisons au dĂ©but du IV… et Ă©videmment la chute du char du soleil au moment oĂą Jupiter foudroie l’orgueilleux fils d’Apollon …). A Ă©couter de toute Ă©vidence.Lully : PhaĂ©ton, 1683. Cyril Auvity, Virginie Thomas… Les Talens Lyriques. Christophe Rousset. 2 cd ApartĂ©. Enregistrement rĂ©alisĂ© en octobre 2012.