Paris, Opéra-Comique. La Chauve Souris : 21 décembre > 1er janvier 2015. Johann Strauss fils, roi de la valse à Vienne, est aussi un génie de l’opérette. Pour preuve le raffinement délirant jamais démenti de son joyau lyrique, La Chauve Souris… Elle avance masquée, reste insaisissable et symbolise la folie raffinée d’une nuit d’effervescence absolue offrant aux chanteurs des rôles déjantés travestis, à l’orchestre grâce à l’inspiration superlative de Johann Strauss fils, une texture instrumentale ciselée, qui incarne depuis la création de l’oeuvre en 1874, le sommet de la culture viennoise associant valses envoûtantes hypnotiques et dramaturgie cocasse, drolatique, délirante. Ainsi à l’époque où Paris découvre les impressionnistes (exposition au salon de 1874), Vienne s’abandonne dans l’ivresse d’une musique flamboyante et d’un théâtre déjanté qui peut aussi se comprendre comme le miroir de sa propose vanité, comme une satire mordante autant qu’élégante de la société puritaine, hypocrite, hiérarchisée. C’est l’époque de l’empire vacillant celui qui après le choc de 1870 qui voit émerger la Prusse conquérante, va bientôt être entraîné avec la fin de la première guerre en 1918.
Les choeurs virtuoses, la magie mélodique et le raffinement de l’orchestration qui synthétise le meilleur Strauss, sans omettre la délicatesse de l’intrigue qui revisite les standards des comédies de boulevards mais sur un mode léger et infiniment subtil comme les grands airs isolés (celui de la comtesse hongroise chantant dans Heimat un grand solo nostalgique d’une irrésistible sensibilité pendant la fête chez Orlofski au II)…. sont autant de qualités complémentaires d’un spectacle d’une profondeur poétique rare et d’une expressivité palpitante pour peu que le chef et les chanteurs réunis dont la fameuse invitée surprise (gala dans l’opéra) aient à coeur d’en ciseler toutes les facettes, hors de la caricature.
Fortement pénétré par l’esprit de la fin comme déjà conscient de la chute des valeurs impériales, l’ouvrage enchante autant par ses formidables audaces dramatiques que le raffinement d’une partition parmi les plus bouleversantes qui soient. Sous le masque de la comédie et de la farce, le ton est bien celui d’une parodie de la vie sociale où en une nuit de travestissement et d’ivresse, les véritables sentiments se révèlent. Les masques, les identités croisées, usurpées symbolisent la crise et le délitement d’une société malade. Rares les mise en scène capables de jouer sur les deux tableaux: la sincérité, l’élégance mais aussi la verve et l’intelligence parodique. Qu’en sera-t-il à l’Opéra-Comique où la production annoncée sera chantée en français sous la direction de Marc Minkowski ? On sait la facilité du chef pour grossir le trait voire épaissir la caricature… l’élégance comme la subtilité straussiennes survivront-elles à cette adaptation gauloise ? Réponse à partir du 21 décembre 2014 sur la scène de l’Opéra Comique, salle Favart à Paris.
Johann Strauss II
Die fledermaus, La Chauve Souris
Opérette viennoise en 3 actes, livret de Richard Genée
Création à Vienne, Theater an der Wien, le 5 avril 1874
Direction musicale, Marc Minkowski
Mise en scène, Ivan Alexandre
Avec Stéphane Degout, Chiara Skerath, Sabine Devieilhe, Frédéric Antoun, Florian Sempey, Franck Leguérinel, Kangmin Justin Kim, Christophe Mortagne, Jodie Devos, Atmen Kelif, Delphine Beaulieu
Orchestre et chœur, Musiciens du Louvre Grenoble
Réservez vos places sur le site de l’Opéra-Comique, Paris
Offre spéciale pour la journée du 25 décembre 2014 : fêtez Noël en assistant à la Chauve Souris de Johann Strauss, version française