vendredi 19 avril 2024

Claude Debussy: Pelléas et Mélisande, 1902

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Claude debussy
Pelléas et Mélisande
, 1902

Hors du temps, comme sous l’emprise d’un envoûtement qui annihile toute réalité historique, Pelléas ne cesse de nous fasciner pa son caractère onirique.

L’étranger et l’intime
Pelléas n’est-il pas en définitive cet opéra de l’étranger et de l’intime ? Par étranger, il faudrait entendre l’inédit, ce qui n’a jamais été entendu, ni dévoilé. Si selon Debussy la musique est faite pour exprimer l’inexprimable, Pelléas ouvre de nouvelles failles où s’écoulent des résonances jamais entendues, du moins l’auteur s’autorise-t-il néanmoins quelques concessions à Wagner dont les réminiscences lui ont en particulier permis d’achever les musiques intercalaires (pour les changements de scènes) de l’acte III. Au-delà des formes manifestes, sous la surface d’une activité multiple, se love un mystère continu, tenu caché, imperceptible, présent mais dont la porte demeure dérobée. Mélisande incarne ce qui est gardé secret, voire inexprimable : la musique pour sa part, ne cesse d’exprimer cette activité permanente qui chante toujours toujours sans jamais dire. Or l’orchestre semble exalter cette épaisseur du non-dit. Déjà, les spectateurs de la création parisienne (1902) furent décontenancés en écoutant le français de Maeterlinck reformulé par la soprano anglaise Mary Garden dont l’accent soulignait le caractère étranger de la pièce lyrique.
Quant à l’intime, l’opéra tout entier plonge au cœur du moi déprimé de l’héroïne dont l’âme mélancolique ne cesse de dire et redire encore et encore sa langueur insatisfaite. Mélisande a perdu le sens profond des choses, cet éros tendu qui soutient l’élan vital des individus. En Mélisande, l’être profond a été brisé, définitivement. C’est une âme désenchantée qui a perdu toute idée de désir. Elle se languit, inconsciente, fuyant sans cesse, perdue sans attache dans Allemonde, ce pays qui se délite et s’effondre lentement. Comme sa couronne jetée au fond de l’eau, comme l’anneau de même, dissimulé au fond du puits, tout aspire à être enseveli. Autour d’elle, ni la puissance virile et violente de Golaud, ni le sentiment amoureux et tendre de Pelléas ne savent comprendre l’héroïne et l’enraciner dans une nouvelle histoire.

Chant solitaire d’un moi déprimé
Aucun des hommes ne peut réenchanter la sensibilité pourtant active de Mélisande. En elle, tout tend à s’éteindre et à s’évanouir. Finalement, Pelléas et Mélisande raconte un amour impossible, dans une réalité vacillante qui est condamnée à décliner jusqu’à mourir. Grand admirateur de Wagner (Tristan et Parsifal), Debussy construit son unique opéra comme l’aurait fait à son époque, l’auteur du Ring : en Pelléas et Mélisande, s’écoule ce même poison mortifère qui entraîne jusqu’à la mort, les protagonistes aimantés par la fascination de leur propre langueur. Mais différence importante : si Tristan et Isolde savent dialoguer et se comprendre en une fusion magistrale, Ni Mélisande ni Pelléas ne savent ce qu’ils disent ni ne comprennent ce qu’ils entendent.

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