PARIS, Musée d’Orsay, DEGAS à l’Opéra : 24 sept 2019-19 janv 2020. Quand il peint les danseuses, Edgar Degas invente un nouveau langage pictural et dénonce la prédation sexuelle en coulisses dont sont victimes les jeunes danseuses si mal payées et « chapotées » par leurs mères maquerelles… Réformateur plasticien et sociologue affûté, DEGAS peint et analyse. Degas aime les plans originaux, décalés, hors scène frontale, dans les coulisses et en dehors de la représentation elle-même ; c’est pourquoi, ses vues dévoilent ce qui n’est pas connu ni officialisé : l’arrière de la scène, le foyer, les répétitions,… tout un monde non convenu, jamais attendu dont la liberté se lit dans les poses inédites. Il peint des corps désarticulés, et comme mécanisés, c’est à dire déshumanisés, mais dont la ligne est saisissante. A l’Opéra, aux côtés des danseuses et de leur travail fastidieux au Foyer, en répétition, Degas, le peintre solitaire qui a un œil comme personne, analyse aussi l’orchestre dans la fosse du Palais Garnier : il focuse sur le bassoniste, pénètre dans l’orchestre par les bois et l’harmonie. Les cadrages sont toujours aussi captivants car originaux et jamais vus avant lui : l’influence de la photographie est évidente. L’oeil moderne et analyste de Degas observe avec une acuité saisissante le milieu instrumental de l’Opéra de Paris…
Présentation de l’exposition par le Musée d’Orsay :
« Sur toute sa carrière, de ses débuts dans les années 1860 jusqu’à ses oeuvres ultimes au-delà de 1900, Degas a fait de l’Opéra le point central de ses travaux, sa « chambre à lui ». Il en explore les divers espaces – salle et scène, loges, foyer, salle de danse -, s’attache à ceux qui les peuplent, danseuses, chanteurs, musiciens de l’orchestre, spectateurs, abonnés en habit noir hantant les coulisses. Cet univers clos est un microcosme aux infinies possibilités ; il permet toutes les expérimentations : multiplicité des points de vue, contraste des éclairages, étude du mouvement et de la vérité du geste.
Aucune exposition jusqu’ici n’a envisagé l’Opéra globalement, étudiant tout à la fois le lien passionné que Degas avait avec cette maison, ses goûts musicaux, mais aussi les infinies ressources de cette merveilleuse « boîte à outils ». À travers l’œuvre/ l’œil du peintre Degas, l’exposition présenté à la rentrée 2019 au Musée d’Orsay, offre un superbe portrait de l’Opéra de Paris au XIXe siècle.
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PARIS, exposition « DEGAS à l’Opéra », musée d’Orsay : 24 septembre 2019 – 19 janvier 2020
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Commissaire général
Henri Loyrette
Commissaires
Leïla Jarbouai, conservatrice arts graphiques au musée d’Orsay, Marine Kisiel, conservatrice peintures au musée d’Orsay et Kimberly Jones, conservateur des peintures françaises du XIXe siècle à la National Gallery of Art de Washington
Exposition organisée par les musées d’Orsay et de l’Orangerie, Paris et la National Gallery of Art, Washington où elle est programmée du 1er mars au 5 juillet 2020, et donc à Paris, à l’occasion du trois cent cinquantième anniversaire de l’Opéra de Paris.
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AGENDA CONCERT
Concert de l’Orchestre national de l’Opéra national de Paris sous la direction de Philippe Jordan
Paris, Musée d’Orsay / Grand Nef du musée – 9 déc. 2019 à 20h
CLÉS DE COMPRÉHENSION :
DEGAS à l’opéra : l’œil explore et invente du neuf…
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Pendant toute la carrière, des années 1860 jusqu’au-delà de 1900, Degas a fait de l’Opéra le point central de ses travaux, sa « chambre à lui ». Un laboratoire où il puise autant de motifs linéaires, des profils, des silhouettes, des formes à fixer ; que des sensations au carrefour des disciplines. L’opéra, théâtre total, à l’époque de Wagner, Verdi, Gounod, Massenet, compose un réservoir pour celui qui a révolutionné la peinture en la menant vers le cinéma et la photo. Degas y expérimente la multiplicité des points de vue, des cadrages audacieux (perspectives contournées, vues plongeantes : di sotto insu), le contraste des éclairages, les effets inédits de la couleur et du trait, l’étude à la fois analytique et synthétique du mouvement et de la vérité du geste. C’est aussi à travers la ligne et la trace du pinceau, des crayons, l’acuité d’un regard qui pense : l’opéra est un lieu de spectacle et comme chez Balzac, l’endroit des situations et des relations humaines, inouïes, à la fois scandaleuses et fascinantes.
Psychologique, psychiatre même, Degas décrypte les apparences en une vision balzacienne : il réalise entre 1876 et 1877, la série sur le thème du Maître de ballet, puis son premier monotype, La petite Danseuse de 14 ans, de 1881, qui deviendra une statue, aussi réaliste que scandaleuse.
Ballet et Grand opéra français contre le wagnérisme
Alors en Louisiane, Degas se plaint de ne pas aller à l’opéra dont le manque le fait souffrir. Depuis la rétrospective de 1988, voici une rétrospective attendue qui précise le regard du plasticien sur l’opéra et le milieu lyrique, mais aussi ses goûts : admiration du grand opéra français, et détestation de Wagner. Degas côtoie les directeurs successifs de la Maison parisienne; il se lit avec les compositeurs Auber, Reyer, Chaussson, le corps de ballet (Mesdemoiselles Salle, Sanlaville, Van Goethem, Chabot, Biot, Mauri…), les chanteurs Jean-Baptiste Faure, Rosa Caron…, les abonnés du cercle Halévy.
Le thème des groupes qui s’affrontent, image du ballet naît dès Petites filles spartiates provoquant les garçons à la lutte (1860, Londres Nal Gallery) ; puis c’est le portrait déjà exposé en 1988 à Paris, Eugénie Fiocre dans le Ballet de la Source (1868, Brooklyn Museum, NY) ; enfin, comme une apothéose de milliers d’heures d’observation, L’orchestre de l’Opéra de Paris (Musée d’Orsay, Paris, vers 1870)… qui est aussi la revendication du génie musical français contre le germanisme envahissant.
Salle et scène, loges, foyer, salle de danse, danseuses (les fameuses « belles grappes de bras et de jambes »), chanteurs, musiciens de l’orchestre, spectateurs, abonnés en habit noir hantant les coulisses peuplent des scènes peintes ou façonnées au pastel. Au moment du 350è anniversaire de l’Opéra de Paris, voici le portrait et la visite de l’institution par un guide original et passionnant dont le goût musical se précise à mesure : Edgar Degas.
Portrait d’Eugènie Fiocre / Ballet La Source (© DR NY Brooklyn Museum)