vendredi 19 avril 2024

Richard Wagner: Tristan und Isolde, 1865

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Richard Wagner
Tristan und Isolde
, 1865

L’opéra de Wagner évoque la souffrance de son auteur qui dans sa vie personnelle ne trouve pas de satisfaction profonde. Chez l’auteur du Vaisseau Fantôme, de Lohengrin et de Tannhäuser, tout désir ne peut se réaliser que dans un embrasement radical qui échauffe toutes les ressources de l’être. L’exaltation du sentiment emporte raison, recul, pondération. La vie de Richard Wagner est une exacerbation sensorielle, assumée et cultivée comme telle. Son mode, est la passion. Au demeurant, la partition de Tristan ne serait-elle pas, la sublimation idéalisée et esthétique d’une libido déchaînée et même vorace qui a connu voire collectionné une riche palette de victimes consentantes : proies ancillaires, compagnes illégitimes…

Zürich, 1857
En 1857, Wagner, à Zürich, est l’hôte des Wesendonck. Le musicien qui a trouvé auprès de ses nouveaux amis, des admirateurs zélés et réceptifs, tombe bientôt amoureux de la belle Mathilde, l’épouse de son « protecteur » bienveillant. Dans l’enthousiasme de son désir croissant, le compositeur dédie le futur livret de son opéra, Tristan und Isolde, à Mathilde. Mais l’épouse légitime, Minna, intercepte la déclaration écrite de Wagner adressée à l’aimée. Le scandale se précise : cris, déchaînements, impuissance, menaces de divorce ! Déprimé, parce que Mathilde se rétracte, Wagner fuit à Venise, pour y terminer la partition de Tristan. Les eaux de Venise se font miroir de sa langueur amoureuse. A l’époque où Flaubert conçoit Madame Bovary (1857), portrait clinique d’une romance provinciale, brossée sans complaisance, avec cette acuité cynique et réaliste de l’auteur d’Un Cœur Simple, Wagner a contrario, fixe à jamais, les effluves irrésolus d’un amour maudit, irrésistible par son aimantation, irréalisable cependant dans sa manifestation. Tristan meurt d’amour, Isolde ne cesse de chanter les effets d’une fusion toujours remise.

Eaux de Venise, plaie de Tristan
Comme plus tard Amfortas dans Parsifal, dont la plaie coule sans interruption, les blessures de Tristan demeurent à vif : le sang de l’amour quitte le corps malade qui n’en finit pas de s’épuiser. Wagner a écrit la plainte du héros en écoutant le chant d’un gondolier à Venise. Les eaux de Venise portent finalement le deuil des amants. La ville inondée lui inspire la ligne nostalgique et profonde, énigmatique du chalumeau au début de l’acte III. Atroce solitude, irrépressible agonie, chant gémissant sur des eaux létales. C’est à Venise que Wagner meurt, son corps transporté en gondole (1883). Liszt se souviendra d’une image saisissante, liant définitivement la ville du Titien et de Monteverdi au spectacle grandiose et solennel du dernier séjour de Wagner, dans Funèbre Gondole. Désormais, les eaux de Venise ne peuvent être que létales et fascinantes.
Comme un miroir liquide, la partition de Tristan n’en finit pas de fasciner par sa surface liquide, en ses reflets vacillants, fixant à jamais, en un accord jamais résolu, la forme évanescente d’une partition devenue le manifeste du romantisme germanique.

Illustration: les gondoles de Venise (DR)

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