ISIS de Lully

PARIS, TCE, ven 6 dĂ©c 2019, 19h30. En version de concert, l’un des opĂ©ras les moins connus de Lully et pourtant l’un des mieux Ă©crits… qui d’ailleurs ne devrait pas s’appeler ISIS mais IO, la nymphe aimĂ©e de Jupiter et qui dĂ»t Ă©prouver la haine jalouse et donc la sadisme de Junon, l’Ă©pouse officiel du Dieu des Dieux. A travers son prĂ©texte mythologique, la partition Ă©gratigne quelques protagonistes de la Cour de Louis XIV dont surtout la favorite en titre, La Montespan qui se reconnut Ă©videmment dans le rĂ´le infect de Junon et … obtint du Roi pour se venger l’exil du poète librettiste Quinault. Le TCE Ă  Paris affiche une version de concert d’un ouvrage majeur de Lully qui avant Rameau au XVIIIè (dans son dernier opĂ©ra Les BorĂ©ades de 1764), met en scène la folie amoureuse, la haine divine et la torture…

LIRE ici notre critique du cd ISIS de Lully dont la distribution est celle du spectacle parisien : ISIS de LULLY par Les Talens Lyriques

LULLY isis ROUSSET critique cd opera classiquenewsCD, critique.LULLY : ISIS / Io. Talens Lyriques, Ch Rousset (2 cd APARTE – juil 2019). Après Bill Christie et Hugo Reyne, tous d’eux ayant différemment réussi leur propre lecture d’Atys(respectivement en 1987 et 2009), sommet de l’éloquence et du sentiment XVIIè, Les Talens lyriques et leur chef Christophe Rousset poursuivent une sorte d’intégrale des opéras de Lully chez Aparté. Un défi redoutable et un courage immense… tant les plateaux sont difficiles à réunir, et le répertoire toujours écarté des scènes lyriques. Qui programme aujourd’hui le Florentin anobli / naturalisé par Louis XIV ? On s’étonne d’une telle situation, qui d’ailleurs vaut pour le baroque en général : même Rameau, le plus grand génie dramatique et orchestral du XVIIIè peine à défendre sa place à chaque saison nouvelle, en particulier à l’Opéra de Paris. Que l’on ne nous parle pas d’équilibre et de diversité des programmations. Le Baroque est de moins en moins joué au sein des théâtres d’opéras en France. Donc réjouissons nous de ce nouvel opus Lully par Ch Rousset.

Pourtant, soit qu’il soit question de la prise ou de l’économie du geste gĂ©nĂ©ral, la petitesse du son ne cesse ici d’interroger : on sait que les effectifs requis pour les crĂ©ations devant la Cour et le Roi, ne craignaient pas l’ampleur ; d’ailleurs toutes les gravures le reprĂ©sente : l’orchestre Ă©tait plĂ©thorique. Ce qui laisse imaginer un tout autre son Ă  l’époque… Pourquoi alors ce format sonore si Ă©troit et serrĂ©, d’autant que le traitement final souhaitĂ© lisse tout relief. Pas d’aspĂ©ritĂ©, ni de timbres dĂ©finis: un juste milieu qui attĂ©nue toute disparitĂ© et tend Ă  unifier la globalitĂ© vers une uniformitĂ© dĂ©sincarnĂ©e. S’agirait-il alors d’une autre raison ? La vision propre au chef qui en phrases courtes, certes prĂ©cises mais systĂ©matiques jusqu’à la mĂ©canique, sonne sèche ; des tempos parfois très prĂ©cipitĂ©s soulignent une lecture nerveuse… et finalement dĂ©vitalisĂ©e. Voici un Lully Ă©troit et mĂ©canisĂ© qui manque singulièrement d’ampleur, de souffle, de respiration. Tout ce qu’ont apportĂ© et cultivĂ© autrement et par un orchestre et un continuo plus palpitant, les prĂ©cĂ©dents dĂ©jĂ  citĂ©s : Christie et Reyne. Pas sĂ»r que les dĂ©tracteurs et critiques d’un Lully trop affectĂ©, sophistiquĂ©, et finalement artificiel, ne changent d’avis après Ă©coute de cet album. Lire la critique complète d’ISIS de Lully par Les Talens Lyriques

CD Ă©vĂ©nement, critique. DUMESNY : « haute-contre de Lully ». R Van Mechelen – A Nocte Temporis (1 cd alpha).

Dumesny-Haute-Contre-de-Lully cd classiquenews critique annonce review cd critique classiquenews critique opera critique concertCD Ă©vĂ©nement, critique. DUMESNY : « haute-contre de Lully ». R Van Mechelen – A Nocte Temporis (1 cd alpha). Et voici un programme admirable par ses dĂ©fis et son originalitĂ©, parce qu’il engage aussi un chanteur devenu chef, et comme la contralto Natalie Stutzmann, crĂ©ateur de son propre ensemble A nocte temporis : le haute contre flamand Reinoud van Mechelen (nĂ© en 1987 Ă  Leuven) : il vient d’être nommĂ© artiste en rĂ©sidence au festival laboratoire Musique et MĂ©moire dans les Vosges du Sud (chaque annĂ©e en juillet, soit 3 annĂ©es d’accompagnement artistique exemplaire Ă  suivre absolument Ă  partir de juillet 2020).

On se souvient de ses débuts chez William Christie à l’époque du Jardin des Voix, puis de ses prises de rôles plus ou moins heureuses chez Rameau, Charpentier et autres compositeurs des premier et second Baroque Français. Aujourd’hui les défis et essais d’hier ont évolué et avec l’expérience, une claire détermination et la conscience d’un répertoire se sont affirmés, dans la maîtrise plus réaliste des moyens artistiques. Il revient au chanteur chef d’avoir identifié l’itinéraire d’un chanteur de premier plan, à l’époque de Lully, quand ce dernier perfectionna l’opéra français au XVIIè pour la Cour de Louis XIV. Ses rôles sont d’autant plus intéressants qu’ils illustrent aussi la dernière manière de Lully dans le genre lyrique français.

 

 

 

Portrait d’un cuisinier
devenu le ténor favori de Lully

Né circa 1635 à Montauban, Louis Gaulard Dumesny, meurt quand meurt le Roi Soleil (entre 1702 et 1715) selon le texte de la notice dont la rédaction contient de nombreuses confusions voire incohérences (seule faiblesse de ce disque en tout points exemplaires).
D’abord cuisinier (chez l’intendant Foucault), Dumesny, chanteur (haute-contre / ténor), est recruté par Lully dès 1675 : il chante dans les choeurs de Thésée (1675), Atys (1676), surtout Isis (1677, partition sublime récemment ressuscitée et réévaluée dans laquelle il incarne de petits rôles : Triton, un nymphe / l’auditeur en pourra écouter l’ouverture ici) ; il chante ensuite Alphée dans Proserpine (1680) : quadra, le chanteur perce l’affiche alors, succédant dans les premiers rôles à Bernard Clédière (parti à la retraite en 1682).
Dumesny crée les rôles titres des 6 derniers opéras de Lully : Persée (1682), Phaéton (1683), Amadis (1684), Roland (1685), Renaud dans Armide (1686) et Acis et Galatée (1686). Devenu le ténor héroïque emblématique de l’opéra lullyste des années 1680, le chanteur vedette après la mort du Surintendant, chante dans les opéras de la nouvelle génération : Alcide de Marais, Jason dans Médée de Charpentier, Apollon dans Issé de Destouches, Octavio dans l’Europe Galante de Campra.

 

 

 

Dumesny, le chanteur qui chantait faux
et s’enivrait au champagne
pour suivre le rythme et honorer ses emplois…

 

 

 

Dumesny doit son succès Ă  sa voix Ă©videmment (aucune prĂ©cision convaincante sur sa tessiture exacte dans le texte citĂ©, sinon « haute-taille vers haute-contre » / ou plutĂ´t haute-taille, c’est Ă  dire tĂ©nor lĂ©ger – quoique dans dans le cas de Dumesny, les aigus restaient « très parcimonieux » / quoique il semble que « sa tessiture semble avoir montĂ© avec le temps ») ; Ă  ses dons d’acteurs, sa physionomie sĂ©duisante (grand, d’un « beau brun, bien fait »)… de quoi susciter tous les fantasmes. Il faut nĂ©anmoins nuancer tout cela car le diapason de l’époque Ă©tait d’un ton plus bas ; surtout, le goĂ»t de la Cour de Louis XIV privilĂ©giait toujours les tessitures graves.

Seule rĂ©serve, – comble pour un chanteur : Dumesny chantait faux, ne sachant pas son solfège, apprenant pour chaque production, chaque rĂ´le, note par note ; c’est Ă  dire par coeur. Pourquoi pas !

Aujourd’hui, le contre-ténor Reinoud van Mechelen affirme une toute autre musicalité ; une détermination même qui donne de la valeur à cette résurrection d’une personnalité musicale propre aux opéras de Lully dans la décennie 1680. Pourtant le programme laisse surtout la place aux musiques post-lullystes, celle de Colasse, Marais, Charpentier, Destouches, Campra…

La longévité de l’artiste, sa constance restent délicates ; dans les années 1690, Dumesny n’y échappe pas : alcoolique, il devient gros ; d’humeur de plus inconstante, il rate de nombreux emplois, « ayant l’air d’un manant à la ville ». En outre, les frasques de sa vie personnelle alimentent la chronique « people » de l’époque : cleptomane, il détrousse les artistes femmes de la troupe de l’Académie royale ; et ses relations passionnelles avec Marie Le Rochois (favorite de Lully) ou de La Maupin occupent les esprits parisiens, toujours voraces à relayer un scandale.

CLIC D'OR macaron 200Non obstant ces petits dĂ©boires bien humains, Dumesny Ă©blouit ses prises de rĂ´les pendant plus de 20 ans, ayant dĂ©butĂ© sa carrière Ă  l’opĂ©ra Ă  un âge avancĂ© (40 ans). Le tĂ©nor lĂ©ger devait avoir un chant souple et tendu Ă  la fois, capable dâ€un « lyrisme Ă©lĂ©giaque et de pages dramatiques », confĂ©rant Ă  ses personnages, une profondeur et un trouble certainement captivant, ce dès « PersĂ©e » en 1675. VoilĂ  un premier pas vers une caractĂ©risation plus juste des chanteurs français Ă  l’époque de Lully. A quand dans la foulĂ©e, un autre opus dĂ©diĂ© au plus grand tĂ©nor lĂ©ger lui aussi (haute taille ou haute contre ?) du siècle suivant, JĂ©lyote, vedette des opĂ©ras de Rameau ? On rĂŞve aussi d’un programme tout autant dĂ©fendu et engagĂ©, maĂ®trisant l’articulation et la projection de la langue de Racine. Car selon l’analyse lĂ©gitime de Bill Christie (entre autres), – clairvoyance visionnaire et malheureusement toujours polĂ©mique actuellement, le baroque français c’est surtout la maĂ®trise d’un chant français continument …intelligible. A travers ce programme passionnant, Reinoud Van Mechelen ressuscite le profil d’un tĂ©nor lullyste aux dĂ©fis lyriques d’une indiscutable valeur. Par ses choix de rĂ©pertoire, la collection des airs d’opĂ©ras rĂ©unis, le programme est magistral. C’est donc un CLIC de CLASSIQUENEWS pour dĂ©cembre 2019.

 

 

  

 

  

 

  

CD Ă©vĂ©nement, critique. DUMESNY : « haute-contre de Lully ». R Van Mechelen – A Nocte Temporis (1 cd Alpha). EnregistrĂ© Ă  Anvers en 2018.

 

 

 
 

 

 

Programme du cd Dumesny : « haute-contre de Lully »
Reinoud Van Mechelen, chant et direction   –  A Nocte Temporis

1.
JEAN-BAPTISTE LULLY – ISIS, LWV 54 : OUVERTURE 
02:08
2.
JEAN-BAPTISTE LULLY – PERSÉE, LWV 60 : CESSONS DE REDOUTER LA FORTUNE CRUELLE 
01:37
3.
JEAN-BAPTISTE LULLY – ARMIDE, LWV 71 : PLUS J’OBSERVE CES LIEUX, ET PLUS JE LES ADMIRE 
03:31
4.
JEAN-BAPTISTE LULLY – AMADIS, LWV 63 : BOIS ÉPAIS, REDOUBLE TON OMBRE 
02:31
5.
JEAN-BAPTISTE LULLY – ACIS ET GALATÉE, LWV 73 : FAUDRA-T-IL ENCORE VOUS ATTENDRE… 
01:41
6.
JEAN-BAPTISTE LULLY – ACIS ET GALATÉE, LWV 73 : RITOURNELLE 
00:34
7.
JEAN-BAPTISTE LULLY – ACHILLE ET POLYXĂNE, LWV 74 : PATROCLE VA COMBATTRE, ET J’AI PU CONSENTIR… 
02:44
8.
JEAN-BAPTISTE LULLY – MISERERE, LWV 25 
01:11
 

9.
PASCAL COLLASSE – ACHILLE ET POLYXĂNE : QUAND, APRĂS UN CRUEL TOURMENT… 
01:31
10.
PASCAL COLLASSE – ACHILLE ET POLYXĂNE : ENTRACTE 
01:16
11.
PASCAL COLLASSE – ACHILLE ET POLYXĂNE : AH! QUE SUR MOI… – PRÉLUDE 
01:16
12.
MARIN MARAIS – ALCIDE : MON AMOUREUSE INQUIĂTUDE 
02:46
13.
MARIN MARAIS – ALCIDE : NE POURRAIS-JE TROUVER DE REMĂDE… 
05:50
14.
PASCAL COLLASSE – THÉTIS ET PELÉE : CIEL ! EN VOYANT CE TEMPLE REDOUTABLE… 
05:03
15.
PASCAL COLLASSE – ENÉE ET LAVINIE : J’ENTENDS D’AGRÉABLE CONCERTS… 
03:12
16.
HENRY DESMAREST – DIDON : INFORTUNÉ QUE DOIS-JE FAIRE?… 
03:22
17.
HENRY DESMAREST – DIDON : LE SOLEIL EST VAINQUEUR (INSTRUMENTAL) 
01:35
18.
MARC-ANTOINE CHARPENTIER – MÉDÉE, H.491 : QUE JE SERAIS HEUREUX, SI J’ÉTAIS MOINS AIMÉ !… 
02:44
19.
MARC-ANTOINE CHARPENTIER – MÉDÉE, H.491 : SECOND AIR POUR LES ARGIENS – SARABANDE 
03:17
20.
ELISABETH JACQUET DE LA GUERRE – CÉPHALE ET PROCRIS : AMOUR, QUE SOUS TES LOIS… 
02:40
21.
HENRY DESMAREST – THÉAGENE ET CARICLÉE : MA VERTU CĂDE AU COUP… 
03:16
22.
HENRY DESMAREST – LES AMOURS DE MOMUS : LIEUX CHARMANTS, RETRAITES TRANQUILLES… 
01:42
23.
CHARLES-HUBERT GERVAIS – MÉDUSE : AIR – SARABANDE – MENUET 
04:11
24.
HENRY DESMAREST – LES FĂŠTES GALANTES : EBBRO FAR VOGLIO IL MIO CORE… 
02:59
25.
HENRY DESMAREST – CIRCÉ : SOMMEIL – AH! QUE LE SOMMEIL EST CHARMANT… 
05:32
26.
ANDRÉ CARDINAL DESTOUCHES – AMADIS DE GRĂCE : HÉLAS! RIEN N’ADOUCIT… 
03:35
27.
ANDRÉ CAMPRA – L’EUROPE GALANTE : SOMMEIL – SOMMEIL, QUI CHAQUE NUIT…
 
 

VIDEO

 

https://youtu.be/b5nR_70GtnY

  
   

CD, critique.LULLY : ISIS / Io. Talens Lyriques, Ch Rousset (2 cd APARTE – juil 2019).

LULLY isis ROUSSET critique cd opera classiquenewsCD, critique.LULLY : ISIS / Io. Talens Lyriques, Ch Rousset (2 cd APARTE – juil 2019). Après Bill Christie et Hugo Reyne, tous d’eux ayant diffĂ©remment rĂ©ussi leur propre lecture d’Atys (respectivement en 1987 et 2009), sommet de l’éloquence et du sentiment XVIIè, Les Talens lyriques et leur chef Christophe Rousset poursuivent une sorte d’intĂ©grale des opĂ©ras de Lully chez ApartĂ©. Un dĂ©fi redoutable et un courage immense… tant les plateaux sont difficiles Ă  rĂ©unir, et le rĂ©pertoire toujours Ă©cartĂ© des scènes lyriques. Qui programme aujourd’hui le Florentin anobli / naturalisĂ© par Louis XIV ? On s’étonne d’une telle situation, qui d’ailleurs vaut pour le baroque en gĂ©nĂ©ral : mĂŞme Rameau, le plus grand gĂ©nie dramatique et orchestral du XVIIIè peine Ă  dĂ©fendre sa place Ă  chaque saison nouvelle, en particulier Ă  l’OpĂ©ra de Paris. Que l’on ne nous parle pas d’équilibre et de diversitĂ© des programmations. Le Baroque est de moins en moins jouĂ© au sein des théâtres d’opĂ©ras en France. Donc rĂ©jouissons nous de ce nouvel opus Lully par Ch Rousset.

Pourtant, soit qu’il soit question de la prise ou de l’économie du geste général, la petitesse du son ne cesse ici d’interroger : on sait que les effectifs requis pour les créations devant la Cour et le Roi, ne craignaient pas l’ampleur ; d’ailleurs toutes les gravures le représente : l’orchestre était pléthorique. Ce qui laisse imaginer un tout autre son à l’époque… Pourquoi alors ce format sonore si étroit et serré, d’autant que le traitement final souhaité lisse tout relief. Pas d’aspérité, ni de timbres définis: un juste milieu qui atténue toute disparité et tend à unifier la globalité vers une uniformité désincarnée. S’agirait-il alors d’une autre raison ? La vision propre au chef qui en phrases courtes, certes précises mais systématiques jusqu’à la mécanique, sonne sèche ; des tempos parfois très précipités soulignent une lecture nerveuse… et finalement dévitalisée. Voici un Lully étroit et mécanisé qui manque singulièrement d’ampleur, de souffle, de respiration. Tout ce qu’ont apporté et cultivé autrement et par un orchestre et un continuo plus palpitant, les précédents déjà cités : Christie et Reyne. Pas sûr que les détracteurs et critiques d’un Lully trop affecté, sophistiqué, et finalement artificiel, ne changent d’avis après écoute de cet album.

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SUBLIME QUATUOR VOCAL
Tauran, Hubeaux, Auvity, Estèphe
Junon, Io/Isis, Apollon, Argus

 

 

 

Mais la surprise vient des chanteurs, précisément des deux premiers emplois d’une partition assez exceptionnelle. Si le geste du chef et le son de l’orchestre posent problème, en revanche certains solistes sont remarquables tant leur chant restitue à la fois la noblesse du récit, le mordant articulé, surtout la sincérité de la déclamation lullyste. Ce qui n’est pas peu dire. Ce que réalisent les deux cantatrices dans les rôles opposés de Io / Isis et de Junon, relève de l’exceptionnel, une voie idéale entre le style du théâtre cornélien et racinien, et la langueur expressionniste propre à l’opéra lullyste. Voilà longtemps que nous n’avions goûté un tel chant vivant et palpitant, serviteur des images linguistiques qui font sens. D’où notre excellente note et le CLIC de classiquenews.com

Relief et vérité des chanteuses TAURAN / HUBEAUX
A l’opposĂ© de toute surcharge hystĂ©rique, – un Ă©cueil que l’on constate aussi pour Cybèle dans Atys-, BĂ©nĂ©dicte Tauran fait une Junon de grande classe, car elle Ă©vite toute boursouflure caricaturale voire parodique du personnage (ce qui a toujours Ă©tĂ© facile : Junon bien souvent n’est qu’une Ă©pouse dĂ©laissĂ©e, frustrĂ©e, qui rugit) : a contrario, ici, du tact et du style et un français impeccable (nous l’avions dĂ©couvert il y a quelques annĂ©es dans la version d’Atys par Hugo Reyne, en 2009 prĂ©cisĂ©ment, dans le rĂ´le de Sangaride). La maĂ®trise du français est impeccable ; l’intonation racĂ©e, subtile, surtout simple et naturelle. Une leçon de chant qui nous rĂ©conforte tant le problème de l’intelligibilitĂ© est gĂ©nĂ©ral s’agissant des spectacles baroques en France.

montespan-isis-lully-quinault-opera-baroque-critique-hubeaux-tauran-chant-opera-critique-classiquenewsFace Ă  elle, la Io / Isis d’Eve-Maud Hubeaux soupire, rugit (mais de façon adĂ©quate et toujours mesurĂ©e), se lamente, victime douloureuse mais dĂ©munie : sa palette est riche autant que son articulation, elle aussi parfaite. PortĂ©e par ses deux portraits de femmes, – focus lĂ©gitime car de leur affrontements incessants, se produit le drame, les tortures, enfin la rĂ©conciliation (grâce Ă  la mĂ©tamorphose finale). Mais dans la rĂ©alitĂ©, La Montespan (qui dut supporter la nouvelle conquĂŞte du Roi : Melle de Ludre) se reconnaissant avec raison dans le personnage de Junon… obtint la disgrâce de Quinault.
Les deux chanteuses ont cette élégance et cette noblesse qui rendent passionnantes leur confrontation progressive. Intelligibles et expressives mais avec mesure, les deux divas tirent leur épingle du jeu. Le chant et la déclamation lullyste en sortent régénérés, somptueusement captivante. C’est l’excellente surprise de cette lecture.

Parmi les hommes, deux solistes se détachent nettement : Cyril Auvity convainc parfaitement par l’intensité, la précision et la justesse du chant comme du jeu: entre autres personnages parfaitement tenus, sa Furie mordante et inflexible, haineuse et sadique à souhait, face à la Io frigorifiée (début du IV) ; même implication saisissante pour Neptune et Argus du fabuleux Philippe Estèphe, tempérament rare alliant puissance, musicalité, intelligibilité, sans jamais appuyer ni forcer. Nous tenons là un quatuor vocal somptueux, lullyste par l’esprit et le style. De quoi susciter l’enthousiasme d’où le CLIC malgré nos réserves (comme on a dit).

A oublier à l’inverse : le chant continûment outré et surexpressif et finalement systématique d’Ambroisine Bré (Syrinx) ; les voix engorgées, ternes, lisses (usées ?) de Edwin Crossler Mercier (Pan) et Aimery Lefèvre (Hiérax).

En dépit de qualité éloquentes indiscutables, le chœur (de chambre de Namur) rate ses airs à la chasse, dans une mise en place hasardeuse et précipitée, sans souffle (épisode de Syrinx, la nymphe qui refuse l’amour et écarte un Pan trop pressant). Selon le plan de Mercure, il est question en réalité d’endormir Argus afin de libérer Io, sa prisonnière… On finit par s’endormir nous aussi.

Heureusement l’acte IV, le plus poétique et le plus dramatique, celui des contrastes climatiques et autres supplices infligés par Junon à Io, dont le chœur des frimas, aux syllabismes glaçés, répétés est plus précis et dramatiquement plus prenant. L’acte dans son entier annonce les effets, machineries à l’appui, du Rameau à venir (Parques pour Hippolyte et Aricie ; tortures et écarts climatiques des Borréades). Même bel engagement des forces calorifiques des forges dans le tableau qui suit… Mais là encore on s’interroge sur la petitesse de la sonorité, l’étroitesse du spectre des timbres orchestraux, d’autant que la prise de son reste centrale, globale, distanciée, confinant à une image lisse, comme amidonée, et …dévitalisée.

Là est bien le problème : l’orchestre très bien huilé, semblable à une machine à coudre, à la rythmique mécanique, tricote un son aigre, petit, lisse. Tout est joué de la même façon, uniformément, malgré la disparité des ambiances par acte. Les tutti sonnent secs et courts. Voici un Lully sans tendresse ni ampleur.

Quelle différence avec les témoignages d’époque qui répétons-le attestent d’un effectif de 100 instrumentistes dont la chair et la respiration devaient être autres. Le geste est de plus en plus rapide et sec à mesure que le drame se précipite, à partir du IV justement quand Io subit les supplices imposés par une Junon particulièrement sadique. Au point de forcer Io au suicide pour échapper à tant de souffrance. Les instrumentistes savent cependant atteindre une certaine profondeur à l’énoncé des Parques (fin du IV) : si Io veut cesser de souffrir, « elle doit apaiser Junon ». C’est à dire la rendre moins jalouse. La tendresse du geste (et la compassion pour l’héroïne) paraît enfin. C’est un peu tard. On le voit le chef Rousset joue surtout sur les contrastes, la tension, le nerf, au risque de paraître sec.

CLIC D'OR macaron 200Soulignons la réussite du livret de Quinault et la dramatisation musicale par Lully, ce qui fait de « Isis » un opéra majeur aux côtés de Atys, en particulier pour la fin de la partition (acte V) : devant une Io épuisée, qui appelle la mort, face à Junon inflexible, Jupiter rend son amour à… son épouse. L’enchaînement des actes IV et V relève du pur génie lullyste : exacerbation des passions puis grand pardon et aspiration à l’apaisement final grâce à la sublimation / métamorphose salvatrice de la nymphe Io, éreintée, exsangue, … miraculeusement recomposée en déesse égyptienne, soit Isis. Ce qui donne le titre de l’opéra, sans pour autant rendre compte véritablement de la nature même de son action depuis son début. L’épisode égyptien étant dévolu aux deux derniers airs orchestraux du V. La logique aurait plutôt préféré le titre Io, plus proche du drame réel, à travers les actes I, II, III et IV. Pour conclure, orchestre mécanisé et serré voire tendu ; mais plateau irrésistible, grâce au quatuor vocal que nous avons distingué.

 

 

 

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CD, critique. LULLY : ISIS / Io (1677). Talens Lyriques, Ch Rousset (2 cd APARTE – juil 2019) – Lire aussi notre prĂ©sentation d’ISIS de Lully par Ch Rousset, Les talens lyriques, ici :
http://www.classiquenews.com/lully-isis-1677-les-talens-lyriques-ch-rousset-2-cd-aparte/

 
 

APPROFONDIR
LULLY, articles, dossiers, critiques sur CLASSIQUENEWS

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Isis, Ă  Beaune, juillet 2019 – critique de l’opĂ©ra en version de concert
http://www.classiquenews.com/compte-rendu-critique-opera-beaune-lully-isis-12-juillet-2019-les-talens-lyriques-choeur-de-chambre-de-namur-c-rousset/

Bellérophon, 1679 / Les talens lyriques, 2011
http://www.classiquenews.com/lully-bellrophon-1679-les-talens-lyriqueschristophe-rousset-2-cd-apart/

Alceste, 1674 / Les talens lyriques 2017
http://www.classiquenews.com/cd-compte-rendu-critique-lully-alceste-les-talens-lyriques-2-cd-aparte/

Armide, / Les talens lyriques 2015
http://www.classiquenews.com/cd-compte-rendu-critique-lully-armide-les-talens-lyriques-2015-2-cd-aparte/

Amadis, 1684 / Les talens lyriques
http://www.classiquenews.com/lully-amadis-1684-rousset-2013-3-cd-aparte/

Les premiers opéras français par Hugo Reyne
http://www.classiquenews.com/lully-les-premiers-opras-franais-hugo-reyne10-cd-accord/

REPORTAGE VIDEO ATYS par Hugo Reyne 2009
http://www.classiquenews.com/lully-quinault-atys-1676-hugo-reynela-chabotterie-vende-aot-2009-reportage-vido-22/

Dossier Atys de Lully :
http://www.classiquenews.com/lully-atys-1676-le-livret-de-philippe-quinaultaspects-dune-partition-gniale/

Atys de Lully Chaboterie 2009 / Hugo Reyne
http://www.classiquenews.com/lully-atys-1676-hugo-reynefestival-musiques-la-chabotterie-11-et-12-aot-2009/

ATYS de Lully par William Christie
recréation reprise 2011 : reconstitution ou recréation ?
http://www.classiquenews.com/atys-2011-dossier-spcialreconstitution-ou-approfondissement/

ATYS de Lully par William Christie, reprise 2011 (DVD)
http://www.classiquenews.com/lully-atys-villgier-christie-20112-dvd-fra-musica/

ARMIDE de Lully par William Christie, 2008
http://www.classiquenews.com/lully-armide-christie-2008/

CD baroque Ă©vĂ©nement, annonce. LULLY : ISIS, 1677 – les talens lyriques, Ch Rousset (2 cd ApartĂ©)

LULLY isis ROUSSET critique cd opera classiquenewsCD baroque Ă©vĂ©nement, annonce. ISIS, 1677 / les talons lyriques / Ch Rousset (2 cd ApartĂ©). 5è tragĂ©die en musique conçue par Lully et Quinault, ISIS tĂ©moigne Ă©videmment des faits marquants du royaume de Louis XIV : le prologue et son contenu encomiastique fait rĂ©fĂ©rence Ă  la guerre de Hollande, aux victoires de la marine royale (Neptune paraĂ®t) ; c’est somme toute un prĂ©alable « ordinaire » et habituel pour une tragĂ©die en musique, comme bientĂ´t Ă  Versailles, la vaste Galerie des glaces a son plafond peint de toutes les batailles du roi guerrier. Sur le plan esthĂ©tique et lyrique, Isis qui n’a rien d’égyptien (sauf Ă  l’Ă©noncĂ© final de l’avatar de Io en … Isis, nouvelle dĂ©esse honorĂ©e sur les rives du Nil) , marque un tournant tout en prolongeant les opus prĂ©cĂ©dents (Cadmus et Hermione, 1673, ; Alceste, 1674 ; ThĂ©sĂ©e, 1675 et Atys, 1676). Créé devant le Roi Ă  St-Germain en Laye, le 5 janvier 1677, Isis est l’une des premières tragĂ©dies lyriques nĂ©cessitant les machineries (comme plus tard et dans des proportions plus amples et spectaculaires : PersĂ©e)… L’acte IV regroupe les Ă©pisodes les plus spectaculaires : ceux des supplices inventĂ©s par la jalouse et sadique Junon contre Io : frimas glaçants, forges brĂ»lantes, puis arrĂŞt des Parques, elles aussi inflexibles quant Ă  la souffrance de la pauvre et si dĂ©munie nymphe aimĂ©e de Jupiter… La salle d’opĂ©ra de St-Germain, dessinĂ©e par Carlo Vigarini (qui en l’occurrence dessine machineries et dĂ©cors), permet les changements Ă  vue, les vols divins et son parterre peut contenir jusqu’à 650 spectateurs.

 

 

 

ISIS, 1677 :
JUNON ATHENAIS FURIEUSE
PROVOQUE L’EXIL DE QUINAULT

 

 

Le site est alors puisque Versailles n’existe pas encore, le lieu des représentation royales par excellence. Thésée et Atys y ont déjà été créés. Ayant abandonné la pratique de la danse, le Roi à 37 ans, se passionne surtout dès 1675 pour l’opéra. Chaque ouvrage est présenté devant le souverain très interventioniste (participant au choix des sujets voire aux situations dramatiques), pendant le Carnaval puis repris à Paris. Après Isis, paraîtront encore Proserpine (1680), Le Triomphe de l’Amour (1681), Phaéton (1683) et Roland (1684).
Lully rĂ©serve le rĂ´le titre Ă  Marie Aubry, dĂ©jĂ  cĂ©lèbre car elle fut Sangaride dans Atys l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente. A Mlle de Saint-Christophle, ailleurs dĂ©esse ou sorcière colĂ©rique – elle fut Cybèle dans Atys, revient le personnage rival d’Isis, la fière et haineuse voire barbare Junon.
Comme tous les opéras présentés devant Louis XIV, chaque discipline n’a qu’un but : incarner le prestige et la grandeur de la Cour de France, celle du Roi-Soleil ; l’orchestre d’Isis est important, rien à voir avec les petits ensembles baroqueux dont le public contemporain est familier. Il regroupe jusqu’à 100 instrumentistes, dont les trompettes de la Grande Écurie (qui accompagnent la Renommée et sa suite dans le prologue) et les membres du clan Hotteterre (Louis, Jean, Nicolas, Jeannot) célèbres flûtistes particulièrement exposés dans le divertissement de l’acte III qui évoque la nymphe Syrinx. A la puissance déclamatoire de l’orchestre répond le luxe et le raffinement des costumes dessinés par Jean Bérain.

En répétitions, à Saint-Germain dès le moins de novembre 1676, soit 2 mois avant la création, Isis est au cours de sa genèse et des séances préparatoires, promis à un grand succès : en décembre, Quinault lit en avant-première son texte d’après Ovide (livre I) ; le poète baroque français écarte l’épisode où Jupiter amoureux change Io en génisse ; il préfère plutôt traiter l’épisode où le dieu de l’Olympe cache sa maitresse Io, dans une nuée, afin de la protéger des foudres de son épouse, l’irascible et jalouse Junon. Les auditeurs sont enthousiastes. Rien ne laissait présager l’accueil final de l’opéra déclamé, en définitive plutôt réticent, ni l’exil dont allait être victime Quinault. La Montespan se reconnaissant dans le figure de Junon, et ici Io / Isis incarnant la dernière proie du roi égrillard, Isabelle de Ludres, dans les faits historiques, vraie rivale de la maîtresse en titre, obtint du Roi la disgrâce du poète. On ne se moque pas de la Favorite officiel du Soleil : Athénaïs règne sur le cœur de Louis. Isis fut un opéra rapidement remisé dans les placards du scandale et de la honte.

 

 

 

 

  

 

 

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CD Ă©vĂ©nement, annonce. Lully: Isis, LWV 54 – Hubeaux, Tauran… Les Talens lyriques / C Rousset (2 CD ApartĂ©) – prochaine critique complète d’ISIS de Lully par les talens lyriques dans le mag cd dvd livres de classiquenews.com

 

 

 

 

 

 

COMPTE-RENDU, critique, opĂ©ra. AVIGNON, OpĂ©ra, le 6 octobre 2019. LULLY – MOLIERE : Monsieur de Pourceaugnac. La RĂŞveuse.

COMPTE-RENDU, critique, opĂ©ra. AVIGNON, OpĂ©ra, le 6 octobre 2019. LULLY – MOLIERE : Monsieur de Pourceaugnac. La RĂŞveuse.
Force de frappe de la farce à l’évidence, qui, sous les situations topiques, sous les masques, le déguisement, révèle, laisse finalement percer à nu l’épure dramatique : la violence parentale qui force les enfants à des mariages tyranniques ; mais aussi, réplique des enfants révoltés, reprise de la Commedia dell’Arte, la gérontophobie [1] générale, la haine des vieillards détenteurs du pouvoir, le triomphe cruel des jeunes sur le barbon, bafoué, ridiculisé, où l’impitoyable futur opéra-bouffe trouvera sa plus cynique inspiration qui choquait Rousseau. Et quand ce barbon est par ailleurs un Limousin, perdu dans la capitale, dont le crime capital est d’être un provincial, il faut ajouter la méprisante cruauté du suprématisme parisien puisqu’il est décrété depuis Villon qu’« Il n’est bon bec que de Paris », future anticipation du jacobinisme centralisateur, étouffoir de la diversité de provinces. Sans oublier que le malheureux a l’ambition outrecuidante de faire un mariage bourgeois, sinon gentilhomme, c’est-à-dire, sortir de son rang pour gravir un échelon social. Et additionnons encore, entre rires et larmes, amer sarcasme, la plaidoirie burlesque des deux médecins, ou plutôt le funèbre réquisitoire personnel du dramaturge malade, la violence d’une science médicale sans conscience, ivre de son inutile savoir verbal, dont à deux années et trois mois de son Malade imaginaire et de sa mort (février 1673), Molière dramatise avec un humour ravageur, les ravages qu’il subit sûrement dans son corps et son esprit.

 

 

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Donc, sous le masque de la farce, la frappante force, noire de la réalité. Alors, quand Boileau, après avoir assisté aux Fourberies de Scapin de 1671, pince ces deux alexandrins méprisants :
« Dans le sac ridicule où Scapin s’enveloppe,
Je ne reconnais pas l’auteur du Misanthrope »,
on les additionnera non au crédit mais au débit de son peu poétique Art poétique pincé, étroitement pensé. Car Molière, génie intemporel qui nous parle encore aujourd’hui, était un généreux auteur tous publics, tous traitements théâtraux, du théâtre de mœurs bourgeois au populaire théâtre de tréteaux, à l’attrayante scène agrémentée de musique.

Comédie-Ballet
Pendant longtemps, on a oublié que le théâtre du dit Grand Siècle était presque toujours assorti de musique, soit dans les entractes, soit, comme ici dans le corps même de la pièce par des intermèdes, appelés des « entrées ». Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, eut pour collaborateurs de grands musiciens, le tumultueux Dassoucy qu’il délaissa, au grand chagrin de ce dernier, pour Charpentier. Mais on connaît surtout son association musicale première avec un autre Jean-Baptiste, le Florentin Lully : ensemble, ils créèrent la comédie-ballet, une action théâtrale assortie de chants et de danses intégrées, dont le premier succès fut les Fâcheux en 1661, suivi de sept autres pièces, dont Le Bourgeois gentilhomme, en 1670, fut l’aboutissement, et la fin.
En effet, en mars 1672, l’intrigant et envahissant Lully obtient du roi le droit d’exclusivité des spectacles chantés et celui, exorbitant aussi, d’interdire aux troupes théâtrales de faire chanter une pièce entière sans sa permission. Molière protesta hautement, son répertoire étant constitué en grande partie de comédies-ballets, sept autres étant à son actif. Sensible à son indignation, le roi lui concéda l’emploi d’un effectif de six chanteurs et douze instrumentistes pour son théâtre. Le chorégraphe et musicien Pierre Beauchamp continua à en régler les danses.
Comme la musique bien réglée, l’harmonie règne donc alors entre Lully et Molière qui écrivit sur place, au château de Chambord, ce Monsieur de Pourceaugnac qui fut donné devant Louis XIV et sa cour en 1669. Les deux artistes se partageant même les planches pour certaines scènes, Molière jouant le héros limousin et Lully, artiste tous terrains, l’un des médecins.

 

 

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La pièce
L’intrigue est mince, même si le sujet a toujours un fond cruel : le despotisme du père qui impose à ses enfants, contre toute justice, pour des raisons d’intérêt, des choix matrimoniaux contre leur cœur.

Éraste
Éraste (dont je m’étonne du nom qui, en Grèce, désignait l’adulte protecteur très intime d’un éromène, adolescent, dans une relation pédérastique, d’où péd/éraste)et Julie sont amoureux, mais le père de la jeune fille, Oronte, a décidé d’un mariage plus avantageux avec le héros titulaire, limousin, barbon, provincial ridicule déjà par son nom, Monsieur de Pourceaugnac, qui a l’ambition de frayer avec la bourgeoisie parisienne, pas encore gentilhomme. Les deux amants, vont tout mettre en œuvre pour faire capoter ce mariage, grâce à l’entregent entremetteur de Nérine et les machinations du Napolitain Sbrigani, étrange personnage comique de valet débrouillard à la Figaro qui, tel un héritage de Machiavel passé à la Commedia dell’Arte semble traverser le théâtre comique pour fixer l’Italien comme un intrigant professionnel jusqu’au couple du Chevalier à la Rose de Strauss. Ils rendront presque fou le barbon limousin poursuivi par des médecins acharnés à sauver cet homme éclatant de bonne santé, lui démontrant qu’il est à l’article de la mort, voulant l’opérer, l’amputer, le saigner, lui donner un clystère, cette énorme pompe à lavement pour purger, ce qu’on croyait remède à tous les maux. On anticipe Monsieur Purgon, nom significatif que donne Molière à l’un des terribles médecins de son Malade Imaginaire.
Dans Monsieur de Pourceaugnac devant le roi, Lully jouait le médecin armé du redoutable engin à purger, le clystère, et Molière, interprétait le malheureux Pourceaugnac poursuivi, qui fuyait, protégeant son derrière en péril avec son chapeau. Il en verra de toutes les couleurs, le Limousin ou Limougeaud limogé, accusé de dettes, accusé de polygamie par deux femmes avec une nombreuse marmaille.

La musique
Monsieur de Pourceaugnac opère une véritable fusion des genres entre musique et action : on passe très naturellement dans certaines scènes du texte à la musique et de la musique au texte, du langage parlé au chant. Molière et Lully parviennent à tirer des effets hilarants en utilisant notamment la musique et la danse des scènes burlesques et ils atteignent, dans cette pièce, un niveau efficace de comique musical, de comédie musicale. Il y a de véritables morceaux de bravoure verbale comique, les deux tirades intarissables des deux médecins et le dialogue hilarant entre deux professionnels de la parole, l’avocat bègue et l’avocat babillard. Il y a de l’italien, du gascon, du picard, du flamand, bref, un pittoresque linguistique d’une France qui n’avait pas encore été formatée par le francien, le françois, imposé par le jacobinisme normalisateur.
On peut imaginer que, choyé par le roi, Lully bénéficia d’un effectif plus étoffé de musiciens, mais quelle belle étoffe raffinée que cet ensemble chambriste de La Rêveuse ! Suave soie des deux cordes frottées aiguës sur le léger velours doré de la viole de gambe, filigranés de l’argent perlé des cordes pincées du théorbe et du clavecin assurant le continuo, avec les broderies des ornements, le léger brocart des trilles : c’est une gracieuse épure, à l’échelle de la pièce, des fastes pompeux des Trente violons du roi. Cela répondant au fond à la modeste phalange habituelle de théâtre de Molière accordée par le roi à sa troupe.
Trois chanteurs stylés en chant à la française imposé définitivement par l’Italien Lully, le phrasé élégant, les virtuoses tours de gosier, humanisent par leurs brunettes amoureuses au lyrisme galant la cruauté sans amour de l’action : une belle soprano au beau timbre fruité et un heureux couple sombre et clair, baryton et ténor, costume noir et chapeau melon, associé au jeu comme spectateurs, double des amants vainqueurs, mais triomphant modestement apparemment du mariage pour tous d’aujourd’hui. Un cornet de cirque trompettera le nom comique du héros, plaisamment, La Vie en rose sera chantonnée comme d’un balcon à l’adresse des musiciens, musique un moment ponctuée de la guitare pour un amusant passage flamenco amené par la cape torera, chapeau cordouan du musicien, dans une jolie allusion à ce genre de spectacle jouant souvent sur les écoles nationales de chant, dans ce qui deviendra tradition d’Europe galante et chantante, quand on sait l’internationalisme des familles régnantes : Louis XIV, fils et époux d’une espagnole, éduqué par l’Italien Mazarin, petit-fils d’un Henri IV descendant d’un ancien roi maure de Tolède…Frontières aussi artificielles entre les monarques qu’entre les nations et les genres artistiques : tout ici dit, à son échelle, accents nationaux et régionaux divers, la nécessaire fusion et dénonce, paradoxalement, a contrario, l’exclusion qui frappe le provincial.

 

 

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Réalisation
À jardin, les instruments de musique accrochent, accroupis sagement dans la pénombre, de furtifs éclats miélés de lumière avant d’éclater la fanfare lumineuse d’une brève-longue ouverture à la française, iambique, dont la brièveté ironique dément la majesté apprêtée pour ces tréteaux. Centrale, une estrade prolongée de la pente de deux chemins de corde parallèles, fermée d’un rideau orange soutenu par deux mâts et des haubans qui lui donnent l’allure d’un bateau à voile, vogue la galère (« mais qu’allait-il y faire, dans cette galère ? »), vague vélum de guingois de guignol d’où surgiront, rêve et cauchemar, une ronde effrénée, personnes vraies, personnages masqués à la Commedia dell’Arte, travestis, puis des marionnettes gainées déchaînées et celle géante, finale, derrière et par-dessus, dans une profusion, une prestesse des changements des acteurs en coulisses qui tient de la prestidigitation, sans rupture de rythme, souvent au galop de mascarade bacchanale, de cavalcade carnavalesque. C’est étourdissant de virtuosité dans cette simplicité faussement affectée avec élégance.

Pourceaugnac
Monsieur de Pourceaugnac, au nom dĂ©clinĂ© et quantifiĂ© de porc, pourceau, avec une dĂ©sinence « gnac », du gascon gnaca, â€mordre’ (et pourquoi pas, accordons-lui, la « gnaque » moderne, â€l’envie de gagner’, « avoir la gnaque », la pĂŞche) est en fait la pauvre poire vouĂ©e Ă  perdre, le loser,prĂ©destinĂ©, au ridicule par son nom. Pourtant, au sens mĂŞme de l’époque, il a bonne mine, une mise tout Ă  fait « propre » Ă  l’air du temps sinon celui de la mode parisienne, manteau Ă  rayures orange et vert « jusques en bas » sur pourpoint rayĂ© et chausses outrĂ©es, chaussures au galant ruban, tĂŞte posĂ©e sur une fraise orangĂ©e, gĂ©nĂ©reusement emperruquĂ©e « à la chien », crĂŞtĂ©e non d’un plumet mais d’une fringante plumette Ă  son non chapeau panache mais petit couvre-chef n’en couvrant qu’une portion. Sans ĂŞtre maniĂ©rĂ©, il a des manières et les affiche ostensiblement en signe d’élĂ©gance courtoise : « Un deux, trois, quatre, cinq », les temps bien comptĂ©s Ă  haute voix d’une rĂ©vĂ©rence de cour bien apprise.
Les autres intervenants mêlent un semblant de réalisme d’époque, un Capitan bravache jouant de l’épée, un hallebardier, deux exempts de la maréchaussée, des costumes stylisés, fraises et rabats hyperboliques, mêlés de chapeau melon de cirque, haut de forme, demi-masque laissant la bouche à découvert, masque entier, masque sur masque, comme des pelures d’oignons d’un déguisement à l’infini des fausses apparences, trappe et attrapes ne peuvant manquer dans cette farce délirante. C’est d’une fantaisie pleine de charme et d’harmonie dans ces tons orangés qui baignent l’ensemble.
Les mĂ©decins, coiffĂ©s Ă  la fou de l’entonnoir Ă  l’envers, ont la part belle avec leur ample vĂŞtement de deuil anticipĂ© des patients, le masque Ă  la fois de la Commedia avec le nez crochu stylisĂ© du mythe prophylactique des herbes salutifères garnissant l’appendice nasal artificiel pour s’épargner les miasmes de la contagion, et ces lunettes savantes sur le trou, dĂ©jĂ  cadavĂ©rique des yeux leur donnant un effroyable aspect.
On admire le travail sur les voix, les accents cocasses, sur les corps courant, boitant, boitillant de vieillard chenu ou sautillant et dansant de santé mauvaise dans la ronde des médecins fous autour du pauvre Pourceaugnac. On admire les deux acteurs masqués, grand moment de pur et grandiose théâtre, débitant sans anicroche leurs deux interminables tirades, terriblement documentées de toute la science de leur temps appuyée sur les autorités, Esculape et Galien, le premier exposant son diagnostic :
« notre malade ici présent, est malheureusement attaqué, affecté, possédé, travaillé de cette sorte de folie que nous nommons fort bien, mélancolie hypocondriaque, espèce de folie très fâcheuse »
Le second approuve le diagnostic, ou plutôt verdict :
« le raisonnement que vous en avez fait est si docte et si beau, qu’il est impossible qu’il ne soit pas fou, et mélancolique hypocondriaque ; et quand il ne le serait pas, il faudrait qu’il le devînt, pour la beauté des choses que vous avez dites, et la justesse du raisonnement que vous avez fait. »
Le raisonnement bannissant la raison, les deux médecins veulent convaincre le patient héros, sinon réel patient, d’une maladie inexistante à laquelle il est sommé d’adhérer pour ne faire pas mentir la beauté du diagnostic savant. C’est la préfiguration inverse d’Argan, le Malade imaginaire, le futur hypocondriaque. C’est un sommet de dérision d’un Molière malade, qui avait sans doute entendu de telles choses. Et sans doute l’a-t-on entendu et attendu à son propre jeu puisque, l’année suivante, une pièce anonyme avec son nom en anagramme le satirise en malade imaginaire, hypocondriaque :Élomire hypocondre.
Malheureusement, sa maladie n’était pas imaginaire et on l’imagine jouant son Malade et disant sa fameuse réplique :
« N’y a-t-il point quelque danger Ă  contrefaire le mort ? »
On ne peut s’empêcher de replacer dans ce contexte humain vécu cette pièce dont il joua aussi le héros : la déshumanisation farcesque des persécuteurs de Pourceaugnac n’en rendent que plus humaine sa figure, même caricaturale, de victime désignée.
La troupe de L’Éventail, l’ensemble la RĂŞveuse, s’en donnent Ă  cĹ“ur joie : pour la nĂ´tre. Un cruel rĂ©gal royal.

 

 

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COMPTE-RENDU, critique, opĂ©ra. AVIGNON, OpĂ©ra, le 6 octobre 2019. LULLY – MOLIERE : Monsieur de Pourceaugnac. La RĂŞveuse.

 

 

Monsieur de Pourceaugnac
Comédie-Ballet de Molière et Lully
Opéra Grand Avignon
6 octobre 2019

Mise en scène et scénographie : Raphaël de Angelis
Direction musicale : Benjamin Perrot et Florence Bolton
Assistant à la mise en scène : Christian Dupont
Chorégraphe : Namkyung Kim
Scénographie : Brice Cousin.
Mise en lumière et régie : Jean Broda, Etienne Morel
Costumes : Lucile Charvet, Jessica Geraci, L’Atelier 360
Décor : Luc Rousseau
Masques : Alaric Chagnard, Den, Candice Moïse.
Marionnettes à gaine : Irene Vecchia et Selvaggia Filippini.
Marionnette géante : Yves Coumans et la compagnie Les Passeurs de Rêves.

Théâtre de L’Éventail
Comédiens
Kim BiscaĂŻno, Brice Cousin, Paula Dartigues,
Raphaël de Angelis, Cécile Messineo et Nicolas Orlando

Ensemble La RĂŞveuse
Sophie Landy : soprano
Raphaël Brémard : ténor
Lucas Bacro : basse
Stéphan Dudermel et Ajay Ranganathan : violons ; Florence Bolton : viole de gambe ;
Benjamin Perrot : théorbe
Jean-Miguel Aristizabal : clavecin.

 

 

 

 

Photos fournies par l’Opéra Grand Avignon
1 Ensemble la RĂŞveuse ;
2 Sbrigani ;
3 Le Capitan et un  masque ;
4 Pourceaugnac et médecins ;
5 Infirmiers ;
6 Les mères abandonnées sur Pourceaugnac.

 

 

[1] Je renvoie à mon livre D’Un Temps d’incertitude, Deuxième Partie, « Incertitude du temps », éd. Sulliver, 2008.

 

 

 

 

TOURCOING. Les Amants Magnifiques de Lully et Molière

atelier lyrique tourcoing logo_siteTOURCOING. LULLY : Les Amants magnifiques. 15, 16 NOV 2019. Les Amants magnifiques de Lully daté de février 1670 incarnent un premier idéal lyrique et théâtral qui mêle comédie parlée et entrées de ballet. L’opéra français à proprement parler naîtra 3 années plus tard : mais en 1670, si les deux genres, musical et théâtral n’ont pas encore fusionné, l’accord entre les deux, complémentaire et alterné, favorise la forme d’un spectacle nouveau, inédit à la Cour de France qui en associant les discipline du spectacle s’avère marquant. Lully allait seul, sans Molière, inventer l’opéra entièrement chanté et une seule action continue, Cadmius et Hermione en 1673.

 

 

Le divertissement de Cour avant l’opĂ©ra

 

 

louis-XIV-portrait-roi-soleil-king-sun-classiquenews-582-390-portrait_de_louis_xiv_en_buste28534_0Commandé par le roi à Molière et Lully pour le carnaval de 1670, l’ouvrage réalise alors la synthèse du divertissement de cour : Molière y traite de la poésie galante, quasi marivaldienne, qui analyse avec une rare acidité voire une ironie douce amère, le sentiment amoureux à la cour. ici, deux princes se disputent une jeune princesse, amoureuse quant à elle d’un homme sans titre qui saura gagner le coeur de la belle par son courage et sa vertu… Vertiges, illusions trompeuses, trahisons et manipulations redessinent la carte du tendre, semée d’épines mortelles… autant de péripéties sublimés et commentés par les fameux divertissements dansés.
Créée la même année que le Bourgeois gentilhomme, la comédie-ballet Les Amants magnifiques découle de la collaboration entre Molière et Lully. Représentée devant la cour à l’occasion du carnaval de 1670 au cours d’une grande fête intitulée le « Divertissement royal », l’oeuvre voit paraître pour la dernière fois Louis XIV sur scène comme danseur

Toujours mordant sous le masque comique, Molière y attaque l’astrologie. Lully, de son côté, déploie le « théâtre dans le théâtre » et compose une petite pastorale chantée et dansée, préfigurant l’opéra à venir. Les Amants magnifiques sont remontés avec tous leurs intermèdes chantés et dansés.

 

 

 

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TOURCOING, Théâtre Municipal Raymond Devos

Vendredi 15 novembre 2019 / 20hboutonreservation
Samedi 16 novembre 2019 / 20h

RESERVEZ VOTRE PLACE
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Jean-Baptiste Lully (1632-1687)
Les Amants magnifiques
Comédie-ballet en 5 actes
Texte de Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière (1622-1673)
Comédie mêlée de musique et d’entrées de ballet,
représentée devant le roi à Saint-Germain-en-Laye
en février 1670

 

 

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Mise en scène et direction artistique : Vincent Tavernier, Les Malins Plaisirs

Chef associé : Nicolas André
Assistante à la mise en scène : Marie-Louise Duthoit
Chorégraphie : Marie-Geneviève Massé
Assistant à la chorégraphie : Olivier Collin

Sostrate, général en chef des armées d’Aristione: Laurent Prévôt
Clitidas, plaisant de cour de la suite d’Eriphile: Pierre-Guy Cluzeau
Le prince Iphicrate, prétendant à la main d’Eriphile: Maxime Costa
La princesse Aristione: Mélanie Le Moine
Le prince Timoclès, autre prétendant à la main d’Eriphile: Benoît Dallongeville
Anaxarque, astrologue d’Aristione: Quentin-Maya Boyé
Cléon, fils d’Anaxarque: Olivier Berhault
Cléonice, dame de compagnie d’Eriphile: Jeanne Bonenfant
La princesse Eriphile, fille d’Aristione: Marie Loisel
La nymphe du Tempée, la Prêtresse: Lucie Roche
Eole, le 2e satyre: Geoffroy Buffière / Nathanaël Tavernier
Ménandre, 3e Amour: Stephen Colardelle
Lycaste, le 2e Grec: Clément Debieuvre
Le Triton, le 1er satyre, le 3e Grec: Thibault de Damas
Tircis: Laurent Deleuil
Philinte, 4e Amour: David Witczak
Climène, 1er Amour et 1ère Grecque: Margo Arsane
Caliste: Marie Favier

La Compagnie de Danse l’éventail
Romain Arreghini, Bruno Benne, Anne-Sophie Berring, Bérengère Bodénan, Sylvain Bouvier, Olivier Collin, Robert Le Nuz, Artur Zakirov

Le Concert spirituel
Direction musicale : Hervé Niquet

 

 

 

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La danse au XVIIe
louis-XIV-danseur-ballet-royal-de-la-nuit-le-roi-soleil-aurore-et-naissance-du-mythe-royal-solaire-Paris-theatre-du-petit-bourbon-fevrier-1653-CLASSIQUENEWS-dossier-presentationLe XVIIe marque l’âge d’or de la danse. Pour les élites bien nées, bien éduquées, et ce depuis la Renaissance, danser est aussi nécessaire que savoir lire. La danse est une chose sérieuse. « Danser au bal de la cour demande beaucoup de travail avec un maître à danser. Danser c’est se livrer, s’exposer au jugement. Jusqu’alors, bal et ballet se mêlent, à part que dans le deuxième on joue un personnage. Lully professionnalise la danse. On passe de la grâce et l’élégance à la technique. Lully veut transmettre par les pas ce qui caractérise les personnages et leurs émotions. De sa collaboration avec Molière naît un genre nouveau : la comédie-ballet. Les ballets font intégralement partie de l’action. Le ballet de cour est dansé par des hommes. Il faudra attendre Le Triomphe de l’amour en 1682 pour voir des danseuses professionnelles » ainsi qu’il est précisé dans la présentation de la production des Amants Magnifiques sur le site de l’Atelier Lyrique de Tourcoing.

VOIR LE TEASER VIDEO :

 

Les Amants Magnifiques de Lully Ă  TOURCOING

atelier lyrique tourcoing logo_siteTOURCOING. LULLY : Les Amants magnifiques. 15, 16 NOV 2019. Les Amants magnifiques de Lully daté de février 1670 incarnent un premier idéal lyrique et théâtral qui mêle comédie parlée et entrées de ballet. L’opéra français à proprement parler naîtra 3 années plus tard : mais en 1670, si les deux genres, musical et théâtral n’ont pas encore fusionné, l’accord entre les deux, complémentaire et alterné, favorise la forme d’un spectacle nouveau, inédit à la Cour de France qui en associant les discipline du spectacle s’avère marquant. Lully allait seul, sans Molière, inventer l’opéra entièrement chanté et une seule action continue, Cadmius et Hermione en 1673.

 

 

Le divertissement de Cour avant l’opĂ©ra

 

 

louis-XIV-portrait-roi-soleil-king-sun-classiquenews-582-390-portrait_de_louis_xiv_en_buste28534_0Commandé par le roi à Molière et Lully pour le carnaval de 1670, l’ouvrage réalise alors la synthèse du divertissement de cour : Molière y traite de la poésie galante, quasi marivaldienne, qui analyse avec une rare acidité voire une ironie douce amère, le sentiment amoureux à la cour. ici, deux princes se disputent une jeune princesse, amoureuse quant à elle d’un homme sans titre qui saura gagner le coeur de la belle par son courage et sa vertu… Vertiges, illusions trompeuses, trahisons et manipulations redessinent la carte du tendre, semée d’épines mortelles… autant de péripéties sublimés et commentés par les fameux divertissements dansés.
Créée la même année que le Bourgeois gentilhomme, la comédie-ballet Les Amants magnifiques découle de la collaboration entre Molière et Lully. Représentée devant la cour à l’occasion du carnaval de 1670 au cours d’une grande fête intitulée le « Divertissement royal », l’oeuvre voit paraître pour la dernière fois Louis XIV sur scène comme danseur

Toujours mordant sous le masque comique, Molière y attaque l’astrologie. Lully, de son côté, déploie le « théâtre dans le théâtre » et compose une petite pastorale chantée et dansée, préfigurant l’opéra à venir. Les Amants magnifiques sont remontés avec tous leurs intermèdes chantés et dansés.

 

 

 

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TOURCOING, Théâtre Municipal Raymond Devos

Vendredi 15 novembre 2019 / 20hboutonreservation
Samedi 16 novembre 2019 / 20h

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https://web.digitick.com/les-amants-magnifiques-spectacle-opera-css5-atelierlyriquedetourcoingweb-pg51-ei691029.html

Jean-Baptiste Lully (1632-1687)
Les Amants magnifiques
Comédie-ballet en 5 actes
Texte de Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière (1622-1673)
Comédie mêlée de musique et d’entrées de ballet,
représentée devant le roi à Saint-Germain-en-Laye
en février 1670

 

 

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Mise en scène et direction artistique : Vincent Tavernier, Les Malins Plaisirs

Chef associé : Nicolas André
Assistante à la mise en scène : Marie-Louise Duthoit
Chorégraphie : Marie-Geneviève Massé
Assistant à la chorégraphie : Olivier Collin

Sostrate, général en chef des armées d’Aristione: Laurent Prévôt
Clitidas, plaisant de cour de la suite d’Eriphile: Pierre-Guy Cluzeau
Le prince Iphicrate, prétendant à la main d’Eriphile: Maxime Costa
La princesse Aristione: Mélanie Le Moine
Le prince Timoclès, autre prétendant à la main d’Eriphile: Benoît Dallongeville
Anaxarque, astrologue d’Aristione: Quentin-Maya Boyé
Cléon, fils d’Anaxarque: Olivier Berhault
Cléonice, dame de compagnie d’Eriphile: Jeanne Bonenfant
La princesse Eriphile, fille d’Aristione: Marie Loisel
La nymphe du Tempée, la Prêtresse: Lucie Roche
Eole, le 2e satyre: Geoffroy Buffière / Nathanaël Tavernier
Ménandre, 3e Amour: Stephen Colardelle
Lycaste, le 2e Grec: Clément Debieuvre
Le Triton, le 1er satyre, le 3e Grec: Thibault de Damas
Tircis: Laurent Deleuil
Philinte, 4e Amour: David Witczak
Climène, 1er Amour et 1ère Grecque: Margo Arsane
Caliste: Marie Favier

La Compagnie de Danse l’éventail
Romain Arreghini, Bruno Benne, Anne-Sophie Berring, Bérengère Bodénan, Sylvain Bouvier, Olivier Collin, Robert Le Nuz, Artur Zakirov

Le Concert spirituel
Direction musicale : Hervé Niquet

 

 

 

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La danse au XVIIe
louis-XIV-danseur-ballet-royal-de-la-nuit-le-roi-soleil-aurore-et-naissance-du-mythe-royal-solaire-Paris-theatre-du-petit-bourbon-fevrier-1653-CLASSIQUENEWS-dossier-presentationLe XVIIe marque l’âge d’or de la danse. Pour les élites bien nées, bien éduquées, et ce depuis la Renaissance, danser est aussi nécessaire que savoir lire. La danse est une chose sérieuse. « Danser au bal de la cour demande beaucoup de travail avec un maître à danser. Danser c’est se livrer, s’exposer au jugement. Jusqu’alors, bal et ballet se mêlent, à part que dans le deuxième on joue un personnage. Lully professionnalise la danse. On passe de la grâce et l’élégance à la technique. Lully veut transmettre par les pas ce qui caractérise les personnages et leurs émotions. De sa collaboration avec Molière naît un genre nouveau : la comédie-ballet. Les ballets font intégralement partie de l’action. Le ballet de cour est dansé par des hommes. Il faudra attendre Le Triomphe de l’amour en 1682 pour voir des danseuses professionnelles » ainsi qu’il est précisé dans la présentation de la production des Amants Magnifiques sur le site de l’Atelier Lyrique de Tourcoing.

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CD, critique. LULLY : Dies Irae, De Profundis, Te Deum (Millenium Orchestra, L G Alarcon, 1 cd Alpha fev 2018).

Lully_versailles_portraitCD, critique. LULLY : Dies Irae, De Profundis, Te Deum (Millenium Orchestra, L G Alarcon, 1 cd Alpha fev 2018).. Le grand motet versaillais gagne une splendeur renouvelée quand le Surintendant de la Musique, Lully (nommé à ce poste majeur dès 1661), s’en empare ; finit le canevas modeste d’une tradition léguée, fixée, entretenue dans le genre par les Sous-Maîtres de la Chapelle, Du Mont et Robert jusque là. En 11 Motets exceptionnels, publiés chez Ballard en 1684, Lully voit grand, à la mesure de la gloire de Louis XIV à laquelle il offre une musique particulièrement adaptée : les effectifs choraux sont sensiblement augmentés (2 chœurs), complétés par les fameux 24 violons du Roi. L’apparat, la majesté, le théâtre s’emparent de la Chapelle; mais ils s’associent à l’effusion la plus intérieure, réalisant entre ferveur et décorum un équilibre sublime. Equilibre que peu de chefs et d’interprètes ont su comprendre et exprimer. Quand le Roi installe la Cour à Versailles en 1682, l’étalon incarné par Lully représente la norme de l’ordinaire de la Messe : Louis ayant goûter les fastes ciselés par son compositeur favori, nés de l’association nouvelle des effectifs de la Chambre et de la Chapelle. Ainsi le Motet lullyste marque les grandes cérémonies dynastiques : Dies irae puis De Profundis sont « créés » pour les Funérailles fastueuses de la Reine Marie-Thérèse (juillet 1683), respectivement pour « la prose » et pour « l’aspersion du cercueil royal », en un véritable opéra de la mort.
Mais le succès le plus éclatant demeure le Te Deum, donné pour la première fois dans la chapelle ovale de Fontainebleau, pour le baptême du fils ainé de Lully (9 sept 1677), hymne glorifiant ses parrain et marraine, Louis XIV et son épouse, à force de timbales et de trompettes rutilantes, roboratives. 10 ans plus tard, le 8 janvier 1687, Lully dirige son œuvre victorieuse aux Feuillants à Paris, emblème de la gloire versaillaise mais se blesse au pied avec sa canne avec laquelle il bat la mesure ; le 22 mars suivant, le Surintendant auquel tout souriait, meurt de la gangrène.

Lully dies irae de profundis te deum motets de lully cd critique review cd ALPHA-444-DIGIPACK-gabaritA_309-42625x271mm-190419-17h30-300x278Sans disposer du timbre spĂ©cifique qu’apporte l’orchestre des 24 Violons, le chef rĂ©unit ici des effectifs nourris dans un lieu que Lully aurait assurĂ©ment apprĂ©ciĂ©, sâ€il l’avait connu : la Chapelle royale actuelle, Ă©difiĂ©e après sa mort. La lecture live (fĂ©vrier 2018 in loco) offre certes des qualitĂ©s mais la conception d’ensemble sacrifie l’articulation et les nuances au profit du grand théâtre sacrĂ©, quitte Ă  perdre l’intĂ©rioritĂ© et la rĂ©elle profondeur. NĂ©anmoins, ce tĂ©moignage repointe le curseur sur une musique trop rare, d’un raffinement linguistique, dramatique, choral comme orchestral … pour le moins inouĂŻ. Saluons le Château de Versailles qui s’emploie depuis quelques annĂ©es Ă  constituer de passionnantes archives de son patrimoine musical.

Que pensez du geste d’Alarcon dans ce premier enregistrement de musique française, de surcroît dédié à Lully ? Suivons le séquençage du programme…
DIES IRAE : d’emblée émerge du collectif affligé, le timbre noble et tendre de la basse Alain Buet d’une élégance toute « versaillaise » (sidération du MORS STUPEBIT), d’une intention idéale ici : on s’étonne de ne l’écouter davantage dans d’autres productions baroques à Versailles. Idem pour la taille de Mathias Vidal (Quid sum miser…), précis, tranchant, implorant et d’un dramatisme mesuré comme son partenaire Alain Buet (Rex Tremendae). Les deux solsites sont les piliers de cette lecture en demi teintes. La nostalgie est le propre de la musique de Lully, d’une pudeur qui contredirait les ors louis le quatorziens ; mais parfois, la majesté n’écarte pas l’intimisme d’une ferveur sincère et profonde.
LG Alarcon opte pour un geste très affirmĂ©, parfois dur, martial… Ă  la Chapelle. Pourquoi pas. Un surcroĂ®t de sensualitĂ© mĂ©lancolique eusse Ă©tĂ© apprĂ©ciĂ©. Car c’est toute la contradiction du Grand Siècle Ă  Versailles : le dĂ©corum se double d’une profondeur que peu d’interprètes ont Ă©tĂ© capables d’exprimer et de dĂ©celer (comme nous l’avons prĂ©cisĂ© prĂ©cĂ©demment) : Christie Ă©videmment ouvrait une voie Ă  suivre (mais avec des effectifs autrement mieux impliquĂ©s). Tout se prĂ©cipite Ă  partir de la plage 9 (INGEMISCO Tanquam reus), vers une langueur dĂ©tachĂ©e, distanciĂ©e que le chef a du mal Ă  ciseler dans cette douceur funèbre requise ; mais il rĂ©ussit la coupe contrastĂ©e et les passages entre les sĂ©quences, de mĂŞme que le « voca me » (CONFUTATIS), – prière implorative d’un infini mystère, dont la grâce fervente est plus esquissĂ©e que vraiment… habitĂ©e. Idem pour l’ombre qui se dĂ©ploie et qui glace avant le LACRYMOSA… aux accents dĂ©chirants. MalgrĂ© un sublime PIE JESU DOMINE entonnĂ© solo par Mathias Vidal, le surcroit instrumental qui l’enveloppe, rappelle trop un rĂ©alisme terre Ă  terre. Le geste est lĂ  encore pas assez nuancĂ©, mesurĂ©, trouble, dĂ©concertant : il faut Ă©couter Christie chez Charpentier pour comprendre et mesurer cette profondeur royale qui n’est pas dĂ©monstration mais affliction : tĂ©moignage humain avant d’être reprĂ©sentation. Dommage. Manque de pulsions intĂ©rieures, lecture trop littĂ©rale, respirations trop brutales; la latinitĂ© du chef qui sait exulter chez Falvetti, et d’excellente manière, peine et se dilue dans le piĂ©tisme français du premier baroque.

Que donne le DE PROFUNDIS ? là encore malgré l’excellence des solistes (et les premiers Buet et Vidal en un duo saisissant de dramatisme glaçant), le chef reste en deçà de la partition : manque de profondeur (un comble pour un De Profundis), manque de nuances surtout dans l’articulation du latin, dès le premier choeur : l’imploration devient dure et rien que démonstrative. Les tutti plafonnent en une sonorité qui manque de souplesse comme d’intériorité. Mais quels beaux contrastes et caractérisations dans le relief des voix solistes (ici encore basse et taille : d’une déchirante humanité, celle qui souffre, désespère, implore). Les dessus n’ont pas la précision linguistique ni la justesse émotionnelle de leurs partenaires. Les vagues chorales qui répondent aux solistes (QUIA APUD DOMINUM) sonnent trop martiales, trop épaisses, affirmées certes mais sans guère d’espérance au salut.

L’ultime épisode qui évoque la lumière et le repos éternel ralentit les tempos, souligne le galbe funèbre, épaissit le voile jusque dans le dernier éclair choral, fougueux, impétueux, quasi fouetté (et lux perpetua luceat eis), mais volontairement séquencé, avec des silences appuyés, qui durent, durent et durent… au point qu’ils cisaillent le flux de la déploration profonde. Nous sommes au théâtre, guère dans l’espérance de la grâce et du salut. Comme fragmentée, et même saucissonnée, la lecture, là encore en manque de respiration globale, frôle le contre sens. Ce De Profundis ne saisit pas.

Par contre dans le TE DEUM, les instrumentistes – trompettes et timbales Ă  l’appui convoquent aisĂ©ment les fastes du dĂ©corum versaillais. Le chef y trouve ses marques, affirmant avant la piĂ©tĂ© et le recueillement pourtant de mise, l’éclat du drame, l’or des splendeurs versaillaises. A chacun de juger selon sa sensibilitĂ© : mais pour nous, Lully sort dĂ©sĂ©quilibrĂ©. Moins intĂ©rieur et grave que fastueux et solennel. A suivre.

 
 

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CD, critique. LULLY : Dies Irae, De Profundis, Te Deum (ChĹ“ur de chambre de Namur, Millenium Orchestra, L G Alarcon, 1 cd Alpha fev 2018). Collection “Château de Versailles”.

 

 

 

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VOIR Lacrymosa de Lully par LG Alarcon / Millenium Orch / Ch de ch de Namur (festival NAMUR 2015) :

https://www.youtube.com/watch?time_continue=229&v=3G4Dc1NjKXA

 
 

Compte-rendu critique. Opéra. BEAUNE, LULLY, Isis, 12 juillet 2019. Les Talens lyriques, Chœur de Chambre de Namur, C Rousset.

Compte-rendu critique. Opéra. BEAUNE, LULLY, Isis, 12 juillet 2019. Orchestre Les Talens lyriques et chœur de Chambre de Namur, Christophe Rousset. Christophe Rousset poursuit, à Beaune, son cycle Lully, avec l’une des partitions les moins jouées et les plus riches musicalement du compositeur. Une distribution qui frise l’idéal et un orchestre à son meilleur. On se frotte les mains, l’opéra est déjà en boîte.

Isis brillamment ressuscité

lully_portrait_mignard_lebrunOn pouvait entendre le célèbre chœur des trembleurs dans la belle anthologie qu’Hugo Reyne avait consacré à La Fontaine, avant que le chef ne l’enregistre pour son propre cycle dédié à Jean-Baptiste Lully. Nul doute que la lecture de Christophe Rousset, à en juger par le magnifique concert bourguignon, se hissera au sommet de la bien maigre discographie de ce chef-d’œuvre. La cinquième tragédie lyrique du Florentin passa à la postérité sous le nom d’« opéra des musiciens », précisément en raison de l’opulence et du raffinement de la partition. Outre le chœur des Peuples des climats glacés, dont on connaît la fortune, l’œuvre compte moult merveilles, de la plainte de Pan, dans le métathéâtre du 3e acte, la superbe descente d’Apollon au Prologue, la scène onomatopéique des forges des Chalybes, ou encore le trio des Parques dans la scène conclusive de l’opéra. On rêve toujours à une version scénique de cette œuvre moins riche en péripéties que les autres tragédies lyriques : le merveilleux baroque se nourrit aussi des effets visuels des machines et des costumes qui participent à la stupeur quasi constante du spectateur.
La distribution rĂ©unie dans la chaleur moite de la CollĂ©giale Notre-Dame est proche de l’idĂ©al. On pourrait regretter qu’étant donnĂ© le nombre Ă©levĂ© de personnages, les interprètes, qui endossent plusieurs rĂ´les, ne parviennent pas toujours Ă  les bien diffĂ©rencier, mais la plupart sont relativement secondaires. Le rĂ´le-titre est magnifiquement incarnĂ© par Ăve-Maud Hubeaux qui, par la prĂ©sence, l’engagement dramatique et la couleur de la voix, a la grâce touchante d’une VĂ©ronique Gens : Ă©locution idoine et projection solidement charpentĂ©e sont des qualitĂ©s Ă©galement distribuĂ©es ; on les retrouve chez Cyril Auvity, merveilleux Apollon Ă  la voix cristalline, d’une fluiditĂ© et d’une puretĂ© qui forcent le respect, capable de pousser la voix dans les moments de dĂ©pit, sans perdre une once de son Ă©loquence maĂ®trisĂ©e. En Jupiter et Pan, Edwin Crossley-Mercier dispense toujours la mĂŞme Ă©lĂ©gance vocale ; si la voix semble parfois un peu Ă©touffĂ©e, la diction est en revanche impeccable ; il est un Jupiter très crĂ©dible dans sa duplicitĂ© avec Junon, et la dĂ©ploration de Pan au 3e acte est l’un des moments bouleversants de la soirĂ©e. Philippe Estèphe, entre autres en Neptune et Argus, est une très magnifique rĂ©vĂ©lation : un timbre superbement ciselĂ©, un art de la dĂ©clamation trop rare : dans l’acoustique par trop rĂ©verbĂ©rĂ©e de la Basilique, pas une syllabe ne s’est perdue dans les volutes romanes du bâtiment. MĂŞmes qualitĂ©s chez le tĂ©nor Fabien Hyon, Mercure espiègle et dĂ©cidĂ© : les quelques duos avec Cyril Auvity ont provoquĂ© une rare jouissance vocale qu’on aurait souhaitĂ© voir se prolonger. Chez les hommes, le seul point noir est le HiĂ©rax d’Aimery Lefèvre : la voix est lĂ , le timbre n’est pas dĂ©sagrĂ©able, loin s’en faut, mais ces belles compĂ©tences sont gâchĂ©es par une diction engorgĂ©e : on a peinĂ© Ă  suivre sa dĂ©clamation, si essentielle dans le théâtre du XVIIe siècle. Aucun faux-pas chez les autres interprètes fĂ©minines : la Junon de BĂ©nĂ©dicte Tauran, d’une faconde elle aussi impeccable et qui ne tombe pas dans le piège de la colère excessive : la tragĂ©die lyrique doit, Ă  tout instant, rester une Ă©cole de rhĂ©torique, et les interprètes l’ont bien compris : la mezzo moirĂ©e d’Ambroisine BrĂ© s’y soumet avec Ă©lĂ©gance, dans ses deux rĂ´les (principaux) d’Iris et de Syrinx, tandis que les deux nymphes de Julie Calbete et Julie Vercauteren (superbe duo), complètement avec rĂ©ussite cette très belle distribution.
On saluera une nouvelle fois les nombreuses et excellentes interventions du Chœur de Chambre de Namur ; à la direction, Christophe Rousset anime les forces alliciantes et roboratives des Talens lyriques, avec une passion raisonnée : la précision des tempi est toujours au service de l’éloquence du geste et de la parole, et dans ce répertoire, il est désormais passé maître.

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Compte-rendu. Beaune, Festival d’OpĂ©ra Baroque et Romantique, Lully, Isis, 12 juillet 2019. Ăve-Maud Hubeaux (Thalie, Io, Isis), Cyril Auvity (Apollon, 1er Triton, Pirante, Erinnis, 2e Parque, 1er Berger, La Famine, L’Inondation), Edwin Crossley-Mercier (Jupiter, Pan), Philippe Estèphe (Neptune, Argus, 3e Parque, La Guerre, L’Incendie, Les Maladies violentes), Aimery Lefèvre (Hierax, 2e Conducteur de Chalybes), Ambroisine BrĂ© (Iris, Syrinx, HĂ©bĂ©, Calliope, 1ère Parque), BĂ©nĂ©dicte Tauran (Junon, La RenommĂ©e, Mycène, Melpomène), Fabien Hyon (2e Triton, Mercure, 2e Berger, 1er Conducteur de Chalybes, Les Maladies languissantes), Julie Calbete et Julie Vercauteren (Deux Nymphes), Orchestre Les Talens lyriques, ChĹ“ur de chambre de Namur, Christophe Rousset (direction).

Compte rendu, Festivals. Festival « Bonjour Frankreich », Potsdam, les 16, 17, 18 juin 2016.

Compte rendu, Festivals. Festival « Bonjour Frankreich », Potsdam, les 16, 17, 18 juin 2016. En écho aux relations étroites nouées par la Prusse de Frédéric II avec la France de Voltaire, le Festival de Potsdam a consacré fort judicieusement sa thématique annuelle à la musique française, moins goûtée que la musique italienne par les Allemands qui ne juraient que par l’opéra séria des Italiens. Porter à la connaissance du public germanophone le répertoire Renaissance des chansons madrigalesques, les airs populaires des régions de France et de la Nouvelle-France, avant de lui offrir la quintessence du génie lullyste, permettait aussi de rappeler que ce répertoire n’était pas totalement étranger à la culture allemande, quand on songe notamment à l’influence qu’elle a pu avoir sur le répertoire lyrique hambourgeois au début du XVIIIe siècle.

 

 

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DE QUÉBEC À VERSAILLES : Postdam à l’heure française

 

Lors du premier concert, le 16 juin, les Musiciens de Saint-Julien ont ébloui le public avec des musiques populaires, associées aux airs de cour plus savants d’un Boësset. De façon originale, le programme soulignait à la fois le point de vue français d’un étranger (les danses bretonnes ou les branles du Poitou d’un Praetorius) et le point de vue étranger d’un Français (Pierre Phalèse, Gaillarde d’Écosse), auxquels s’ajoutaient les pièces plus classiques de Purcell (« O Solitude ») ou de Rameau (les « Rossignols amoureux » d’Hyppolite et Aricie). La flûte à la fois ductile, virtuose et précise de François Lazarevitch donnait l’impression d’une improvisation constante, tout comme le violon sautillant de David Greenberg, époustouflant de naturel dans les Irische et Scottische Suiten. Dans l’acoustique merveilleuse de la Ovidesaal des Neuen Kammern tous les instruments sonnaient avec plénitude et accompagnaient une Élodie Fonnard à la diction exemplaire, y compris dans la déclamation du français restitué qui sonne ici, dans le contexte des voyages musicaux intercontinentaux, comme délicieusement exotique (ce dont témoigne en particulier un air sacré chanté en dialecte huron !). On soulignera en outre l’extraordinaire performance du danseur Luc Gaudreau dans l’éloquence du geste chorégraphié, d’une précision entomologique. La virtuosité se fait alors grâce infinie, à l’image des interprètes et d’un programme en tous points exemplaire.

Le lendemain (17 juin), dans l’écrin somptueux de la Raphaelsaal du château de l’Orangerie, les Clément Janequin, associés aux Sacqueboutiers de Toulouse, ont repris leur légendaire programme Rabelais (enregistré par Harmonia Mundi). Ils étaient accompagnés par le comédien Pierre Margot qui lisait entre les pièces des extraits du roman de Gargantua (y sont évoqués la naissance du personnage, son éducation, l’abbaye de Thélème, sa passion effrénée pour la boisson) avec une truculence et une drôlerie très communicative. La soirée fut là encore mémorable. Le temps décidément n’a guère de prise sur cet ensemble, et en particulier sur Dominique Visse, dont la voix flûtée et juvénile, quarante après ses débuts, n’a pas pris une ride. Il fallait entendre les aboiements de la Chasse, les onomatopées de la Guerre et de « Nous sommes de l’ordre de Saint-Babouyn » de Loyset Compère, mais aussi les pièces plus élégiaques de Roland de Lassus ou d’Antoine Bertrand, mettant en musique des sonnets de du Bellay ou de Louise Labé, pour goûter l’étendue du génie interprétatif des Janequin, aussi à l’aise dans la rigueur joyeuse du désordre que dans la mélancolique cantilène de la plainte.

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Mais le point d’orgue fut constitué le surlendemain (18 juin 2016) par la première d’Armide de Lully, importée du Festival d’Innsbruck, et marquant le début d’une étroite collaboration entre le Festival de Potsdam et le CMBV. La reprise fut marquée par des changements dans la distribution (les deux rôles principaux) et une nécessaire adaptation au lieu (l’acoustique en plein air peu généreuse de la cour de la Faculté de Théologie laissa la place à celle beaucoup plus gratifiante de l’Orangerie). On pourrait regretter les coupes opérées dans la partition (le prologue, de larges pans de l’acte IV et de nombreux chœurs, dont ceux de la passacaille), mais la cohérence dramaturgique est parfaitement respectée et l’œuvre est servie admirablement par l’orchestre des Folies françoises aux couleurs chatoyantes, rehaussées par certains instruments « originaux » reconstitués par le CMBV (les quintes de violon impressionnants tenus sous le menton) et une direction roborative de Patrick Cohen-Akenine, toujours attentif à la rhétorique du drame, même si on pouvait regretter certains choix de tempi rapides. Les chanteurs, jeunes, pour la plupart lauréats du concours « Cesti » d’Innsbruck, et provenant de multiples horizons géographiques (Italie, Israël, Canada, Grande-Bretagne) ont montré une exceptionnelle capacité à s’adapter aux difficultés redoutables de la diction française. L’Armide d’Émilie Renard impressionne par sa puissance dramatique, alors qu’elle atteint dans les dernières scènes une réelle grandeur tragique (« Renaud, ô ciel ! O mortelle peine ! »), tandis que le Renaud de Rupert Charlesworth, personnage finalement assez secondaire, a la grâce d’une vraie voix de Haute-contre à la française, à peine embarrassée dans les moments les plus tendus. Enguerrand de Hys, pourtant peu habitué à ce répertoire, confirme son immense talent : son timbre clair et sonore, d’une parfaite élocution, fait merveille ; talents plus que prometteurs la Phénicie de Daniela Skorka, la Sidonie de Miriam Albano ou le Ubalde/Aronte de Tomislav Lavoie (pour nous la révélation de la soirée) : tous ont compris le sens de la notion de discours classique, essentiel dans l’opéra français. Dans le rôle de la Haine, l’inusable Jeffrey Francis laisse transparaître derrière son accent américain chantant, un abattage qui fait mouche. Quant à l’Hidraot de Pietro di Bianco, ses graves somptueux font regretter une élocution un peu engorgée, dans un style plus belcantiste que dix-septiémiste.
POSTADAM-ARMIDE-TUE-RENAUD-LULLY-csm_160618-Armide-by-StefanGloede-01_da9c995da4Mais il faut surtout louer le remarquable travail de Deda Cristina Colonna. Quelle excellente idée d’avoir confié à une chorégraphe baroque la mise en scène d’Armide ! La troupe de la Nordic Baroque Dancers, absolument magnifique, n’est pas un élément adventice ou ornemental, mais participe pleinement à l’efficacité rhétorique de la tragédie. Dramatiser la chorégraphie permet d’unifier avec pertinence les éléments hétérogènes de l’opéra et rappelle à quel point celui-ci est né de la danse. Les costumes d’un grand raffinement, les lumières et la vidéo pertinente de Francesco Vitali témoignent d’une utilisation ingénieuse des moyens limités de la production (les mannequins habillés de pourpoints aux riches brocards, à la fois figurants et éléments de décor ou la projection d’abord d’un jardin labyrinthique, puis de la galerie de l’Orangerie qui se délite, détruite par les démons au moment où Armide part sur un char volant). Au final, une soirée magnifique, prélude idéal au jumelage annoncé entre les deux cités royales de Potsdam et Versailles.

Illustrations : Armide © Stefan Gloede

 

 

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Livre, Ă©vĂ©nement. Compte rendu critique. Philippe Quinault : livrets d’opĂ©ra par Buford Norman, 3ème Ă©dition revue et corrigĂ©e (Editions Hermann)

Norman Buford 3eme edition hermann bibliotheque des litteratures review compte rendu critique classiquenews mars 2016livrets-dopera.jpgLivre, Ă©vĂ©nement. Compte rendu critique. Philippe Quinault : livrets d’opĂ©ra. PrĂ©sentĂ©s et annotĂ©s par Buford Norman, 3ème Ă©dition (Editions Hermann). Les livrets de Philippe Quinault sont d’abord des textes littĂ©raires que les contemporains de Lully lisaient comme des Ĺ“uvres d’art indĂ©pendantes. C’est pourquoi le mythe Quinault existe bel et bien, et mĂŞme cĂ©lĂ©brĂ© du vivant de l’auteur. A l’Ă©poque oĂą la France invente la tragĂ©die lyrique, les modèles du théâtre parlĂ© de Corneille et Racine pèsent de tout leur poids et au regard de l’importance de la rhĂ©torique comme de l’Ă©loquence, nul doute que le livret d’opĂ©ra participe Ă©troitement Ă  la sociĂ©tĂ© baroque de l’Ă©crit et du discours théâtral. C’est bien ce que nous indique clairement Buford Norman, dans cette 3ème Ă©dition de son livre “Philippe Quinault : Livrets d’opĂ©ras”. ClartĂ©, vraisemblance, biensĂ©ance, Ă©quilibre et cohĂ©rence formelles sont les qualitĂ©s intrinsèques des livrets ciselĂ©s par Quinault. Voltaire, auteur du Siècle de Louis XIV a bien synthĂ©tisĂ© tout ce qui fait pour lui et aujourd’hui pour nous, la rĂ©ussite et la sĂ©duction des livrets de Philippe Quinault : la douce harmonie de la poĂ©sie, le naturel et la vĂ©ritĂ© de l’expression… L’impact de chaque texte tragique de Quinault dĂ©passe largement les meilleurs succès de Racine ou de Thomas Corneille (Timocrate), et Quinault est mĂŞme mieux payĂ© pour chaque texte que ses confrères théâtreux… c’est dire combien Voltaire a raison de les prendre en haute estime, emblèmes particulièrement aboutis d’un siècle d’excellence pour l’art et le style français. En cela ThĂ©sĂ©e, 3ème tragĂ©die en musique reste le plus grand triomphe de Quinault, comptant un nombre impressionnant de reprises (200 reprĂ©sentations entre 1675 et 1685). Le profil du poète librettiste se prĂ©cise encore grâce Ă  la remarquable introduction aux livrets eux-mĂŞmes : Ă©lève des Ă©crivains Tristan l’Hermite puis de Philippe Mareschal, Quinault devint avocat en 1655, Ă©crivit l’un des plus grands succès du siècle : Astrate en 1665, fut Ă©lu Ă  l’AcadĂ©mie française en 1670, et Ă©crivit ses 16 pièces de 1655 Ă  1671.

11 tragédies en musique présentées, commentées, annotées par Buford Norman

Philippe Quinault, un génie poétique et littéraire

En dĂ©finitive, la tragĂ©die en musique s’appuie sur un texte solide, dont l’idĂ©al esthĂ©tique n’est pas de reproduire la nature (et les passions humaines) mais de l’imiter, oĂą le Roi s’il demeure un sujet idĂ©alisĂ© et directement encensĂ© dans le Prologue (PrĂ©lude), apparait souvent en hĂ©ros faillible et pluriel (Admète, EgĂ©e…) dans le dĂ©roulement de l’action qui suit. MĂŞme si les courtisans recherchent et trouvent des rĂ©fĂ©rences Ă  des Ă©pisodes vĂ©ridiques de l’histoire du Roi Ă  Versailles, l’Ă©volution proprement littĂ©raire et poĂ©tique de Quinault du dĂ©but Ă  la fin de sa carrière comme librettiste d’opĂ©ras, met en lumière une vision nuancĂ©e et complexe, de plus en plus sombre de l’âme humaine, ses ressorts et son destin, oĂą l’amour s’il paraĂ®t triomphant au dĂ©but, renonce Ă  toute lumière Ă  la fin, Ă  la fois solitaire, insatisfait, impuissant (Roland, Armide). On voit bien que l’anecdote s’efface devant l’Ă©paisseur et la profondeur des livrets de Quinault. La prĂ©sente Ă©dition sĂ©lectionne et annote les 11 livrets que Philippe Quinault Ă©crivit pour Lully entre 1673 et 1686, 13 ans d’une coopĂ©ration idĂ©ale, celle qui compose les binĂ´mes exemplaires que sont aussi Monteverdi et Busenello pour l’opĂ©ra vĂ©nitien, et bientĂ´t Da Ponte et Mozart au XVIIIè, ou Richard Strauss et Hofmannsthal au XIXè. Autant d’instants d’une exceptionnelle entente dont les fruits ont manifestĂ© tous les dĂ©sirs et les fantasmes poĂ©tiques et littĂ©raires comme esthĂ©tiques et musicaux de leur Ă©poque. Buford Norman nous dĂ©montre combien le verbe poĂ©tique de Quinault suscite l’admiration par sa douceur et son Ă©quilibre, sa clartĂ© comme sa justesse psychologique. Le lecteur prend un très grand plaisir Ă  lire et relire les mythes lyriques qui ont enchantĂ© les contemporains de Louis XIV et le Roi-Soleil lui-mĂŞme. Lecture indispensable.

CLIC_macaron_2014Livre, Ă©vĂ©nement. Compte rendu critique. Philippe Quinault : livrets d’opĂ©ra. PrĂ©sentĂ©s et annotĂ©s par Buford Norman, 3ème Ă©dition revue et corrigĂ©e. 840 pages. Parution : fĂ©vrier 2016. ISBN : 978 2 7056 9187 5. Prix indicatif : 46 euros (Editions Hermann). CLIC de CLASSIQUENEWS.COM

Versailles. Gala Lully dans la Galerie des glaces

Lully Ă  VersaillesVersailles. Gala Lully, mercredi 2 dĂ©cembre 2015, 21h. En 2015, annĂ©e des cĂ©lĂ©brations de la mort de Louis XIV (tricentenaire de sa disparition survenue en 1715), l’idĂ©e d’un gala Lully s’est imposĂ©e. Lully incarne mieux que quiconque la musique de Versailles au XVIIè et de celle du Grand Siècle. Musicien du Roi-Soleil, Lully en dirigeant opĂ©ras, divertissements, ballets, cĂ©lĂ©brations religieuses, pilote surtout la vie musicale Ă  l’Ă©poque de Louis XIV. Jusqu’en 1770, sous le règne de Louis XV oĂą s’impose le culte du Grand Siècle, la musique des opĂ©ras de Lully est encore jouĂ©e. Tendre, tragique, comique, Lully a inventĂ© et fixĂ© les règles de l’art classique français.

Gala Lully Ă  la galerie des glaces de Versailles

Suites d’opĂ©ras de Lully : le baroque versaillais Ă©ternel

Lully_versailles_portraitLe programme de ce Gala Jean-Baptiste Lully rassemble les pièces emblĂ©matiques de l’inventeur de la tragĂ©die en musique, cet opĂ©ra Ă  la française qui a contrario de l’opĂ©ra italien oĂą règnent depuis les VĂ©nitiens (Cavalli principalement) : mĂ©lange des genres et sensualitĂ© mĂ©lodique, Ă©tablit la noblesse intelligible de la dĂ©clamation, calibrĂ©e sur le théâtre de Racine comme un souci majeur. L’AcadĂ©mie royale continue de commenter la simplicitĂ© tragique du monologue d’Armide, les effets saisissants du sommeil d’Atys. Les Suites tirĂ©es de ses opĂ©ras sont jouĂ©s par les Vingt Quatre violons du Roi Ă  Versailles, pour les cĂ©lĂ©brations officielles (repas, cĂ©rĂ©monies, promenades dans le parc et ses bosquets, vĂ©ritable opĂ©ra de verdure), et aussi Ă  Paris, mais au sein d’un orchestre plus grandiose encore (aux Vingt Quatre violons se joignent les instrumentistes de l’AcadĂ©mie royale de musique), pour la fĂŞte de la Saint-Louis (chaque mois d’aoĂ»t).

Le programme dirigĂ© par Leonardo Garcia Alarcon comprend ainsi comme Ă  l’Ă©poque, deux suites d’airs, de chĹ“urs et de danses rassemblant les Ă©pisodes cĂ©lèbres : le chĹ“ur des Trembleurs d’Isis (1677) qui inspira Purcell pour son King Arthur, la plainte italienne de PsychĂ© (1678), l’ouverture et le sommeil d’Atys (1676), la Marche pour la cĂ©rĂ©monie turque et le menuet du Bourgeois gentilhomme (1670).

L’autre versant du Lully courtisan Ă  Versailles demeure son Ĺ“uvre sacrĂ©e. S’il n’occupa jamais de charge officielle Ă  la Chapelle royale, grâce au soutien et une amitiĂ© sincère dont lui tĂ©moigna le Roi lui-mĂŞme, Lully compose cependant pour la Cour plusieurs motets Ă  grands chĹ“ur et orchestre, genre nouveau dont il reste avec les sous-maĂ®tres de la Chapelle royale, Henry Du Mont et Pierre Robert, l’inventeur.

Ainsi naissent onze motets Ă  deux chĹ“urs et orchestre, dont six furent luxueusement imprimĂ©s de son vivant (1684). Y paraĂ®t le Miserere, créé durant la semaine sainte de 1663, le Plaude lætare Gallia, composĂ© pour le baptĂŞme du Grand Dauphin (1668), ou encore le Te Deum, qu’il fit exĂ©cuter pour la première fois devant la cour Ă  Fontainebleau en 1677, pour le baptĂŞme de son propre fils. Le Dies iræ et le De profundis, qui concluent le recueil de 1684, sont créés en l’abbatiale de Saint-Denis le 1er septembre 1683, lors des somptueuses funĂ©railles de la Reine Marie-ThĂ©rèse d’Autriche, infante d’Espagne. L’Ă©pouse de Louis XIV, depuis 1660 (la noce fut cĂ©lĂ©brĂ© entre autres par l’opĂ©ra Xerse de Cavalli avec ballets de Lully) s’Ă©teint soudainement le 30 juillet 1683, d’un banal abcès au bras qui l’emporta en quelques jours.

Leonardo Garcia Alarcon choisit de fermer le gala Lully Ă  la Galerie des glaces en interprĂ©tant les deux Ĺ“uvres de dĂ©ploration oĂą Ă  l’esprit de la grandeur, rĂ©pond la vĂ©ritĂ© des intentions de l’Ă©criture : la mĂ©moire de la princesse fut ainsi honorĂ©e Ă  Saint-Denis tirant des larmes Ă  toutes l’assistance venue lui tĂ©moigner une dernière marque d’estime et de respect tendre.

alarcon leonardo garcia maestro concert review annonce concert classiquenewsLa musique funèbre pour les souverains de France est le sujet d’un dĂ©corum et d’une pompe inouĂŻs destinĂ©s Ă  marquer les esprits. ComplĂ©ment au discours du clergĂ©, les musiciens interviennent en trois points, en trois effectifs distincts, chacun exĂ©cutant sa partie Ă  tour de rĂ´le et en alternance ;  les 2 dĂ©partements de musique du Roi : les chantres et symphonistes de la Musique de la Chapelle, placĂ©s sous la battue du sous-maĂ®tre de la Musique de la Chapelle ; les chanteurs et instrumentistes de la Musique de la Chambre – dont les Vingt-quatre Violons –, placĂ©s sous la direction du surintendant de la Musique de la Chambre ; et au centre, face au catafalque, quatre ecclĂ©siastiques rĂ©alisent le plain-chant, en dialogue avec la Musique. Alternativement au moment de leur performance, les deux “chefs”se saisissent du battoir : le surintendant dirige alors les grands Motets qu’il a composĂ© : Dies irae (au centre du rituel), surtout De profundis (Psaume 129) Ă  la fin lors de l’aspersion du cercueil. Le contraste saisissant naĂ®t aussi de la diffĂ©rence de style et d’Ă©criture entre Lully et la Messe (Missa pro defunctis) probablement de Charles Helfer (mort en 1661), publiĂ©e dès 1656 : c’est cette Ĺ“uvre Ă  la polyphonie stricte et dĂ©pouillĂ©e qui servira en toute occasion lors des rituels funèbres Ă  Saint-Denis. ComplĂ©tĂ©e par le plain chant psalmodiĂ©, la Messe d’Helfer incarnait par sa noblesse et son caractère ancien, la pĂ©rennitĂ© de la monarchie malgrĂ© les morts de ses acteurs premiers.

Gala Lully : Lully profane et sacré
Ă  la Galerie des glaces de Versailles
Mercredi 2 décembre 2015, 21h

Jean-Baptiste Lully (1632-1687)

Suites et airs d’opéras

De profundis – Dies irae

Judith Van Wanroij et Caroline Weynants, dessus
Mathias Vidal, haute-contre
Thibaut Lenaerts, taille
JoĂŁo Fernandes, basse-taille

Chœur de Chambre de Namur
Cappella Mediterranea
Millenium Orchestra
Leonardo Garcia AlarcĂłn, direction

2h entracte inclus

Programme détaillé :

Francesco Cavalli (1602-1676)

Ercole Amante (1662)
Trio « Una stilla di speme »

Jean-Baptiste Lully  

Ballet royal de la Raillerie (1659)
Dialogue de la Musique italienne et françoise

Psyché (1671)
Plainte italienne

Ballet royal de la Raillerie
Bourrée en Double

Atys (1676)
Ouverture – Sommeil

Cadmus et Hermione (1673)
Rondeau

Persée
Prélude – Air de Mercure « Ô tranquille sommeil … »

Le Bourgeois Gentilhomme (1670)
Menuet – Marche pour la cérémonie turque

Isis
Chœur des Trembleurs « L’Hiver qui nous tourmente … »

Armide (1686)
Prélude – Air de Renaud « Plus j’observe ces lieux … » – Passacaille

– Entracte –

Jean-Baptiste Lully 

Dies Irae
De Profundis

CMBV, grand reportage vidéo : Atelier vocal sur le récitatif italien et français au 17ème (Versailles, juillet 2015)

cmbv-atelier-vocal-parole-chantee-venise-a-paris-copyright-classiquenews-2015CMBV, grand reportage vidĂ©o : Atelier vocal sur le rĂ©citatif italien et français au 17ème (Versailles, juillet 2015). En juillet 2015, le CMBV, Centre de musique baroque de Versailles a organisĂ© un atelier de pratique vocale dĂ©diĂ© au rĂ©citatif des opĂ©ras italiens et français du XVIIè / Seicento : La parole chantĂ©e de Venise Ă  Paris. A l’Ă©cole de Cavalli et de Lully principalement, les Ă©lèves chanteurs, pilotĂ©s par leurs coachs apprennent l’art si complexe du rĂ©citatif, Ă©lĂ©ment essentiel dans la continuitĂ© des opĂ©ras baroque du XVIIème siècle.

 

 

 

cmbv-atelier-vocal-recitatif-la-parole-chantee-de-venise-a-paris-classiquenews-copyright-CLASSIQUENEWS-2015

 

 

 

CMBV-atelier-vocal-recitatif-parole-chantee-paris-venise--copyright-classiquenews Outre les Ă©lĂ©ments techniques prĂ©cis que l’interprète doit maĂ®triser, l’atelier met en relief tout ce que doit l’opĂ©ra français au genre fixĂ© en Italie par Cavalli qu’il exporte Ă  la Cour de France, entre autres Ă  l’Ă©poque du mariage de Louis XIV (Xerse, de Cavalli avec ballets du premier Lulli, 1660). Grand reportage vidĂ©o © studio CLASSIQUENEWS 2015. RĂ©alisation : Philippe Alexandre Pham

 

 

L’Atelier vocal intitulĂ© “La Parole chantĂ©e de Venise Ă  Paris” proposĂ© par le Centre de musique baroque de Versailles est d’autant plus pertinent au vu des nombreuses rĂ©alisations intĂ©ressant actuellement ou prochainement, Lully et Cavalli.

 

 

 

 

 

VIDEO, reportage. Nouvelle Armide de Lully à Innsbruck (août 2015)

Nouvelle production d'Armide de Lully Ă  Innsbruck et PostdamVIDEO, reportage. Nouvelle Armide de Lully Ă  Innsbruck (aoĂ»t 2015). AoĂ»t 2015 : le Festival de musique ancienne et baroque Ă  Innsbruck (Autriche) accueille pour la première fois de son histoire, un opĂ©ra français : Armide de Lully (1686) dans une nouvelle production rĂ©alisĂ©e par le Centre de musique baroque de Versailles dans laquelle participent jeunes instrumentistes sur instruments d’Ă©poque, jeunes chanteurs dont les laurĂ©ats du Concours Cesti 2014. Dans Armide dernière opĂ©ra de Lully, l’interaction de la danse et du drame intĂ©rieur de l’enchanteresse impuissante face Ă  Renaud est exceptionnelle. La partition permet aussi au CMBV Centre de musique baroque de Versailles de diffuser l’opĂ©ra baroque français Ă  l’Ă©tranger, tout en transmettant aux jeunes chanteurs le goĂ»t du théâtre et de la langue baroques. Reportage vidĂ©o : entretiens avec les chanteurs, BenoĂ®t Dratwicki, Deda Cristina Colonna (mise en scène), Patrick Cohen-AkĂ©nine (direction musicale). DurĂ©e : 15mn © studio CLASSIQUENEWS.TV – RĂ©alisation : Philippe-Alexandre Pham. Lire aussi notre prĂ©sentation de la production d’Armide de Lully Ă  Innsbruck (aoĂ»t 2015)

 

 

 

Armide-lully-innsbruck-aout-2015-reportage-video-classiquenews

 

 

Nouveau Pourceaugnac par William Christie

moliere-jean-baptiste-Moliere-poquelin-portrait-Louis-XIVMolière / Lully : William Christie. Mr de Pourceaugnac: du 17 dĂ©cembre 2015 – 10 janvier 2016. Avant l’invention de la tragĂ©die en musique (1673), la Cour de France s’enthousiasme pour les comĂ©dies-ballets dont l’un des sommets du genre si prisĂ© de Louis XIV, est avec le Bourgeois Gentilhomme, Monsieur de Pourceaugnac (créé Ă  Chambord, pour le divertissement de Louis XIV, en octobre 1669). Le duo composĂ© par les deux Baptistes, Molière et Lully fait une farce mordante qui Ă©pingle la vanitĂ© d’un marquis, petit seigneur de province, bien ridicule. A la crĂ©ation, c’est Molière lui-mĂŞme qui tient le rĂ´le du provincial moquĂ©. Comme Boileau, Molière cultive la verve satirique. On a vu après la mise au placard de Tartuffe qui moquait l’église, le triomphe des mĂ©decins ridicules et arrogants surtout ignares (comme les gens d’église, portant le noir et parlant le latin : c’est Ă  dire que Molière Ă©pingle les deux « mĂ©tiers » en ridiculisant une seule figure : noire et parlant le galimatias)… Dans Monsieur de Pourceaugnac – il faudrait bien insister sur la particule « de » ici capitale, Jean-Baptiste fait la satire d’un gentilhomme provincial confrontĂ© Ă  la vie parisienne. Il avait Ă©pingler les grands seigneurs dans le Misanthrope, Dom Juan ou Le Bourgeois Gentilhomme (Dorante) : voici avec Pourceaugnac, le portrait d’un provincial gagnant la capitale pour y Ă©pouser la fille d’Oronte, Julie que pourtant aime le jeune malicieux Éraste. Ce dernier avec ses deux intrigants (Sbrigani et NĂ©rine) ne cessent de molester, importuner, maltraiter le Limousin pour qu’il renonce Ă  Julie et regagne sa province encrottĂ©e. Chose faite après que Lucette en Langudocienne et NĂ©rine en Picarde, n’accablent le père marieur en dĂ©nonçant Pourceaugnac de les avoir mariĂ©es, engrossĂ©es, abandonnĂ©es… AccusĂ© de polygamie, Pourceaugnac doit fuir dĂ©guisĂ© en femme pour Ă©chapper Ă  la justice.

pourceaugnac -Monsieur_de_Pourceaugnac,_Molière,_couvertureComme Ă  son habitude, Molière peint les mĹ“urs de son Ă©poque et campe des types humains qui restent universels. Ses arrogants, ses vaniteux (les plus ignorants) sont ridiculisĂ©s parfois en farce grossière (comme ici lorsque Pourceaugnac s’adressant Ă  deux mĂ©decins chez Eraste les prend pour des cuisiniers, se voit ensuite poursuivi dans la salle parmi les spectateurs, par des apothicaires munis de seringues prĂŞts Ă  le piquer…). Mais Molière est un comique tragique : sous la farce perce l’horreur de caractères et de situations, indignes et pĂ©nibles. Avant que Lully dans le sillon du succès de PsychĂ©, n’invente seul et dĂ©finitivement, l’opĂ©ra français (tragĂ©die en musique, mais sans le concours du gĂ©nial Molière), la comĂ©die-ballet rappelle quel fut le divertissement prisĂ© par la Cour et surtout Louis XIV, heureux protecteur des deux Baptistes. Créé en 1669 Ă  Chambord, Monsieur de Pourceaugnac Ă©pingle l’orgueil et la suffisance d’une gentilhomme de province, trop naĂ®f, un rien empĂ´tĂ©, sujet des intrigues d’un amoureux prĂŞt Ă  tout pour dĂ©fendre celll qu’il aime…

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La nouvelle production rĂ©alisĂ©e dans un contexte propre aux annĂ©es 1950, orchestrĂ©e par le tandem William Christie et ClĂ©ment Hervieu accorde une place Ă©gale entre théâtre et musique. Jamais chant et dialogue parlĂ© n’ont mieux Ă©tĂ© subtilement agencĂ©s, combinĂ©s, associĂ©s. L’imbrication est parfaite : les comĂ©diens se prĂŞtent Ă  la danse, et les chanteurs jouent. Production Ă©vĂ©nement.

 

 

Monsieur de Pourceaugnac de Molière, 1669
par Les Arts Florissants. William Christie, direction

Caen, Théâtre de Caen, du 17 au 22 décembre 2015
Versailles, Opéra royal, les 7,8, 9 et 10 janvier 2016
Aix en Provence, Grand Théâtre de Provence, les 13 et 14 janvier 2016
Madrid, Teatros del Canal, Sala Roja, les 21,22, 23 janvier 2016
Paris, Théâtre des Bouffes du Nord, du 1er au 9 juillet 2016

Avec
Claire Debono, dessus
Erwin Aros, Haute contre
Matthieu Lécroart, basse taille
Cyril Costanzo, basse

 

 

 

Concert d’orgue Ă  Belfort. Lully, musicien du Roi-Soleil

a909Belfort.Orgue et opĂ©ra. Lully, musicien du Roi-Soleil, le 18 septembre 2015, 20h30. Jean-Charles Ablitzer, orgue. Françoise Masset, soprano. Sous l’instigation du cardinal Mazarin, première autoritĂ© politique de France, l’opĂ©ra italien arrive en France vers 1645. La dĂ©couverte de ce genre nouveau dans le paysage musical français bouleverse l’Ă©criture pour orgue. La stricte polyphonie cède le pas aux rĂ©cits, aux dialogues, aux trios et les instruments se dotent systĂ©matiquement de deux ou trois claviers permettant les contrastes et la mise en avant d’une ligne mĂ©lodique imitant souvent la voix ou l’orchestre. L’orgue s’empare d’une théâtralitĂ© nouvelle, osant exprimer le chant des passions humaines Ă  l’image des auteurs italiens alors en vogue, portĂ©s par le goĂ»t du Cardinal mĂ©lomane, Rossi, Marrazzoli, Cavalli… D’ailleurs, les cĂ©lĂ©brations du mariage du jeune dauphin Louis, futur Louis XIV, sont commĂ©morĂ©es avec le concours des Italiens Ă  Paris et par la crĂ©ation d’un nouvel opĂ©ra de Cavalli (Ercole Amante) et la reprise d’un ancien (Serse)…

2015 : tricentenaire de la mort du Roi SoleilLa commĂ©moration du tricentenaire de la mort de Louis XIV – dĂ©cĂ©dĂ© le 1er septembre 1715, après 72 ans de règne-, est l’occasion de s’inspirer de la dĂ©marche des organistes du Grand Siècle en prĂ©sentant au public un choix d’Ĺ“uvres du plus grand inventeur d’opĂ©ra Ă  la française, Jean-Baptiste Lully. De fait, l’Ă©criture du surintendant de la musique s’adapte parfaitement au clavier. Pour ce concert, l’orgue soliste alterne avec une sĂ©lection des plus beaux airs des tragĂ©dies mises en musique par Lully, mettant ainsi en avant la justesse poĂ©tique et le souffle universel de son Ĺ“uvre. Jusqu’en 1673 (crĂ©ation de la première tragĂ©die en musique de Lully : Cadmus et Hermione), et Ă  travers les nombreuses comĂ©dies-ballets inventĂ©es par Molière et Lully, Louis XIV qui règne en 1661, façonne et perfectionne son goĂ»t musical Ă  la source des Italiens… Le balladin, danseur et compositeur Lulli, florentin de naissance, indique clairement la domination de l’Italie dans le domaine des arts… jusqu’Ă  l’essor du style versaillais Ă  partir du dĂ©but des annĂ©es 1670.

Lully, le musicien du Roi-Soleil
Airs et transcriptions
Journée européenne du patrimoine
Tricentenaire de la mort de Louis XIV
Vendredi 18 septembre, 20 h 30
Cathédrale Saint-Christophe de Belfort

Jean-Charles Ablitzer, orgue historique
(Waltrin / Callinet : Schwenkedel)
Françoise Masset, dessus
Josep Cabré, basse-taille

Réservation conseillée 03 84 49 33 46 /
festival@musetmemoire.com

Réservation conseillée
12 €, 10 € (adhĂ©rents Musique et MĂ©moire et Amis de l’Orgue et de la Musique de Belfort) et 5 € (rĂ©duit)

Concert proposĂ© par les Amis de l’Orgue et de la Musique de Belfort et Musique et MĂ©moire avec le soutien spĂ©cifique de l’Etat (FNADT) dans le cadre de la Convention interrĂ©gionale du Massif des Vosges 2015-2020 et de la Ville de Belfort.

ConfĂ©rence Ă  17 h, salle d’honneur de l’HĂ´tel de Ville de Belfort
ConfĂ©rence par le docteur Jean Valla “La santĂ© de Louis XIV vue par un mĂ©decin du 21ème siècle ». EntrĂ©e libre, dans la limite des places disponibles.

Nouvelle Armide Ă  Innsbruck

innsbruck-2015-vignetteInnsbruck (Autriche). Nouvelle Armide de Lully, les 22,24 et 26 aoĂ»t 2015. C’est depuis sa crĂ©ation, le premier opĂ©ra baroque français qu’accueille le festival d’Innsbruck, une claire volontĂ© de changement voulue par Alessandro De Marchi nouveau directeur artistique depuis 2010 (Ă  la succession de RenĂ© Jacobs). C’est l’ultime ouvrage lyrique de Lully, l’objet aussi de sa dĂ©faveur dans le cĹ“ur du Roi qui l’avait jusque lĂ  toujours soutenu et favorisĂ© ; c’est que depuis le dĂ©but des annĂ©es 1680, Versailles est passĂ© sous l’emprise de la ferveur et de la contrition.  Guère prisĂ© par la nouvelle compagne et Ă©pouse du souverain, Madame de Maintenon, l’opĂ©ra est devenu divertissement suspect qui dĂ©tourne des justes croyances. Ainsi Armide, pourtant aboutissement de toute l’esthĂ©tique Lullyste, est créé hors de Versailles, Ă  Paris au Palais-Royal en 1686 (en prĂ©sence du Grand Dauphin).

 

 

Nouvelle production d'Armide de Lully Ă  Innsbruck et Postdam

 

 

 

InspirĂ© du Tasse et de sa fameuse JĂ©rusalem DelivrĂ©e, Armide incarne l’impuissance de la passion, celle de l’amoureuse sarrasine pourtant magicienne qui ennemi du chevalier chrĂ©tien Renaud, l’aime malgrĂ© elle et malgrĂ© la guerre qui fait rage. La violence des sentiments balaie la menace et le choc des armes. C’est dans le sillon du Combat de Tancrède et Clorinde de Monteverdi – au siècle prĂ©cĂ©dent, 1638-), un regard pĂ©nĂ©trant sur la folie amoureuse (Armide appelle la Haine Ă  son aide) qui s’empare d’une âme pourtant puissante et qui finit en fin d’opĂ©ra, dĂ©truite, humiliĂ©e, blessĂ©e, seule.
Lully_versailles_portraitPour dĂ©fendre l’expression de la dĂ©sillusion et du dĂ©senchantement, Innsbruck accueille une Ă©quipe de jeunes chanteurs, nouveaux espoirs du chant baroque et en partie, laurĂ©ats des Ă©ditions du Concours Cesti, créé ici mĂŞme par Alessandro de Marchi. La nouvelle production intègre aussi les ballets, rĂ©alisĂ©s pour l’occasion par la troupe des Nordic Baroque Dancers, sous la houlette de la chorĂ©graphe et metteur en scène Cristina Deda Colonna. Spectacle total, qui bĂ©nĂ©ficie donc de jeunes voix prometteuses. Prochain compte rendu critique sur classiquenews.com

Spectacle dĂ©jĂ  critiquĂ© au Festival d’Innsbruck 2015 : Il Germanico de Porpora (1732)

 

 

 

 

Armide-lully-innsbruck-aout-2015-reportage-video-classiquenews

VOIR le grand reportage vidĂ©o Nouvelle Armide de Lully au festival d’Innsbruck 2015

 

Proserpine par Les Timbres : Lully révélé

visuel festival Musique et MĂ©moire 2015Luxeuil les Bains (Vosges). Lully : Proserpine. Les Timbres, le 17 juillet 2015, 21h. Vosges saĂ´noises. Festival Musique et MĂ©moire : 17 juillet > 2 aoĂ»t 2015. 22ème Ă©dition. Seul dans les Vosges, un festival dĂ©fricheur repoussent les limites de la mĂ©moire, rĂ©invente la notion d’hĂ©ritage et de traditions en exprimant tout ce que les Ĺ“uvres anciennes et baroques ont de commun avec notre Ă©poque. Ainsi la rĂ©sidence du jeune ensemble Les Timbres se poursuit en 2015, dĂ©voilant l’Ă©loquence des instruments et des voix Ă  l’opĂ©ra, dans une formidable lecture de Proserpine de Lully, - version de chambre demeurĂ©e inĂ©dite et retrouvĂ©e Ă  Anvers, le 17 juillet 2015 Ă  Luxeuil les Bains, 21h … C’est le temps fort du premier week end, les 17, 18 et 19 juillet 2015, ou Les Timbres proposent pas moins de 7 concerts…

 

 

les-timbres-portrait-noi-et-blanc-classiquenewsLes Timbres au festival Musique et MĂ©moire… Pour commĂ©morer les 300 ans de la mort de Louis XIV(1638-1715), en septembre 1715, Les Timbres aborde pour sa seconde annĂ©e de rĂ©sidence, diverses manifestations de la scène et du spectacle propre au Grand Siècle. C’est le temps d’un âge d’or de l’art français dont se souviendront les derniers Bourbons, Louis XV et Louis XVI, accordant une admiration spĂ©cifique au Roi Soleil. Pour lui, dans l’Ă©crin de Versailles, les ors solennels favorisent les replis de l’intimitĂ© tragique et grâce Ă  Lully, l’opĂ©ra français peut naĂ®tre, digne rival du théâtre classique de Corneille et de Racine. Pour preuve son opĂ©ra Proserpine, très rarement jouĂ©, qui aux cĂ´tĂ©s d’Armide ou d’Atys, porte très haut et très loin les recherches poĂ©tiques d’un genre qui s’affirme alors, dans le chant dĂ©clamĂ© et chantĂ©, l’articulation d’un texte surtout (oĂą l’articulation prime sur la mĂ©lodie), oĂą le ballet et les divertissements qu’il autorise dès lors, contraste avec la tension du drame.

 

 

Poésie lyrique du Grand Siècle : Les Timbres an2

 

Les Timbres au 22è Festival Musique et MĂ©moireEn juillet 2015, la théâtralitĂ© de la musique baroque française du Grand Siècle, mĂ©lange exquis de charme et de profondeur, d’élĂ©gance et de naturel, de majestĂ© et de mesure, ressuscite. Le gĂ©nie français s’exprime alors autant par l’inspiration de la musique que la qualitĂ© du texte poĂ©tique…. Ă  l’expressivitĂ© resserrĂ©e des airs et des rĂ©citatifs de Lully rĂ©pond la science inĂ©galĂ©e depuis des livrets de Quinault… Proserpine, drame mythologique retrouve dans cette combinaison parfaite du verbe et de la note, l’expressivitĂ© Ă©purĂ©e et très intense du théâtre classique nĂ©o antique de Corneille et surtout Racine lequel depuis l’accomplissement inouĂŻ de l’opĂ©ra tel qu’il est rĂ©alisĂ© par Lully (dès les annĂ©es 1670), ne compose plus de tragĂ©dies parlĂ©es ni dĂ©clamĂ©es ; dĂ©sormais ses ultimes ouvrages prenant en compte l’impact du verbe chantĂ©, intègrent  intermèdes et Ă©pisodes musicaux (c’est le cas de ses pièces sacrĂ©es Esther ou Athalie dont on retrouve aujourd’hui la pertinente conception jouant sur la musicalitĂ© des vers autant que l’essor spĂ©cifique des instruments).

 

 

 

visuel festival Musique et Mémoire 2015Festival Musique et Mémoire 2015
Week end 1 : résidence Les Timbres
7 Concerts les 17, 18 et 19 juillet 2015
Réservations sur le site du Festival Musique et Mémoire
www.lestimbres.com

 

 

concert 1visuel festival Musique et Mémoire 2015
Vendredi 17 juillet 2015, 21h

Luxeuil les Bains, Basilique
Proserpine
OpĂ©ra de Jean-Baptiste Lully (1632-1687) en version “de chambre” (Anvers, 1682)
Reconstitution en première mondiale (commande du festival)

Ensemble Les Timbres
Proserpine (dessus) : Julia Kirchner
Cérès (bas-dessus) : Cécile Pilorger
Mercure (haute-contre) : Branislav Rakic
Jupiter (basse-taille) : Josep Cabré
Pluton (basse) : Marc Busnel

Yoko Kawakubo et Maite Larburu, violons
Elise Ferrière, flûtes à bec
Benoît Laurent, hautbois et flûtes à bec
Myriam Rignol, viole de gambe
Etienne Floutier, violone
Julien Wolfs, clavecin
Miléna Duflo, percussions

Jana Rémond, mise en espace
Benoît Colardelle, lumières

Samedi 18 juillet 2015, 17h
Espace Méliès
cinéma intercommunal du Pays de Lure

Tous les matins du Monde
Film français d’Alain Corneau (1991) – 1h54, d’après le roman de Pascal Quignard

 

 

Lully_versailles_portraitProserpine, version de chambre. TragĂ©die en musique sur un livret de Philippe Quinault, Proserpine fut créée le 3 fĂ©vrier 1680 Ă  Saint-Germain en Laye. A cette date, Lully est Ă  la tĂŞte de l’AcadĂ©mie Royale de musique depuis dĂ©jĂ  8 ans. PersonnalitĂ© incontournable indiscutable du règne de Louis XIV, le Florentin naturalisĂ© français règne en maĂ®tre sur le monde musical de la Cour du Roi Soleil. Il a Ă©clipsĂ© par sa renommĂ©e et son caractère la plupart de ses collègues compositeurs dramatiques. L’opĂ©ra c’est Lully. Et personne d’autres. Proserpine suscite l’enthousiasme de ses contemporains, comme en tĂ©moigne Madame de SĂ©vignĂ© qui Ă©crit dans sa lettre datĂ©e du 9 fĂ©vrier 1680 : « l’opĂ©ra est au dessus de tous les autres », et le nombre de reprises de cette oeuvre : plus de 10 fois entre 1680 et 1758 Ă  Fontainebleau et au théâtre du Palais Royal. L’ouvrage fut reprĂ©sentĂ©e Ă©galement Ă  WolfenbĂĽttel en 1685, Ă  Amsterdam, le 15 septembre 1688 et en 1703 ; des reprĂ©sentations eurent lieu Ă©galement Ă  Lyon en 1694, Ă  Rouen en 1695. C’est donc une partition qui toucha le public et produit un Ă©cho europĂ©en immĂ©diat.

Anvers, 1682. Proserpine fut aussi le premier opĂ©ra reprĂ©sentĂ© Ă  Anvers, fin 1682, du vivant de son auteur, et c’est cette version lĂ  dont Les Timbres proposent la re-crĂ©ation. Les partitions originales utilisĂ©es lors de cette reprĂ©sentation sont conservĂ©es au musĂ©e Vleeshuis d’Anvers. Elles sont d’un intĂ©rĂŞt extrĂŞme, car elles permettent de dĂ©duire facilement l’instrumentation utilisĂ©e pour cette reprĂ©sentation : 2 dessus et basse-continue. “Cette instrumentation, si tant est qu’elle puisse nous surprendre actuellement (rĂ©duire l’effectif d’un opĂ©ra Ă  une poignĂ©e de musiciens !), est des plus courantes Ă  l’époque : en effet, l’orchestre de Lully Ă©tait alors très fourni – 5 parties de cordes et de nombreux vents -, et il Ă©tait donc difficile d’imaginer pouvoir jouer avec cette formation dans un cadre restreint. RĂ©duire l’effectif instrumental permettait ainsi de pouvoir « transporter » la musique partout oĂą le demande se faisait prĂ©ssante. Plus intĂ©ressant, alors qu’il ne subsiste parfois des partitions d’orchestre de Lully que le dessus et la basse et que les parties intĂ©rieures sont Ă  restituer, les partitions d’Anvers sont toutes originales : toutes les parties y soigneusement notĂ©es Ă  l’époque“, prĂ©cisent les instrumentistes des l’ensemble Les Timbres.
Cette instrumentation lĂ©gère convient particulièrement Ă  l’ensemble Les Timbres, qui promeut la musique de chambre, et non pas l’orchestre. En cela, la version d’Anvers de Proserpine de Lully est une version de musique de chambre d’un grand opĂ©ra français. MalgrĂ© son effectif restreint, l’expressivitĂ©, la poĂ©sie et la tension du drame sont prĂ©servĂ©s, grâce Ă  une version chambriste très caractĂ©risĂ©e, subtilement Ă©crite dont les rebonds dramatiques seront prĂ©servĂ©s et spĂ©cifiquement articulĂ©s Ă  Luxeuil les Bains dans les Vosges SaĂ´noises, ce 17 juillet 2015 Ă  21h.

Armide de Lully

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Lully_versailles_portrait OpĂ©ra d’Ă©tĂ©. Armide de Lully. Beaune, le 3 juillet. Innsbruck, les 22,24,26 aoĂ»t 2015. Devant Damas oĂą rĂ©sident les musulmans, Armide et son père Hidraot, l’armĂ©e de croisĂ©s chrĂ©tiens commandĂ©e par Godefroy de Bouillon, a Ă©tabli son siège. La magicienne Armide a conquis et soumis tous les chevaliers chrĂ©tiens grâce Ă  ses pouvoirs… C’Ă©tait compter sans le pouvoir de l’amour : possĂ©dĂ©e, dĂ©munie, impuissante, l’enchanteresse doit bien se rĂ©soudre Ă  accepter la souveraine domination du chevalier Renaud car il a conquis son coeur. L’opĂ©ra expose la mĂ©tamorphose de la magicienne en amoureuse bouleversante, dĂ©faite, impuissante. La musique de Lully et le livret de Quinault explicitent l’emprise que Renaud exerce peu Ă  peu sur la sublime musulmane…
Après le Prologue oĂą la Gloire et la Sagesse chantent les vertus du Roi (Louis XIV), place Ă  l’action proprement dite.
A l’acte I, les musulmans cĂ©lèbrent la toute puissance d’Armide et d’Hidraot : la belle magicienne dĂ©clare Ă©pouser celui qui saura vaincre le plus valeureux de leurs ennemis : le chevalier Renaud.
Au II, Renaud exilĂ© par Godefroy, s’endort au bord d’une rivière. Les esprits malins suscitĂ©s par Hidraot et Armide en font leur prisonnier et Armide, s’apprĂŞtant Ă  le tuer, tombe d’impuissance face au visage du beau chevalier : l’amour est plus que son devoir guerrier. Elle emporte Renaud ensorcelĂ© dans les airs…

 

 

 

Armide, l’opĂ©ra passionnel et tragique de Lully

 

L’Acte III est dĂ©volu Ă  la guerre intĂ©rieure qui saisit le coeur d’Armide : cet a mour pour Renaud faisant sa honte doit devenir haine pour la libĂ©rer. Mais la femme amoureuse se dĂ©voile et ne pouvant haĂŻr celui qu’elle aime, elle chasse la Haine venue rĂ©aliser ses premiers desseins.
Acte IV. Le compagnons de Renaud, Ubalde aidĂ© du chevalier Danois partent Ă  la recherche de Renaud pour le dĂ©livrer d’Armide : ils doivent Ă©prouver les charmes de Melisse, Lucinde, sĂ©ductrices destinĂ©es Ă  les perdre. Les hĂ©ros parviennent Ă  se libĂ©rer des enchantements.
Acte V. L’impuissance tragique d’Armide. Dans son palais Armide s’inquiète toujours de la domination de Renaud dans son cĹ“ur. Surviennent Ubalde et le chevalier Danois : Renaud prend conscience du charme dont il est victime et s’enfuit quittant Armide malgrĂ© ses plaintes. Armide de fureur, d’amoureuse devenue haineuse impuissante et dĂ©munie, dĂ©truit son palais et s’enfuit elle aussi sur son char.

 

Armide lully livret_front_BallardL’opĂ©ra en peignant surtout le dĂ©chaĂ®nement des passions qui suscite un amour artificiellement provoquĂ© (Renaud tombe amoureux d’Armide par envoĂ»tement), cible l’impuissance de la magicienne. L’opĂ©ra s’achève sur l’abandon d’Armide par Renaud qui a recouvrĂ© la raison et sur la haine solitaire de la musulmane qui s’enfuit (elle aussi) dans les airs, de rage et d’impuissance (ce parti final est aussi retenu par Noverre dans sonballet cĂ©lèbre, sujet Ă  un dĂ©cor et des machineries spectaculaires Ă  l’Ă©vocation de l’Ă©croulement du palais d’Armide et de l’Ă©lĂ©vation de la magicienne sur son char cĂ©leste). L’ouvrage de Lully créé en 1686 prĂ©sente une telle intensitĂ© Ă©motionnelle, Ă©quilibre avec soin, scènes de tendresse et d’enchantement (ballets et divertissements ponctuent l’action guerrière proprement dite) qu’il devient un modèle dans l’imaginaire des compositeurs. Sacchini près d’un siècle après Lully en 1783, adaptera pour Marie-Antoinette et Louis XVI, le sujet d’Armide : son Renaud illustre une rĂ©ussite exemplaire du mythe d’Armide au temps des Lumières, avec une diffĂ©rence importante dans le traitement du sujet : si Lully et Quinault achèvent leur ouvrage sur une issue passionnĂ©e et tragique, l’opĂ©ra de Sacchini, gluckiste napolitain Ă  paris, prĂ©fère, goĂ»t du temps oblige, rĂ©soudre l’intrigue par les retrouvailles heureuses des deux protagonistes, après avoir longuement offert Ă  Armide (mezzo soprano), de sublimes airs d’ivresse, de vertiges passionnels affine le portrait de la femme qui dĂ©voile avec une profondeur dĂ©jĂ  prĂ©romantique en pleine pĂ©riode classique, une sincĂ©ritĂ© de ton irrĂ©sistible (Ă  l’acte II après le duo avec Renaud, brunoProcopio dirige Renaud sacchinil’air fameux “barbare amour”). Après Christophe Rousset Ă  Metz (avec marie Kalinine dans le rĂ´le titre, c’est rĂ©cemment le claveciniste et chef d’orchestre, lui-mĂŞme ancien Ă©lève au clavecin de Rousset, Bruno Procopio qui a assurĂ© les 21 et 22 mars 2015, la crĂ©ation du Renaud de Sacchini Ă  Rio de Janeiro au BrĂ©sil (Sala Cecilia Meireles), dans une rĂ©alisation exceptionnelle oĂą perce tel un diamant imprĂ©vu, l’Ă©clat indicible et troublant de la mezzo brĂ©silienne Luisa Francesconi.

 

  

 Armide de Lully, opĂ©ra pour l’Ă©tĂ© 2015

 

 

Armide de Lully reprend du service au fil des festivals de l’Ă©tĂ© 2015. Beaune et Innsbruck affichent chacun dans des productions diffĂ©rentes, le chef d’oeuvre tragique et passionnel de Lully.

 

  

 

Beaune, festival
Le 4 juillet 2015, 21h
Rousset. Henry, PrĂ©gardien, Schroeder, van Wanroij, Chappuis, Mauillon, VĂ©ronèse, Guimaraes, Bennani…

Après PersĂ©e, PhaĂ«ton, BellĂ©rophon nous clĂ´turons avec le chef Christophe Rousset le cycle d’opĂ©ras de Lully avec Armide, son dernier opĂ©ra, considĂ©rĂ© par Rameau comme son plus grand chef-d’oeuvre. Il est jouĂ©, acclamĂ© et encensĂ© sur la scène francaise tout au long du 18e siècle. Dans sa dĂ©dicace au roi, Lully Ă©crit : “Sire, de toutes les tragĂ©dies que j’ay mises en musique voicy celle dont le Public a tesmoignĂ© estre le plus satisfait: c’est un spectacle oĂą l’on court en foule, et jusqu’icy on n’en a point veu qui ait receu plus d’applaudissements”. Le Cerf de La ViĂ©ville, contemporain de Lully et auteur de la fameuse “Comparaison de la musique italienne et de la musique française” (1704), dĂ©crivait dans cet ouvrage l’effet que produisait sur ses auditeurs le cĂ©lèbre monologue d’Armide qui clĂ´t l’acte 2 (“Enfin il est en ma puissance”), considĂ©rĂ© comme un des clous de la partition : « J’ai vu vingt fois tout le monde saisi de frayeur, ne soufflant pas, demeurer immobile, l’âme tout entière dans les oreilles (…) puis, respirant lĂ  avec un bourdonnement de joie et d’admiration ». Au cinquième acte, l’impressionnante passacaille avec choeur et solistes est Ă©galement l’un des sommets de la partition.

 
 

 
 

Innsbruck, festivalEVASION en Autriche : le festival d'Innsbruck 2015
Les 22, 24, 26 août 2015
Avec les chanteurs lauréats du Concours de chant baroque coorganisé avec le Centre de musique baroque de Versailles
39ème Festival international de musqiue ancienne d’Innsbruck / Festwhchen der Alten Musik. Innsburck, Innenhof der Theologischen Fakultät)
C-Akenine, Colonna
Hache, Cabral, Skorka, Albano, di Bianco, Lavoie, Francis, de Hys

(au moment où nous publions, la date du 24 août est déjà complète)

 

 

Illustration : les amours de Acis et Galate par Nicolas Poussin : sensualitĂ© crĂ©pusculaire et vĂ©nitienne (XVIIème – DR)

Vosges saônoises. Festival Musique et Mémoire : 17 juillet > 2 août 2015

visuel festival Musique et MĂ©moire 2015Vosges saĂ´noises. Festival Musique et MĂ©moire : 17 juillet > 2 aoĂ»t 2015. 22ème Ă©dition. Seul dans les Vosges, un festival dĂ©fricheur repoussent les limites de la mĂ©moire, rĂ©invente la notion d’hĂ©ritage et de traditions en exprimant tout ce que les Ĺ“uvres anciennes et baroques ont de commun avec notre Ă©poque. Ni restitution formatĂ©e, ni postures pĂ©remptoires… le propre du festival Musique et mĂ©moire est d’interroger avec libertĂ© et exigence les rĂ©pertoires de la fin de la Renaissance aux deux pĂ©riodes baroques, XVIIè et XVIIIème, tout en renouvelant la forme du spectacle, suscitant rencontres et combinaisons variĂ©es de musiciens et d’instruments, comme la notion mĂŞme de travail artistique.

 

 

 

Le Baroque autrement dans les Vosges SaĂ´noises

 

C’est aussi des actions multipliĂ©es vers les publics et les jeunes. L’apport des rĂ©sidences d’artistes cultive d’indiscutables fruits : selon une formule fĂ©conde favorisĂ©e par le directeur du festival, Fabrice Creux :  3 ensembles baroques y prĂ©sentent sur 3 annĂ©es, les avancĂ©es de leurs travaux, dans des conditions humaines, musicales idĂ©alement prĂ©servĂ©es depuis le lancement de ce rythme festivalier. En 3 week ends intenses et remarquablement conçus, 3 formations ou 3 gestes artistiques explorent de fond en comble l’esthĂ©tique et la pĂ©riode qu’ils ont choisis de dĂ©fendre.

 

 

Règle des 3

 

Le festival Musique et MĂ©moire cultive les vertus d’une saine trinitĂ©. Le “3 en 1″ musical: 3 ensembles / 3 rĂ©sidences crĂ©atives / 3 parcours artistiques. Ainsi les festivaliers 2015 pourront (re)dĂ©couvrir la sensibilitĂ© des 3 ensembles ainsi invitĂ©s par Fabrice Creux: Les Timbres (week end 1 : les 17,18 et 19 juillet 2015),  Vox Luminis (week end 2 : les 24,25 et 26 juillet 2015) et Les Surprises (week end 3 : 29 juillet-2 aoĂ»t 2015). Poursuivant son action dĂ©cisive dans l’Ă©mergence de nouveaux collectifs artistiques, Musique et MĂ©moire accueille Les Timbres pour l’acte 2 de leur rĂ©sidence vosgienne avec comme fil conducteur d’un travail prometteur : l’opĂ©ra dans tous ses Ă©tats.
Pour commĂ©morer les 300 ans de la mort de Louis XIV(1638-1715), en septembre 1715,  Les Timbres aborde pour sa seconde annĂ©e de rĂ©sidence, diverses manifestations de la scène et du spectacle propre au Grand Siècle. C’est le temps d’un âge d’or de l’art français dont se souviendront les derniers Bourbons, Louis XV et Louis XVI, accordant une admiration spĂ©cifique au Roi Soleil. Pour lui, dans l’Ă©crin de Versailles, les ors solennels favorisent les replis de l’intimitĂ© tragique et grâce Ă  Lully, l’opĂ©ra français peut naĂ®tre, digne rival du théâtre classique de Corneille et de Racine. Pour preuve son opĂ©ra Proserpine, très rarement jouĂ©, qui aux cĂ´tĂ©s d’Armide ou d’Atys, porte très haut et très loin les recherches poĂ©tiques d’un genre qui s’affirme alors, dans le chant dĂ©clamĂ© et chantĂ©, l’articulation d’un texte surtout (oĂą l’articulation prime sur la mĂ©lodie), oĂą le ballet et les divertissements qu’il autorise dès lors, contraste avec la tension du drame.

 

 

Poésie lyrique du Grand Siècle : Les Timbres an2

 

Les Timbres au 22è Festival Musique et MĂ©moireEn juillet 2015, la théâtralitĂ© de la musique baroque française du Grand Siècle, mĂ©lange exquis de charme et de profondeur, d’élĂ©gance et de naturel, de majestĂ© et de mesure, ressuscite. Le gĂ©nie français s’exprime alors autant par l’inspiration de la musique que la qualitĂ© du texte poĂ©tique…. à  l’expressivitĂ© resserrĂ©e des airs et des rĂ©citatifs de Lully rĂ©pond la science inĂ©galĂ©e depuis des livrets de Quinault… Proserpine, drame mythologique retrouve dans cette combinaison parfaite du verbe et de la note, l’expressivitĂ© Ă©purĂ©e et très intense du théâtre classique neo antique de Corneille et surtout Racine lequel depuis l’accomplissement inouĂŻ de l’opĂ©ra tel qu’il est rĂ©alisĂ© par Lully (dès les annĂ©es 1670), ne compose plus de tragĂ©dies parlĂ©es ni declamĂ©es ou dĂ©sormais ses ultimes ouvrages prenant en compte l’impact du verbe chantĂ©, intègrent dĂ©sormais intermèdes et Ă©pisodes musicaux  (c’est le cas de ses pièces sacrĂ©es Esther ou Athalie dont on retrouve aujourd’hui la pertinente conception  jouant sur la musicalitĂ© des vers autant que l’essor spĂ©cifique des instruments.

 

Puis c’est Vox Luminis (invitĂ© depuis 2012) qui revient lui aussi pour un dernier chapitre de crĂ©ations dont un panorama dĂ©diĂ© Ă  l’extraordinaire dynastie Bach.

 

Enfin, Musique et MĂ©moire dĂ©roule le tapis rouge pour le 3ème ensemble musical, dĂ©couvert en 2014, Les Surprises qui prĂ©sentent ainsi en 2015, la recrĂ©ation en première mondiale de l’opĂ©ra  Les ElĂ©ments de Mrs Delalande et Destouches. Cette collaboration accomplit un vaste programme d’explorations consacrĂ© au rĂ©pertoire français au croisement des XVIIe et XVIIIe
siècles, ainsi qu’à la musique de chambre autour de l’orgue. Avec Les Timbres, le Festival pour cette 22ème Ă©dition, affirme davantage ses actions de sensibilisations et de transmissions Ă  l’adresse des publics les plus larges et les plus variĂ©s du territoire : les offres d’explication des esthĂ©tiques, des ateliers de pratique musicale seront proposĂ©s (autour de Proserpine de Lully et de la chasse aux concerts, auprès du dĂ©partement de musique ancienne de l’Ecole dĂ©partementale de musique de la Haute-SaĂ´ne et dans les Ă©coles de la  CommunautĂ© de communes des 1000 Etangs).

 

 

La 22ème Ă©dition souligne la vitalitĂ© d’un festival qui ne cesse de rĂ©inventer les formes du spectacles, insistant toujours sur les liens avec les publics et les lieux d’accueil. OpĂ©ra de Lully Ă  la basilique St Pierre de Luxeuil-les-Bains, chasse aux concerts dans les rues de Faucogney, carnaval des animaux dans la cour de l’hĂ´tel de ville de Lure, plongĂ©e dans la dynastie Bach Ă  l’église luthĂ©rienne d’HĂ©ricourt… le festival Musique et MĂ©moire a tout pour enchanter votre Ă©tĂ© 2015.

 

 

Les Timbres rĂ©alisent nombre d’actions de sensibilisation et de transmission auprès des jeunes publics. Le Festival Musique et MĂ©moire et la sensibilisation des jeunes publics

Ecole départementale de musique,
département de musique ancienne
(secteur Vosges SaĂ´noises)

Proserpine de Jean-Baptiste Lully (sensibilisation par la pratique)
Extraits des plus belles pièces instrumentales

Vendredi 27 mars 2015, de 18 h 30 à 21 h
(Ecole de musique, place du 8 mai 1945, Luxeuil-les-Bains)

Vendredi 29 mai 2015, de 18h30 Ă  21h
(Espace Frichet, 1 avenue des Thermes, Luxeuil-les-Bains)

Samedi 30 mai 2015, de 9 h Ă  12 h et de 14 h Ă  16 h 30
(Espace Frichet, Luxeuil-les-Bains)

17h30, présentation publique
(Espace Frichet, Luxeuil-les-Bains)

 

 

Milieu scolaire
Lundi 8 et mardi 9 juin (11 classes)

Sensibilisation Ă  “la Chasse aux concerts” dans les Ă©coles de la CommunautĂ© de communes des 1000 Etangs (Breuchotte, Faucogney, La Longine, Raddon, Saint-Bresson et Sainte-Marie-en-Chanois)

 

visuel festival Musique et Mémoire 2015Festival Musique et Mémoire 2015
Week end 1 : résidence Les Timbres
7 Concerts les 17, 18 et 19 juillet 2015
Réservations sur le site du Festival Musique et Mémoire
www.lestimbres.com

 

 

concert 1visuel festival Musique et Mémoire 2015
Vendredi 17 juillet 2015, 21h

Luxeuil les Bains, Basilique
Proserpine
OpĂ©ra de Jean-Baptiste Lully (1632-1687) en version “de chambre” (Anvers, 1682)
Reconstitution en première mondiale (commande du festival)

Ensemble Les Timbres
Proserpine (dessus) : Julia Kirchner
Cérès (bas-dessus) : Cécile Pilorger
Mercure (haute-contre) : Branislav Rakic
Jupiter (basse-taille) : Josep Cabré
Pluton (basse) : Marc Busnel

Yoko Kawakubo et Maite Larburu, violons
Elise Ferrière, flûtes à bec
Benoît Laurent, hautbois et flûtes à bec
Myriam Rignol, viole de gambe
Etienne Floutier, violone
Julien Wolfs, clavecin
Miléna Duflo, percussions

Jana Rémond, mise en espace
Benoît Colardelle, lumières

Samedi 18 juillet 2015, 17h
Espace Méliès
cinéma intercommunal du Pays de Lure

Tous les matins du Monde
Film français d’Alain Corneau (1991) – 1h54, d’après le roman de Pascal Quignard

 

 

TragĂ©die en musique sur un livret de Philippe Quinault, Proserpine fut créée le 3 fĂ©vrier 1680 Ă  Saint-Germain en Laye. A cette date, Lully est Ă  la tĂŞte de l’AcadĂ©mie Royale de musique depuis dĂ©jĂ  8 ans. PersonnalitĂ© incontournable indiscutabe du règne de Louis XIV, le Florentin naturalisĂ© français règne en maĂ®tre sur le monde musical de la Cour du Roi Soleil. Il a Ă©clipsĂ© par sa renommĂ©e et son caractère la plupart de ses collègues compositeurs dramatiques. L’opĂ©ra c’est Lully. Et personne d’autres.

Proserpine suscite l’enthousiasme de ses contemporains, comme en tĂ©moigne Madame de SĂ©vignĂ© qui Ă©crit dans sa lettre datĂ©e du 9 fĂ©vrier 1680 : « l’opĂ©ra est au dessus de tous les autres », et le nombre de reprises de cette oeuvre : plus de 10 fois entre 1680 et 1758 Ă  Fontainebleau et au théâtre du Palais Royal, elle fut reprĂ©sentĂ©e Ă©galement Ă  WolfenbĂĽttel en 1685, Ă  Amsterdam, le 15 septembre 1688 et en 1703 ; des reprĂ©sentations eurent lieu Ă©galement Ă  Lyon en 1694, Ă  Rouen en 1695. C’est donc une partition qui toucha le public et produit un Ă©cho europĂ©en immĂ©diat.

Anvers, 1682
Proserpine fut aussi le premier opéra représenté à Anvers, fin 1682, du vivant de son auteur, et c’est cette version là dont nous proposons la re-création. Les partitions originales utilisées lors de cette représentation sont conservées au musée Vleeshuis d’Anvers. Les partitions sont d’un intérêt extrême, car elles permettent de déduire facilement l’instrumentation utilisée pour cette représentation : 2 dessus et basse-continue.
Cette instrumentation, si tant est qu’elle puisse nous surprendre actuellement (rĂ©duire l’effectif d’un opĂ©ra Ă  une poignĂ©e de musiciens !), est des plus courante Ă  l’époque : en effet, l’orchestre de Lully Ă©tait alors très fourni – 5 parties de cordes et de nombreux vents -, et il Ă©tait donc difficile d’imaginer pouvoir jouer avec cette formation dans un cadre restreint. RĂ©duire l’effectif instrumental permettait ainsi de pouvoir « transporter » la musique partout oĂą le demande se faisait prĂ©ssante. Plus intĂ©ressant, alors qu’il ne subsiste parfois des partitions d’orchestre de Lully que le dessus et la basse et que les parties intĂ©rieures sont Ă  restituer, les partitions d’Anvers sont toutes originales : toutes les parties y soigneusement notĂ©es Ă  l’époque.
Cette instrumentation lĂ©gère convient particulièrement Ă  l’ensemble Les Timbres, qui promeut la musique de chambre, et non pas l’orchestre. En cela, la version d’Anvers de Proserpine de Lully est une version de musique de chambre d’un grand opĂ©ra français. MalgrĂ© son effectif restreint, l’expressivitĂ©, la poĂ©sie et la tension du drame sont prĂ©servĂ©s, grâce Ă  une version chambriste très caractĂ©risĂ©e.

 
 
 
 

concert 2visuel festival Musique et Mémoire 2015
Samedi 18 juillet 2015, 21h

Cour de l’HĂ´tel de Ville de Lure
Le Carnaval des Animaux
Une satire du genre humain
Et si nous étions tous des animaux ?

Ensemble Les Timbres
Yoko Kawakubo, violon
Myriam Rignol, viole de gambe
Julien Wolfs, clavecin
Aymeric Pol, comédien

Jana Rémond, texte et mise en espace
Benoît Colardelle, lumières

 
 

Un Carnaval baroque inĂ©dit : Le Carnaval des Animaux. Avant Camille Saint-SaĂ«ns, les Baroques ont cultivĂ© l’Ă©vocation musicale des tempĂ©raments animaux… Les Timbres propose donc un spectacle inĂ©dit qui compose une satire du genre humain, tantĂ´t tendre et moqueuse, tantĂ´t piquante et interrogative : et si nous Ă©tions tous des animaux ? L’humeur, le caractère, le tempĂ©rament, l’acuitĂ© et l’expression du regard fondent ici une recherche comparĂ©e de vĂ©ritĂ© et de justesse. L’on pense Ă©videmment aux confĂ©rences physiognomoniques de Charles Lebrun et de Lavater oĂą le visage de l’homme selon sa morphologie est apparentĂ©e par un dessin très abouti et caractĂ©risĂ© aux animaux : chat, chouette, chameau, cheval, aigle… Ce parallèle offre des sĂ©quences Ă©loquentes et expressives propres Ă  la quĂŞte d’une rhĂ©torique idĂ©ale depuis le XVIème siècle.

Un texte écrit par Jana Rémond, met en scène différents aspects de nos caractères sous la forme de saynètes métaphoriques, illustrées par des oeuvres du répertoire baroque français inspirées par les animaux.

Ce Carnaval est une fantaisie baroque construite sur un rĂ©pertoire musical du XVIIIe siècle prenant comme thĂ©matique les animaux – Les Fauvettes Plaintives de Couperin, La Poule de Rameau, Le Dragon de Michel de la Barre… Les pièces dialoguent avec des textes d’inspiration baroque, offrant une galerie de portraits aussi cyniques que comiques. Dans cette vie en perpĂ©tuel changement, Ă  quoi peut-on se raccrocher ? Pour trouver des rĂ©ponses, le narrateur part Ă  la rencontre d’animaux qui ont chacun leur mot Ă  dire sur la question. Incarnant tour Ă  tour les diffĂ©rents animaux des pièces musicales, le comĂ©dien se fait Ă  la fois dragon, rossignol, papillon, moucheron…. Le dialogue entre texte et musique rend complices l’acteur et les musiciens, qui se font aussi partenaires de jeu. Gageons que nos interprètes dĂ©fendent surtout des affinitĂ©s analogiques avec les volatiles : de la Poule de Rameau aux Rossignols de Couperin et Caix d’Hervelois, sans omettre les Tourterelles de Monteclair, le chant des oiseaux inspirent particulièrement les instruments… DurĂ©e : environ 45 min ou 1h.

Programme
Jean-Philippe RAMEAU (1683-1764) : La Poule
François COUPERIN (1668-1733) : Les Fauvettes plaintives ; Le Moucheron ; Les Satyres ; Le Rossignol en Amour ; Le Rossignol Vainqueur
Louis de CAIX d’HERVELOIS (1680-1759) : Rossignol ; Papillon
Michel PIGNOLET de MONTECLAIR (1667-1737) : Les Tourterelles ; Les Nayades

 
 
 
 

concert 3visuel festival Musique et Mémoire 2015
Samedi 18 juillet 2015, 23h

Cour de l’HĂ´tel de Ville de Lure
La Gamme en forme de petit opéra
Marin Marais (1656-1728)
Morceaux de Simphonie pour le Violon, la Viole et le Clavecin (Paris, 1723),

Ensemble Les Timbres
Yoko Kawakubo, violon
Myriam Rignol, viole de gambe
Julien Wolfs, clavecin
Aymeric Pol, comédien

Jana Rémond, projection
Simon Wolfs et Blaise Adilon, photographies
Benoît Colardelle, lumières

 

 

concert 4visuel festival Musique et Mémoire 2015
Dimanche 19 juillet 2015, 11h

Chapelle Saint-Martin de Faucogney
Le Clavecin du Grand Siècle
Jacques Champion de Chambonnières (vers 1601/2-1672), Louis Couperin (1626-1661)
Et Jean-Henry  D’Anglebert (1629-1691)

Julien Wolfs, clavecin
Benoît Colardelle, lumières

 

 

concert 5visuel festival Musique et Mémoire 2015
Dimanche 19 juillet 2015, 13h

Montagne Saint-Martin de Faucogney

Simphonies pour les Soupers du Roy
Pique-Nique sonore
création / commande du festival
Michel-Richard De Lalande (1657-1726)
Suites extraites des Simphonies pour les Soupers du Roy (Paris, 1703 et 1713)

Ensemble Les Timbres
Yoko Kawakubo et Maite Larburu, violons
Elise Ferrière, flûte à bec
Myriam Rignol, viole de gambe

 

 

concert 6visuel festival Musique et Mémoire 2015
Dimanche 19 juillet 2015, 15h

Faucogney (parcours historique)
La Chasse aux concerts
Un parcours énigmatique interactif pour petits et grands
création / commande du festival

Ensemble Les Timbres
Yoko Kawakubo et Maite Larburu, violons
Elise Ferrière, flûte à bec
Myriam Rignol, viole de gambe
Jana Rémond, accessoires

 

 

Concert 7visuel festival Musique et Mémoire 2015
Dimanche 19 juillet 2015, 17h30

Eglise Saint-Jean Baptiste de Corravillers
Sonnons en trio !
L’apparition et l’évolution de la sonate en trio au XVIIème et XVIIIème siècle en France
création / commande du festival

Michel Lambert (1610-1696), Marin Marais (1656-1728), François Couperin (1668-1733) et Jean-Marie Leclair    (1697-1764)

Ensemble Les Timbres
Yoko Kawakubo et Maite Larburu, violons
Myriam Rignol, viole de gambe
Julien Wolfs, clavecin

Benoît Colardelle, lumières

 

 

Beaune 2015 : Armide de Lully

lully_gravure_450Beaune. Lully : Armide. Le 3 juillet 2015, 21h. La Cour des Hospices cĂ©lèbre en 2015 le gĂ©nie lyrique de Lully, dramaturgenĂ© pour exprimer les vertiges de la passion amoureuse ; on pense Ă  Cybèle, furie dĂ©chaĂ®nĂ©e dans Atys, qui rend fou le pauvre berger au point qu’il tue sa propre aimĂ©e, Sangaride puis revenant Ă  la raison, mesure l’horreur de son geste insensĂ©. Terrifiante vengeance de la part de la dĂ©itĂ©… Dans Armide, Lully et son librettiste, le poète Philippe Quinault … atteignent aussi un sommet du terrifiant ; le dernier opĂ©ra du Florentin créé le 15 fĂ©vrier 1685, fut admirĂ© de Rameau qui se gardera bien d’aborder après lui, la geste hĂ©roĂŻque, guerrière et malĂ©fique des amours de Renaud et Armide. InspirĂ© du Tasse (La JĂ©rusalem dĂ©livrĂ©e), le livret de Quinault traite de la folie qui guette les choeurs Ă©pris. Le drame doit Ă  sa concentration psychologique, – laquelle contraste tant avec les ballets que les divertissements qui en ponctuent rĂ©gulièrement le dĂ©roulement, sa force tragique ; une manière lyrique qui Ă©gale sinon surpasse les tragĂ©dies parlĂ©es et dĂ©clamĂ©es de Corneille et surtout Racine. Pour Gluck, et avant lui Rameau, le cĂ©lèbre monologue dĂ©clamĂ© d’Armide clĂ´turant l’acte II (“Enfin il est en ma puissance”) reste un modèle de noblesse naturelle, de chant souple et racĂ©, idĂ©alement “Lullyste” et tragique. La nostalgie, la tendresse, l’abandon des âmes sur l’autel de l’effusion la plus pure comme la plus intense sont aussi les offrandes admirables de Lully Ă  la musique versaillaise du XVIIème. Un accomplissement servi Ă  Beaune par Les Talens Lyriques et Christophe Rousset qui y ont dĂ©jĂ  prĂ©sentĂ©, en un cycle “opĂ©ras de Lully” : PersĂ©e, BellĂ©rophon, PhaĂ«ton… Du XVIIème, l’Armide de Lully garde sa violence sauvage et passionnelle : l’enchanteresse malgrĂ© ses magies qui captivent et capturent un temps le beau Renaud, ne parvient pas Ă  retenir le chevalier chrĂ©tien : il y a la voix du cĹ“ur, inaccessible et mystĂ©rieuse et celle du pouvoir… La Sarrazine doit le laisser partir au V, non sans libĂ©rer une violence barbare qui dĂ©truit son palais, se vouant dĂ©sormais aux dĂ©mons de la haine vengeresse.
Avatar, de Lully Ă  Sacchini… Il en va tout autrement dans les reprises postĂ©rieures du mythe, en particulier, l’Armide ou plutĂ´t le Renaud de Sacchini de 1783 (qui fait suite Ă  Gluck) : le Napolitain Sacchini, invitĂ© par Marie-Antoinette Ă  Paris, souligne plutĂ´t la tendresse amoureuse de la femme sous le masque de la guerrière magicienne. Il est vrai que le goĂ»t au temps de Louis XVI avait Ă©voluĂ© : plus de tragĂ©die en 5 actes mais en 3, et une fin heureuse qui unit les deux guerriers Renaud et Armide, après avoir surtout soulignĂ© les faiblesses, doutes et tendresse d’une Armide plus amoureuse dĂ©sormais que vengeresse.

STAGES. 2 Stages Lully avec l’ensemble Les Timbres (Luxeuil les Bains, Vosges saĂ´noises)



Festival Ă©vĂ©nement dans les Vosges saĂ´nnoisesSTAGES. 2 Stages Lully avec l’ensemble Les Timbres (Luxeuil les Bains, Vosges saĂ´noises). 

Le jeune ensemble Les Timbres rĂ©alise une rĂ©sidence fĂ©conde au sein du festival Musique et mĂ©moire (chaque Ă©tĂ©), jusqu’en 2016. Volontaire et acteur pour l’élargissement des actions culturelles, le Festival dirigĂ© par Fabrice Creux, imagine au premier trimestre 2015, avec l’ensemble Les Timbres, un important volet d’actions de sensibilisation aux esthĂ©tiques anciennes auprès des pratiques et des publics locaux.

 

Jouer Lully Ă  partir de Proserpine
les timbres ensemble classiquenews.comLully est le sujet de deux stages Ă  venir en mars et mai 2015, soit 10h30 d’immersion pratique dans l’interprĂ©tation d’un opĂ©ra de Lully. Ainsi, 2 sessions participatives, en prĂ©ambule Ă  la recrĂ©ation de “Proserpine” (un opĂ©ra de Jean-Baptiste Lully en version “de chambre”, Anvers, 1682 (programmĂ© pour l’édition estival du Festival, soit le vendredi 17 juillet Ă  la basilique St Pierre de Luxeuil-les-Bains), sont proposĂ©es au dĂ©partement de musique ancienne de l’Ecole dĂ©partementale de musique de la Haute-SaĂ´ne (Ă  Luxeuil-les-Bains), autour d’extraits des plus belles pièces instrumentales de cet opĂ©ra :

 

 

3 dates : 1 sĂ©ance d’introduction, 2 sessions de pratique

- vendredi 27 mars, séance introductive, de 18 h 30 à 21 h / Ecole de musique de Luxeuil-les-Bains, place du 8 mai 1945

- vendredi 29 mai, de 18 h 30 Ă  21 h / Ecole de musique de Luxeuil-les-Bains, place du 8 mai 1945

- samedi 30 mai 2015, de 9 h Ă  12 h et de 14 h Ă  16 h 30 / Espace Frichet de Luxeuil-les-Bains, 1 avenue des Thermes

Les musiciens amateurs non inscrits Ă  l’Ecole dĂ©partementale de musique peuvent Ă©galement s’inscrire (30 € pour les 10 h 30 de stage).

 

 

renseignements et inscriptions : 03 84 40 13 50 ou Emile Aeby, responsable du département de musique ancienne, e.aeby@edm70.fr

 

Restitution publique
Samedi 30 mai, 17 h 30
Espace Frichet, Luxeuil-les-Bains
 (Gratuit)

 

+ d’infos sur le site du Festival Musique et Mémoire

 

 

CD.Lully : Amadis, 1684 (Rousset, 2013. 3 cd Aparté)

AMADIS Lully rousset quinault auvity Wanroij Perruche weynants, MechelenCD.Lully : Amadis, 1684 (Rousset, 2013. 3 cd ApartĂ©)  Aux cĂ´tĂ©s d’Hercule, le chevalier Amadis et ses Paladins ont fait rĂŞvĂ© le Roi quand jeune, il se voyait conquĂ©rant du monde. En 1683, Louis XIV demande donc logiquement Ă  Lully et Quinault d’adapter la lyre chevaleresque Ă  l’opĂ©ra, ressuscitant le hĂ©ros chĂ©ri de sa jeunesse : ainsi naĂ®tra Amadis en 1684.  Pour les crĂ©ateurs c’est une occasion inespĂ©rĂ©e de renouveler la langue et le vocabulaire de la tragĂ©die lyrique 10 ans après sa crĂ©ation (Cadmus et Hermione, 1673) : l’AntiquitĂ© et la mythologie cèdent ainsi la place Ă  l’histoire nationale offrant de nouveaux effets sur la scène : hĂ©las, malgrĂ© son fort potentiel dramatique et psychologique, le couple noir, haineux, jaloux (ici, le frère et la sĹ“ur Arcabonne et ArcalaĂĽs) ne dĂ©passe pas leurs rĂ´les de simples contrepoints malĂ©fiques au duo blanc lumineux et si tendre d’Amadis et d’Oriane… Ingrid Perruche fait une Arcabonne caricaturale et souvent outrĂ©e, Ă  la frontière de la folie dĂ©bridĂ©e et de l’hystĂ©rie surlignĂ©e : le jeu surlignĂ© est d’autant plus Ă©tonnant que l’on connaĂ®t bien la soprano capable de finesse comme de subtilitĂ© ; et son frère, Edwin Crossley-Mercer, un ArcalaĂĽs… malheureusement prĂ©visible, Ă©tal, plat, droit, sans trouble. D’oĂą vient que l’on refuse ainsi toute profondeur et toute ambivalence aux rĂ´les malĂ©fiques? C’est cependant dans la trame clair-obscure d’Amadis, les deux rĂ´les noirs et tĂ©nĂ©breux qui alimentent le feu et le nerf d’un opĂ©ra tournĂ© vers la fantastique et le dĂ©monisme. Arcabonne amoureuse impuissante d’Amadis ne cesse de manipuler, sĂ©duire, haĂŻr… il y avait matière Ă  caractĂ©riser et ciseler une superbe architecture dramatique. Cet aspect est totalement absent ici.

L’Oriane de Judith van Wanroij déploie un miel plus séduisant (malgré des ports de voix qui entachent la pureté de sa ligne vocale) ; heureusement Cyril Auvity se bonifie en cours d’action et ses derniers récits en duo avec sa belle enfin reconquise  au V (chambre des élus d’Apollidion) offre de très beaux phrasés. Pour le reste le choix des voix secondaires affleure une semi caractérisation convaincante (Benoît Arnould en Florestan, surtout Hasnaa Bennani dans le rôle de sa fiancée Corisande…). La palme de meilleur chant revient ici à la fée Urgande de Béatrice Tauran, celle qui chantait hier, Sangaride sous la direction de Hugo Reyne en Vendée, saisit toujours par la grâce et la pureté de sa diction et l’élégance musicale de son expression : une déité parfaite, défendant avec fermeté mais féminité, l’amour méritant. Après Roland, Persée, Phaéton (2012) et Bellerophon (2009), l’Amadis de Christophe Rousset ne manque pas de charmes en particulier dans le chœur final, qui bénéficie de la mise en place et de l’articulation impeccable du Choeur de chambre de Namur, l’un des meilleurs actuellement. Mais la Chaconne qui précède (plus de 7 mn), sorte d’apothéose du couple amoureux et qui devrait concentrer le souffle épique, enchanteur de la fable qui vient de se produire, révèle les limites des Talens Lyriques : faiblesses non pas techniques, mais … esthétiques. Le geste manque singulièrement de hauteur, de respiration, restant linéaire, rien que narratif. C’est bien joué mais pas envoûtant.

rousset christophe talens lyriques amadis phaeton roland, bellerophonL’Opéra de Versailles avait il y a 3 ans, accueilli une autre production d’Amadis, certes inspirée de Lully mais réécrite après lui en 1779 pour Marie-Antoinette par… le Bach de Londres, Jean-Chrétien, dans une réalisation beaucoup mieux caractérisée sur le plan des profils expressifs… Pour un Lully pur jus, sanguin et tendre, il faut hélas se souvenir des Arts Florissants et de William Christie pour envisager un tout autre Lully, moins tendu, sec, descriptif. Manquent ici la profondeur, la poésie, la langueur, la souveraine nostalgie… Voilà qui fait craindre à rebours d’une presque vague Lullyste, le sentiment d’une défaveur par manque de réelle affinité avec le sujet choisi. Cependant tout n’est pas à jeter dans cette réalisation qui manque pourtant d’approfondissement comme de souffle. Louons cette presque intégrale en cours des opéras de Lully : hier Reyne avait amorcé la flamme, Christophe Rousset reprend le flambeau, mais c’est bien Bill l’enchanteur qui reste le vrai détenteur du feu sacré.

amadis lully rousset aparteJean-Baptiste Lully : Amadis, 1684. Livret de Philippe Quinault, avec Cyril Auvity, Judith van Wanroij, Ingrid Perruche, Edwin Crossley-Mercer, Benoît Arnould, Bénédicte Tauran, Hasnaa Bennani, Pierrick Boisseau, Reinoud Van Mechelen, Caroline Weynants, Virginie Thomas. Chœur de chambre de Namur. Les Talens Lyriques. Ch. Rousset, direction. Enregistré le 4/6 juillet 2013 à l’Opéra royal du château de Versailles . 3 cd Aparté AP094 / Harmonia Mundi. Parution annoncée : le 23 septembre 2014.

CD événement. Lully / Quinault : Amadis, 1684. Rousset (1 cd Aparté). Annonce.

AMADIS Lully rousset quinault auvity Wanroij Perruche weynants, MechelenCD événement. Lully / Quinault : Amadis, 1684. Rousset (1 cd Aparté). Enregistré à l’Opéra royal de Versailles en juillet 2013, voici un nouvel Amadis de Lully par Les Talens Lyriques (C. Rousset, direction). L’opéra créé en 1684, remet au goût du jour la figure d’un héros positif et charmeur, fort et sage auquel s’identifie le Roi Soleil en personne. Le sujet était passé de mode, or Le Roi Soleil s’entiche de ce nouveau héros proche de son goût : le nouvel opéra offrit un somptueux portrait du guerrier chrétien. Le succès immédiat valut à Lully la reconnaissance du Souverain et de sa Cour. Avant Lohengrin de Wagner (Telramund et Ortrud), l’opéra de Lully dont le sujet a été choisi par Louis XIV lui-même, met en scène un couple diabolique, manipulateur, haineux, destructeur : Arcalaüs et Arcabonne. Cette dernière ne serait qu’une entité dangereuse et rien que diabolique s’il n’était son amour pour le héros vainqueur… Etre tiraillé, c’est elle qui concentre le nœud de l’action et qui en fait un drame surtout psychologique. En un Proloque et 5 actes, l’opéra Amadis sait concentrer les meilleures formes musicales alors en vogue sur la scène lyrique : danses et divertissements, geste héroïque, tourments amoureux, mais aussi enchantements vénéneux (acte IV) sans compter la sublime chaconne finale (Acte V), la partition marque la maturité et la qualité de l’écriture de Lully au début des années 1680.

Jean-Baptiste Lully : Amadis.
Livret de Philippe Quinault
avec
Cyril Auvity, Judith van Wanroij,
Ingrid Perruche, Edwin Crossley-Mercer,
Benoît Arnould, Bénédicte Tauran,
Hasnaa Bennani, Pierrick Boisseau,
Reinoud Van Mechelen, Caroline Weynants,
Virginie Thomas

EnregistrĂ© – recorded – 4/6 juillet 2013
Opéra royal du château de Versailles

2 cd Aparté AP094 / Harmonia Mundi. Parution annoncée : le 23 septembre 2014.

AMADIS Lully rousset quinault auvity Wanroij Perruche weynants, MechelenLe coffret de 2 cd paraît chez Aparté le 23 septembre 2014. Il complète la collection des opéras de Lully en cours : Amadis succède ainsi à Roland, Persée, Bellérophon, Phaéton. Grande critique et dossier spécial Amadis de Lully par Les Talens Lyriques à venir dans le mag cd, dvd, livres de classiquenews.com

Un lieu, un musicien : Lully Ă  Versailles (II)

Un lieu, un musicien : Lully Ă  Versailles (II)

 

 

Lully Ă  la cour de Louis XIV

 

Lully_versailles_portraitSeconde habiletĂ© du Florentin en France : Lully ” le Français” dĂ©sormais, favorise le retour de Cavalli, l’Italien, Ă  Venise. L’opĂ©ra de ce dernier, Ercole Amante, spectaculaire et poĂ©tique, jouĂ© le 7 fĂ©vrier 1662 devant la Cour est … un Ă©chec. Les six heures de musique et de chant italien oĂą sont intercalĂ©s les ballets de Lully, pâtissent des machineries trop bruyantes. Mais les ballets sĂ©duisent. Cavalli quitte donc Paris. Lully triomphe.
Son succès suscite la jalousie des Ă©crivains et des hommes de théâtre. La Fontaine, Boileau, Bossuet sont irritĂ©s par ce jeune ambitieux opportuniste que l’amitiĂ© du Roi protège. L’affection du Souverain va grandissante. Les tragĂ©dies lyriques de Lully lui vaudront mĂŞme l’obtention de ses lettres de noblesse et son titre de conseiller-secrĂ©taire du Roi en 1680. La position que lui permet le Souverain, vĂ©ritable roi artiste et esthète protecteur des arts, inaugure un statut inconnu avant lui. Elle tĂ©moigne de la reconnaissance d’un musicien dans son temps.

 

 

Un lieu, un musicien

 

Si Louis XIV a créé Versailles sur le thème des plaisirs, la Cour ne dispose pas d’une salle de théâtre digne de son Ă©clat. De plus, la crĂ©ation d’un opĂ©ra français est tardive dans le siècle. La première tragĂ©die lyrique de Lully voit le jour en 1673 (Cadmus et Hermione) quand l’opĂ©ra vĂ©nitien a inaugurĂ© son théâtre public payant depuis… 1637.
En France, les autres arts bĂ©nĂ©ficient de structures dĂ©jĂ  anciennes. Richelieu a créé l’AcadĂ©mie française de peinture en 1648. Il faut attendre 1669 pour que naisse une AcadĂ©mie de musique. L’Ă©cole de peinture est florissante dès le règne de Louis XIII. Sous l’impulsion de Mazarin, de nombreuses sensibilitĂ©s talentueuses attestent de la diversitĂ© de la maturitĂ© française : Jacques Stella, Laurent de la Hyre, Lubin Baugin, Eustache Lesueur, SĂ©bastien Bourdon… autant d’atticistes parisiens qui Ă  l’Ă©gal des maĂ®tres italiens, renouent avec un sens de l’Ă©quilibre nĂ©ogrec. Le cas de la musique est tout Ă  fait diffĂ©rent.

louis_XIV_alexandre_Versailles_baroque_musiqueL’Italie – berceau des arts depuis l’AntiquitĂ© romaine, statut renforcĂ© pendant la Renaissance -, a fĂ©condĂ© la France du Grand Siècle. Dans le cas du théâtre lyrique, avant la naissance et l’Ă©closion d’un style original, un temps d’apprentissage et d’assimilation est nĂ©cessaire. La musique s’impose peu Ă  peu grâce au ballet de cour. Sur la danse puis la comĂ©die, elle Ă©tend son empire et deviendra tragĂ©die (sur le modèle lĂ  encore des grecs antiques).  Lully de naissance italienne, rĂ©alise le projet d’un opĂ©ra français.
A Versailles, la difficultĂ© de construite un théâtre d’opĂ©ra est l’Ă©cho de ce constat. Si les fondations d’une salle de ballets et d’opĂ©ras sont amorcĂ©s dès 1688, Ă  l’extrĂ©mitĂ© de l’aile nord, les guerres et les difficultĂ©s de la fin du règne font avorter les plans. Les conditions du spectacle Ă  Versailles sont particulières. Quand les reprĂ©sentations n’investissent pas Ă  la belle saison, les sites de plein air, les façades du château ou le cadre des jardins-, le Roi s’accommode d’un ” modeste ” petit théâtre ou salle des comĂ©dies.
Versailles est d’abord le lieu de sĂ©jours de plus en plus frĂ©quents et enchanteurs du jeune souverain. Dès octobre 1663, Louis et sa suite s’installent au château pour y chasser. La troupe de Molière donne ses pièces, le Prince jaloux, l’Ă©cole des Maris, les Fâcheux, l’Impromptu de Versailles, et aussi Sertorius de Corneille. C’est un lieu de villĂ©giature, cynĂ©gĂ©tique et théâtral oĂą la musique n’a pas encore sa place. Il abrite les amours royales, celles du jeune Roi et de Mademoiselle de la Vallière.

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Louis XIV jeune monarque conquérant par Nanteuil (DR)

Lully et Molière

 

lully_gravure_450De 1662 Ă  1663, les ailes des Communs (Ă©curies et cuisines) sont rebâties. une première orangerie, l’amorce du dessin des jardins, Ă©laborĂ©s par AndrĂ© Le NĂ´tre, occupent les Ă©quipes d’ouvriers. Versailles est un chantier Ă©tendu aux transformations continuelles. Lully et Molière qui se sont rencontrĂ©s dès 1661, pour la comĂ©dies Les Fâcheux, reprĂ©sentĂ© Ă  Vaux, commencent une collaboration fructueuse. Pour  ” Les Plaisirs de l’ĂŽle EnchantĂ©e “, premier grand divertissement de Versailles, donnĂ© Ă  l’Ă©tĂ© 1664, ils rĂ©alisent Le mariage forcĂ© et La Princesse d’Élide. ” Les deux Baptistes ” font danser, rire et rĂŞver la Cour de France. Tout Ĺ“uvre Ă  faire du parc, un lieu propice Ă  l’amour et Ă  la fĂŞte, dont le sujet s’adresse secrètement Ă  l’aimĂ©e, Mademoiselle de La Vallière, celle qui, l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente avait inspirĂ© au roi, sa première escapade versaillaise. La magie de l’amour règne alors.
Carlo Vigarani Ă©labore les dĂ©cors de ce superbe ” opĂ©ra chevaleresque ” oĂą Roger et les chevaliers sont prisonniers des enchantements de la belle Alcine.  DĂ©sormais Molière et Lully conçoivent les divertissements royaux. En 1665, c’est L’Amour MĂ©decin. Parallèlement, Lully produit l’ensemble des ballets du Roi auxquels participent Beauchamps pour la chorĂ©graphie et Vigarani pour dĂ©cors et machineries : ballet de la naissance de VĂ©nus (janvier 1665, Palais Royal), Ballet de CrĂ©quy ou le triomphe de Bacchus aux Indes (janvier 1666). Après le deuil de la Cour qui suit la mort d’Anne d’Autriche, Lully crĂ©e Ă  Saint-Germain, le Ballets des muses, mi-ballet, mi-comĂ©die-ballet, oĂą s’intègre une pastorale comique, nouveau genre inaugurĂ© en 1654 par de Beys et La Guerre.

1668 indique la deuxième tranche des grands travaux Ă  Versailles. Le corps central se pare d’une enveloppe de pierre : c’est le château neuf.  Versailles terrasse jardinsLa façade sur les jardins dĂ©ploie Ă©lĂ©gance et unitĂ© minĂ©rale, selon le dessein de Le Vau : trois Ă©tages rythment l’Ă©lĂ©vation, un rez de chaussĂ©e Ă  bossages, aux lignes horizontales marquĂ©es, un Ă©tage noble haut sous plafond rĂ©servĂ© aux Grands Appartements, celui du Roi (au nord) et de la Reine (au sud cĂ´tĂ© orangerie), enfin un attique ou dernier Ă©tage dont la balustrade dissimule les toitures, selon le modèle antique. Une large terrasse dont le vide central engendre ombre et lumière, s’inspire de l’architecture baroque romaine, celle des palais princiers. Versailles vit toujours Ă  l’heure italienne.

 

Suite du dossier Lully Ă  Versailles, III : l’opĂ©ra au château

 

Illustrations : Portraits de Lully, Louis XIV en Alexandre, le Surintendant Lully, la façade du château de Versailles en 1668 avec sa terrasse cĂ´tĂ© jardins …

 

Versailles : Musiques pour les noces de Marie-Antoinette et de Louis XVI, Les Siècles (novembre 2012)

Jean-Philippe Rameau Ă  ParisMusiques pour Marie-Antoinette… Dans la galerie des Glaces Ă  Versailles, l’orchestre sur instruments anciens Les Siècles joue sous la direction de François-Xavier Roth, le programme des fĂŞtes pour le mariage de Marie Antoinette et de Louis XVI : Gluck reprĂ©sentant de la musique moderne puis Rameau et Lully réécrits par Gossec et Dauvergne, dans le style nĂ©oclassique des annĂ©es 1770 … Grand reportage vidĂ©o

Lully Ă  Versailles 1 : Lulli avant Lully

lully_portrait_mignard_lebrunUn lieu, un musicien … Lully Ă  Versailles 1 : Lulli avant Lully    .…    Rien ne laisse prĂ©sager la fulgurante ascension du florentin Giovanni Battista Lulli au moment de son arrivĂ©e Ă  Paris en 1646. Le jeune violoniste n’a que 14 ans. Sa prĂ©sence souligne la place des italiens Ă  la Cour de France. Elle est conforme au goĂ»t du cardinal mazarin qui rĂ©vèle alors l’art italien. RamenĂ© de Florence par le Chevalier de Guise, le petti Lulli est ” garçon de chambre ” auprès de la Grande mademoiselle, duchesse de Montpensier, qui aime converser en italien. BientĂ´t Lulli devient ” grand baladin ” de la duchesse. Pendant la Fronde, la princesse ralliĂ©e Ă  CondĂ© depuis 1651, dirige les canons de la Bastille contre les troupes royales.  Le Roi punit l’insolence des Grands et La Montpensier est exilĂ©e Ă  Saint-Fargeau. Lulli quitte le navire condamnĂ©.  Il paraĂ®t dĂ©jĂ  dans l’entourage de Mazarin, de retour Ă  Paris en fĂ©vrier 1653, Ă  24 ans.  L’affirmation du raffinement accompagne le rĂ©tablissement de l’ordre monarchique, de la Reine Anne d’Autriche, du Cardinal et du jeune Louis XIV.

 

Le Florentin, maître des ballets de cour

 

Lulli est propulsĂ©. Ses talents pour la danse sĂ©duisent un autre danseur passionnĂ©, le jeune monarque. Tous deux figurent, cĂ´te Ă  cĂ´te, dans le ballet royal de la nuict, le 23 fĂ©vrier 1653 oĂą Louis paraĂ®t dĂ©jĂ  en Soleil Ă©blouissant, vainqueur des frondeurs et de la guerre civile. Après le Chaos, place au retour Ă  l’harmonie des planètes dont le centre est le roi.  La faveur royale se prĂ©cise. Lulli succède Ă  Lazzarini au poste de “compositeur pour la musique instrumentale”.  Il rejoint les Vingt-Quatre Violons du Roi mais il obtient du Souvrain de fonder son propre orchestre, Les Petits Violons ou La Petite Bande.

MazarinDe 1654 Ă  1666, Lulli dirige son propre orchestre dont la renommĂ©e, associĂ©e Ă  la nouvelle gloire de Louis XIV et de la France repacifiĂ©e, gagne toute l’Europe. L’annĂ©e 1654 est emblĂ©matique de son activitĂ© : Ă  25 ans, c’est un compositeur chorĂ©graphe hyperactif ; il livre le ballet des proverbes en fĂ©vrier ; Les Noces de PellĂ©e et de ThĂ©tis en avril ; le Ballet du temps en novembre, permettant Ă  la Cour de France de rĂ©aliser sa passion historique pour la danse et le ballet de cour.
De 1653 Ă  1655, le Baladin met en musique les vers du poète Benserade. Pour Louis XIV, Lulli est un compagnon de jeu et l’ordonnateur de ses plaisirs. Jeunesse de prince, source de belle fortune Ă©crit La Bruyère. DĂ©sormais la carrière du Florentin est liĂ©e Ă  l’ascension du Roi.

 

 

Surintendant et compositeur de la Chambre : Lulli devient Lully

 

Louis XIV SoleilLa place du musicien grandit. L’Ĺ“uvre de Mazarin a portĂ© ses fruits. Le cardinal est très amateur de musique. Avant Paris, il a participĂ© Ă  Rome, Ă  l’Ă©closion de l’opĂ©ra romain en organisant plusieurs spectacles de musique pour son protecteur, le cardinal Antonio Barberini.  Mazarin entend importer le luxe italien Ă  Paris. Par sa volontĂ©, l’Italie s’implante en France. La prĂ©sence de Lulli s’inscrit dans ce courant du goĂ»t officiel. Dès 1645, le cardinal commande Ă  Paris, La Finta Pazza de Sacrati. La magie de la musique italienne et les dĂ©cors du magicien Torelli, captivent l’auditoire. L’Orfeo de Luigi Rossi renouvelle l’expĂ©rience l’annĂ©e suivante (1646)… quand Lulli arrive Ă  Paris.  Le faste des productions contribue Ă  l’impopularitĂ© de Mazarin. Les mazarinades, pamphlets contre le politique, citent la trop riche dĂ©pense du ” grand faiseur de machines “.  En dĂ©finitive, Lulli rĂ©alise le projet de Mazarin mais après la mort du cardinal.

Louis XIV jeuneTrès vite, le compositeur oeuvre pour sa position. Ses ballets intĂ©grĂ©s aux opĂ©ras du vĂ©nitien Francesco Cavalli assurent sa rĂ©ussite. L’Ă©lève de Monteverdi Ă  Venise est le grand invitĂ© de la Cour de France : il est sollicitĂ© pour y dĂ©velopper l’opĂ©ra italien. C’est d’abord Serse, reprĂ©sentĂ© Ă  la demande de Mazarin, devant la Cour, pour le mariage de Louis XIV, au Louvre, le 22 novembre 1660. Les danses de Lulli se dĂ©tachent et l’imposent comme un compositeur français. Verve, tempĂ©rament scĂ©nique, intelligence des situations confirment le talent du musicien que le Roi nomme en mai 1661 : ” Surintendant et compositeur de la Chambre “.  Le compositeur s’Ă©lève Ă  mesure que le danseur s’efface. En dĂ©cembre 1661, Lulli obtient ses lettres de naturalisation. Il Ă©pouse le 24 fĂ©vrier 1662 Ă  Saint-Eustache, Madeleine Lambert, fille de Michel Lambert, compositeur, et maĂ®tre de musique de la Chambre, cĂ©lèbre auteur d’airs de cour.
Ainsi au dĂ©but des annĂ©es 1660, lorsque, après la mort de Mazarin (1661), le jeune Louis XIV prend le pouvoir, l’ambition du musicien se dessine : Lulli meurt tout Ă  fait afin que naisse Lully.

 

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Illustrations : le cardinal Mazarin et ses collections d’antiques Ă  Paris, Le jeune Louis XIV en Soleil dans le Ballet de la nuict de 1653 … Louis XIV jeune. Versailles en 1668 (Pierre Patel).

CD. Lully : Phaéton, 1683 (Rousset, 2012)

CD. Lully: PhaĂ©ton, 1683 (Rousset, 2012) …  Poursuite du cycle des opĂ©ras (rares) de Lully par Les Talens Lyriques et Christophe Rousset. Les plus connaisseurs regretterons ici une baguette des plus tendues, sèche, râpeuse, ascĂ©tique sans guère d’abandon tendre ni de nostalgie subtile (n’est pas William Christie qui veut, dĂ©sormais indĂ©passable chez Lully comme chez Rameau) ; les plus ouverts et curieux, trouverons ce nouvel album comme le prĂ©cĂ©dent (BellĂ©rophon, Ă©galement Ă©ditĂ© par ApartĂ©) d’une Ă©vidente cohĂ©rence musicale, digne du plus efficace des ouvrages de Lully et Quinault.

 

 

PhaĂ©ton dĂ©sĂ©quilibrĂ© …

 

lully_phaeton_rousset_cd_aparteLe sujet en lui-mĂŞme est d’une modernitĂ© exceptionnelle : le fils du Soleil, aimĂ© par son père, veut afficher fièrement et orgueilleusement sa divine origine au risque de mettre en pĂ©ril l’Ă©quilibre du monde : dirigeant le char d’Apollon, l’orgueilleux incompĂ©tent Ă©choue Ă  conduire les cĂ©lestes chevaux : il est illico foudroyĂ© par Jupiter.Le message est clair pour l’ensemble du royaume et Ă  l’attention des courtisans muselĂ©s tentĂ©s par une audace hasardeuse. Le roi tranchera dans le vif toute vellĂ©itĂ© d’orgueil. Dramatiquement les auteurs cisèlent une action resserrĂ©e ; ils ajoutent une intrigue amoureuse assez lĂ©gère mais utile en ce quelle embrase la souffrance et le ressentiment des caractères.
Lybie, future reine d’Egypte, qui aime Epaphus, se voit obligĂ©e d’Ă©pouser PhaĂ©ton. Celui-ci n’est que politique et d’un coeur plutĂ´t insensible (il reste muet et distant vis Ă  vis de celle qui l’aime, ThĂ©one). En vĂ©ritĂ©, PhaĂ©ton est un jeune arrogant ambitieux qui n’aspire qu’Ă  assoir sa fausse grandeur, en particulier vis Ă  vis du fils d’Isis, Epaphus.
Lully, angle rare dans un opĂ©ra politique, aime Ă  exprimer ce lien du fils PhaĂ©ton Ă  sa mère (Clymène, très attentionnĂ©e pour sa progĂ©niture) et Ă  son père : quand paraĂ®t Apollon, ĂŞtre sensible et pathĂ©tique, plutĂ´t qu’astre hĂ©roĂŻque et solennel ; cet aspect du dieu solaire est le point le plus attachant de l’ouvrage.Rousset rĂ©unit un plateau de chanteurs, finalement  …  dĂ©sĂ©quilibrĂ© voire peu convaincant. C’est le risque des prises uniques, la reprĂ©sentation et son enregistrement sur le vif Ă  Paris ce 25 octobre 2012 n’ont pas rĂ©ussi Ă  tout le monde. Écartons d’emblĂ©e, trop faillible sur le plan du style comme de la musicalitĂ© (et de la justesse), la ThĂ©one d’Isabelle Druet (rien Ă  faire : le timbre est Ă©troit, la justesse peu assurĂ©e… faute de prĂ©paration ou d’approfondissement rĂ©el du rĂ´le, les dĂ©rapages sont trop nombreux) ; dans le rĂ´le-titre, Emiliano Gonzalez Toro manque de vision sur son personnage (pourtant dramatiquement passionnant) : maniĂ©risme et affectation polluent un chant qui devrait sonner naturel et souple ; mĂŞme constat hĂ©las pour Andrew Foster-Williams, – bien que mieux chantant : son jeu confond engagement et … burlesque : il est fait trop pour le rival de PhaĂ©ton ; son Epaphus ressemble plus Ă  un rĂ´le bouffon qu’Ă  l’amant de Lybie, grave et impuissant, ĂŞtre terrassĂ© par le jeu politique et qui doit subir la vanitĂ© de son ennemi.

Heureusement, tout n’est pas perdu, loin s’en faut : en Apollon tendre et humain voire dĂ©chaĂ®nĂ© pour sauver son fils outragĂ© (Epaphus a contestĂ© son origine divine), Cyril Auvity tire la couverture vers lui : assurance vocale inouĂŻe, verbe tapageur et ciselĂ© ; sa prestance et son caractère sont indiscutables. La Bergère de Virginie Thomas Ă©blouit subitement la scène par sa diction fluide et sans effet, mais c’est surtout l’exceptionnel ChĹ“ur de chambre de Namur qui rĂ©tablit pas son articulation souveraine, la place centrale du chant, avec une rĂ©affirmation soudaine d’un style plus humain, coulant, sanguin… parfois assĂ©chĂ© voire atrophiĂ© par la baguette nerveuse du chef.PhaĂ©ton est un sommet de l’inspiration de Lully (1683), l’un de ses ultimes opĂ©ras. Saluons l’initiative du label ApartĂ© de nous le rĂ©vĂ©ler dans sa fureur et son âpretĂ© premières ; dans sa continuitĂ© souvent fulgurante : c’est l’un des opĂ©ras les plus courts du Surintendant.
D’autant que le double coffret est d’un soin Ă©ditorial manifeste, dĂ©fendant de la meilleure façon une oeuvre mĂ©connue Ă  torts : notice argumentĂ©e, livret intĂ©gral.
Si l’on regrette l’insuffisance du plateau vocal, la production laisse nĂ©anmoins envisager ce qui a fait le triomphe de l’ouvrage sous Louis XIV : sa grande sĂ©duction musicale, sa prosodie habitĂ©e et expressive, ses situations contrastĂ©es au très fort potentiel spectaculaire (les mĂ©tamorphoses de ProtĂ©e Ă  la fin du I ; le tableau des heures et des saisons au dĂ©but du IV… et Ă©videmment la chute du char du soleil au moment oĂą Jupiter foudroie l’orgueilleux fils d’Apollon …). A Ă©couter de toute Ă©vidence.Lully : PhaĂ©ton, 1683. Cyril Auvity, Virginie Thomas… Les Talens Lyriques. Christophe Rousset. 2 cd ApartĂ©. Enregistrement rĂ©alisĂ© en octobre 2012.