dimanche 9 février 2025

CD, événement. Compte rendu critique. Georg Philipp Telemann (1681-1767) : Le théâtre musical de Telemann. Les Masques. Olivier Fortin, direction (1 cd Alpha)

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CD, événement. Compte rendu critique. Georg Philipp Telemann (1681-1767) : Le théâtre musical de Telemann. Les Masques. Olivier Fortin, direction (1 cd Alpha). En préambule à l’année Telemann (LIRE notre dossier spécial Telemann : 2017, 250 ans de la mort de Telemann), voici un excellent disque qui révèle le raffinement dramatique du compositeur baroque, et simultanément le geste toute sensualité, souplesse, élégance de superbe instrumentistes sur boyaux d’époque, l’Ensemble Masques, réunis autour du claveciniste Olivier Fortin. Rien ne laisse supposer cette peinture flamboyante des passions de l’âme qui s’offre à nous ici, dans une intensité réfléchie, juste, filigranée, d’une fulgurante d’intonation… réellement éblouissante : le son des Masques est remarquable de grâce naturelle, d’expressivité nuancé, de pudeur onirique. Le verre de mousseux, les scones tranchés qui paraissent sur la couverture de ce disque exceptionnel (Nature morte du XVIIè… français ou hollandais? voire flamand car ce verre pourrait bien-être de bière?), traduisent par leur austérité savante, et a contrario de la sévérité générale de la peinture, les splendeurs orfèvrées d’un collectif qui maîtrise admirablement l’art de la conversation instrumentale, où les seules cordes sollicitées produisent des effets saisissants.
Le « théâtre musical » de Georg Philipp Telemann (1681-1767) dont il est question ici n’aurait pu qu’être qu’un pâle miroir d’une inventivité unique à son époque, à l’égal d’un JS Bach ou d’un Handel. Uniquement pour instruments à cordes, on regrettait avant l’écoute, une palette réduite en accents et en nuances, sans le concours et la couleur des bois et des vents. Rien de tel ici tant l’articulation et l’éloquence des cordes savent se renouveler pour chaque séquence : les 6 instrumentistes renouent avec la volubilité des consorts historiques qui font parler leurs instruments. Dans l’Ouverture TWV 55:A1, l’onctuosité du collectif se révèle irrésistible. La Gaillarde redouble de rusticité languissante ; la Sarabande, elle, s’alanguit totalement, en caresses extatiques, et abandon nostalgique. Ce degré de nuances subtiles révèle la richesse agogique de premier plan de la part des esprits musiciens ici réunis. Le voici ce génial Telemann, véritable phare et prophète, esprit encyclopédique et penseur universel doué de synthèse érudite comme de fantaisie expressive illimitée. Le génie de Hambourg est un poète musicien qui démontre ici une capacité de séduction inépuisable qui s’appuie aussi sur l’éloquence virtuose et intérieure des instrumentistes. Tous sans exception abordent chaque tableau avec une intensité nuancée réjouissante, alliant opulence du son, finesse de traits, souffle enchanteur, exceptionnel sens de l’écoute…

 

 

 

Les Masques et Olivier Fortin éblouissent en révélant le génie dramatique de Telemann

OPERA MUSICAL à 6 voix concertantes…

 

 

olivier fortin 2d9ab9_a17f0e86e6d44fd69b8d34325c5f6d3eL’ouverture « Les Nations » TWV 55:B5 porte un titre qui laisse deviner l’ambition dramatique requise : l’ouverture a la noblesse française, – comme le menuet qui suit ; les turcs provoquent, pleins d’allant conquérant et de frénésie (guerrière?) ; ils ont du panache à revendre ; les Suisses cultivent une élégance retenue, non moins nerveuse ; les Moscovites s’expriment par traits gutturaux, et graves sur une basse obstinée qui rappelle Frère Jacques… – soit un bourdon de 3 notes répétées à l’envi ; les Portugais ont la morgue des grands conquérants ; et si les Boiteux s’essoufflent, les Coureurs qui leur succèdent, redoublent de vélocité trépignante. Allant plus loin que son confrère Couperin, au delà du Danube, vers ce grand Est quasi exotique, Telemann montre combien sa langue musicale est polyglotte.
La palette des affects ciselés par Les Masques demeure de bout en bout, d’une précision expressive superlative. Ce grand bain de typologie européenne (où manquent les principaux caractères des nations policées : italiens, Français – pourtant présents dans l’ouverture comme on l’a précisé, et aussi dans le menuet-, Espagnols….) offre des défis de caractérisation que les interprètes affrontent sans faiblesse ni mièvrerie. L’élégance mesurée, handélienne du Concerto Polonais (/Poloniosy) qui suit, dévoile davantage la maîtrise des musiciens.
les masques olivier fortin telemann sublime cd theatre musical cd review critique compter endu classiquenews annee telemann 2017 classiquenews 2d9ab9_1b6113ee4b214d76a2149a4bb8536301.jpg_srz_920_523_85_22_0.50_1.20_0.00_jpg_srzLe plat de résistance de ce programme au titre dramatique reste l’ouverture et la Suite extraites de l’opéra Don Quichotte / » Burlesque de Don Quixote » (TWV 55:G10) : l’Ouverture fait entendre une qualité rarement aussi bien défendue en musique, la volubilité ; l’écriture de Telemann y atteint une souplesse aérienne qui s’écoule comme une onde rafraîchissante ou une nuée emperlée, – chacun selon sa sensibilité, mais le sens des phrasés, le rubato, le style et la respiration qu’y versent Les Masques, s’avèrent particulièrement convaincants. Dans ce cycle qui concentre les meilleurs épisodes du héros sublime et délirant, d’une vanité dérisoire et poétique, le jeu collectif admirablement équilibré, redouble d’inspiration, alliant pittoresque et profondeur ; la virtuosité s’associe ici à l’intériorité d’où émerge une profonde et vivace sincérité. Le réveil enivré de Quichotte, l’attaque des moulins, énoncée en une finesse trépidante ; les soupirs langoureux pour Dulcinée ; le grotesque de Sanche ; le « Galope de Rosinante », auquel répond ensuite le hi-han de l’âne de Sanche…; enfin le « couché » du chevalier magnifique… sont autant d’épisodes qui touchent autant par leur liberté poétique, leur vérité immédiate, et aussi, ce que nous apprécions avant tout, cette finesse allusive, pudique et repliée dans l’intimité la plus intense. Musique de chambre, musique de l’âme sans épanchements mais tout en nuances… Les Masques démontrent une maestria irrésistible. Telemann n’a rien de convenu ni de démonstratif et creux. Il exprime l’essence. Les Masques l’ont bien compris qui en transmettent la sève la mieux inspirée. Leur instrument respectif chante et parle la langue du sentiment le plus juste. Il faut désormais compter avec ses maîtres musicens : les Masques, retenez bien ce nom, promesse d’accomplissements inouïs. Sublime. CLIC de CLASSIQUENEWS de novembre 2016.

 

 

 

CLIC_macaron_2014CD, événement. Compter end critique. Georg Philipp Telemann (1681-1767) : Ouvertures, Concerto polonais, Suite Don quichotte. Les Masques. Olivier Fortin, direction (1 cd Alpha 256). CLIC de CLASSIQUENEWS de novembre 2016. Enregistré à Suin (France) en juin 2016. L’agenda de l’ensemble Les Masques précise que les 6 musiciens jouent le programme de leur disque Le théâtre musical de Telemann en Pologne, début novembre 2016. CONSULTER le site des Masques / Olivier Fortin (pages concerts)
Et si l’un des membres des Masques pouvait nous préciser l’auteur et l’époque de la peinture qui sert de couverture pour ce disque exceptionnel, la Rédaction de classiquenews reste impatiente de connaître la réponse… à cette adresse : [email protected]

 

 

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